Il y a quelques années, le titre de "distinguished member" d'une société savante de chimie a été retiré au directeur d'un laboratoire où un accident avait eu lieu.
Bien sûr, il y a des cas où le directeur du laboratoire n'est pas responsable des accident qui ont lieu dans son laboratoire.
Et je peux témoigner que malgré des visites de sécurité des stagiaires, malgré une insistance extrêmement lourde sur nos trois mots clés "sécurité, qualité, traçabilité", j'ai vu des comportements individuels complètement ahurissants !
On pourrait alors conclure que des stagiaires ne doivent rien faire dans un laboratoire de chimie, à part regarder.
Mais leurs institutions leur demandent précisément de faire quelque chose !
Le faire avec le tuteur juste à côté ? Le risque zéro n'existe pas, et j'ai vu des comportements ahurissants même en dehors de ces pièces que sont les laboratoires. Non, il n'est pas possible de surveiller des étudiants chaque seconde, et s'ils ont des comportements idiots, ils auront des accidents.
Manifestement, c'est donc un état d'esprit que les tuteurs doivent établir : un état d'esprit de responsabilité, en conscience.
Et il faut évidemment que les étudiants apprennent les règles de sécurité qu'ils ne connaissent pas. Il y a tant de choses à faire bien, à ne pas faire mal !
Car le risque toxique n'est pas le seul ; il y a des verreries qui coupent, des systèmes de chauffage qui brûlent, des appareils électriques qui électrocutent... Et nos amis doivent découvrir cela, sans quoi ils sont exposés.
Bref, les responsables de laboratoire, les chimistes doivent mettre en oeuvre des bonnes pratiques, et ces pratiques ne sont pas seulement techniques, mais humaines : évidemment, il y a le respect des personnes, physique évidemment, mais aussi moral.
Depuis quelques années, l'éthique professionnelle est discuté dans les institutions de recherche, dans les revues, et cela est essentiel... même si l'on ne peut imaginer que tous agiront correctement. Mais, au moins, on aura identifié les comportement à éviter, et l'on minimisera la probabilité que ces comportements puissent être mis en oeuvre par "mégarde".
Au fond, j'y reviens : tout cela converge vers mon "Le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture".
Oui, bonté et droiture vis à vis de tous, dans les laboratoires.
Et je termine en répétant nos trois mots clés : sécurité, qualité, traçabilité !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 24 janvier 2022
Recherche scientifiques et relations humaines : les bonnes pratiques ?
dimanche 23 janvier 2022
Avant de nous mettre en route...
Sélectionner la méthode qui permet d'atteindre l'objectif ?
Commençons par dire que, avant de se lancer dans un travail, il vaut mieux avoir bien clarifié l'objectif.
Se lancer dans un travail, c'est comme se mettre en chemin. Or si nous ne savons pas où nous allons, quand nous prenons la route, il ne nous sera pas possible d'atteindre l'objectif (puisqu'il n'existe pas°;
Oui, si je ne sais pas que je veux aller à Colmar, alors, je risque d'arriver à Marseille, ou à Bordeaux.
En revanche, l'objectif étant choisi, on peut alors déterminer la méthode pour l'atteindre.
On peut déterminer la méthode, c'est-à-dire le chemin... puisque, en grec, méthode signifie choix du chemin !
Et le chemin, c'est aussi le moyen de le parcourir : à pied, en vélo, en avion...
Dans la vie, les choses sont plus compliquées, et notamment parce qu'on ne sais même pas si un chemin existe, si un chemin est praticable.
Autrement dit, nous avons lieu de bien réfléchir, quand nous nous mettons en route, quand nous nous lançons dans un travail.
Et, au cours de nos études, de nos travaux, de nos recherches, nous ne pouvons faire l'économie de toutes ces réflexions.
Lettres à Louis Pasteur : j'abuse... comme souvent
Vient de paraître :
Hervé This, Monsieur Pasteur, croyez-moi : il n’est pas nécessaire d’être lugubre pour être sérieux. Vive la science joviale !. In Lettres à Loulou dit Pasteur, éditions Thierry Marchaisse, Paris, pp. 75-86.
Tout est dit dans le titre... sauf que je profite de cette occasion, non pas pour ériger une statue, mais pour profiter de l'homme pour dire des choses utiles à ceux qui le suivent.
Utile, toujours utile !
samedi 22 janvier 2022
Regardons aussi le mauvais pour en prendre le contrepied et atteindre de l'amélioré
Il y a une sorte de journalisme scientifique que je n'aime pas : celui qui consiste à produire des articles où l'on raconte sa propre implication personnelle dans la découverte des faits que l'on veut exposer (pour faire "vivant"), en y introduisant par-ci par-là des phrases qui auraient été dites par des scientifiques que l'on a rencontré.
Je n'ai rien contre cette façon de faire, quand c'est bien fait, mais la systématisation, qui s'apparente à la faute du "cliché" quand on parle, me semble être une faute, et le signe d'un travail insuffisant.
Oui, tout d'abord, il peut y avoir de la répétition, du style... mais encore faut-il que ce soit personnel. Or, ces temps-ci, de trop nombreux journalistes usent de cette manière d'exposer les résultats scientifique pour que l'on ne retrouve pas le procédé, texte après texte.
D'autre part, il y a la question de l'intelligence, donc du travail. Dans les textes, on juge en quelques phrases de l'intelligence de celui ou de celle qui a écrit... mais cette "intelligence", c'est en réalité du travail. Et l'absence d'intelligence est une absence de travail, une élaboration insuffisante.
A ce propos, comment éviter de citer un de mes amis physiciens qui, interrogé sur sa méthode pour devenir intelligent, m'avait répondu : "Je me filtre" ? Nous sommes tous logés à la même enseigne, mais "les écrivains ne trouvent pas les mots ; alors ils les cherchent".
Une des fautes courantes du type de journalisme que je critique ici, c'est de mettre dans la bouche des personnes citées, des phrases idiotes. Car, la teneur de l'information étant donnée sous la pensée du ou de la journaliste, il ne reste plus que des platitudes à ajouter.
Et c'est ainsi que, souvent, les personnes citées se limitent à du "Par ici mes belles oranges pas chères". J'entends par là qu'on leur fait dire que le résultat obtenu est "très important" (argument d'autorité sans intérêt, d'une part, fautif intellectuement d'autre part).
Mais il y a pire : le "moi je" qui est l'angle retenu dans ce type d'article me fait immanquablement penser à ces livres des mauvais auteurs, refusés par tous les éditeurs, où l'ego s'étale de façon lamentable, ces auteurs n'ayant pas compris que le narrateur de la Recherche du temps perdu n'était pas l'auteur !
Bref, je ne dis pas que cette forme de journalisme ne puisse être très bien conduite, mais cela demande beaucoup de travail, sans doute plus de travail que simplement raconter un peu platement le résultat scientifique nouveau qui a été obtenu.
D'autant que l'on sent les débutants qui mettent en oeuvre naïvement la méthode qui leur a été enseignée dans leur école.
Réfléchissons-y bien, la prochaine fois que nous serons tentés de faire ainsi.
jeudi 20 janvier 2022
Chimie... analytique ? Ne confondons pas tout
Tout est déjà dit dans l'image jointe
Oui, tout est déjà dit dans l'image jointe : on nous parle de "chimie analytique", et l'on nous dit qu'il s'agirait de mettre au point... Mettre au point ? Cela, c'est de la technique ou de la technologie, pas de la science, donc pas de la chimie !
On nous dit aussi qu'il s'agit d'appliquer des méthodes, des instruments et des stratégies pour obtenir de l'information... Mais cela n'est-il pas la science en totalité ? Rien de spécifique à la chimie analytique, donc.
Puis on nous dit que l'on s'intéresse à la composition et à la nature de la matière : c'est trop flou, car ce sont les physiciens, et non les chimistes, qui explorent les particules subatomiques. La chimie, elle, considère des énergies différentes, des objets atomiques, moléculaires, leurs transformations (réactions)...
Et puis : la matière dans l'espace et dans le temps... Du baratin.
Bref, cette définition est très mauvaise !
Le journalisme scientifique montre-t-il vraiment le travail scientifique ? Ses résultats ?
Lors de la visite d'un groupe de jeunes journalistes au laboratoire, la question était de leur montrer le travail scientifique.
J'ai commencé par montrer des applications de la gastronomie moléculaire, en signalant bien que cela n'est pas le travail scientifique, mais des applications, des retombées (avec lesquels certains justifient la nécessité des sciences, ce qui n'est pas mon cas ; je montre des applications précisément pour dire que l'on ne doit pas justifier les sciences par des critères extérieurs, mais internes).
Puis j'ai montré les lieux : nous avons parcouru le laboratoire, nous sommes entrés dans des pièces, nous avons vu des appareils, nous avons vu des locaux, des équipements, etc.
Là encore, ce n'est donc pas le travail scientifique, mais son environnement.
Puis nous avons approché une question scientifique, en partant d'une expérience qui m'empêche de dormir : l'effet Pastis. Je n'entre pas ici dans les détail, car j'ai déjà traité cela ailleurs.
Là, je souris quand même, car, dans l'introduction de ma présentation, j'avais annnoncé que je montrerais "ce qui m'empêche de dormir", et, alors que j'avais oublié ce point après la visite des locaux, un de nos jeunes amis m'a demandé ce qui m'empêchait de dormir : mon "titre" avait fonctionné.
Et finalement, j'ai conclus que rien de ce que j'avais montré n'était de la recherche scientifique, laquelle est certes à bases expérimentales, mais surtout théorique, avec des calculs, des équations.
D'où l'enjeu du journalisme, quand il considère les sciences de la nature : comment expliquer au public cet aspect essentiel, fondamental, le seul qui soit au coeur de la question ?
Oui, comment expliquer les équations à un public qui ne les comprend pas ?
On peut toujours botter en touches, mais cela ne résout pas la question : on ne fait pas le vrai travail qu'il faudrait faire.
Oui, il faut répéter que les sciences de la nature partent d'expérimentations, et qu'elles doivent conduire à des calculs, car "le monde est écrit en langage mathématique".
Et l'on pourra donc (devra ?) présenter les expérimentations... mais ce n'est qu'un travail technique. L'expérience vaut moins par son déroulé que par son résultat.
Et ce résultat se jauge à la théorie, aux équations.
J'ai déjà dit notre faillite du journalisme scientifique, à ce propos, et j'ai cité le cas de l'astrophysicien Stephen Hawkins, à qui un éditeur avait dit de ne pas mettre d'équations. De ce fait, notre collègue en était resté à du vernis. Des circonstances, de l'externe, de l'environnement.
La question est difficile... parce que je crois surtout que l'on a abdiqué. Il est temps de se reprendre... en dépassant la presse de la presse, en se donnant le temps de faire ce qui est vraiment utile.
Mon idée du journalisme scientifique : dire qu'une fusée a décollé est sans intérêt ; il faut expliquer comment on fait décoller une fusée, avec des explications suffisantes pour que l'on puisse presque le faire soi-même.
mercredi 19 janvier 2022
Chimie vs Physique ? Non, il y a de la Science (de la nature)
Avec un ami physicien, je joue depuis longtemps à un jeu de "posture", lui physicien, moi chimiste : il dit mépriser la chimie, et je lui rétorque qu'il ne la connaît pas ; et j'ajoute que, s'il méprise les véritables objets du monde matériel qu'il prétend étudier (les atomes, ions, molécules, associations moléculaires), ses grandes lois générales abstraites ne valent rien, réfutées par la diversité des "vrais" objets.
Evidemment, c'est un jeu souriant car l'image de la chimie qu'il donne et caricaturale, et, d'autre part, nous faisons comme si des frontières nettes existaient entre les deux disciplines : elles sont en réalité si floues qu'il existe une physico-chimie qui se distingue d'une chimie physique !
En outre, il travaille dans un laboratoire... de chimie, tandis que, pour ce qui me concerne, je ne cesse de faire des calculs de "physique" à propos des systèmes que j'étudie pourtant en chimiste.
Mais dépassons ce jeu pour mieux comprendre les beautés de la chimie.
Oui il y a des composés en nombre infini, et, en raison de la combinatoire qu'introduit la réactivité des composés, il y a un nombre encore plus infini, si l'on peut dire, de possibilités de transformations, de réactions.
D'ailleurs, de même que l'astronomie n'a que faire de la découverte d'une nouvelle étoile, nous n'avons que faire de la découverte d'une nouvelle molécule.
Ce qui nous intéresse, c'est bien de comprendre le monde, sa structure, ses régularités, ses mécanismes... car on se souvient que, par définition, les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes.
Oui, les "phénomènes". Et par phénomènes, on n'entend pas seulement l'échauffement d'un conducteur parcouru par un courant, ou la surrection d'une chaîne de montagnes. Tout objet saillant du monde est un "phénomène" : la simple existence d'une molécule, d'ailleurs, s'apparente à la présence d'une montagne. Il y a des raisons derrière.
Bien sûr, on pourra se rapprocher des philosophes, notamment des épistémologues, des philosophes, pour discuter cette question des phénomènes, mais ne pouvons-nous explorer nous-mêmes cette question ? Car les sciences de la nature sont de la "philosophie de la naturelle", disait-on jadis, même si l'expression a été abandonnée pour des raisons que j'ai déjà évoquées.
Bref il y a des objets dans notre monde : les molécules, des atomes, les ions, les associations moléculaires... Et il y a leurs transformations, leurs réorganisations, leurs interconversions, leurs réarrangements... Et cela fait des phénomène d'un autre type.
Ainsi, on pourrait distinguer des phénomènes "matériels", et des phénomènes "relationnels".
Ce qui me conduit à rappeler que la collection de papillon peut être tout aussi bien une activité une activité idiote qu'une activité intelligente. Si l'on va simplement capter des papillons pour les épingler dans une collection, on n'a rien fait d'intelligent, et l'on aurait tout aussi bien fait de laisser les papillons dans la nature.
En revanche, si l'on s'interroge sur les papillons, recueillis, si l'on cherche des ressemblances, manifestes ou profondes, si l'on questionne la taxonomie, la physiologie, si l'on essaie de comprendre les raisons de la couleur brillante de leurs ailes, si l'on cherche à identifier leurs comportements, alors on dépasse l'objet sans intérêt, pour monter vers l'honneur de l'esprit humain, l'abstraction.
Il en va de même de la chimie. Une molécule de plus ne vaut rien sans sa mise en perspective ! Et c'est ainsi que la chimie est belle, n'est-ce pas ?