Je fais ce billet parce que cela fait quelques plusieurs fois en quelques jours que des correspondants me soumettent des "récits", des "thèses", sans justification et que, cela venant de personnes qui sont extérieures à la production de connaissance, je vois délivrer des informations douteuses et sans référence.
Par exemple, un de mes correspondants me signale qu'un chimiste vers 1930 aurait découvert "la molécule qui fait synthétiser le récepteur de l'amertume des légumes". D'abord, il n'y a pas une amertume, mais de nombreuses amertumes. Ensuite, puisqu'il y a de nombreuses amertumes, il y a de nombreux récepteurs. Ensuite, il n'existe pas de molécule qui déclencherait la synthèse de ces récepteurs. Bref, une telle phrase montre... qu'elle est très fausse, et que notre interlocuteur a mal recopié une information juste, sans comprendre, ou bien qu'il a recopié une information fausse sans comprendre que l'information était fausse.
Mais si la phrase qui m'est tendue est si fausse, que faut le reste ? Rien, en l'occurrence... d'autant que tout cela est donné sans référence.
Certes, moi-même, je ne donne pas toujours mes sources, mais je publie assez largement, publiquement, mon adresse email, en avertissant que je tiens à la disposition de ceux qui les demanderaient les références qui justifient mes dires.
Par exemple, je renvoie à mon livre Casseroles et éprouvettes pour le document qui fait état d'études de marquage fluorescent fondé sur l'usage l'ion calcium pour détecter des récepteurs de composés sapides amers.
Plus généralement, tout ce que je dis, tout ce que j'écris, se fonde sur des références. Et des références primaires, pas des sources secondaires, dont il y a lieu de douter. Chaque fait que je délivre doit être fondé sur une référence solide qui l'établit.
D'ailleurs, toutes les personnes qui ont publié des articles scientifiques avec moi pourront témoigner du fait que je réclame sans cesse "une phrase -> une référence ou plus ».
Oui, tout ce qui est écrit dans un article doit être sourcé, référencé et avec des règles très particulières que j'ai exprimé dans des nombreux billets et textes sur les bonnes pratiques en sciences.
Je sais qu'il y a des groupes où des adultes sont poussés à s'améliorer, notamment par la production de textes sur des sujets qu'ils choisissent, produisant des documents spéculatifs, des "mémoires", mais il faut répéter que la qualité d'un document analytique (pas la littérature) tient à la sélection des faits et idées rapportés, et au référencement de ces faits et idées.
Il est notamment essentiel de savoir reconnaître de bonnes sources... pour ne pas en citer de mauvaises sans analyse critique : si l'on cite une référence médiocre en la prenant pour argent comptant, alors on endosse la médiocrité de cette référence.
La question des références est absolument essentielle en sciences et on ne répétera jamais assez que l'on ne doit se référer qu'à des textes "primaires", et ne pas citer des auteurs qui citent d'autres auteurs, et ainsi de suite.
Souvent, il y lieu de bien choisir les sources citées. Notamment quand plusieurs auteurs ont contribué à établir le fait : c'est l'auteur qui a établi le fait particulier que nous citons qui doit être cité et nul autre.
On n'a donc pas un choix considérable sauf à vouloir préciser des conditions d'établissement du fait.
Par exemple, si une méthode d'analyse a été mise au point par un chercheur M, et que l'équipe N a utilisé cette méthode pour obtenir un résultat d'analyse particulier, alors on a le droit de citer à la fois N et M, dans la mesure où l'on veut expliquer à la fois la méthode et son résultat.
Ce qui vient d'être énoncé n'est pas anodin, car la science demande des "moyens de la preuve", à savoir comment un résultat a été établi. Si l'équipe M a cité l'équipe N pour la méthode qu'elle a mise en œuvre, alors il devient légitime de citer M et N.
J'en profite aussi pour signaler que nous n'avons pas le droit de choisir entre plusieurs publications que l'on cite. Il y en a une et une seule, qui a été la première a établir le fait que nous citons, et c'est celle-là qui doit être citée et nul autre.
Même si nous avons des amis qui ont travaillé sur le sujet et à qui nous voudrions faire plaisir ! Même si nous avons à coeur de citer toute une communauté.
Non, la bonne pratique en matière de référencement des informations consiste à citer, qu'on les aime ou pas, les personnes précises qui ont établi les faits que nous utilisons dans notre argumentation.
Et je reviens à la question initiale : de toute façon, un récit ne vaut rien s'il n'est pas correctement sourcé, et nous ne devons avoir aucune confiance dans un récit dont les composantes ne sont pas clairement établies, ne sont pas fiablement établies.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 16 février 2023
Il faut justifier ses dires, ou être capable de le faire.
mardi 14 février 2023
Un soufflé pour la Saint-Valentin
Une fois de plus, nous n'avons pas besoin de recette... pour faire un soufflé à la vanille.
Pour la Saint-Valentin, je propose donc un soufflé à la vanille, et je m'aperçois que c'est quelque chose de très simple à faire.
Car un soufflé à la vanille, c'est un soufflé, d'une part, et à la vanille d'autre part.
Mettre un goût de vanille dans un soufflé, ce ne sera pas difficile ; de sorte que je propose de nous concentrer d'abord sur le soufflé.
Un soufflé, c'est une préparation qui doit gonfler au four parce que l'eau s'évapore au fond du ramequin, poussant vers le haut les couches de soufflé qui sont plus hautes que les couches du fond qui s'évaporent.
Il faut donc partir d'une préparation qui contient de l'eau : pour un soufflé, cela peut être une sorte de sauce blanche, ou bien une purée de fruits, par exemple.
Ici, choisissons l'option "sauce blanche", en chauffant d'abord du beurre et de la farine, pour faire un "roux" de couleur claire, puis en ajoutant du lait, et en cuisant jusqu'à obtenir un épaississement.
Quand cette sauce a refroidi on lui ajoute la vanille, puis des jaunes d'oeufs.
A part, on bat les blancs en neige et on les ajoute à la préparation précédente.
Puis on met l'ensemble dans un moule beurré et sucré, et l'on cuit au four à la température de 180 degrés, pendant un temps qui dépend de la taille du soufflé (entre 15 et 60 minutes).
Surtout il faut mettre le soufflé sur la sole du four (la partie inférieure, chauffée), pour que ce soit le fond du soufflé qui chauffe en premier, que la vapeur formée, qui prend beaucoup plus de place que l'eau liquide, pousse les couches vers le haut.
Et c'est ainsi que le soufflé gonfle, tandis que la partie supérieure vient crouter, et que, après un certain moment, les protéines de l'intérieur du soufflé coagulent, rigidifiant la structure, faisant comme une sorte d'échafaudage un peu mou : de la sorte, le soufflet se tiendra quand on le sortira du four et il sera très délicat.
On le voit, il y a de la matière grasse, du sucre, de la vanille et tout cela contribue à faire un goût délicieux.
On peut même améliorer un peu en ajoutant une goutte d'arôme de truffe car l'alliance truffe et vanille est proprement envoûtant.
Je t'aime !
Guider un étudiant
Un étudiant m'interroge sur sa future carrière, et je lui réponds :
Pour bien répondre à la question, il faut que je commence par expliquer clairement les choses :
1. tout d'abord je propose de faire une distinction entre
- technique,
- technologie
- sciences (de la nature)
2. d'autre part je propose de bien distinguer la gastronomie moléculaire et physique, d'une part, et la cuisine moléculaire d'autre part ; sans oublier la cuisine de synthèse que j'ai également inventée, et surnommée cuisine note à note.
Pour ce qui concerne les "sciences", je vais en parler maintenant en sous-entendant " sciences de la nature", et non pas les sciences de l'humain ou de la société.
Commençons donc par revenir à la première des deux distinctions : l'activité culinaire est une activité technique qui certes se double d'une composante artistique et d'une composante sociale ; mais produire un plat, c'est un geste technique.
Cela est donc très différent d'une activité scientifique, au sens des sciences de la nature, lesquelles doivent utiliser la "méthode scientifique" pour explorer les mécanismes des phénomènes.
J'ajoute sans attendre que les sciences de la nature ne sont pas concernées par les applications, notamment les applications techniques.
Au milieu, entre la technique et la science, il y a la technologie, le travail de l'ingénieur, qui utilise les résultats des sciences de la nature pour améliorer la technique. En anglais, on parle parfois de technologie et parfois d'ingénierie.
Pour arriver à la seconde distinction maintenant, il y a donc
- la gastronomie moléculaire, dont le vrai nom est gastronomie moléculaire et physique, et qui est de la science (de la physique, de la chimie, de la biologie...), sans s'intéresser aux applications.
- la cuisine moléculaire, elle, est une technique : c'est de la cuisine rénovée par les apports de la gastronomie moléculaire ou par l'introduction de matériels venus des laboratoires.
- la gastronomie moléculaire, d'une part, et la cuisine moléculaire, d'autre part, diffèrent de la cuisine de synthèse, ou cuisine note à note, pour laquelle la question n'est plus celle des matériels mais celle des ingrédients : au lieu de cuire avec des carottes, des navets, des viandes ou des poissons, on utilise des composés purs et l'on construit des plats.
Tout cela étant dit, je peux maintenant répondre à son email.
Il me dit tout d'abord qu'il est un étudiant "cherchant un espace dans le vaste champ de recherche de la gastronomie moléculaire" : si le terme gastronomie moléculaire est bien utilisé dans votre phrase, alors cela signifie qu'il veut faire de la recherche scientifique.
Il ajoute que son background n'est pas en cuisine mais en sciences et effectivement, pour faire de la gastronomie moléculaire, il y a lieu d'avoir une formation scientifique et certainement pas une formation culinaire, technique.
Puis il me dit que depuis 10 ans il s'intéresse au café, en tant que consultant à propos de méthodes de fermentation par exemple : cela est un travail passionnant ; un travail technologique, pas scientifique, mais très intéressant... et j'en profite pour lui signaler que dans mon laboratoire, une doctorante (aujourd'hui docteure) a fait une thèse sur la torréfaction du café : elle, parce qu'elle se dirigeait vers l'industrie... et moi parce que la préparation du café s'accompagne de bien des phénomènes que je voulais explorer.
Il me dit aussi qu'il travaillé dans le secteur de la viande et du lait avec des modélisations mathématiques de l'environnement des fermes, et cela me semble tout à fait intéressant ; c'est encore un travail appliqué, donc technologique.
Puis il me dit que l'alimentation et la cuisine sont une de ses passions et il me dit à nouveau qu'il imagine une transition vers la gastronomie moléculaire, en m'interrogeant sur le fait qu'il soit ou non trop tard quand on a 30 ans : il sera peut-être intéressé de savoir que jusqu'à l'âge de 50 ans, j'ai eu deux vies, d'une part une vie d'édition scientifique, et d'autre part une vie de laboratoire ; j'ai abandonné l'édition scientifique à l'âge de 50 ans pour aller à plein temps faire de la science au laboratoire, ce que j'aimais par-dessus tout.
D'ailleurs, il faut ajouter que même si j'invente des tas de choses, je le fais malgré moi, et que je n'en suis pas fier. Plus exactement, si je devais être fier de quelque chose, ce ne serait que de mes découvertes, et pas de mes inventions.
D'ailleurs la cuisine n'est pour moi qu'une sorte de prétexte : c'est en cuisine que nous voyons des phénomènes que nous explorons scientifiquement ensuite. Et il n'y a pas de technologie dans l'affaire.
Il me dit avoir cherché des articles de gastronomie moléculaire et je peux éventuellement lui en donner beaucoup, tout comme je peux lui donner des cours que je donne dans différentes circonstances, notamment le master "food innovation and product design".
Puis enfin il me pose la question de savoir où aller, ou, plus exactement, de savoir s'il y a des groupes de recherche dans son pays ? Je connais dans son pays de nombreux groupes de recherche en food technology et par exemple.
Mais ma question est plutôt de savoir s'il faut vraiment que mon interlocuteur se dirige vers des sciences de la nature, c'est-à-dire tout sauf la cuisine et les applications technologiques, pour aller faire de la science.
Il sera peut-être intéressé de savoir que dans mon laboratoire il n'y a pas de casserole ; nous ne cuisinons jamais et nous faisons essentiellement des études scientifiques qui n'ont pas d'application ... sauf qu'en réalité les applications sont partout pour ceux qui les cherchent.
Je veux aussi lui signaler que c'est dans l'industrie alimentaire au sens large qu'il y a à la fois de l'emploi et des salaires convenables.
Je crois savoir que, dans son pays, beaucoup de mes collègues font à la fois de la recherche plutôt technologique d'ailleurs, et de l'enseignement, aussi, que de la recherche scientifique.
Et je le renvoie vers un de mes billets de blog qui montre combien la confusion est constante : https://hervethis.blogspot.com/2018/09/la-science-des-aliments-nest-pas-la.html
En réalité, beaucoup de ce qui est nommé science de l'aliment est en fait plutôt de la technologie de l'aliment et non pas de la science de l'aliment.
Il est intéressant par exemple d'observer qu'il y a des centaines voire des milliers d'articles consacrés au thé ou au café mais qu'un nombre excessivement petit (voire pas du tout) s'intéresse au mécanisme des phénomènes c'est-à-dire à la science.
La majorité des articles s'intéressent à la composition du thé au du café, à des ingrédients, à des procédés mais pas à la science.
Puis il évoque une intention de collaborer avec un restaurant étoilé : manifestement, il s'agira de technologie ou de technique et pas de science sauf s'il s'agit de communiquer des informations nouvelles, scientifique, auquel cas il s'agira de formation ou d'enseignement mais toujours pas de science.
Il me dit que ce restaurant veut créer un groupe de recherche et d'innovation : je le mets en garde contre le mot recherche car on peut faire de la recherche scientifique ou de la recherche technologique... ou de la recherche artistique ; c'est toujours de la recherche mais ce n'est pas toujours de la science.
Bref, le mot recherche n'est pas synonyme de science et en tout cas s'il y a en jeu la création d'un tel centre, alors c'est manifestement de la technologie ou de la recherche artistique qui sont concernés.
Et là, j'ai fait du mieux que je peux... Mais je peux faire plus, si vous le souhaitez ?
Guidance
I get a message asking me about guidance.
And here is my answer :
In order to answer the question properly, I need to start by explaining things clearly:
1. first of all I propose to make a distinction between
- technology,
- technology
- science (of nature)
2. secondly, I propose to make a clear distinction between molecular and physical gastronomy (on more simply molecular gastronomy = science), on the one hand, and molecular cooking or cuisine on the other hand (technique) ; without forgetting synthetic that I also invented, also with the name note-by-note cuisine (also technique).
By the way, as far as "sciences" are concerned, I am going to talk about them now by implying "sciences of nature", and not sciences of the human or of society.
This is therefore very different from a scientific activity, in the sense of the natural sciences, which must use the "scientific method" to explore the mechanisms of phenomena.
I add without waiting that the natural sciences are not concerned by applications, especially technical applications.
In the middle, between technique and science, there is technology, the work of the engineer, who uses the results of the natural sciences to improve the technique. In English, we sometimes speak of technology and sometimes of engineering.
To arrive at the second distinction now, there is :
- Molecular gastronomy, whose real name is molecular and physical gastronomy, and which is science (physics, chemistry, biology...), without taking care of applications, only exploring the mechanisms of phenomena.
- Molecular cooking/cuisine is a technique: it is cooking renovated by the contributions of molecular gastronomy or by the introduction of materials from laboratories.
- these two (molecular gastronomy, on the one hand, and molecular cooking, on the other hand) differ from synthetic cooking, or note-by-note cooking, for which the question is no longer that of materials but of ingredients: instead of cooking with carrots, turnips, meat or fish, one uses pure compounds and builds dishes.
First, you tell me that you are a student "looking for a space in the vast research field of molecular gastronomy": if the term molecular gastronomy is used in your sentence, then it means that you would like to do scientific research.
You add that your background is not in cooking but in science and indeed, to do molecular gastronomy, you need to have a scientific background and certainly not a culinary, technical background.
Then you tell me that for the last 10 years you have been interested in coffee, as a consultant about fermentation methods for example: this is an exciting work; a technological work for sure, not scientific, but very interesting... and I take the opportunity to point out that in my laboratory, there was a thesis on coffee roasting: the PhD candidate, because she was heading towards the industry... and me because the preparation of coffee is accompanied by many phenomena that I wanted to explore.
Then you tell me that food and cooking are one of your passions and you tell me again that you imagine a transition to molecular gastronomy, and you ask me whether it is too late when you are 30 years old: you might be interested to know that until I was 50, I had two lives, one in science publishing, and the other in the laboratory; I gave up science publishing at age 50 to go full time to do science in the laboratory, which I loved above all else.
By the way, I should add that even though I invent a lot of things, I do it in spite of myself, and I'm not proud of it. More exactly, if I were to be proud of something, it would only be my discoveries, and not my inventions.
Besides, for me, cooking is only a kind of pretext: it is in cooking that we see phenomena that we explore scientifically afterwards. And there is no technology involved.
I understand that in your country, many of my colleagues are doing both research, which is more technological, and teaching, as well, than scientific research.
And I refer you to one of my blog posts that shows how constant the confusion is: https://hervethis.blogspot.com/2018/09/la-science-des-aliments-nest-pas-la.html
In fact, a lot of what is called food science is actually food technology and not food science.
It is interesting to observe, for example, that there are hundreds or even thousands of articles devoted to tea or coffee, but an excessively small number (if any) are concerned with the mechanism of the phenomena, i.e., the science.
The majority of the articles are interested in the composition of tea or coffee, in the ingredients, in the processes, but not in the science.
Then you mention an intention to collaborate with a starred restaurant: obviously, it will be about technology or technique and not science unless it is about communicating new, scientific information, in which case it will be about training or teaching but still not science.
By the way, one of the PhD in
my lab created a company for selling consultancy (at that time, in
molecular cooking), and this looks like what you intend to do. Her
education in molecular gastronomy was very useful for her to do this
job.
You tell me that this restaurant wants to create a
"research" and "innovation" group: I warn you against using the word
"research" because one can do scientific research or technological
research... or artistic research; it is always research but it is not
always science (= scientific research).
In short, the word research
is not synonymous with science, and in any case, if the creation of such
a center is at stake, then it is obviously technology or artistic
research that is involved.
And here I have done the best I can. I hope that this was useful
kind regards
À propos d'infrarouge
Cela semble un propos éloigné de la cuisine, mais on me demande d'expliquer les infrarouges... et je ne peux m'empêcher de reprendre cette expérience merveilleuse d'Isaac Newton , qui s'enferma dans l'obscurité, fit un trou dans le rideau pour laisser passer la lumière du soleil et interposa un prisme entre le trou du rideau et un écran noir. Le fin faisceau de lumière blanche fut étalé sur le prisme en un bandeau coloré, avec les couleurs dans l'ordre rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet.
De chaque côté de ce "spectre", on ne voit rien : l'écran sur lequel on projette la lumière reste noir.
Toutefois, l'astronome anglais William Herschel eut l'idée de mettre un thermomètre dans le noir qui jouxtait le rouge... et il vit que quelque chose chauffait le thermomètre : c'était l'indication qu'il y avait là un "rayonnement" invisible à l'oeil nu, et qui avait été également étalé, comme les couleurs visibles. Ce rayonnement est aujourd'hui nommé infrarouge. Et on peut le percevoir en mettant la main près d'une joue : on ne voit rien, entre la main et la joue, mais on sent de la "chaleur" qui passe : c'est que la main -comme n'importe quel corps "chaud", émet des rayonnements infrarouges.
D'ailleurs, de l'autre côté du spectre, après le violet, on a également découvert des rayonnements invisibles à l'oeil nu : les "ultraviolets". Cette fois, la découverte date de 1801, par le physicien allemand Johann Wilhelm Ritter, qui observa la fluorescence du chlorure d'argent qu'il avait placée là.
Évidemment, encouragés par ces découvertes, les physiciens ont cherché encore plus loin l'infrarouge, du côté du rouge, et encore plus loin que l'ultraviolet, de l'autre côté, et c'est ainsi que l'on a découvert les ondes radio, les rayons x, et cetera.
Quel rapport avec la cuisine ? Quand on met la viande sous le grill, il y a bien sûr la lumière jaune ou rouge du fer rougi qui chauffe la viande, mais il y a surtout les infrarouges qui assurent le rôtissage !
Quant aux ultraviolets, ils font fluorescer les vins blancs ou le Schweppes, pour de jolis effets dans les cocktails.
samedi 11 février 2023
A propos de plantes "bonnes pour la santé" : de la mauvaise foi !
La mauvaise foi, la mauvaise foi, la mauvaise foi
On se souvient que j'ai fait voeu de ne plus parler publiquement de nutrition ou de toxicologie... mais cela ne m'empêche pas de sourire, quand j'en entends parler.
Par exemple, je reçois un message d'une personne qui veut extraire un composé particulier de plantes, et qui me demande conseil.
Elle me dit que cette plante est riche en isothiocyanate... mais ça commence mal : je connais DES isothiocyanates, et leurs propriétés sont différentes.
Et puis, cette personne me parle d'une plante d'une grande famille végétale... mais quelle plante ? Je reste échaudé d'une discussion récente avec quelqu'un qui ignorait que, dans une des familles qu'il citait, il y en avait de toxiques... et je dis donc à mon interlocuteur qu'il y a lieu de faire attention : https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf9805754 par exemple.
J'ajoute ensuite des indications sur les isothiocyanates, notamment l'isothiocyanate d'allyle, qui est présent dans le raifort, par exemple.
Et, en faisant un peu de bibliographie, je découvre qu'il se décompose avec formation d'une odeur aillée (https://academic.oup.com/bbb/article-abstract/33/3/452/5977562, https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/jf970488w?casa_token=oYXrX-Jh9TQAAAAA%3AEcNFf_0FKsU0mzoyExUkcFIIP-mK6TNigx4oRp8UOIDgfuetyAUTp1ppDLvukCYtdizyUITUzTaOThAN)
Mais rien ne dit que le composé auquel pense mon interlocuteur soir l'isothiocyanate d'allyle : ce pourrait être un itc de méthyle, ou d'autres.
https://img.perfumerflavorist.com/files/base/allured/all/document/2016/03/pf.9236.pdf
Et je termine en signalant que, en tout cas, il y a lieu d'être prudent avec des doses. Le mieux : https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2903/j.efsa.2010.1943
Là, j'ai fait mon travail : je l'ai mis en garde, je l'ai mis sur des pistes, je l'ai alerté des dangers, afin qu'il puisse éviter les risques.
Et je reçois une réponse polie et amicale, des remerciements.
Très bien, mais j'apprends que l'utilisation de la plante en question donne lieu à des "pilules", des "gélules", des tisanes... et cela servirait à de la "détox".
Aie ! de la "détox" ? D'autant que je vérifie que la plante en question n'est pas nécessairement très "comestible". Mais on me connais : je me limite à citer à mon interlocuteur le compendium des plantes toxiques, qui est essentiel pour tous ceux qui utilisent des plantes : https://data.europa.eu/data/datasets/efsa-botanical-compendium?locale=fr
Et j'explique que, si j'ai bien compris, il y a un premier principe, selon lequel la dose est essentielle, puisque tout est poison, en quelque sorte... mais avec des exceptions pour les "perturbateurs endocriniens"... comme il y en a dans les plantes (la lavande, par exemple).
Bref, nous devons être très prudent, et surtout avec des préparations... d'autant qu'à à côté des isothiocyanates, il y a peut être des composés toxiques !
Et je termine en préconisant la consultation de vrais toxicologues compétents ! Sans croire ce qu'ont écrit des Hildegarde de Bingen et autres, qui n'avaient aucun moyen de connaître la toxicité des plantes (et qui, d'ailleurs, ont préconisé des plantes parfaitement toxiques).
Plus d'autres conseils techniques.
Mais mon interlocuteur, qui me remercie, s'accroche à cette idée selon laquelle
la dose fait le poison : il oublie la deuxième partie de mon texte !
D'autre part, il s'émerveille qu'une plante invasive ait des utilisations "bénéfiques" : c'est du mysticisme. Et il ajoute diverses indications justifiant que, oui, finalement, on peut utiliser la plante.
Là, ayant écrit un "traité de la mauvaise foi", je sais la reconnaître... Notre homme vend des préparations végétales, et il cherche tous les moyens de continuer à le faire. Il veut ignorer que la pharmacie moderne se distingue des préparations des rebouteux par le fait que l'on extrait les principes actifs, qu'on les purifie, et qu'on les dose correctement, pour une prise raisonné, au lieu d'avoir des extraits aux concentrations incertaines.
Mais la cause est perdue : notre homme continuera son activité.
D'ailleurs, comme je lui dis tout cela amicalement, il me répond, et il me dit que tout va bien que "plusieurs facultés de pharmacie ont donne leur visa" (rien qu'une telle expression est injuste)... mais il ne répond pas à mes arguments.
La biblio, d'ailleurs, montre des documents d'une qualité toute relative, plus d'ailleurs des thèses que des publications scientifiques (pour ces dernières, quasiment rien, et dans des mauvaises revues).
Bref, la mauvaise foi est terrible !
lundi 6 février 2023
Les citrons confits
Les citrons confits ?
Il y en a deux sortes principales : les citrons confits dans l'huile et les citrons confits au sel.
C'est très simple dans les deux cas.
Pour les citrons confits au sel : quand on a utilisé des citrons, on les lave, puis on les met dans un bocal avec de l'eau qui les couvre tout juste, et l'on ajoute ensuite environ la moitié en volume de sel. On garde ainsi les citrons dans la saumure pendant plusieurs semaines, et l'on obtient des citrons évidemment très salés, mais qui agrémentent agréablement les préparations (il en faut très peu) : tajine, sauce, etc.
Pour les citrons confits à l'huile : on lave les citrons, puis on les plonge dans l'eau bouillante ; on coupe le feu et on les laisse ainsi pendant 15 minutes. On les essuye, on y fait quatre incisions sur les flancs, et on y met du gros sel. On les maintient ainsi pendant deux jours, avant de les mettre en bocal avec des épices (clous de girofle, graines de coriandre, grains de poivre, feuille de laurier...). Puis on couvre d'uile d'olive chauffée, et l'on stocke au réfrigérateur pendant environ un mois, en récipient fermé, avant de les consommer, dans les deux mois.
Mon apport particulier, en cette occurrence ? Certes, je sais que le sel vient tirer de l'eau, sécher les citrons. Je sais que le sel prévient le développement microbien, que l'huile fait une couche qui évite les contaminations... mais, en réalité, mon apport principal est de donner des recettes testées depuis des années dans ma cuisine.