Affichage des articles dont le libellé est journalisme scientifique. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est journalisme scientifique. Afficher tous les articles

samedi 22 janvier 2022

Regardons aussi le mauvais pour en prendre le contrepied et atteindre de l'amélioré

 Il y a une sorte de journalisme scientifique que je n'aime pas : celui qui consiste à produire des articles où l'on raconte sa propre implication personnelle dans la découverte des faits que l'on veut exposer (pour faire "vivant"), en y introduisant par-ci par-là des phrases qui auraient été dites par des scientifiques que l'on a rencontré.

Je n'ai rien contre cette façon de faire, quand c'est bien fait,  mais la systématisation, qui s'apparente à la faute du "cliché" quand on parle, me semble être une faute, et le signe d'un travail insuffisant.

Oui, tout d'abord, il peut y avoir de la répétition, du style... mais encore faut-il que ce soit personnel. Or, ces temps-ci, de trop nombreux journalistes usent de cette manière d'exposer les résultats scientifique pour que l'on ne retrouve pas le procédé, texte après texte.
 
D'autre part, il y a la question de l'intelligence, donc du travail. Dans les textes, on juge en quelques phrases de l'intelligence de celui ou de celle qui a écrit... mais cette "intelligence", c'est en réalité du travail. Et l'absence d'intelligence est une absence de travail, une élaboration insuffisante.
A ce propos, comment éviter de citer un de mes amis physiciens qui, interrogé sur sa méthode pour devenir intelligent, m'avait répondu : "Je me filtre" ? Nous sommes tous logés à la même enseigne, mais "les écrivains ne trouvent pas les mots ; alors ils les cherchent".

Une des fautes courantes du type de journalisme que je critique ici, c'est de mettre dans la bouche des personnes citées, des phrases idiotes. Car, la teneur de l'information étant donnée sous la pensée du ou de la journaliste, il ne reste plus que des platitudes à ajouter.
Et c'est ainsi que, souvent, les personnes citées se limitent à du "Par ici mes belles oranges pas chères". J'entends par là qu'on leur fait dire que le résultat obtenu est "très important" (argument d'autorité sans intérêt, d'une part, fautif intellectuement d'autre part).

Mais il y a pire : le "moi je" qui est l'angle retenu dans ce type d'article me fait immanquablement penser à ces livres des mauvais auteurs, refusés par tous les éditeurs, où l'ego s'étale de façon lamentable, ces auteurs n'ayant pas compris que le narrateur de la Recherche du temps perdu n'était pas l'auteur !



Bref, je ne dis pas que cette forme de journalisme ne puisse être très bien conduite, mais cela demande beaucoup de travail, sans doute plus de travail que simplement raconter un peu platement le résultat scientifique nouveau qui a été obtenu.
D'autant que l'on sent les débutants qui mettent en oeuvre naïvement la méthode qui leur a été enseignée dans leur école.

Réfléchissons-y bien, la prochaine fois que nous serons tentés de faire ainsi.



jeudi 20 janvier 2022

Le journalisme scientifique montre-t-il vraiment le travail scientifique ? Ses résultats ?

 

Lors de la visite d'un groupe de jeunes journalistes au laboratoire, la question était de leur montrer le travail scientifique.

J'ai commencé par montrer des applications de la gastronomie moléculaire, en signalant bien que cela n'est pas le travail scientifique, mais des applications, des retombées (avec lesquels certains justifient la nécessité des sciences, ce qui n'est pas mon cas ; je montre des applications précisément pour dire que l'on ne doit pas justifier les sciences par des critères extérieurs, mais internes).

Puis j'ai  montré les lieux : nous avons parcouru le laboratoire, nous sommes entrés dans des pièces, nous avons vu des appareils, nous avons vu des locaux, des équipements, etc.
Là encore, ce n'est donc pas le travail scientifique, mais son environnement.

Puis nous avons approché une question scientifique, en partant d'une expérience qui m'empêche de dormir : l'effet Pastis. Je n'entre pas ici dans les détail, car j'ai déjà traité cela ailleurs.
Là, je souris quand même, car, dans l'introduction de ma présentation, j'avais annnoncé que je montrerais "ce qui m'empêche de dormir", et, alors que j'avais oublié ce point après la visite des locaux, un de nos jeunes amis m'a demandé ce qui m'empêchait de dormir : mon "titre" avait fonctionné.

Et finalement, j'ai conclus que rien de ce que j'avais montré n'était de la recherche scientifique, laquelle est certes à bases expérimentales, mais surtout théorique, avec des calculs, des équations.

D'où l'enjeu du journalisme, quand il considère les sciences de la nature : comment expliquer au public cet aspect essentiel, fondamental, le seul qui soit au coeur de la question ?

Oui, comment expliquer les équations à un public qui ne les comprend pas ?

On peut toujours botter en touches, mais cela ne résout pas la question : on ne fait pas le vrai travail qu'il faudrait faire.

Oui, il faut répéter que les sciences de la nature partent d'expérimentations, et qu'elles doivent conduire à des calculs, car "le monde est écrit en langage mathématique".

Et l'on pourra donc (devra ?) présenter les expérimentations... mais ce n'est qu'un travail technique. L'expérience vaut moins par son déroulé que par son résultat.

Et ce résultat se jauge à la théorie, aux équations.

J'ai déjà dit notre faillite du journalisme scientifique, à ce propos, et j'ai cité le cas de l'astrophysicien Stephen Hawkins, à qui un éditeur avait dit de ne pas mettre d'équations. De ce fait, notre collègue en était resté à du vernis. Des circonstances, de l'externe, de l'environnement.

La question est difficile... parce que je crois surtout que l'on a abdiqué. Il est temps de se reprendre... en dépassant la presse de la presse, en se donnant le temps de faire ce qui est vraiment utile.
Mon idée du journalisme scientifique : dire qu'une fusée a décollé est sans intérêt ; il faut expliquer comment on fait décoller une fusée, avec des explications suffisantes pour que l'on puisse presque le faire soi-même.