La question ne se pose pas seulement à ceux qui arrêtent leurs études au brevet, car il n'y a pas de réelle différence par rapport à ceux qui arrêtent au baccalauréat, ou à la licence, ou au master, où à la thèse, par exemple. La question est la même pour tous, et pour tous les métiers. D'ailleurs, dans mon énumération précédente, je me suis arrêté à la thèse, mais il faut évidemment poursuivre avec l'activité professionnelle : bien sûr, on peut exercer un métier et vouloir l'exercer toujours de la même façon, mais je ne parviens pas à penser que, dans nombre de cas, cela soit assez amusant pour qu'on y passe une vie. Certes on peut vouloir s'améliorer progressivement, tel le tailleur de pierre qui devient progressivement mieux capable de doser le coup de maillet, tel le peintre qui maîtrise de mieux en mieux la peinture...
Mais même ces métiers où l'habileté nécessite un entraînement constant ne peuvent échapper à un mouvement de transformation. Par exemple, le peintre ne broie plus ses couleurs, et les produits qu'il achète évoluent... sans compter des évolutions indispensables : le blanc de céruse, épouvantablement toxique, a été heureusement remplacé, interdit, et un peintre qui voudrait l'utiliser ne le pourrait plus et ne le devrais pas. Un tailleur de pierre ? Dans la mesure où il travaille en communauté, il est comme un laborantin qui expose les autres à ses propres actions, de sorte qu'il a une responsabilité : ne pas dégager des poussières comme jadis, à ne pas mettre en danger ses collègues par des pratiques ancestrales...
Bref, il y a donc la nécessité de connaître les transformations du monde, et c'est cela a minima, la formation continue.
Je sais, d'autre part, qu'il existe des personnes qui font leur travail, et cela seulement ; oui, des personnes qui travaillent, qui s'arrêtent à la fin de la journée et reprennent leur travail à l'identique le lendemain... mais que font-ils de cette citation de Brillat-Savarin "L'âme, cause toujours active de perfectibilité" ? Je ne parviens pas à penser que je puisse admirer les individus routiniers, et je préfère consacrer ce billet à la question méthodologique de la formation continuée : comment faire cette formation ?
Et là , je m'émerveille qu'au 21e siècle, le partage de l'information ne permette plus à des "castes" de préserver leur secret. Cette question des secrets techniques n'est pas ancienne, puisque Joseph Favre, auteur du Dictionnaire universel de cuisine, au 19e siècle, reçut des menaces de ses collègues parce qu'il donnait aux "ménagères" la possibilité d'évaluer le travail de leur cuisinier et d'éviter la valse de lance du panier. Il donnait de la connaissance, alors qu'une caste voulait protéger ses secrets.
Et ce que je dit d'hier demeure aujourd'hui, en cuisine notamment, comme je peux en témoigner.
Mais bref, il y a maintenant des possibilités merveilleuses de trouver de l'information... mais il y a la nécessité de savoir ce que vaut cette information à disposition de tous. Nombre de podcasts culinaires avancent des idées techniques fausses : cela va de la pincée de sel dans les blancs d'oeufs que l'on monte en neige à la réalisation de mayonnaise, et, toutes ces "précisions culinaires" que nous testons depuis des décennies. De même pour le jardinage, où n'importe qui pourra se rendre compte de la cacophonie : par exemple, à propos de bouturage de rosiers, on s'amusera de voir que certains proposent de l'hormone de bouturage, d'autres préconisent de ne pas en mettre, certains proposent d'enterrer à un oeil, d'autres à deux yeux, certains proposent de planter la tête en bas, d'autres pas, et ainsi de suite quasiment à l'infini. Comme en cuisine, chacun a sa recette... et personne ne donne de justification à l'exception d'une expérience très idiosyncratique, très limitée, sans référence, avec seulement des arguments d'autorité qui ne valent donc rien.
En réalité il y a lieu de prendre les choses de plus loin et de poser deux questions. Tout d'abord qu'apprendre ? Ensuite où trouver la bonne information ?
La nature de ce qu'on va apprendre est bien difficile à définir, comme je l'avais indiqué dans un billet précédent, sur les lois de la réfraction, mais on pourra quand même observer qu'il n'est peut-être pas nécessaire de refaire un travail de sélection qui a été fait par les inspecteurs de l'éducation nationale et les commissions des programmes : si l'on a arrêté ses études au brevet des collèges, alors on peut avoir l'envie d'apprendre ce qui a été donné à d'autres par la suite, au lycée. Là, la réponse à la seconde question est vite trouvée : le contenu des référentiels est public, sur le site de l'Education nationale, et la présentation des notions fait l'objet des manuels, qui ont été préparé par des équipes de professeurs qui ont longuement discuté la présentation, la façon didactique de transmettre les notions.
Cette analyse vaut tout aussi bien pour ceux qui sont arrêtés au baccalauréat et qui voudraient poursuivre : ils trouveront en ligne, sur les sites universitaires, les référentiels des licences, des masters, à savoir les informations qu'ils peuvent avoir à cœur d'apprendre, chacun selon leurs envies, leurs goûts, le temps disponible...
Dans ces formations continuées, les revues de vulgarisation sont importantes, parce qu'elle présente les notions les plus actuelles, mais assorties des informations nécessaires pour arriver à la compréhension des nouveautés.
Il y a là un travail très important et une grande responsabilité pour ces revues, et c'est la raison pour laquelle j'y ai travaillé pendant si longtemps, avec une volonté politique très ferme, très semblable à celle des philosophes des Lumières qui ont élaboré l'Encyclopédie.
À ce propos de la vulgarisation, il y en a deux sortes : celle qui vise à dire (en substance) "la fusée à décollé" et celle qui explique comment on a réussi à faire décoller une fusée.
On comprend que je préfère de beaucoup la seconde manière, car non seulement elle donne les moyens de la preuve, mais de surcroît elle donne des informations complémentaires, qui évitent de nous entraîner à supporter des faits plats et bêtes. Le fait qu'une fusée ait décollé relève surtout de la formation politique que technologique, et ne nous pas beaucoup grandir. D'ailleurs, je ne parviens pas à penser que la vulgarisation soit utile si elle ne donne pas aussi une "compétence", en plus des connaissances.
Bien sûr, toute cette réflexion doit être poursuivie !
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