En février 2020, nous avions fait un séminaire pour discuter la question des proportions dans les sabayons, en partant d'une recette de base avec un jaune d' œuf (soit environ 20 g), 20 grammes de sucre, et 20 grammes de liquide. Avec cette recette, on obtenait une préparation foisonnée, quand on la fouettait en la chauffant doucement.
Nous avions alors augmenté la proportion d'eau, et nous avions vu que nous pouvons avoir des quantités de volumes de sabayon qui augmentaient avec la quantité d'eau. Nous étions allé jusqu'à quatre fois plus d'eau que de jaune en obtenant des mousses très volumineuses, moins stables évidememment.
Mais nous n'avions pas eu le temps d'examiner l'influence de la présence d'alcool, d'acide... Aussi, hier, avons-nous repris expérimentalement la question, toujours avec la même base, mais soit avec de l'eau, soit avec du vin, soit avec de la vodka, soit avec duvinaigre blanc.
C'est ainsi que nous avons observé régulièrement que la vodka donne des crèmes qui ne sont pas foisonnées : elles restent plates, un peu comme des crèmes anglaises.
L'acide donne de bons résultats, mais un peu moins bien qu'avec l'eau.
Pour l'eau, nous avons comparé des préparations qui avaient été initialement travaillées "au ruban", avec le battage du jaune avec du sucre seul, jusqu'à ce que la préparation blanchisse, et d'autres préparations qui avait été faites directement, avec les trois ingrédients : on obtient un peu près le même résultat dans les deux cas.
Évidemment avec de l' œuf entier, on a une mousse plus volumineuse, mais il n'y a pas lieu de s'étonner, parce que le blanc apporte beaucoup d'eau, de sorte que nous nous retrouvons isdans les conditions du séminaire précédent.
Finalement, il y a cette observation importante selon laquelle il ne faut pas chauffer trop fort au début pour avoir le temps de foisonner la préparation avant que le chauffage des protéines ne conduise à leur coagulation, et donc à la stabilisation de la mousse formée
Oui, ce seront de telles explorations expérimentales qui nous conduiront à perfectionné les techniques culinaires, afin de laisser aux praticiens du temps et de l'énergie pour se focaliser sur les questions artistiques, bien plus difficiles.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
dimanche 21 novembre 2021
L'influence des alcools ou des acides sur les sabayons
vendredi 19 novembre 2021
Gels congelés et décongelés
J'ai peur de ne pas avoir été assez clair, mais ce qui m'inquiète n'est pas mon obscurité, mais le fait que je ne comprenne pas en quoi j'étais obscur !
Voici les faits : dans un billet précédent, j'expliquais que la prise en gel était réversible, à savoir que de la gélatine (des polypeptides formés par dissociation des trois brins de cette protéine qu'est le collagène) placée dans l'eau chaude s'y dissout, formant ensuite un gel quand elle refroidit.
Puis, si l'on congèle ce gel, l'eau qui est piégée dans le réseau établi par les molécules de gélatine forme de la glace. De sorte qu'au réchauffement à température ambiante, on récupère un gel, car les molécules de gélatine n'ont pas été modifiées physiquement.
Or on m'interroge sur ce point. Ne suis-je pas clair ?
Puisque la description microscopique ne suffit pas, expliquons la chose expérimentalement, macroscopiquement. J'ai refait hier l'expérience suivante :
1. j'ai préparé un gel à 7 % de gélatine dans l'eau,
2. puis je l'ai congelé,
3. et quand je l'ai décongelé, il était normalement gélifié.
Bien sûr, il y avait des irrégularités dans l'intérieur du gel, mais rien de grave.
4. et quand j'ai passé ce gel au micro-ondes pour le reliquéfier, puis que j'ai ensuite attendu la prise, elle s'est refaite sans difficulté.
Comme je le disais, la congélation n'endommage pas chimiquement les molécules de gélatine, qui restent parfaitement fonctionnelles.
Et la consistance d'un gel refondu reste la même (à condition de ne pas cuire comme une brute, sans quoi on dégrade les polypeptides, ce qui change la force du gel).
jeudi 18 novembre 2021
Des sabayons jusqu'aux omelettes soufflées
Aujourd'hui, lors du séminaire de gastronomie moléculaire, nous allons explorer les sabayons.
Rien de plus simple, en quelque sorte que ces systèmes qui permettent de faire un dessert en quelques coups de fouet.
Il s'agit de prendre de l' œuf, du sucre, d'ajouter un liquide (un jus de fruit, du vin...), puis de fouetter en chauffant.
Quand les proportions sont bonnes, alors les bulles qui viennent se mettre dans le liquide sont nombreuses, et la cuisson de l' œuf les stabilise relativement.
Bien sûr, on a intérêt à garder des principes simples, à savoir notamment que les petites bulles sont mieux stabilisées que les grosses...
Et c'est cela qui doit nous conduire à faire le ruban avant d'ajouter le liquide.
Faire le ruban, cela signifie fouetter les oeufs avec le sucre jusqu'à ce que la préparation blanchisse.
Bien sûr, on peut aussi séparer les jaunes des blancs préalablement, faire le ruban avec les jaunes et le sucre seulement, battre les blancs en neige, puis mêler les deux préparations, mais on obtient alors quelque chose qui s'apparente davantage à une omelette soufflée qu'à un sabayon.
En réalité tout est possible pour qui comprend que la question est simplement d'introduire des bulles, d'une part, et, d'autre part, de porter les oeufs jusqu'au point de la coagulation qui va stabiliser le système.
Le sabayon bien mousseux (il ne s'agit pas d'une émulsion, mais d'une suspension foisonnée, ou d'une mousse suspension) peut se servir froid ou chaud.
A propos de viandes et de diracs
À ce colloque de l'Académie de l'agriculture sur les reproductions de viande, je vais essentiellement montrer que des mélanges d'eau et de protéines conduisent, après cuisson, à des solides d'autant plus durs que la concentration en protéines est élevée.
À la base de cette observation, le fait que le blanc d'oeuf sur le plat reste à solide très mou, tandis qu'un steak cuit est beaucoup plus dur. Dans le premier car, il y a 10 % de protéines et 90 % d'eau, tandis que dans le second, il y a environ 20 % de protéines et donc 80 % d'eau : le doublement de la quantité de protéines conduit alors à la formation d'un gel beaucoup plus ferme, c'est-à-dire d'un produit beaucoup plus consistant, et l'on peut avoir toutes les graduations entre les deux.
Dautant qu'il y a, dans les viandes un troisième paramètre, à savoir la quantité de matière grasse, ce que l'on nomme le persillé.
Évidemment, je n'utilise pas le mot "viande" pour désigner des solides mous obtenus à partir d'eau et de protéines, et j'ai proposé le mode "dirac", d'après le physicien Paul Andrien Maurice Dirac, qui était la loyauté même : pour les dénominations de produits alimentaires, nous devons être parfaitement loyaux, et certainement ne jamais utiliser le mot de viande pour désigner des mélanges de protéines et d'eau, ni pour désigner les produits obtenus par des cultures in vitro de cellules musculaires.
Je rappelle que la loi de 1905 sur le commerce les produits alimentaires réclame des produits loyaux, marchands et sains.
La loyauté, c'est-à-dire l'honnêteté, consiste à reconnaître que la viande est la viande, et que ce qui n'est pas la viande n'est pas la viande. Simple, non ?
mercredi 17 novembre 2021
A propos d'amour
J'ai fait une erreur, à propos d'une cassolette de moules pour laquelle j'ai oublié que la cuisine, c'est d'abord de l'amour.
La question est la suivante : j'avais donc des moules, que j'ai cuites avec vin blanc, ail et oignon, avant de les décortiquer. Et l'on voit bien donc là que je me suis préoccupé de mes convives puisque je leur ai évité de se salir les doigts.
Pour la sauce, j'avais sué de l'oignon et de la carotte dans du beurre, avant d'ajouter du vin blanc, un fond de volaille et de la crème, que j'avais fait un peu réduire.
Et c'est à ce moment-là, après l'assaisonnement, la rectification du goût du liquide, que j'ai eu l'idée de mixer mon liquide contenant la carotte et l'oignon.
Pas de problème technique pour cette opération, mais quand j'ai mis dans de jolis bols le liquide brûlant avec les moules, alors nous avions un sentiment un peu rustique, car il n'y avait pas la belle consistance lisse d'un consommé. Tout allait bien également du point de vue artistique, le goût y était, mais c'est la question de l'amour qui était mal réglée, car j'aurais bien mieux fait de passer mon liqude au chinois pour récupérer une préparation parfaitement lisse.
Oui, n'oublions pas que la cuisine, c'est de la technique, de l'art mais surtout de l'amour !
mardi 16 novembre 2021
Cuire la tarte au citron
Pourquoi la tarte au citron mérite-t-elle d'être cuite en deux temps ?
Je propose de penser que la tarte au citron ressemble un peu à la quiche : il faut que la garniture soit très tendre, pour faire un contraste avec la pâte, qui doit être croustillante.
Pour la quiche, la cuisson doit être arrêtée quand la garniture commence à gonfler. C'est le signe que de l'eau s'évapore, et prolonger la cuisson risquerait de faire une garniture trop sèche, caoutchouteuse.
Pour la tarte au citron, la question est identique : il faut une couche suffisante, au-dessus de la pâte, et non pas ce mince appareil que l'on voit parfois, tout sec, tout dur...
Pour faire bien...
Pour avoir un bon résultat, il faut cuire en deux fois, et non d'une seule fois, car il est très difficile d'arriver à ce que, dans un même temps, la pâte soit croustillante et la garniture juste cuite.
Bref, il est bien préférable de cuire la pâte "à blanc", seule, après l'avoir piquée pour qu'elle ne gonfle pas, en n'ayant pas oublié d'y ajouter du sucre pour qu'elle brunisse et prenne un bon goût. Et c'est seulement au deux tiers de la cuisson que l'on y verse l'appareil au citron, fait d'oeufs battus avec du sucre, puis avec du jus de citron, une pincée de sel et des zestes rapés. On termine alors la cuisson, qui dure une dizaine de minutes pas plus.
De la sorte, on garde un appareil épais et tendre
lundi 15 novembre 2021
Faire ses pâtes fraîches
Faire des pâtes fraîches ? Rien de plus simple : il s'agit simplement de mélanger de la farine et des oeufs, de bien travailler, éventuellement en ajoutant de l'eau, pour obtenir une préparation épaisse, mais coulante, puis de faire tomber cette préparation dans de l'eau bouillante pour une cuisson qui dure 3 minutes.
A cette description rapide, on peut ajouter quelques précisions.
Tout d'abord, on sera bien avisé d'utiliser la proportion d'un œuf entier pour 100 grammes de farine. Ayant mélangé ces deux ingrédients, on ajoutera filet d'huile d'olive, et l'on continuera à battre en ajoutant de l'eau, par très petites quantités à la fois, jusqu'à ce que la pâte soit épaisse, mais coulante. En effet, en Alsace, c'est une telle pâte que l'on fait passer dans les trous d'une espèce d'appareil qui ressemble à une râpe, avec un compartiment qui va-et-vient au-dessus d'une grille à gros trous : se forment de petites billes de pâtes qui tombent d'abord au fond de la casserole, avant de remonter. On donnera 3 minutes de cuisson.
La remontée ? Elle résulte du même mécanisme que pour les échaudés, les gnocchis, à savoir que des bulles de vapeur viennent faire comme des bouées autour des petites masses de pâtes cuites. Pendant cette cuisson, l'amidon de la farine s'empèse, c'est-à-dire que les grains d'amidon grossissent en absorbant de l'eau, finissant par se souder, tandis que l'oeuf vient solidariser l'ensemble.
Bien sûr il faudra avoir mis du sel soit dans la pâte soit dans l'eau. Et, pour terminer, j'ajoute qu'en Alsace, ces pâtes fraîches, ou Spaëtzle, sont ensuite passées au beurre et brunies, parfois même avec du Munster. Un délice.