Pour la rédaction les rapports, des articles, etc., j'ai proposé à mes jeunes amis la méthode que j'ai nommée "1/3/9/27". J'en ai fait une présentation détaillée, où je dis notamment que cette méthode consiste à ne surtout pas se lancer dans la rédaction de l'introduction, d'en faire des pages des pages pour s'apercevoir ensuie que, alors qu'on n'est encore qu'au début, on a atteint la taille maximale du document que l'on doit rendre.
J'ai proposé, au contraire, de partir d'un état que je nomme "1", et qui se réduit à un titre. Puis on divise ce premier "document" en un document avec un seul niveau de détails, pour faire un nouveau document que je nomme "3", comme quand on fait une pâte feuilletée. Puis on développe chaque partie en quelques sous parties (que l'on ne rédige surtout pas !), afin d'obtenir un troisième document que l'on nomme "9". Et ainsi de suite : on divise les sous parties en sous sous parties, et l'on s'arrête quand le document a la taille voulue, méthode qui permet d'avoir quelque chose de structuré, d'une part, de la bonne longueur, d'autre part, avec un niveau de détail homogène.
Bien sûr, le nom 1-3-9-27 est impropre, parce que, parfois, il y a lieu de développer non pas en trois, mais en deux, ou en quatre, ou en cinq, selon les cas, mais je prend la peinde de l'expliquer dans le document de présentation de la méthode.
Or j'observe que je suis bien souvent mal compris, et de jeunes amis font tout à travers, en m'assurant avoir essayé de suivre mes conseils, ma méthode.
Pourquoi n'ont-ils pas compris ? Sont-ils idiots ? Suis-je obscur ?
À la relecture, je vois mal comment être plus clair que je viens de l'être, d'autant que je donne des exemples, dans mon document explicatif.
Serait-ce le nom de la méthode qui les induit en erreur ? Il est vrai que j'en ai vu qui venaient me demander comment faire pour diviser en 3 alors qu'ils avaient 4 parties. Je me suis relu et j'ai bien vu qu'il y avait marqué que quand il y avait 4 parties nécessaires, on faisait 4 parties.
Décidément, je ne comprends pas où est l'obscurité dans les explications, sauf peut-être avec ce nom qui effectivement est impropre.
Comment faudrait-il donc dire ? Méthode d'écriture par développements successifs ? Ou plutôt méthode d'écriture par développements en parallèle ? Surtout, le changement de nom sera-t-il suffisant pour me faire bien comprendre ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 22 septembre 2021
J'ai peur de ne pas être toujours assez clair
mardi 21 septembre 2021
La malhonnêteté m'étonne toujours, et surtout en sciences
En sciences, l'ambition est en quelque sorte de "lever un coin du voile".
Or face à la nature, tricher ne sert à rien, car même si on prend ses désirs pour la réalité, les phénomènes de la nature continuent de se reproduire inlassablement à l'identique : ce ne seront pas nos envies qui feront les phénomènes.
La confusion survient notamment dans la troisième grande étape de l'étude scientifique, quand on regroupe les données de mesure en "lois", disons plus justement en équations, depuis qu'on a bien dit que le mot "loi" ne convenait pas (une loi, c'est arbitraire, humain).
Bref, on a des points de mesure, et on a le sentiment qu'ils s'alignent selon une droite, quand ce sont des données de mesure, par exemple. Mais imaginons qu'ils ne s'alignent pas bien, et que la répétition des expériences retrouve ce défaut d'alignement. Pourquoi irions-nous prétendre qu'ils s'alignent ? Surtout si l'observation du non-alignement nous conduit à découvrir mieux qu'une simple proportion !
Bien sûr, je comprends que si quelqu'un est moins intéressé par la science que par sa réputation personnelle, sa carrière, le nombre de ses publications, etc., alors il ou elle sera tenté de trouver un alignement à bon compte, un alignement qui n'existe pas... mais cette personne n'est plus dans l'objectif d'identifier les mécanismes des phénomènes. C'est un carriériste, un tricheur, pas un scientifique !
Inversement, les scientifiques sont toujours à l'affût de tout ce qui vient réfuter leurs théories, dont ils savent bien que ce ne sont que des théories, insuffisantes, à améliorer. Et c'est en vertu de ce principe qu'ils multiplient les "validations" : il ne s'agit pas de répéter pour établir la théorie, mais, au contraire, de finir par trouver des écarts aux théories, en vue d'identifier des théories meilleures... et encore insuffisantes.
lundi 20 septembre 2021
Je veux surtout frayer avec des gens gentils
Je veux surtout frayer avec des gens gentils
1. Discutant avec un collègue d'un comité éditorial, nous évoquons le cas de ces rapporteurs qui mêlent des jugements de valeurs désobligeants aux critiques fondées qu'ils peuvent faire.
2. Mais, pour expliquer la question, il faut reprendre à la base & expliquer que quand un manuscrit est soumis à une revue, le secrétariat de rédaction confie à un éditeur le soin de chercher deux rapporteurs, qui vont donc lire le manuscrit & en faire une analyse.
Il y a des situations variées, notamment certaines revues veulent simplement une évaluation du manuscrit, mais généralement, les rapporteurs doivent analyser le texte ligne à ligne & identifier toutes les corrections qui devront être faites pour que le texte soit publiable par la revue.
3. C'est là où commence la difficulté car "analyse critique" ne signifie pas critique, mais seulement dépistage factuel d'erreurs de tous ordres : les rapporteurs doivent relever les erreurs, les imprécisions, etc., & cela concerne tout aussi bien le projet scientifique que les fautes d'orthographe.
4. Or la communauté scientifique sait très bien qu'il y a l'écueil de ces rapporteurs qui mêlent des jugements de valeurs à leurs analyses, & cela n'est pas bon : on a le droit de signaler beaucoup d'erreurs, mais on n'a pas le droit de dire que l'article est "mauvais", & c'est donc la tâche de l'éditeur que de gommer ces phrases qui peuvent être selon les cas méprisantes, désobligeantes, déplacées, hors de propos... sachant de surcroit que, comme je le montrerai dans un autre billet, les rapporteurs ne sont pas parfaits, loin s'en faut.
5. Il y a donc lieu d'être prudent quand on est éditeur d'un article à propos de ce que l'on transmets aux auteurs, & c'est là que notre discussion d'aujourd'hui commence : mon collègue avec qui je discutais me disait que, étant scientifiques, nous ne devons pas avoir à craindre les blessures narcissiques & que tout cela n'est pas très grave.
6. Je m'oppose absolument à cette idée & non pas seulement pour ce qui me concerne mais surtout pour tous les jeunes scientifiques nous voulons encourager. Ce n'est pas en tapant sur les cornes de l'escargot qu'on lui permettra d'avancer, ce n'est pas en blessant nos amis que nous créerons une communauté soudée, amicale, cohérente...
7. D'autant que les rapporteurs sont loin d'être parfaits, & que, bien souvent, on voit des commentaires fautifs !
8. Mon collègue, à qui je réponds cela, me rétorque que si l'on récuse ces rapporteurs déplaisants, personne n'acceptera plus de faire le travail de rapporteur... Mais pas du tout : c'est seulement que nous n'aurons plus ces rapporteurs détestables, & ce sera tant mieux !
9. En tout cas, il n'y a pas lieu d'encourager un état d'esprit agressif, dans les évaluations (terme mal choisi) de manuscrits. Au contraire, il faut enseigner (je dis bien "enseigner") à nos collègues à être civils, gentils, indulgents, encourageants...
10. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais moi-même publié un article qui disait en substance que nous avions moins besoin d'évaluations que d'analyse des manuscrits & de conseils à donner aux auteurs pour qu'ils améliorent ces derniers jusqu'au point de les rendre publiables.
11. En disant cela, je ne cède en rien sur la qualité des textes publiés, qui doit être parfaite. Il doit y avoir autant d'aller-retours que nécessaires pour arriver à la publication, & il est hors de question de publier des articles scientifiques insuffisants.
12. Le jugement des textes par les pairs est un bon principe, qu'il faut conserver (en plus du double anonymat ; voir https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/lanalyse-critique-des-manuscrits-et-les-conseils-damelioration-donnes), & améliorer. Pour cela, il faut encourager la gentillesse, l'intelligence, la droiture... & les qualités scientifiques.
samedi 18 septembre 2021
La rédaction "divisée"
1. Décidément, je crois que, pour beaucoup d'amis qui n'ont pas le temps de lire calmement, la rédaction en très petits paragraphes
(jusqu'à une seule phrase), séparés par une ligne de blanc, & numérotés s'impose.
2. Nombre d'amis me disent qu'ils ont du mal à lire des paragraphes volumineux.
3. Et cette façon d'écrire montre mieux les enchaînements logiques.
4. En outre, à l'ère du numérique, on n'est plus à une ligne près. Ce qui
faisait l'objet de réglages très fins de la part des maquettistes
devient plus facile, avec la même fonction littéraire.
5. Et bien
d'autres raisons. Mais la numérotation est une autre histoire : s'impose-t-elle
vraiment ? Non, mais elle ne gêne pas.
6. Reste la coquetterie du
&, qui était jadis utilisé dans les livres : il est exact que le
"et" revient souvent, de sorte que le besoin de le représenter n'a pas
changé. De même pour "ss", que l'on peut utilement remplacer par un β,
comme en allemand.
7. En tout cas, l'objectif est d'être efficace, parfaitement compris, en vue d'un dialogue intellectuel constructif.
dimanche 12 septembre 2021
Ce qu'est la mauvaise vulgarisation
Il y a une littérature de vulgarisation que je n'aime pas, et je veux bien identifier pourquoi elle est médiocre. Voici un article, que je change un peu pour que son auteur ne sente pas attaqué :
Pour la première fois, les physiciens ont observé une propriété quantique qui fait apparaître l'eau bizarre.
C'est un titre un peu nul, et la faute provient surtout de cette "première fois"... car l'eau est bizarre, très bizarre, et c'est bien sa structure moléculaire qui la rend bizarre, avec ces liaisons hydrogène qui lui confèrent notamment des propriétés étranges, quand elle est sous forme condensée. Mais, surtout, les propriétés de l'eau sont... entièrement déterminées par la physique quantique.
Il y a une tempête dans votre tasse de thé d'un genre que nous comprenons à peine. Les molécules d'eau s'agitent follement, se tendent les unes vers les autres, s'accrochent et se décrochent d'une manière unique qui défie toute étude.
Une phrase idiote, car précisément, les mouvements des molécules d'eau -qui ne sont pas "fous", mais au contraire très rationnels, ne défient pas toute étude, au contraire ! Et puis, la tasse de thé... Ca complique inutilement, parce que le thé apporte des molécules qui ne sont pas d'eau.
Alors que les physiciens savaient que le phénomène de liaison hydrogène joue un rôle clé dans les nombreuses configurations étranges et merveilleuses de l'eau, certains détails du mécanisme restaient incompris.
Le "phénomène de liaison hydrogène" ? Une drôle de formulation, manifestement écrite par quelqu'un de bien maladroit.
Et puis, encore ces configurations "bizarres", "étranges"... En réalité, soit on considère le monde entier comme étrange (ma position), soit il n'y a aucune raison de le voir spécifiquement ici.
Quant aux détails, on peut dire que c'est, au contraire, toute la liaison hydrogène qui est mystérieuse, et qu'il s'agit de comprendre.
Une équipe internationale de chercheurs a adopté une nouvelle approche pour visualiser la position des particules composant l'eau liquide, détectant leurs positions avec une précision de l'ordre de la femtoseconde pour révéler comment l'hydrogène et l'oxygène s'agitent au sein des molécules d'eau.
Des particules ? Il s'agit de molécules ou d'atomes, ou alors de particules atomiques, que sont protons, neutrons, électrons... mais rien ne permet de le savoir ici.
Leurs résultats ne nous aideront peut-être pas à préparer une meilleure tasse de thé, mais ils contribuent largement à étoffer la modélisation quantique des liaisons hydrogène, ce qui pourrait améliorer les théories expliquant pourquoi l'eau - si essentielle à la vie telle que nous la connaissons - possède des propriétés aussi fascinantes.
Encore cette tasse de thé dont on ne sait pas ce qu'elle vient faire ici.
Tiens, avec étoffer, il y a une métaphore... sans signification.
Et on en rajoute avec l'eau essentielle à la vie... alors qu'on était au thé... et que cela n'a rien à faire ici.
On observe en passant que l'on ne sait toujours pas ce qui a été fait, alors qu'on a lu un nombre de phrases déjà notable.
"Cela a vraiment ouvert une nouvelle fenêtre pour l'étude de l'eau, a dit xxxxxx, un physicien du Department de l'énergie, qui travaille au laboratoire américain de XXX.
Allez, une phrase inutile de plus, qui fait d'ailleurs dire une trivialité au physicien interrogé. On pressent un journaliste idiot qui, ne comprenant rien, reste à ce qu'il comprend, à savoir rien.
"Maintenant nous voyons enfin les liaisons hydrogène bouger, et nous voudrions relier ces mouvements à une description plus globale, qui nous dirait comment l'eau a permis la vie, à son origine sur la Terre, et comment on peut imaginer des sources d'énergie renouvelable".
Je suis bien sûr que la personne interrogée serait bien honteuse de lire cela : on sent qu'elle a été poussée dans ses retranchements pour arriver à des idées concrètes, pour ce journaliste qui cherche à tout prix des "applications" !
Isolée, une molécule d'eau est comme une bataille à trois pour les électrons, entre deux atomes d'hydrogèn et un seul atome d'oxygène.
Encore une métaphore incontrôlée, qui induit des idées fausses. Pourquoi parler de "bataille" ? Surtout qu'il n'y en a pas. Et d'où vient cette isolement ? Pour les chimistes, ils voient la nécessité de la précision, mais ce n'est manifestement pas à eux qu'un tel texte est proposé.
Avec beaucoup plus de protons que ses deux acolytes, l'oxygène bénéficie d'un peu plus d'amour pour les électrons de la molécule. Ce qui laisse à chaque hydrogène un peu plus de temps libre d'électrons que d'habitude. Les petits atomes ne sont pas exactement chargés positivement, mais cela donne une molécule en forme de V avec une pente douce de pointes subtilement positives et un noyau légèrement négatif.
Encore ces histoire d'amour, de bataille... Du temps ? une pente douce ? des pointes subtilement positives ? On ne comprend rien à ce galimatias, et l'on peut craindre que l'auteur non plus.
Jetez un certain nombre de ces molécules ensemble avec suffisamment d'énergie, et les petites variations de charge s'organiseront en conséquence, les mêmes charges s'écartant et les charges différentes se rapprochant.
Pourquoi les "jetterait-on" ? Et comment allons-nous faire pour les jeter ? Comment leur donnerons-nous "suffisamment d'énergie" ? D'ailleurs, combien ? Et ces petites variations de charge ? L'auteur oublie de préciser qu'il s'agit de charge électrique.
Si tout cela peut sembler simple, le moteur de ce processus est tout sauf évident. Les électrons se déplacent sous l'influence de diverses lois quantiques, ce qui signifie que plus on regarde de près, moins on peut être certain de certaines propriétés.
Ici, il y a ce moteur d'un processus qui est bien mystérieux, et oui, ce n'est pas évident... pour celui ou celle qui a écrit tout cela. D'autre part, les électrons ne se déplacent pas "sous l'influence des lois quantiques" : l'influence, c'est une influence. Et des lois, en physique, sont des constructions mathématiques pour décrire des phénomènes. Donc encore tout mal.
Enfin, "certaines propriétés" : lesquelles ?
Auparavant, les physiciens s'appuyaient sur la spectroscopie ultrarapide pour comprendre la façon dont les électrons se déplacent dans chaos de l'eau, en captant des photons de lumière et en analysant leur signature pour cartographier la position des électrons.
J'espère qu'ils ne s'appuyaient pas trop fort ! Et puis, c'est quoi, c'est spectroscopie ultrarapide : une spectoscopie uv ? visible ? infrarouge ? de résonance magnétique nuclaire ?
D'autre part, les électrons bougeraient indépendamment des noyaux dans l'eau ? Et la signature d'un photon ? Décidément, bien confus.
Malheureusement, cette méthode laisse de côté une partie cruciale du paysage : les atomes eux-mêmes. Loin d'être des spectateurs passifs, ils vibrent également en fonction des forces quantiques qui s'exercent autour d'eux.
Ah, je comprends : la spectroscopie regardait les électrons, mais là, on considère les noyaux. Mais vibrent-ils "en fonction des forces quantiques" ?
Là, je crois que l'on a compris, et l'on commence à se lasser :
"La faible masse des atomes d'hydrogène accentue leur comportement quantique ondulatoire", explique XXXX, physicienne.
Pour mieux comprendre l'agencement des atomes, l'équipe a utilisé un instrument appelé Megaelectronvolt Ultrafast Electron Diffraction Instrument, ou MeV-UED. Cet appareil du laboratoire national d'accélération du SLAC arrose l'eau d'électrons, qui transportent des informations cruciales sur la disposition des atomes lorsqu'ils ricochent sur les molécules.
Bon, je n'insiste pas sur les prétendus "ricochets" !
Avec suffisamment d'instantanés, il a été possible de construire une image haute résolution de l'agitation de l'hydrogène lorsque les molécules se plient et se tordent autour d'elles, révélant comment elles attirent vers elles l'oxygène des molécules voisines avant de les repousser violemment.
Se tordent "autour d'elles" ? Violemment ?
"Cette étude est la première à démontrer directement que la réponse du réseau de liaisons hydrogène à une impulsion d'énergie dépend de façon critique de la nature mécanique quantique de la façon dont les atomes d'hydrogène sont espacés, ce qui a longtemps été suggéré comme étant responsable des attributs uniques de l'eau et de son réseau de liaisons hydrogène", déclare Gaffney.
Et on serait bien en peine d'avoir une idée claire de la chose, en ayant lu tout cela.
Maintenant que le principe de fonctionnement de cet outil a été démontré, les chercheurs peuvent l'utiliser pour étudier la valse turbulente des molécules d'eau lorsque la pression augmente et que la température baisse, et observer comment l'eau réagit aux solutés organiques créateurs de vie ou forme de nouvelles phases étonnantes dans des conditions exotiques.
Jamais une tempête n'a semblé aussi gracieuse.
Décidément, il y en a qui feraient bien de faire un autre métier. D'ailleurs, le rédacteur en chef est complice : pourquoi avoir laissé paraître un article aussi minable ?
Par contraste, j'aime la revue Pour la Science, où l'on évite ces métaphores idiotes, dont s'est moqué Christophe, l'auteur du merveilleux Sapeur Camembert : "le vieil homme, qui avait déjà un pied dans la tombe et qui, de l'autre, marchait encore dans le droit sentier de la vertu".
vendredi 10 septembre 2021
Savez-vous - VRAIMENT- organiser une conférence ?
À propos de l'organisation de conférences
Un conseil à mes jeunes amis qui organisent des conférences : anticiper tout ce qui ne va pas, tout ce qui peut ne pas aller, tout ce qui n'ira pas.
Je commence par une comparaison avec le remplissage de l'aimant d'un spectroscope de résonance magnétique nucléaire (RMN) avec de l'azote liquide, ce que je fais chaque semaine. Il s'agit de quelque chose de simple : on se procure de l'azote liquide, livré dans un gros bidon, on relie ce dernier par un tuyau souple à une entrée du réservoir d'azote liquide dans la partie de la machine qui sert d'aimant (mais c'est secondaire), et l'on utilise un gaz (qui est du diazote gazeux, dans une bouteille), pour pousser le liquide du bidon vers l'aimant.
Derrière cette description volontairement simplifiée (toujous le gros avant le détail), il y a de nombreuses précisions à donner et c'est la considération de ces dernière qui a permis que, pour la même machine, avec la même type de configuration, ceux qui faisait le remplissage avant moi mettaient 50 minutes et remplissaient deux fois par semaine, tandis que je ne mets plus que 11 minutes en remplissant une fois par semaine...
... ce qui réduit considérablement les risques, en plus de coûter moins cher, et de gagner du temps.
Comment cela est-ce possible ? Quand j'ai dû prendre en charge en la machine, j'ai cherché à comprendre ce que nous faisions et j'ai agit en conséquence.
Par exemple, plus qu'il s'agit de pousser du gaz, on comprend qu'il faille que le circuit soit étanche, sans quoi le gaz fuit et l'on ne pousse rien.
D'où un certain nombre d'actions correctrice qui ont permis d'arriver là où nous en sommes : éviter les fuites à la bonbonne de gaz, entre la bonbonne et le bidon d'azote liquide, à la sortie de ce bidon, à l'entrée dans l'aimant.
J'insiste un peu : on voit bien que c'est la compréhension de la chose qui permet de faire mieux.
Mais, il est arrivé tant de catastrophes, pendant nos différents remplissage depuis plusieurs années, que les descriptions précédents sont loin de suffire.
Par exemple, il est arrivé que le bidon de soit pas livré à date. Il est arrivé que le tuyau en plastique avec lequel le remplissage se fait a éclaté pendant le remplissage. Il est arrivé que la bonbonne de gaz soit vide en cours de remplissage. Il est arrivé que, malgré nos soins, , le système d'étanchéification ne soit pas étanche. Il est arrivé qu'il y ait un bouchon de glace dans la machine, ce qui bloquait l'entrée de l'azote liquide. Et j'en passe !
J'en passe, parce que je veux maintenant arriver j'arrive à la conclusion de cette comparaison initiale : il y a quelques années, un jeune ami impétueux de notre groupe de recherche m'a vu faire deux fois ce remplissage et il m'a dit vouloir faire le remplissage suivant. Pourquoi pas, mais en était-il capable ? En l'occurrence, certainement pas, pour celui-là en particulier, notamment parce qu'il avait ce défaut considérable de voir trop court.
Et c'est ainsi que, sachant qu'il était incapable de faire l'opération, j'ai voulu lui donner une leçon : je l'ai laissé commencer l'installation, mais à un moment, avant de faire couler l'azote liquide, je lui ai demandé ce qu'il ferait si le tuyau en caoutchouc cassait ? Comme il ne savais pas que le tuyau puisse casser, il n'avait évidemment pas envisagé une action rapide à mettre en oeuvre. J'en ai rajouté une couche, en lui demandant ce qu'il ferait s'il y avait un bouchon de glace dans la machine, et là encore, il n'avait aucune idée de la chose. De sorte que je l'ai en quelque sorte renvoyé à ses études, en lui faisant comprendre que, à l'avenir, il ferait mieux d'être moins prétentieux et plus réfléchi.
Mais la vraie conclusion de toute cette affaire, c'est que nous sommes tous un peu comme lui, et que nous devons apprendre à voir plus loin que le bout de notre nez.
Je peux enfin, maintenant, en arriver à la question de l'organisation des séminaires, des conférences.
J'y arrive, parce que, hier, alors que nous organisions une conférence avec quelques amis, nous avons eu une série de catastrophes... comme il y en a toujours.
La veille, tout d'abord, l'un des conférenciers m'a signalé par email qu'il avait un problème d'emploi du temps et qu'il ne pourrait pas faire la conférence prévue. Point final. Sans échappatoire. Je lui ai dit d'abord répondu que nous pouvions changer l'horaire et là encore il n'a pas accepté, puisque, en réalité, je pense qu'il n'avait rien préparé. Je lui ai également demandé s'il pouvait se faire remplacer, mais bien sûr aucun remplacement était possible puisque c'était une personne tout à fait exceptionnelle ;-).
Comme j'avais une conférence déjà presque prête, je l'ai finie, et nous avons rétabli le programme.
Mais le matin même de la conférence, je reçois un email d'un autre orateur programmé, me disant qu'il y avait un tremblement de terre dans son pays et qu'il n'avait plus d'électricité. Dans ces cas-là, cela ne sert à rien de se stresser, et la solution la plus évidente était donc de raccourcir la conférence, en oubliant cette intervention.
Mais, prudent, je me suis mis à contacter tous les autres conférenciers, bien qu'ils aient été contacté une semaine plus tôt, et bien m'en a pris, car un troisième conférencier m'a dit avoir un empêchement. Là, nous avons pu chambouler l'organisation pour lui trouver un moment adéquat.
Et finalement, puisque c'était une conférence par internet, nous avons encore eu les habituels problème de connexion, à savoir que le lien qui nous avions distribué à tous pour se connecter n'a pas fonctionné, alors qu'il avait été prévu deux mois plus tôt.
Tout cela étant réglé, la conférence a commencé à l'heure, et ceux qui se sont connectés n'ont rien vu de grave : tout s'est passé apparemment comme il fallait.
Croyez-moi : je sais qu'il se passe tout cela chaque fois ou presque, c'est la raison pour laquelle je prépare les choses à l'avance, la réponse la raison pour laquelle j'envoie des messages, et je renvoie des messages, avec des accusés de réception.
Mais je sais aussi que cela ne suffit pas : comme pour le tuyau en caoutchouc qui peut éclater lors d'un remplissage liquide, il y a donc lieu d'avoir des ceintures et des bretelles, et il l'on peut être sûr que s'appliquera la "loi du petit Wolfgang", qui stipule qu'il y aura une proportion de gens pénible constante, régulière, certaine... et qu'il faut tenir compte de cela dans une organisation, sans quoi on est un médiocre organisateur.
Bien sûr, il est facile de mettre des noms sur un papier et de demander à des personnes une fois si elles acceptent de faire une conférence, mais cela n'est pas "organiser une conférence". Organiser une conférence, c'est envisager le pire, très positivement, et observer que, quand une conférence que l'on organise ne pose pas de problème, c'est une sorte de miracle qu'il faut célébrer (au crémant d'Alsace, par exemple).
mercredi 8 septembre 2021
Science and sciences of nature: objects of confusion
Science and science of nature: objects of confusion
H.T.:
"The natural sciences seek the mechanisms of phenomena by a very codified method, which relies only on the handling of mathematics, equations, while the kitchen is the activity of production of food seeking to make "good". The reason for the confusion between "science of cooking" and natural sciences? The word "science" has often been used in the sense of "knowledge", which is much broader than the meaning retained by the natural sciences.
Can cooking be "scientific?"
H.T.:
"Contrary to what is sometimes believed because of faulty statements by great cooks of the past, cooking will never be scientific, in the sense of the natural sciences such as physics, biology... On the other hand, it is most certainly a knowledge! Better still, I propose to think that the knowledge of professional cooks cannot be reduced to the knowledge of amateurs, even when they cook every day at home. Cooking is a very specific profession, where technique, hygiene, economics, history, etc. have an essential role, which home cooks do not have to worry about in the same way."
What about the elders?
H.T:
"Lent refers to science...but what science? If it is the "science of cooking", in the sense of knowing, why not, although Menon speaks, before Lent, of "quintessence of sauces". On the other hand, if the science evoked is a science of nature, then Lent is mistaken: cooking will never be a science of nature. Before him, natural sciences, practiced by scientists (of nature: we used to talk about "natural philosophy"), have explored cooking. For example chemists or pharmacists like Jean Darcet (1724-1801), as early as the 18th century. That said, to understand why cooking will never be a science of nature, one must know what exactly a science of nature is. It is not simply a specific activity, as is often believed, but an entirely "speculative" activity (Louis Pasteur distinguished between natural sciences and the applications of these sciences). The natural sciences have an objective which is quite different from the production of food: it is a question of understanding the mechanisms of phenomena. And this particular research is done by a very particular method as well, which consists in: (1) identifying a phenomenon; (2) characterizing it quantitatively; (3) gathering the data into quantitative "laws", that is, into equations; (4) looking for theories quantitatively compatible with laws; (5) looking for consequences of the theories in order to refute them, again quantitatively. This is an entirely different activity from cooking, whether the latter is precise or not. And cooking will never be this activity.
Let's move on, and read Lent, quoted: "Cooking also wants to be a science". What does this mean? A science is either a knowledge or a very particular activity, which seeks the mechanisms of phenomena by the implementation of a method which owes everything to numbers and to the refutation of theories. As cooking is the preparation of food, it is therefore not a science of nature, and this will never be the case! The meaning retained by Carême is therefore necessarily: a knowledge. And yes, the culinary activity is full of technical knowledge. In other words, since Lent uses the meaning "knowledge", his statement is obvious.
Then, when Lent indicates: "Culinary science is more salubrious to the health of men than all the doctrines of those who prolong diseases by speculation", it is indeed, again, the meaning of knowledge that he retains.
Urbain Dubois, Emile Bernard, Jules Gouffé or Joseph Favre pursue the idea, but when they say they use precise measurements, they do not make science of nature for all that, because production, on the one hand, and the research of mechanisms, on the other hand, have nothing in common. One produces, while the other analyzes. It is worthwhile to reread Louis Pasteur, who explained the differences well.
For Favre, he evokes a "scientific cuisine", which would be, of all the sciences, the one that focuses on "the art of preparing food well". Scientific cooking? If this is the meaning of "knowledge", then scientific cooking is a pleonasm, like going up and down; but if the meaning is scientific, then Favre is wrong on principle. Besides, it is not the fact of being precise that makes an activity a science of nature; a precise cuisine is a precise technical activity, which, moreover, is doubled with an artistic and a social component.
Hervé This: "cooking will never be scientific
Even the great Escoffier...
H.T :
Let's move on to this quote from Escoffier: "Cooking, without ceasing to be an art, will become scientific and will have to submit its formulas, which are still too often empirical, to a method and a precision that will leave nothing to chance". I take issue with this proposition, which is either false or tautological. Cooking will never become scientific, in the sense of the natural sciences, because, I repeat, cooking is a production, and not a research of the mechanisms of phenomena. But we have said it enough. I propose now to introduce a new distinction, between technique, technology, and science (of nature).
Cooking, since it is a production of food, will always be a technical activity... but it will always have an essential artistic component, and is therefore absolutely similar to painting, literature, music... In cooking, one wants to make "good"; and good is "beautiful to eat". Yes, you need to have the technique to achieve this, but the artistic choice is preponderant. Cooking consists in choosing the ingredients, their quantities, the processes used to achieve a taste, which must be good. You have to be a good technician to be a good artist. And I propose to distinguish two cuisines: the artisan's cuisine and the artist's cuisine. Not to mention the social component of cooking, but that would take us too far. On principle, cooking can never become scientific, otherwise it would no longer be an activity of producing food, but a science, which would then no longer be cooking.
We must also discuss the question of technology, which is either technical reflection or the application of the results of natural sciences. Cooking is the production of food. It is not forbidden to have a technological reasoning, upstream of the act of cooking, but technique is not the same as technology. And, as said before, natural sciences are not the same as their application. An engineer, a technologist, is not a scientist (of nature).
A little detour through molecular cooking...
H.T. :
Molecular cooking is a technological activity (not scientific in the sense of the natural sciences): Jean-Pierre Poulain proposes that the expression "molecular cooking" designates the application of modern chemical and physical knowledge to cooking. However, since I was the one who introduced the term "molecular cuisine", I can testify that this is not perfectly accurate. In fact, I defined molecular cuisine as the form of cooking that uses renovated utensils (as opposed to those of Paul Bocuse, in La Cuisine du Marché, published in 1976). Going from utensils to the application of knowledge, there is not much difference, but I propose to keep my definition rather than that of J.-P. Poulain.
And since molecular cooking was the application of a particular science of nature, which analyzes culinary processes, a name was needed to designate this science which seeks to understand why sautéed meats turn brown, why soufflés inflate... This science of nature, we named it molecular gastronomy, in 1988, and the term gastronomy was chosen wisely, because it does not mean "ceremonial cooking", contrary to what many believe, but "reasoned knowledge of what relates to food". For the rest of time, there will be cooking, the activity of producing food, which will never be a science of nature, and molecular gastronomy, a science of nature, which will never produce food.
Edouard de Pomiane introduced the word gastrotechnics at the beginning of the 20th century, but I have analyzed the chimerical nature of the proposal: as a microbiologist, he confused technique, technology and science of nature (in addition to publishing many errors in physics and chemistry).
... and cooking Note to note.
H.T. :
All this being said, having hopefully separated natural science and knowledge, molecular gastronomy and cooking, we must discuss a sentence I said during my conference in Strasbourg, which takes on another meaning when taken out of context. Yes, cooking will only evolve if cooks make it evolve. I can make all the proposals for innovations I want, but cooking will only change if these innovations are implemented. Better yet, we must continue the tireless work of explanation, presentation, and collaboration so that the culinary world will take hold of the new techniques proposed, especially in note-to-note cooking. This being the case, I maintain that the natural sciences, and in particular molecular gastronomy, have much to contribute to cooking. For "note-to-note cooking", this cooking that uses c