jeudi 7 novembre 2024

Au premier ordre, Condillac

 
Enfin, je comprends que mes hésitations personnelles à propos de la "querelle de Lavoisier contre Poincaré ne concerne qu'une partie réduite de mes amis ! Je me suis trompé de combat, et il faut promouvoir absolument l'usage d'une langue juste, et ne cesser de proposer ces trois liens :
http://atilf.atilf.fr/
http://www.cnrtl.fr/etymologie/aviser
http://www.projet-voltaire.fr/blog/. 

Mais je me vois bien incompréhensible, et j'explique, maintenant. Naguère, émerveillé par les avancées intellectuelles d'Antoine LaurentLavoisier<, j'avais partagé avec mes amis mon admiration pour ses idées exprimées dans un texte sur les oxydes, où il introduit le formalisme actuel de la chimie : c'est bien à lui que l'on doit les équations chimiques telles que 

NaOH+HCl →NaCl + H2O. 

Partant de ce texte, j'avais découvert le Traité élémentaire de chimie, que Lavoisier avait publié pour proposer un cadre cohérent à la chimie moderne qu'il avait fondée, en bannissant l'idée abracadabrante de "phlogistique" (en gros, une matière de masse négative) et en réformant la terminologie chimique, reléguant dans les oubliettes de l'histoire  des terminologies alchimiques qui manquaient de ce  systématisme rationnel qui est la marque des sciences : fini les "sublimés corrosifs" ambigus, les "cristaux de Saturne", les "mercure précipité" ou "mercure sublimé", les écumes de Diane, les cornes de cerf... aussi variables qu'incertains. Mais, surtout, Lavoisier était inspiré par l'abbé de Condillac, qui revendiquait une langue juste pour une pensée juste. Et c'est ainsi que, dans l'introduction de ce traité, il écrit : "C’est en m’occupant de ce travail, que j’ai mieux senti que je ne l’avois, encore fait jusqu’alors, l’évidence des principes qui ont été posés par l’Abbé de Condillac dans sa logique, & dans quelques autres de ses ouvrages. Il y établit que nous ne pensons qu’avec le secours des mots ; que les langues sont de véritables méthodes analytiques ; que l’algèbre la plus simple, la plus exacte & la mieux adaptée à son objet de toutes les manières de s’énoncer, est à-la-fois une langue & une méthode  analytique ; enfin que l’art de raisonner se réduit à une langue bien faite.  [...]  L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment (...) Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage". 

Oui, il faut de bons mots pour de bonnes pensées, car les mots sont comme les outils de l'ébéniste : on ne fera pas du bon travail si l'on confond le marteau et le ciseau à bois ! D'ailleurs, c'est surtout sur le langage technique que l'on voit l'importance de la juste terminologie : si le marin confond la drisse avec l'écoute, le bateau chavire ! Et, évidemment, c'est avec cette idée que je ne cesse de consulter les dictionnaires, et notamment les bons dictionnaires sont j'ai donné les liens. 

Avec <http://atilf.atilf.fr/ on comprend ce que signifient les mots ; la partie inférieure des entrée donne l'étymologie et l'histoire des termes, ce qui explique notamment pourquoi il n'y pas d'exacts synonymes en français. Mais pour en savoir plus de ce point de vue, il faut consulter : http://www.cnrtl.fr/etymologie/aviser. Et comme nous devons nous présenter à nos amis sous nos plus beaux atours, il n'est pas inutile de consulter celui-ci, également  : http://www.projet-voltaire.fr/blog/. 

J'étais donc dans un sentiment très condilliacien, pendant longtemps, jusqu'à ce que tombe sur ce texte de Poincaré sur l'invention mathématique. Poincaré ? Henri<, bien sûr ; le mathématicien. Pas Raymond, le président du Conseil. Henri Poincaré fut un mathématicien extraordinaire, et il s'intéressa à l'épistémologie, et, aussi, à la production des connaissances mathématiques. <b>Dans un de ses textes, il écrit que la difficulté, pour lui, n'était pas d'avoir des idées mathématiques nouvelles, mais de mettre des mots dessus pour pouvoir les partager avec sa communauté. 

Oui, à l'opposé d'un Lavoisier, pour qui les idées scientifiques peuvent naître quasi mécaniquement, du maniement des mots, Poincaré voit dans le langage -qu'il veut d'ailleurs tout aussi précis- une fonction plus utilitaire. Un jour, descendant faire mon cours de gastronomie moléculaire, je compris que Lavoisier< était dans l'erreur... pour la production scientifique. Le maniement automatique des mots est mortifère, et il faut de l'induction pour faire de la science neuve. Il faut "faire des sciences en artiste", aurait dit Poincaré (pour les mathématiques). Oui, il y a cette étape inductive, et non déductive, essentielle en production scientifique. 

J'avais donc relégué Lavoisier dans un coin... Mais je me reprends : la fréquentation quotidienne de mes jeunes amis montre que la question essentielle n'est pas d'abord la production scientifique, mais son apprentissage. Et, pour apprendre, il faut les bons mots. Les idées de Poincaré viendront bien plus tard, et elles n'ont pas de place pour commencer. Oui, les idées condillaciennes sont au premier ordre, et les variations de Poincaré n'arrivent qu'ensuite. Il faut le dire avec force : ayons de bons mots pour bien penser  !

mercredi 6 novembre 2024

Un bon conseil d'écriture

Jadis, quand je travaillais à la revue Pour la science, j'avais dépisté ce phénomène étonnant que, dans une rédaction, quand on arrive à un passage qui nous gêne un peu, on peut être sûr que d'autres seront gênés voire arrêtés dans leur lecture. 

Il y a donc lieu de ne jamais mettre la poussière sous le tapis et, au contraire, de profiter de ces petites gènes pour se retrousser les manches et régler la question définitivement.

mardi 5 novembre 2024

La découverte des molécules et des atomes

 
On dit parfois qu'Albert Einstein a découvert atomes et molécules. Ou le physicien Jean Perrin. Bref, les physiciens créditent les physiciens de cette découverte. Pourtant, c'est oublier des images comme celles de "La chimie dans l'espace", de Jacobus Henricus Van't Hoff, un texte paru en... 1875, soit bien avant qu'Einstein ne fasse ses travaux ou que Jean Perrin n'étudie le mouvement brownien. 

Et vous avez bien lu le titre ! Quatre ans avant, d'ailleurs, Van't Hoff avait publié un article où il représentent les atomes de carbone d'une molécule de glucose, en indiquant même les angles entre les liaisons chimiques, et les distances interatomiques. 

Mais, plus généralement, la France était terriblement en retard, sur le reste du monde chimique, notamment depuis que Marcellin Berthelot s'était opposé à cette idée de molécules composées d'atomes. En France, il avait eu quelques opposants, avec Charles Adolphe Würtz, Gerhardt, Auguste Laurent, mais Marcellin Berthelot et sa clique, qui verrouillaient les postes, considéraient avec retard que la théorie était abusive. D'ailleurs, alors que Berthelot se vantait d'être un pionnier de la synthèse organique, la France était très en retard de ce point de vue (et Berthelot n'était certainement pas le pionnier qu'il prétendait être). Bref, il ne faut pas reconnaître à Perrin d'avoir montré l'existence des atomes, puisque les chimistes la connaissait déjà depuis plus de 40 ans !

Peser, encore peser

 Dans nos expériences, nous devons souvent peser... et ceux qui connaissent l'histoire de la chimie savent combien cela est un acte scientifique important. Antoine Laurent de Lavoisier, par exemple, utilisa des balances extrêmement précises pour ses déterminations essentielles ; il ne cessa de faire des bilans de matière ! 


 Après lui, les pesées sont devenues un art, parce que l'on chercha à minimiser les erreurs. Il y eut les améliorations techniques, les compensations, les doubles pesées... Au point que l'on parle sans exagération de "gravimétrie" comme d'une science de la pesée. 

Bien au-delà des connaissances rudimentaires de nos jeunes amis qui n'ont que quelques années de rares travaux pratiques, et qui, face à des balances électroniques, ignorent tout de... tout en ce qui les concerne. Et ce n'est pas de leur faute, si la pesée s'apprend, car une bonne pesée est tout aussi difficile que par le passé... d'autant que l'on pèse bien autant avec sa tête, en réfléchissant, qu'avec ses mains. Il faut penser à tout.

 A éviter des courants d'air qui fausseraient les mesures, que ces derniers viennent des pièces où l'on manipule, ou bien des hottes aspirantes sous lesquelles se trouvent les balances. 

A l'horizontalité des balances : on s'assure  que la balance est sur un support bien stable, sans vibration. 

A la suite de quoi on règle deux molettes qui sont à l'avant de la balance et au-dessous d'elle, afin qu'une bulle d'air dans un niveau vienne au centre de ce dernier, lequel est repéré par un cercle. 

Quand la balance est ainsi stable, on l'allume, et on commence par la contrôler, ce qui signifie que l'on pèse un étalon afin de vérifier que la balance donne des indications cohérentes. Si c'est le cas, alors on peut procéder à la pesée, avec tare et répétition de la mesure. 

Pour nombre d'étudiants qui sont gavés d'images de télévision où l'on voit des accélérateurs de particules géants, bourrés d'électronique, ces pesées semblent bien prosaïques, bien rudimentaires, et de ce fait bien en deçà des fantasmes scientifiques qu'ils avaient, de sorte que ces pesées ne sont pas toujours aussi bien faites que l'importance de leurs résultats le réclame. Faut-il brandir cette "importance" ? Ou bien, ne peut-on apprendre à "jouer avec les balances", c'est-à-dire à les utiliser au maximum de leurs possibilités ? Je ne sais pas, mais ce que je sais, c'est que nous devons redonner à la pesée toute l'aura qu'elle mérite, car "donnée mal acquise ne profite à personne"

La bonne foi est fructueuse : analysons nos erreurs

Alors que je sors d'une séance expérimentale avec un étudiant intelligent et intéressé, je le vois faire des erreurs qui sapent son travail, annihilent ses efforts.
Plus exactement, l'envie de faire bien l'a conduit à se lancer trop vite dans la partie expérimentale, et c'est ainsi que des phénomènes non anticipés se sont ajoutés à ceux qu'il voulait analyser.  

L'analyse de son échec ne vise pas à lui mettre la tête dans la boue, mais à lui permettre d'éviter ce type d'erreurs pour le futur.

Car on ne considère pas assez qu'une expérimentation est moins un travail technique local d'une sorte d'ascèse, de recherche d'amélioration personnelle, et c'est d'ailleurs ainsi que l'expérimentation prend tout son intérêt.

À la réflexion, je m'aperçois que nous avons déjà rencontré souvent des erreurs du type de celle d'hier, et cela a  a constitué la base de ce que nous avons donné des "DSR", des documents structurants de recherche qui visent précisément à éviter les erreurs, à nous prémunir contre les complexités inattendues, à nous permettre de mieux anticiper.

La première leçon, la leçon la plus immédiate de l'analyse de l'erreur d'hier, c'est que nous devons avoir un programme expérimental clair avant de nous lancer. Ce programme doit être fondé sur une analyse, de même que dans un calcul, s'impose un libellé clair et explicite des objectifs, puis un schéma sur lequel apparaissent les grandeurs d'intérêt.  L'expérimentation doit commencer par l'établissement d'un modèle théorique qui sera exploré expérimentalement.
Au fond, que l'on calcule que l'on expérimente, il y a des quantités à considérer, et rien ne vaut un schéma faire apparaître, les identifier

J'y reviens : on aurait beau jeu de critiquer l'étudiant pour une sorte de légèreté, car je suis presque sûr que, sans la méthode que je propose, la plupart des étudiants seraient tombés dans le piège.
J'ai bien raison de dire que le diable est caché derrière tout geste expérimental, tout calcul




lundi 4 novembre 2024

De qui est cette ânerie ?

"Science may be right, but practice cannot be ruled by the “Tightness” of science."  : celui qui a dit cette ânerie n'a rien compris à ce qu'est la science, à moins que ce soit un illuminé...

En effet, la science est si peu étroite qu'elle ne cesse de tester ses prévisions (théoriques) en vue de se réfuter (contrairement au dogmatisme, à l'ésotérisme, à la fraude, à l'illusion). 

 

Réponse : R. Steiner ! 

De la fraude intellectuelle

Ce qui est merveilleux à propos de l'ésotérisme, c'est qu'il y a pas de base, non pas scientifiques mais simplement factuelles, expérimentales, pour établir les prétentions incroyables qui sont faites. Par exemple, dans la biodynamie, on est censé "dynamiser" quelque chose à l'aide de cornes de vache creusées que l'on traite de façon moyenâgeuse. Il est prétendu qu'elles deviendraient des antennes cosmiques... Mais qui a établi cela ? Où sont les études expérimentales ? Qui s'est ainsi trompé ou a trompé les autres ? Et pourquoi répète-t-on de telles âneries ? 

Invariablement, on retombe sur Rudolf Steiner,  qui s'est comporté comme Lyssenko en Union soviétique : de la fraude ! Je crois que ce n'est pas un service à rendre que de propager des idées aussi fausses, et que, au contraire, il y a lieu de bien dénoncer les fraudes. J'allais dire "fraudes intellectuelles", mais une fraude est une fraude, un point c'est tout. 

Bref, attendons les démonstrations des ésotéristes avant de gober leurs sornettes.