mercredi 19 juillet 2023

Pour donner de la saveur un mets, les cuisiniers mettent du sel, du sucre...

Pour donner de la saveur un mets, les cuisiniers mettent du sel, du sucre... 

Le sucre est un composé qui, le plus souvent, est extrait des betteraves sucrières, et son nom chimique est saccharose. Il a de nombreux cousins, qui sont sucrées ou non. 

Par exemple, le D-fructose est sucré, très sucré même. 

En revanche, un autre cousin plus simple se nomme le D-glucose. A l'état pur, ce dernier se présente sous la forme d'une poudre blanche, qui a de la saveur. Toutefois, cette saveur est loin d'être aussi sucrée que celle du saccharose ou du fructose. C'est une saveur douce, associé à un peu de fraîcheur qui résulte sans doute de la dissolution facile du D-glucose dans l'eau (la preuve, c'est que le sirop de glucose, où du D-glucose est dissout dans l'eau, ne donne pas cette impression de fraîcheur). 

Le D-glucose est-il sucré ? Pas exactement. Il est « doux », certainement, mais il n'a rien du sucré  du saccharose, et il vaut mieux considérer qu'il donne une espèce de plénitude en bouche. D'ailleurs, on peut faire l'expérience d'ajouter du D-glucose à des plats, à des sauces, et l'on verra bien cette sensations très particulière. 

Le D-glucose ? Ne laissons pas les pâtissiers être les seuls à utiliser, mais faisons-le venir en cuisine, sans le confondre avec le L-glucose. D'ailleurs, il est déjà, puisque la cuisson d'une carotte libère dans l'eau du saccharose, du D-fructose... et du D-glucose. Idem pour des oignons longuement revenus, par exemple.

mardi 18 juillet 2023

Foucault, son pendule célébré rue d'Assas

 A Paris, nous avons traversé le jardin du Luxembourg et nous sommes arrivés à la rue de Vaugirard, au croisement avec la rue Bonaparte. Nous avons marché une centaine de mètres, nous sommes arrivés au croisement avec la rue d'Assas. Notre regard était fixé sur le sol, ou sur les passants que nous croisions, sur les boutiques, dans le vague, et nous sommes allés trop vite. 

Revenons sur ce croisement et levons les yeux : sur la façade d'un immeuble, en face de l'institut catholique, il y a une énorme sphère de pierre, qui semble une boule suspendue à une tige. Cet immeuble fut celui du physicien Léon Foucault, et c'est son pendule qui est ainsi représenté, le pendule célèbre qui fut accroché au Panthéon, ainsi qu'au conservatoire national des arts et métiers, le pendule de Foucault, qui fut récemment au centre d'un livre d'Umberto Ecco. 

Ce pendule est une merveilleuse démonstration de la rotation du globe terrestre. C'est donc un objet scientifique remarquable, et je vous invite à ne plus passer devant l'immeuble sans lever les yeux, sans réfléchir à la rotation du globe, aux référentiels « galiléens », qui firent au centre des débats de la physique depuis Galilée (évidemment, en marchant ainsi, il y a le risque de faire comme mon ancêtre Charles Messier... qui s'est cassé bras et jambes en tombant dans un trou du sol;-)).

lundi 17 juillet 2023

A quelle température ?

M'arrive aujourd'hui une question passionnante... et d'autant plus difficile que "des goûts et des couleurs on ne dispute pas"... car ils changent selon les individus, et même, ils changent selon les heures, les jours, les mois, les années pour un même individu. 
 
La question, tout d'abord : 
 
Cuisinier, j'ai évidemment beaucoup expérimenté à propos des goût de mes clients, de leurs préférences, et je me suis toujours étonné que certains apprécient de manger des mets brûlants ! 
Je ne comprends pas comment l'on peut apprécier ce qui est trop chaud, et je reste persuadé que certaines saveurs sont masquées. 
J'ai remarqué également qu'un plat trop froid ne dégage pas suffisamment de saveurs.
Je me posais la question suivante :
Quelle serait la température idéale pour apprécier au mieux son repas. J'imagine qu'il doit y avoir une température idéale où tous les composés aromatiques atteignent leur paroxysme.
 
 
Et mes réponses, puisqu'il en faut plusieurs :
 
 

Mon correspondant me parle  de "goûts" et de "saveurs", mais pour bien analyser sa question, et pour bien répondre, il faut clairement distinguer les deux termes.  Commençons donc ainsi, par nous entendre sur les mots. 


Le goût, c'est la sensation complète que l'on a quand on mange quelque chose. 

Par exemple,  quand on mange une fraise, on a un goût de fraise.Simple, non ? Et juste de surcroît ;-)

 Ce goût est constitué de différentes sensations élémentaires,  à commencer par la consistance.
Puis il y a aussi la température, qui intéresse notre correspondant.
Quand on mastique, l'aliment libère des composés solubles dans l'eau et qui, en conséquence, se dissolvent dans la salive et peuvent, au moins pour certains, venir se lier à des récepteurs des papilles et l'on perçoit alors les saveurs.
Mais tandis que l'on mastique, d'autres molécules sont libérés dans l'air de la bouche : notamment des molécules peu solubles dans l'eau telles que sont souvent les molécules odorantes ;  et ces molécules là remontent vers le nez par les fosses rétronasales et donnent une odeur que l'on peut qualifier de rétronasales. 
N'oublions pas les piquants et les frais, qui sont dues à des molécules soit solubles dans l'eau, soit non solubles dans l'eau et qui vont stimuler un neft particulier nommé nerf trijumeau de sorte que les sensations sont dites trigéminales.
Il y a encore d'autres modalités sensorielles et par exemple la perception des acides gras à longue chaîne insaturées, formés quand des enzymes de la bouche décomposent les molécules de triglycérides qui constituent les graisses. 
Et j'en passe.  J'allais par exemple oublier la couleur qui est si importante, au point que dans une pièce noire, on ne distingue pas un vin rouge d'un vin blanc !
Et les mots aussi ont leur importance : il suffit de dire le mot citron un grand nombre de fois pour avoir dans la bouche une salive abondante, qui fait un effet de tampon chimique, modifiant par exemple la perception de l'acidité. 
Et l'environnement général de la dégustation, et... et je m'arrête là parce que je risque d'être trop long.
Mais concluons : le goût, c'est tout cela à la fois (et la saveur n'est qu'une petite partie).

Tout cela étant dit, il y a maintenant les faits physico-chimiques qui consistent essentiellement à observer que plus l'aliment est chaud et plus les molécules odorantes seront libérées facilement  :  cela devrait conduire à une perception olfactive augmentée.
Mais en réalité, on sait aussi que, pour certaines molécules sapides au moins, et dans une certaine gamme, la perception des saveurs est améliorée par la température...  au moins jusqu'à un certain point. Et c'est ainsi que les charcutiers savent bien qu'il faut saler particulièrement leur terrine ou leur saucisson par exemple. 
 

Bien sûr, quand on se brûle la bouche, on ne perçoit plus les saveurs et, d'ailleurs, on ne perçoit plus non plus les goûts, car le goût est comme une sorte de trépied : si l'on retire un pied, tout s'effondre.
Et c'est en vertu de ce principe que les personnes âgées à qui l'on a remplacé beaucoup de dents, et qui ont ainsi perdu la capacité de bien détecter les consistances, sentent moins les goûts. 
C'est aussi en vertu de cela que quand on est enrhumé, on perd tout le goût et pas seulement la composante olfactive.
Bref, il faut tout pour bien sentir le goût.

 

Terminons en évoquant les récepteurs, auxquelles les diverses molécules, sapides, odorantes, etc. se lient, afin de créer nos sensations. Là, il peut y avoir des questions de température, pour leur liaison à leurs "ligands". 



Mais tout cela n'est que physiologie alors que mon interlocuteur m'interroge sur les préférences 

 

Or là, il ne s'agit plus de technique, de science, de physiologie, de physique, de chimie, mais de préférences, individuelles et changeantes.
On a pas assez observé que le bon, c'est le beau à manger, et que ce beau ne connaît pas de règles. 
On le comprend bien avec la musique : alors qu'un accord de do et de fa dièse a longtemps été considéré comme effroyable, Jean Sébastien Bach en a fait une beauté sublime ! Idem pour la peinture, la littérature, la sculpture ! Bien sûr, quand on ne sent plus rien parce qu'on s'est brûlé la bouche, on ne sent plus rien... mais on peut même imaginer des convives qui vont préférer cela : après tout, il y a des sadiques et des masochistes dans l'espèce humaine, non? 

Et puis, on sait assez que le Français aiment les escargots, tandis que les Anglais les détestent. On sait assez les enfants qui n'aiment pas les épinards, alors que ces derniers sont délicieux avec du beurre et de la crème, par exemple. On connaît le munster, en Alsace, le durian en Asie. Et ainsi de suite. 

La leçon, c'est qu'il ne faut jamais confondre le technique et l'artistique : oui, je dis bien artistique, en pensant au "beau à manger", le bon. J'ajoute que, pour le beau en général, il est étudié depuis des siècles, non pas par les scientifiques, mais par les praticiens de cette une branche de la philosophie qui a pour nom esthétique et qui considère tout particulièrement le beau.

En cuisine, je répète que le beau à manger c'est le bon,  et je répète qu'il n'y a pas de règle technique pour faire du bon, mais seulement un génie artistique pour le créer. Et j'admire sans réserve les grands artistes. 

Pour en savoir plus, j'ai écrit tout un livre à ce sujet : 


 


A propos d'albumine... et de la merveilleuse salle des actes de la faculté de pharmacie

Le Quartier latin est évidemment un enchantement pour celui qui sait voir derrière les murs, puisque c'est un lieu important de l'histoire de la France savante, pas en  totalité bien sur, mais quand même. 

Dans des billets précédents, j'ai déjà évoqué la Faculté de pharmacie au moins deux fois, une fois avec le triangle des simples, au croisement de la rue de l'arbalète et de la rue Claude Bernard, à l'emplacement de l'actuel AgroParisTech,  et une fois pour son musée du deuxième étage, qui réunit des échantillons de matières végétales ou animales ayant des propriétés bio-actives remarquables. 

Cette fois, je voudrais vous faire part de l'émerveillement qui m'a pris un jour, alors que j'avais été invité à faire une conférence la société d'histoire de la pharmacie. Le  lieu de la conférence était  la salle des actes de la Faculté de pharmacie, avenue de l'observatoire. 

Dit ainsi, on ne s'attend à rien de particulier. On entre dans la faculté par une porte qui fait face au jardin, on traverse une cour et l'on arrive à la salle des actes, au rez-de-chaussée. La porte de la salle des actes n'a pas d'intérêt manifeste, pas plus que le couloir où donne la salle... mais quand les appariteurs ouvrent les battants... et c'est l'émerveillement ! 

 

Une salle tout en lambris dorés, avec d'extraordinaires tableaux encadrés, une moquette bleue, une restauration peaufinée. Les grands pharmaciens des temps  passés y sont représenté : Moissan, Vauquelin, Parmentier (je ne cite pas dans l'ordre)...
Ils sont tous là, dans des cadres dorés, superbe. Bien sûr, la chimie d'alors n'était pas celle d'aujourd'hui, et, d'ailleurs, les chimistes étaient souvent des préparateurs, tel que le disent bien le livre consacré aux pharmaciens du Muséum d'histoire naturelle, ou le livre du cinquantenaire de l'Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de Paris (ESPCI). 

 

Comment était la chimie de l'époque ? Prenons un extrait d'un article de Charles-Louis Cadet (Dictionnnaire de chimie, en 1803) :
« ALBUMEN ou ALBUMINE. On a donné le nom d’albumen à la matière du blanc-d’œuf, à cause de sa blancheur, lorsqu’elle est coagulée par la chaleur. Depuis qu’on a reconnu la présence de cette substance das différens liquides animaux et végétaux, on l’a appelée albumine, réservant le mot albumen comme l’expression latine qui désigne seule le blanc d’œuf. Le sérum du sang, l’humeur vitrée de l’œil, la lymphe, l’eau des hydroponiques, la sinovie, les membranes blanches, les parois des viscères, contiennent de l’albumine qui doit être regardée, à cause de son abondance, comme un des matériaux les plus importas à connoitre des corps organisés. Le citoyen Fourcroy, qui s’en est fort occupé, lui donne les caractères suivans : L’Albumine est ordinairement sous la forme d’un liquide plus ou moins visqueux, collant comme la gomme, d’une couleur blanche, tirant sur le jaune, d’une saveur légèrement salée ou un peu âcre, lorsqu’on la goûte avec beaucoup d’attention ; elle verdit constamment la teinture et le sirop de violettes ; elle fait repasser au bleu la teinture de tournesol, rougie auparavant par le contact des acides : cette propriété dépend de la soude qu’elle contient. La liquidité, donnée comme un caractère de l’albumine, tient à ce qu’elle est toujours combinée avec une certaine quantité d’eau, dans les fluides elle fait la principale base ; mais, lorsque par l’effet de la circulation et des autres fonctions qui constituent la vie, l’albumine est devenue partie intégrante des organes solides, alors elle est sous forme concrète, et ne peut plus être reconnue par ses propriétés physiques, sa saveur, sa consistance, etc. ; elle a même un peu changé de nature ; de sorte que, pour en déterminer les autres caractères, il faut continuer à l’examiner sous la forme liquide. L’albumine éprouve de la part du feu, ou plutôt du calorique libre (chaleur), une action qui fait son caractère propre et distinctif. Lorsqu’on élève sa température au dessus de 45 degrés [56,25°C] et jusqu’à 48 [60°C] au thermomètre à mercure, portant 80 degrés [100°C] à l’eau bouillante, sa liquidité disparaît avec sa transparence ; elle devient blanche, opaque, concrète, solide ; on dirait qu’elle prend tout-à-coup la forme d’un tissu ; un grand feu en dégage de l’ammoniaque et une huile très-fétide, comme de toutes les substances animales ; en la séchant lentement, elle devient transparente et cassante. L’albumine liquide est soluble dans l’eau. Elle se délaie bien dans ce liquide froid et peu aéré ; lorsqu’on l’unit à de l’eau aérée, la dissolution ne s’opère qu’imparfaitement, et l’albumine, qui était d’abord entièrement transparente, forme quelques stries blanches ou se trouble en totalité, suivant la quantité d’air contenue dans l’eau, et par la fixation de l’oxigène qui rapproche l’albumine de l’état concret ; on peut, en forçant la quantité d’eau chaude, empêcher entièrement la concrétion de l’albumine, et rapprocher sa combinaison de l’état du lait écrêmé ; car on verra, à l’article lait, que cette liqueur animale, séparée du beurre, est formée, en grande partie, d’eau et d’albumine dans un état particulier ; l’albumine oxigénée ou solide n’est pas soluble dans l’eau. Les alcalis caustiques dissolvent l’albumine, même oxigénée ; tous les acides la coagulent ; l’acide sulfurique la brûle et la charbonne en lui fesant répandre une odeur infecte ; l’acide nitrique, aidé de la chaleur, en dégage de l’azote et de l’acide prussique, ensuite du gaz carbonique, et il se forme un peu d’acide oxalique. [...] Le citoyen Fourcroy a reconnu que l’albumine existant dans le suc du cresson, du chou, du cochléaria, de la racine de patience : en fesant chauffer au bain-marie ces sucs préalablement filtrés, on voit se former des flocons albumineux que l’on recueille par une seconde filtration, c’est à la décomposition de l’albumine qui se trouve dans les crucifères, que l’on doit attribuer la formation de l’ammoniaque qu’ils dégagent pendant leur fermentation. « Cette substance, dit le cit. Fourcroy, que nous avons indiquée déjà dans un assez grand nombre de végétaux, mais dont nous avons trouvé des traces dans un beaucoup plus grand nombre d’autres, existe en général dans toutes les plantes vertes, & dans toutes les parties molles et succulentes ; il paroît qu’elle se condense, s’épaissit par le travail de la végétation, & qu’elle contribue à la formation de leurs parties solides. En effet, j’en ai obtenu des quantités notables des bois jeunes, des tiges vertes, mais le bois sec n’en donne plus sensiblement, parce que cette matière a pris la consistance solide ; c’est sans doute à son existence qu’est due l’odeur putride & manifestement ammoniacale que prend l’eau dans laquelle on a laissé infuser un bois quelconque ; je suis d’autant plus porté à le croire, que je suis sûr, d’après mes expériences, que le bois flotté ne donne pas autant d’ammoniaque à la cornue que le bois neuf. »

 

Ce que cet extrait ne dit pas explicitement, c'est qu'il s'agit là de protéines, et, mieux, que l'on identifie des protéines d'origine végétale, ce qui fut une révolution à l'époque : malgré la Bible, on trouvait des composés (mot moderne) identique dans les animaux et dans les végétaux ! On observe aussi que l'oxygène, de découverte récente, est déjà largement utilisé. Mais, pour conclure, on reste estomaqué par la beauté de la Salle des Actes. 

 

Courez la voir !

samedi 15 juillet 2023

La chimie est une science, ni une technique ni une technologie !

C'est bien lent, mais j'ai fini par y arriver. 

 

Je vous rappelle les épisodes précédents : 

1. Dans le temps, j'écrivais naïvement que la cuisine, c'était de la chimie, en faisant de l'humour sur la critique faite à la chimie, d'être de la cuisine. 

2. Puis est venu un moment où, cherchant à distinguer l'activité technique de production de composés de l'activité scientifique d'étude des réactions, j'ai interrogé mes amis, me suis reposé sur eux, pour finalement proposer que le nom de "chimie" soit réservé à la science des réactions chimiques, en vertu d'une sorte d'évolution du terme "chimie. A cette époque, j'ai donc proposé de dire que la cuisine n'est pas de la chimie, puisque la cuisine, c'est une activité artistique, et que la chimie aurait été une science. 

3.  Un jour, j'ai cru comprendre que ma proposition, fondée sur le "sentiment" d'amis chimistes organiciens, que le mot chimie aurait signifié  signifié "production de composés, anciens ou nouveaux", et que le mot devait donc désigner une activité technique. Comment, alors, nommer la science qui explore les mécanismes des réactions, des composés, des matériaux ? J'avais proposé "physico-chimie", dans un billet précédent, mais sans une immense conviction, comme si je m'étais épuisé à revenir à une idée plus claire sur la dénomination "chimie". Entre temps, j'avais appris de Jacques Friedel que, avec ses collègues, il avait proposé le mot "physico-chimie" pour désigner des sciences de la matière condensée, ce qui était un acte politique, plutôt qu'une volonté de claire dénomination, fondée sur la langue. De mon côté, j'écrivais que, comme pour "géophysique" et "géochimie", il valait mieux dire "physico-chimie"... mais, je le répète, sans une immense conviction. 

4. Nous arrivons à aujourd'hui : les études historiques de l'alchimie ont très bien établi que la chimie est née science, et science elle reste, non pas technique ni technologie. La production de composés n'est qu'à l'appui des études scientifiques. 

Finalement, de quelle discipline scientifique la gastronomie moléculaire relève-t-elle ? De la physico-chimie, certainement.

vendredi 14 juillet 2023

Une alternative : vraiment ?

 Jeunes, mes enfants étaient  mécontents quand, alors qu'ils me demandaient si je préférais les fraises ou les groseilles, je leur répondais que je préférais les framboises.  

Pile ou face ? La tranche  ! 

 

De même, lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avons cherché à savoir si les pistous étaient meilleurs quand ils sont faits au mortier, ou bien au mixer. 

Évidemment dans un tel cas, on doit partir d'une même recette (basilic, ail, pignons de pin, huile d'olive, sel) que l'on réalise différemment. L'expérience a été merveilleuse, parce qu'elle a révélé que les pistous faits au pilon sont d'un vert un peu sombre, avec une très grande longueur en bouche, tandis que les pistous faits au mixer sont d'un vert très frais, avec une belle attaque en bouche. Pourquoi cette différence ? 

C'est une autre question que celle dont je veux traiter aujourd'hui, mais on aurait intérêt à ne pas oublier que les mortiers et pilons permettent de détruire les cellules végétales, ce que l'on n'obtient pas toujours avec les mixer, qui font des fragments faits de plusieurs cellules jointives, comme le montre bien une microscopie. Finalement, quelle méthode choisir ? 

Un mélange des deux, bien sûr, parce que l'on obtient une belle attaque suivie d'une longueur en bouche, tout en ayant une couleur d'un vert bien frais !

Etienne Guyon nous a quitté : un physicien qui aimait la physique !

 Je collige des souvenirs :

J'ai notamment  :


Etudiant à l'ESPCI, j'avais été fasciné par son cours d'hydrodynamique physique, fourmillant d'exemples merveilleux... au point de ne pas comprendre que c'était seulement une amorce qui devait me conduire à étudier la matière par moi-même.

Puis je m'en souviens comme m'interrogeant presque chaque mois, notamment parce qu'il préparait des livres de vulgarisation, à propos de physique et de chimie présentes dans des phénomènes culinaires.

Quand il était directeur de l'Ecole normale supérieure, il m'avait invité à faire une conférence où étaient présent quelques ministres : tout s'était très bien passé... mais, avant la conférence, j'avais mis de l'iode imbibé d'ammoniac sur l'arrière de l'estrade où je me trouvais à faire des expériences pendant ma conférence, de sorte que, parfois, quand je reculais, il y avait une explosion : tout le monde a cru que, selon les règles de l'Ecole, on m'avait fait un canular des élèves.

Pour mon Habilitation à diriger des recherches, il était du jury, avec Guy Ourisson, Xavier Chapuisat, Pierre Gagnaire, Armand Lattes, Alain Fuchs, Georges Bram.

Et tout récemment, il me questionnais encore à propos de l'étalement des huiles de table sur l'eau, et la présence, dans l'huile, de composés autres que des triglycérides.

Un jour, un homme marchait rue Vauquelin, en lisant. Reconnaissant Etienne, je le rattrape et lui demande ce qu'il lit : "Je vais en forêt avec des amis de l'Ecole, ce week end, alors j'apprends des poèmes pour leur réciter, comme on apporte un plat à un pique-nique".

Et bien d'autres...