lundi 26 août 2024

Des bonnes pratiques : utiliser des méthodes officielles.

 
Pour exposer l'idée contenue dans le titre de ce billet, je propose de partir d'un épisode récent de notre laboratoire. Nous devions doser le dioxyde de soufre dans des vins diversement traités. Une étude bibliographique extrêmement rapide avait montré qu'une méthode, nommée méthode de Ripper, était communément employée, et il m'avait semblé, vu la simplicité du travail proposé, que ces dosages pourraient faire l'objet de stages d'étudiants. Le bilan ? Il y a eu quatre étudiants venus au laboratoire pour des périodes comprises entre un et deux mois, mais je suis désolé d'observer que le résultat total était nul. Je ne me plains pas des étudiants, à qui je ne demande pas de produire des résultats, mais seulement d'apprendre. Or ils ont beaucoup appris, si j'en juge la liste des connaissances et des compétences qu'ils ont adjointes à leur rapport de stage, lequel a fait surtout état de travaux exploratoires. En revanche, il était intéressant d'observer que, pour des raisons que je dois encore analyser, ils s'étaient arrêtés, dans leur recherche bibliographique, à des « travaux pratiques », parfois universitaires, de qualité très variable. Or un vrai dosage, ce n'est pas une séance de travaux pratiques : les réactifs sont à préparer soi-même, dans toute leur complexité, et, surtout, les méthodes utilisées doivent être officielles et validées ! Ayant moi-même fait, après eux, une véritable recherche bibliographique, dépassant notamment les feuilles de travaux pratiques que l'on trouve dans les premières pages de Google (en français), je suis finalement arrivé, en passant par Google scholar et en cherchant en anglais, à des publications qui effectuaient ce type de dosages, et qui m'ont conduit très rapidement à des méthodes officielles. Il y en avait en français et en anglais, soit par l'AOAC (l'association américaine des chimistes analyticiens), pour les États-Unis, soit par l'OIV, l'Office international de la vigne et du vin. Dans les deux cas, les documents sont en anglais, et ils présentent des méthodes validées. Validées : cela a imposé des études méthodologiques longues, inter-laboratoires, qui ont conduit à des protocoles finalement assez simples, et très bien documentés, qu'il s'agissait de mettre en œuvre. On observe que ces méthodes validées sont l’équivalent des méthodes de bonne pratique des société savantes médicales. Quand un médecin prescrit un médicament, il n'a pas à inventer n'importe quel traitement, mais doit se conformer à des règles professionnelles qui stipulent quel médicament doit être utilisé dans quelles conditions, et pour quelles affections. C'est à la fois une aide et un confort. Une aide, car cela signifie qu'un groupe de collègues s'est réuni pour produire un résultat synthétique, qui est validé, efficace. Un confort, parce que s'il y a le moindre accident, en raison d'un effet secondaire, d'une sensibilité particulière d'un patient, etc., alors le praticien est couvert devant la loi, ayant suivi la bonne pratique préconisée par la société savante. C'est sur elle que pèse la responsabilité de la proposition thérapeutique, parce que le praticien, suivant les bonnes pratiques, a fait du mieux que pouvait la pratique médicale, avec les connaissances du jour. On le voit, la charge est donc essentiellement sur la communauté professionnelle, laquelle doit sans cesse surveiller les progrès des connaissances pour produire les meilleures règles possibles. Pour en revenir à notre dosage, il y avait donc des méthodes officielles, et il était hors de question de se raccrocher à n'importe quelle séance de travaux pratiques affichée par n'importe qui sur internet. Ayant finalement à faire des dosages moi-même, j'ai donc utilisé une méthode officielle, et, à l'usage, je me suis aperçu qu'il y avait beaucoup d'intelligence dans la méthode proposée. Par exemple, contrairement aux protocoles des travaux pratiques que nos étudiants avaient dégoté, il était proposé d'ajouter du chlorure de sodium à une solution d'amidon qui était utilisée pour produire un changement de couleur. Pourquoi ce chlorure de sodium ? Parce que sa présence évite la « rétrogradation de l'amylose, qui aurait prévenu la réaction avec le di-iode éventuel. Evidemment le protocole officiel proposait de chauffer l'amidon, car, ce qu’ignoraient nos jeunes amis qui n’avaient pas assez creusé leurs recherches bibliographiques, l’amidon se trouve sous la forme de grains insolubles dans l'eau, et il faut chauffer pour que l'amylose soit libéré et qu'il puisse ensuite réagir efficacement avec le di-iode. Et d'ailleurs, pourquoi le di-iode teinte-t-il l'amidon en bleu ou en noir ? Là, il y a évidemment lieu de s'interroger et de faire des recherches bibliographiques complémentaires, car cela semble une règle absolue de la science que de ne pas supporter de faire quelque chose qu'on ne comprend pas. J'aurais mauvais grâce à critiquer les étudiants qui sont venus en stage dans notre laboratoire de ne pas avoir fait cette recherche, car je me souviens avoir été membre d'un jury de recrutement de maître de conférence en chimie des sucres dans une grande université parisienne, et, ayant posé cette question du changement de couleur de l'amidon avec le di-iode, je n'avais reçu aucune réponse d'aucun des candidats (à vrai dire, ce n'est pas exact : il y a eu un candidat qui a répondu n'importe quoi avec aplomb, espérant me bluffer, alors que j'ai la réponse depuis longtemps ; inutile de dire que j'ai renvoyé publiquement ce malhonnête dans ses seize mètres). A propos de la solution de di-iode, il y avait cet autre petit mystère, que l'on dissout le di-iode dans une solution d'iodure de potassium. Le niveau zéro de l'étudiant, c'est de ne pas chercher à savoir pourquoi on utilise cet iodure de potassium et de ne pas l'utiliser. Le niveau supérieur, c'est de ne pas poser la question, mais d'utiliser l'iodure de potassium prescrit. Mais on peut viser mieux, et se poser la question. Ou, encore mieux : se poser la question, réfléchir et calculer, avant de confronter son résultat à une étude bibliographique. On trouve finalement que le di-iode n'est pas soluble dans l'eau, et c'est par la formation d'un fait de trois atomes d'iode qu'il peut se solubiliser, ce qui impose la présence d'ions iodure. Quel bonheur que de découvrir toutes ces particularités des transformations moléculaires ! Et puis, il y a une foule de détails, telle la concentration particulière de di-iode qu'il faut utiliser. Pourquoi cette concentration particulière ? A l'usage, il est apparu qu’une solution dix fois plus diluée montrait moins les changements de couleur que l'on visait, alors qu'une solution plus concentrée faisait perdre en sensibilité. J'en passe, parce qu'il y a une foule de détails expérimentaux, qui avaient fait en réalité l'objet de discussions préalables, par les sociétés savants, qui avaient abouti à un protocole validé. Il y a donc lieu de commencer par des protocoles validés avant de tester tout et n'importe quoi pour n'arriver à rien.

dimanche 25 août 2024

Les risques révélés !


On discute à l'infini des dangers de la chimie, et l'on confond souvent les dangers et les risques. Oui, l'acide sulfurique est dangereux, et il est vrai que cela peut faire des catastrophes quand on met de l'eau dedans (surtout, ne faites pas l'expérience !), tout comme il est vrai que cela fait des catastrophes quand on met de l'eau sur de l'huile bouillante enflammée (surtout, ne faites pas l'expérience !). Dans le premier cas, chimique, l'eau fait avec l'acide sulfurique concentré une réaction qui dégage beaucoup de chaleur, provoque une ébullition qui provoque des projections d'acide sulfurique concentré ; dans le second cas, culinaire, l'eau tombe au fond de la casserole, parce qu'elle est plus dense que l'huile, mais, chauffée par l'huile bouillante, elle s'évapore, et provoque une explosion qui projette de l'huile enflammée partout. 

On pourrait multiplier les exemples, pour montrer que la question n'est pas le danger, mais le risque : courir avec un couteau la pointe en l'air, traverser la route, conduire un jour de grands départs, etc. Le danger est dans le moindre de nos actes, et il importe de minimiser les risques. Par exemple, je ne risque pas de me tuer à l'atterrissage si je ne fais pas d'ULM, et le risque de me noyer dans ma baignoire est moindre que si je suis en solitaire au milieu de l'Atlantique. D'où les consignes de sécurité que l'on donne dans les laboratoires de chimie. Le port des blouses, des gants, des lunettes... Il y a tout un apprentissage... mais je sais que certains débutants voient mal l'intérêt de toutes ces contraintes. N'en fait-on pas un peu trop ? 

Non ! 

Aujourd'hui, je viens de trouver, un peu par hasard, une merveilleuse démonstration de la nécessité de faire très attention, lors des expérimentations. Il s'agissait d'un classique dosage du dioxyde de soufre par une solution de di-iode (je passe sur les détails expérimentaux) : dans une burette, il y avait donc la solution de di-diode, et les gouttes tombaient une à une dans un erlenmeyer (un flacon de forme conique, resserré sur le haut) où était le vin à doser. La burette était bien placée, le plus bas possible pour que les gouttes de solution de di-iode ne tombent pas de haut, et le vin à doser était agité le plus doucement possible par un agitateur magnétique. Enfin, il faut que je signale que l'erlenmeyer était placé sur un papier blanc, conformément à la méthode officielle que j'utilisais, car cela permettait de mieux voir le changement de couleur, au moment (à la goutte près) où la solution de dosage de di-iode avait fini de consommer tout le dioxyde de soufre du fin.

En cours de dosage, alors, donc, que je manipulais avec beaucoup de précaution, j'ai soudain vu le papier blanc de teinter de noir en quatre endroits : quatre toutes petites taches de di-iode, alors que rien d'anormal n'était arrivé. Oui, quatre petites taches, qui, grâce à la couleur de la solution de di-iode, m'ont montré que, malgré les précautions, il y a des projections, dans une telle expérience. 

 

Sur cette image, pour mieux montrer le système, on a omis la pince, reliée à une potence,  qui tient fermement l'erlenmeyer et l'empêche de boucher, notamment en raison du mouvement de l'agitateur magnétique

En l'occurrence, il n'y a pas de risque, parce que je portais des gants, des lunettes et une blouse, et aussi parce que les réactifs utilisés n'étaient pas très dangereux, mais c'était surtout une mise en évidence : avec des produits bien plus dangereux, la possibilité de telles projections existe aussi, et, là, il faut absolument être protégé. J'y pense : et si, au lieu de faire la morale à nos étudiants, nous leur faisions répéter cette expérience, afin qu'ils voient d'eux-mêmes qu'il y a des projections ? Ainsi convaincus du bien-fondé des règles de sécurité, ils auraient certainement à coeur de les appliquer !

samedi 24 août 2024

La clé de l'innovation alimentaire, pour la partie technique, c'est la physique et les sciences chimiques.

 
Innover du point de vue alimentaire ? Les innovations que proposent l'industrie alimentaire sont parfois bien faibles, et ce ne sont souvent que des variations de systèmes classiques, qui s'apparentent en réalité à l'empirisme des cuisiniers. D'ailleurs, les élèves ingénieurs ne sont pas mieux placés que ces derniers, voire moins bien, car ils sont souvent bien ignorants ce qui s'est déjà fait. Car nos étudiants n'ont pas de connaissances spécifiques pour faire bien, et on n'oublie pas que certains cuisiniers sont des individus de talent, dont le savoir et l'intelligence dépassent parfois largement ceux de nos étudiants… qui n'ont donc que très peu à apporter. 

Que faut-il à nos étudiants pour être capables pour dépasser l'empirisme, d'une part, et, d'autre part, pour avoir une compétence qui soit réellement supérieure à celle d'un cuisinier (d'un point de vue technique) ? Dans notre master IPP, à AgroParisTech, nous avons notamment répondu avec une unité d'enseignement qui s'intitule « physico-chimie pour la structuration des aliments », et plus j'y pense, plus cela est légitime, car les aliments sont en réalité des assemblages physico-chimiques, de sorte que leur compréhension, leur construction, leur analyse, reposent sur des connaissances physiques et chimiques. Nous devons comprendre la constitution des composés qui entrent dans la composition des aliments, et nous devons aussi comprendre comment ces composés sont organisés. La question des forces intermoléculaires est évidement essentielle, et l'on aurait toujours intérêt à se souvenir que ces forces se classent utilement par ordre d'énergie croissante. Les plus faibles sont les forces de van der Waals … qu'il faut donc connaître. Puis il y a les liaisons hydrogène… qu'il faut donc connaître. Puis il y a les ponts disulfure, qu'il faut aussi connaître, et qu'il faut notamment connaître parce qu'ils sont responsables de « coagulations », importantes pour la constitution des aliments. Il y a aussi les liaisons covalentes qu'il faut connaître, mais il faut surtout savoir entre quels composés ces liaisons covalentes peuvent s'établir et dans quelles conditions. Enfin il y a les liaisons électrostatiques, qu'il faut connaître aussi, et, là, une connaissance supplémentaire utile est la portée de telles liaisons, en plus de leur intensité. J'ai esquissé à propos des liaisons covalentes une nouvelle discussion, qui est celle de la compréhension des possibilités de réaction. C'est la nature des composés, leur constitution atomique, qui détermine leur réactivité, de sorte que s'imposent absolument des cours de chimie organique pour nos étudiants ingénieurs. Mais ce n'est pas suffisant, car la compréhension de la structure physico-chimique des aliments montre bien que la physique est largement à l’œuvre, aussi. Par exemple, la turgescence des cellules de racines de carotte est la clé de leur fermeté, quand ces ingrédients culinaires sont « frais ». Cette fois, il n'est pas question de chimie, mais de physique. De même, la clé de l'amollissement des tissus végétaux chauffés, par exemple des rondelles de carotte dans une casserole, découle également d'interactions physiques en plus des modifications chimiques. A vrai dire l'échelle des énergies de liaison n'est pas segmentée, avec d'un côté la physique pour les forces faibles et d'un autre côté les forces fortes pour la chimie. Non, c'est une échelle continue, où il est arbitraire de séparer les liaisons covalentes, à savoir la chimie pour faire simple. D'ailleurs, l'introduction de la chimie supramoléculaire fut exactement l'occasion de reconnaître qu'il y avait des édifices polymoléculaires qui s’apparentaient à la fois à ces édifices atomiques qu'on nomme molécules et à des systèmes plus labiles, tels des cristaux de sucre qui se dissolvent dan l'eau, et qui relèvent de la physique. En réalité, la « physique chimique » reconnaît bien que l'échelle des énergies est continue, et elle ne veut pas faire de distinction inutile qui gênerait le raisonnement de l'ingénieur quand il doit constuire des aliments. Et la gastronomie moléculaire dans tout cela ? D'une part, il faut préciser que cette discipline scientifique n'est pas de la technologie ou de l'ingénierie, mais de la science, c'est-à-dire de la production de connaissances, et plus spécifiquement la recherche des mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation des aliments. 

D'autre part, il faut signaler que la gastronomie moléculaire explore des phénomènes bien particuliers, et que, à ce titre, elle a toute sa place dans la formation d'étudiants ingénieurs, en cela qu'elle fait apparaître des informations qui seront utiles pour la construction des aliments. C'est bien parce que l'on analyse les phénomènes qui se produisent lors des phénomènes culinaires, de production des aliments, que l'on identifie des mécanismes que l'on peut ultérieurement mettre à l’œuvre lors de la constructions d'aliments par des méthodes qui ne sont plus empiriques. Oui, la gastronomie moléculaire est une sous-partie de la science des aliments, et oui, elle nécessite des recherches de physique chimique. Mais on a plus de discernement, plus de clairvoyance, si l'on ne fait pas un grand sac et si, au contraire, on cherche plus spécifiquement de quelle partie il s'agit. L'ayant expliqué ailleurs, je n'y reviens pas, mais je conclus en répétant combien nos étudiants ont besoin d'une formation de physique chimique !

vendredi 23 août 2024

Je fais l'hypothèse que l'on fait mieux ce que l'on comprend : composer un plat...


A propos d'arôme... Ce billet fait suite à un entretien avec un journaliste qui me parlait d'arôme pour désigner... je ne sais pas quoi au juste. Disons que nous étions dans une discussion qui concernait la cuisine note à note, où l'on utilise des composés odorants. L'arôme ? C'est l'odeur d'un aromate, d'une plante aromatique : par exemple, l'odeur du thym, du basilic, de la sauge...Cette odeur est... une odeur : cela signifie que des molécules de composés odorants passent de la plante à l'air, puis de l'air à notre nez, où les molécules sont détectées par des récepteurs qui sont comme de petites serrures spécifiques de chaque molécule (ou presque). Évidemment, si l'on condense cette odeur, on peut obtenir un produit liquide, qui n'est plus un arôme, mais un extrait, un condensat en l’occurrence. Et comme il a fallu l'intervention humaine, ce produit n'est pas stricto sensu naturel, mais issu du naturel. L'odeur des aromates, les arômes donc, est due à un grand nombre de "composés" différents, c'est-à-dire un grand nombre de sortes de molécules différentes. Par exemple, l'odeur des agrumes est en partie due au limonène ; l'odeur du clou de girofle est en partie due à l'eugénol ; l'odeur des cerises ou des amandes est en partie due au benzaldéhyde... Mais ce dernier exemple est éclairant : si le benzaldéhyde est effectivement un composés qui contribue à l'odeur de cerises et à l'odeur des amandes, le fait que les amandes et les cerises aient des odeurs différentes montre bien qu'il y a d'autres composés, qui contribuent à spécifier l'odeur de chaque élément, amandes ou cerises. Plus généralement, chaque arôme est dû à des centaines de composés différents, avec, bien sûr, pour chaque composé, des milliards de milliards de molécules toutes identiques. Bien sûr aussi, dans une odeur classique, tous les composés constitutifs ne sont pas aussi importants. Par exemple, la vanilline est le principal composé de l'odeur de vanille. Mais, pour autant, l'odeur de la vanille ne se résume pas à la vanilline. C'est un peu comme un tableau : le tableau ne se limite pas au sujet au premier plan, et il faut aussi tout le reste pour faire l’œuvre. Pour la cuisine note à note, contrairement aux usages de l'industrie alimentaire, on n'utilise pas de préparations odoriférantes ou d'extraits complexes, parce que le but n'est pas de copier des arômes. Plutôt, on utilise des composés odorants individuels, que l'on apprend à assembler pour faire des odeurs nouvelles. Et qui dit odeurs nouvelles dit aussitôt goûts nouveaux, puisque l'odeur est une composante importante du goût.

jeudi 22 août 2024

Les dates des prochains événements autour de la gastronomie moléculaire

Pour avoir confirmation d'un rendez vous : icmg@agroparistech.fr


6 septembre, Campus Agro Paris Saclay, 9 h : Finale du 12 e Concours international de cuisine note à note

6 septembre, Campus Agro Paris Saclay, 9 h : Finale du 12 e Concours international de cuisine note à note

18 septembre 2024, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris : l'ail et la fermentation/ les dégorgements d'aubergines

16 octobre 2024, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris : des pommes de terre ou des lentilles en salade ont-elles un goût différent quand l'assaisonnement est mis sur les tissus végétaux chauds ou bien après refroidissement ? 

20 novembre 2024, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris : voit-on une différence entre deux pâtes à foncer, selon la nature de la farine ? 


 11 décembre 2025, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris : le sucre semoule fait-il des pâtes à foncer plus croustillantes ? et les pâtes à foncer avec du beurre noisette seraient-elles vraiment plus denses ? 

Et le beurre froid dans une pâte à foncer (avec farine et beurre) fait-il des pâtes plus croustillantes ? 

 22 janvier 2025, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris : quel intérêt du farine en plus du beurrage des moules à soufflés ? quel intérêt pour le beurrage de bas en haut ? le double beurrage est-il efficace ? 

12 février 2025, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris : la hauteur d'un feuilletage est-elle proportionnelle à l'épaisseur après que la pâte a été abaissée ? 

12 février 2025, Maison de la chimie, Paris : Colloque Chimie et alimentation

19 mars  2025, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris : à déterminer

30 avril 2025, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris  : à déterminer

21 mai 2025, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris : à déterminer

18 juin 2025, Lycée Guillaume Tirel, boulevard Raspail, Paris : à déterminer



Plus sur https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/

 

Mayonnaise

Un correspondant me dirige vers un site où je lis : "La mayo est une émulsion où chaque molécule d'oeuf est enrobée d'huile, donc placée dans des conditions de conservation proches de l'idéal. Demandez à Hervé This, quoi !"

 

Le correspondant m'a donc interrogé... et j'ai confirmé que oui, la sauce mayonnaise est bien une émulsion, mais NON, chaque molécule d'oeuf n'est pas enrobée d'huile. Je vais essayer d'être parfaitement clair, et des schémas nous aideront à mieux fixer les idées.

Commençons par les ingrédients 

Pour faire de la mayonnaise, on part de jaune d'oeuf et de vinaigre. 

 Si nous disposions d'un microscope si fort qu'il nous permettrait de voir jusqu'à l'échelle des molécules, nous verrions : <a href="/vivelaconnaissance/files/jaune-oeuf.jpg"><img src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/files/jaune-oeuf-300x156.jpg" alt="jaune-oeuf" width="300" height="156" class="alignnone size-medium wp-image-1310" /></a> <a href="/vivelaconnaissance/files/vinaigre.jpg"><img src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/files/vinaigre-300x273.jpg" alt="vinaigre" width="300" height="273" class="alignnone size-medium wp-image-1313" /></a> Bien sûr, il s'agit d'une simplification, mais les idées essentielles sont là : - le jaune d'oeuf est fait de molécules de diverses sortes (en réalité, le fond orange ne correspond à rien : à part les molécules, il n'y a rien que du vide) - la moitié des molécules du jaune d'oeuf sont des molécules d'eau - parmi les autres molécules, il y a des molécule de "graisse" et des molécules de protéines - les "graisses", ce sont des "triglycérides, ou bien des "phospholipides" ; autrement dit, les molécules de graisse sont soit des molécules de triglycérides, soit des molécules de phospholipides - les protéines sont de divers types, avec des noms variés, mais je n'entre pas dans le détail - les molécules sont "organisées en structures, à savoir que les molécules de protéines et les molécules de graisses forment des "granules", visibles au microscope optique, dispersés dans un "plasma", disons de l'eau, pour simplifier. Pour le vinaigre, c'est bien plus simple, puisqu'il est fait d'environ 90 pour cent d'eau et d'environ 10 pour cent d'acide acétique. Autrement dit, le vinaigre est fait d'une molécule d'acide acétique pour neuf molécules d'eau : <a href="/vivelaconnaissance/files/vinaigre-molecules.jpg"><img src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/files/vinaigre-molecules-300x106.jpg" alt="vinaigre-molecules" width="300" height="106" class="alignnone size-medium wp-image-1314" /></a> Ici, le fond bleu ne correspond qu'à délimiter le volume du liquide, mais en réalité, il n'y a que des molécules : soit des molécules d'eau, soit des molécules d'acide acétique, représentée ici sous la forme d'ovales orange. En réalité, les molécules d'acide acétique ne sont pas plus des ovales que les molécules d'eau ne sont de petits U renversés. Ces molécules sont faites d'atome, comme ci-dessous : Les molécules d'eau sont faites d'un atome d'oxygène (en rouge) et de deux atomes d'hydrogène (en blanc), tandis que les molécules d'acide acétique sont faites (au total) de deux atomes de carbone (en gris), de quatre atomes d'hydrogène et de deux atomes d'oxygène. J'allais oublier l'huile ! Cette fois, c'est bien plus simple : elle est composée quasi exclusivement de molécules de triglycérides, comme dans : <a href="/vivelaconnaissance/files/huile-molecules.jpg"><img src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/files/huile-molecules-235x300.jpg" alt="huile-molecules" width="235" height="300" class="alignnone size-medium wp-image-1309" /></a> <strong>Nous avons maintenant les ingrédients, passons à la sauce mayonnaise </strong> Pour faire de la sauce mayonnaise, on ajoute de l'huile à un mélange de vinaigre et de jaune d'oeuf : les gouttes d'huile qui flottent à la surface du mélange sont coupées en deux, et en deux, et encore en deux, et ainsi de suite à chaque passage du fouet, de sorte que l'on obtient finalement une "émulsion", c'est-à-dire une dispersion de gouttelettes d'huile dans de l'eau où sont dissoutes diverses autres molécules : protéines, acide acétique, etc. Au microscope optique, on voit ceci : <a href="/vivelaconnaissance/files/red-mayonnaise-au-debut.jpg"><img src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/files/red-mayonnaise-au-debut-277x300.jpg" alt="red-mayonnaise-au-debut" width="277" height="300" class="alignnone size-medium wp-image-1315" /></a> Mais évidemment, chaque gouttelettes est faite de molécules de triglycérides, et l'eau est faites de molécules d'eau, avec, dedans, quelques molécules de protéines et d'acide acétique. Les protéines se placent à la limite des gouttelettes d'huile : <a href="/vivelaconnaissance/files/mayo-mol-grossie.jpg"><img src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/files/mayo-mol-grossie-300x290.jpg" alt="mayo-mol-grossie" width="300" height="290" class="alignnone size-medium wp-image-1311" /></a> Ici, on voit sur le haut à gauche une partie d'une gouttelette : ce sont des molécules de triglycérides, avec une "peau" de molécules de protéines. Le reste, c'est une "solution aqueuse" : des molécules d'eau, des molécules d'acide acétique, des molécules de protéines. Sur cette image, les proportions ne sont pas exactes : dans une mayonnaise terminée, il y a 95 pour cent d'huile, et seulement cinq pour cent de solution aqueuse. Mais en tout cas, pour revenir à la phrase initiale que mon correspondant m'avait soumise : oui, la sauce mayonnaise est bien une émulsion, mais NON, chaque molécule d'oeuf n'est pas enrobée d'huile. Merci de m'indiquer si je n'ai pas été parfaitement clair : je peux essayer d'améliorer.

Des développements utiles sont donnés sur mon blog http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2016/12/jaune-doeuf-protege.html 

Le 6 septembre : la finale du 12e concours de cuisine note à note

 
Le vendredi 6 septembre matin, nous aurons la finale du concours de cuisine note à note. Nous en sommes au 12e concours, et 30 à 40 concurrents ont soumis des recettes sur le thème de l'énergie. 

Nos concurrents sont de tous les pays. Ce sont souvent des étudiants du Master International Food Innovation and Product Design, mais pas seulement. 

Il est amusant d'observer que leurs propositions sont soit des recettes qui ont été faites avec un minimum d'énergie, soit des recettes qui ont été faites avec des systèmes à bon rendement énergétique, tel que le four à micro-ondes, soit des recettes métaphoriques, c'est-à-dire qui représentent le soleil, l'énergie nucléaire, la durabilité, et cetera. 

Pour ce concours, nous avons un jury de chefs prestigieux tel que Jean-Pierre Lepelletier, Pierre Dominique Céciillon ou Patrick Terrien, de l'Association  Toque blanche internationale,  ou encore Philippe Clergue et Éric Briffard de l'Institut Cordon bleu. . Nous avons aussi des soutiens tels que la société Louis-François, la revue Pour la science, ou  KitchenLab, qui, aujourd'hui, vend des composés odorants très originaux.
 

C'est la 12e édition de ce concours de cuisine de synthèse, ou cuisine note à note... mais quelle est la différence entre ces deux terminologies ? La première désigne la technique, et la seconde  le style artistique.
Cuisine de synthèse désigne le type de technique, à savoir confectionner des plats à partir de composés aussi purs que possible : eau, sucres lents ou rapides, protéines, lipides, et cetera.
Avec cela on peut faire mille choses,  mais on voit bien apparaître un nouveau style et c'est ce style qui maintenant prend le nom de cuisine note à note. En anglais, cela devient synthetic cooking, pour la technique,  et note by note cuisine pour le style.

Rendez vous le 6, en présentiel ou en visio !