samedi 25 juillet 2020

Une réponse que je fais à des étudiants

1. Des étudiants avaient analysé le fonctionnement de leur institution de formation, leurs relations avec leurs professeurs, et ils avaient émis un document que j'ai largement analysé dans des billets précédents.
Surtout, je leur avais écrit pour leur dire combien je jugeais leur démarche utile, à poursuivre, et ils s'étaient étonnés que je leur réponde.

J'ai donc répondu à leur réponse :


Chers collègues
Vous ne vous attendiez pas avoir un retour personnel de la part d'un professeur ? Il est vrai que c'est un peu par hasard que vous l'avez, puisque, en réalité,  j'avais vu traîner une copie imprimée de votre document initial, et c'est par une espèce de curiosité mal placée que j'ai vu que vous évoquiez des questions qui me passionnent depuis des années.

Le débat terminologique qui consiste à savoir s'il faut parler d'étudiants, ou de collègues (jeunes, moins jeunes, etc.), ou même d'amis va bien au-delà du clin d'œil, car je suis resté en réalité un étudiant, qui étudie exactement comme je le faisais à l'ESPCI, avec la même fougue, la même passion, la même curiosité, la même naïveté, le même enthousiasme, et la même envie de partager  avec mes amis ce que je découvre... tout comme je l'étais alors (et je me souviens que le corps professoral me trouvait "remuant", dirions-nous par litote).

Mais, surtout, je me suis toujours indigné des mauvais professeurs... Pas seulement ceux qui nous négligeaient, qui considéraient leur mission comme une "charge", mais aussi ceux qui étaient "techniquement" incapables,  ceux qui ne maîtrisaient pas leurs sujets... Ce sont ceux-là qu'il faut empêcher de nuire.

Mais soyons positifs, car s'il y a de mauvais professeurs, il y en a aussi de bons. Que faisons-nous pour les uns et pour les autres ? Comment nous adaptons-nous à des situations notoires ?  Que fait l'institution  pour ne pas punir les élèves en leur infligeant du médiocre... tout en considérant qu'il y a aussi des élèves qui posent des problèmes ?

Là encore, je propose de sortir de la discussion par le haut, en ne restant pas braqués sur des situations particulières, trop nombreuses pour mériter un traitement général, mais en inventant des formes d'études nouvelles.
C'est ce que j'ai fait  à l'Institut des hautes études de la gastronomie, où les auditeurs (qui payent) évaluent les professeurs ; et pour ne pas mettre de bons intellectuels/mauvais communiquants en situation d'échec, nous innovons dans les formes, avec des visites de Rungis, des promenades dans les vignobles, avec des diners historiques, etc. R
ien de pire que ce format où un professeur isolé est en face d'un groupe d'étudiants, rien de plus clivant : oui, il faut changer cette "lutte des classes.

A minima, il y aurait lieu d'avoir des discussions pour rénover sans cesse les formats d'étude. D'ailleurs, comment supporter que  les  formats d'études ne changent pas ? Le système des études supérieurs aurait-il le privilège d'être le seul qui puisse se fossiliser en toute impunité ?
Et puis, plus positivement, j'ai assez dit que pour le professeur comme pour le cuisinier, l'activité a trois composantes  au moins : technique, artistique, sociale...  mais je vous renvoie, pour ne pas allonger la discussion sur ce point, à mon livre intitulé La cuisine, c'est de l'amour de l'art de la technique.

Bref, vous comprenez que j'avais  un intérêt véritable à vous lire et à vous commenter,  d'autant que vous répondiez à des questions que j'avais posées il y a des années, notamment lors d'un "Débat de l'Agro"...  et je trouve anormal que l'institution n'ait pas répondu à nos remarques d'alors.
J'espère qu'elle saura maintenant répondre... mais j'ai des craintes, car certains de mes collègues plus âgés à qui je m'ouvrais de vos observations ont rétorqué en substance que les élèves font périodiquement ce genre d'observations ; alors...

Oui, mais qu'est-ce qui a été fait pour leur répondre ?   De mon côté, j'ai proposé que l'on mette les individus en face de leurs responsabilités : si les étudiants sont capables d'avoir de l'autonomie, donnons-en leur ! Explorons des formats d'études  nouveaux, explorons l'outil numérique,  multiplions les podcasts si c'est un format qui plaît mieux que les amphis,  et ainsi de suite.
Ne supportons jamais de répéter le même cours deux années de suite, car ce serait la démonstration d'une paresse, d'une incapacité, d'une immobilité coupable ;  cherchons à améliorer sans cesse, non pas tous les dix ans, mais tous les jours !

En suivant votre réponse, maintenant : pour ce que pour ce qui concerne votre document, rassurez-vous  (;-)) :  oui, il en ressort bien que vous critiquez certains professeurs ou, du moins, certains "enseignements" (terme que je récuse, voir les billets à ce propo)s. Et cela ne me choque pas,  car quand la critique est constructive, positive, elle permet l'amélioration.
Ce qui m'inquiète, c'est que vos observations tombent début juillet, et que je pressens des départs vers les plages qui feront retomber le soufflé ! Aurez-vous donné un coup dans l'eau ?

Un détail maintenant :  mon expression "suppression des cours obligatoire" était  fautive  : je voulais dire plutôt "suppression de l'obligation d'assister aux cours" (à l'ESPCI, cette suppression a eu lieu en 1977 !).

Puis, il me semble en lisant votre réponse, mais aussi votre document initial, que la première année d'études après un concours pose une vraie difficulté. Je sais que l'on dit (on le dit, mais faut-il le croire) se remettre lentement de la préparation des concours,  tout comme les jeunes médecins admis après le concours de première année, par exemple.
Mais raison de plus pour y mettre le meilleur du meilleur, en termes d'études ! 

Cela dit, très  honnêtement, je travaille aujourd'hui bien plus que quand j'étais en classe préparatoire, de sorte que le fameux prétexte du relâchement après le concours me fait un peu sourire ! Mais qu'importe : oui, il faut donner un peu d'air (ouvrons la fenêtre vers des sujets passionnants), favorisons la socialisation... sans pour autant tomber dans les beuveries hélas trop courantes parmi les petits esprits.

Surtout pouvons-nous imaginer qu'une année sur trois soit perdue ? Je vous dis cela alors que j'ai été un élève bien dissipé de l'ESPCI, et que, passionné par la chimie depuis l'âge de six ans, je n'ai pas su faire tout mon miel de l'environnement merveilleux qui m'était donné une fois entré à l'Ecole.
Raison de plus pour réfléchir à des moyens d'éviter à d'autres de faire cette même erreur. Et cela de façon positive, sans rétorsion, bien entendu.

D'ailleurs, mon analyse rétrospective me fait souvenir que, malgré des soirées souvent bien "occupées", nous restions passionnés par quelques matières merveilleuses, la théorie de la mesure en mathématiques, les calculs de chimie quantique à l'aide des premiers ordinateurs, la thermodynamique hors d'équilibre...
A nous tous, élèves, professeurs, personnel administratif d'inventer des moyens pour qu'il n'y ait pas une année gâchée sur trois. A nous d'inventer des formes d'étude amusantes, stimulantes, socialisantes même ; à nous d'inventer des organisations pour que le corpore sano vienne avec le mens sana ;  à nous d'inventer des formes d'études qui permettent aux  élèves de s'amuser en étudiants, et aux  professeurs de s'amuser aussi, en aidant les élèves à apprendre... mais on pourrait tout aussi bien dire "pour que les professeurs s'amusent, et les élèves aussi".

En vous lisant à la suite, je vois l'expression "projet professionnel", alors que j'avais écrit "projet personnel".  Nous voulons sans doute dire la même chose, mais je préfère ma formulation, qui ne sépare pas le travail professionnel de la vie, car je déteste l'idée d'un métro-boulot-dodo qui fait toujours apparaître le travail comme une punition. Comme je vous l'ai dit précédemment, mon métier est si passionnant que je n'ai même plus besoin de prendre de vacances. Dans votre document, vous évoquez bien des matières stimulantes intellectuellement, et nous nous rejoignons.

A propos des séances de l'Académie d'Agriculture  : oui, vous avez raison de signaler qu'elles sont souvent passionnantes, car en réalité, elles s'apparentent à des regroupements de conférences de type TED sur un thème  (je le sais, puisque j'en organise). Avec ces séances, nous voulons donner  le meilleur aux auditeurs, et je parle d'auditeurs à bon escient,  car nos séances sont podcastées. Et si nous avons là le meilleur, pourquoi ne pas en faire profiter les étudiants, leur donner ipso facto le meilleur  ? Nous éviterions la critique des "mauvais enseignements" (puisque le meilleur), et il serait facile d'organiser des formats d'études fondés sur le visionnage de ses documents vidéo.

Arrivons maintenant à vos mots à propos de "cursus généraliste"  : je viens de faire un billet où je discute ce terme de "généraliste"... mais, surtout, je fais partie de ceux qui pensent que les ingénieurs ne font bien leur métier que s'ils ont une formation théorique solide (voir l'ESPCI). Cela est également vrai des étudiants qui deviendront scientifiques. Quant à ceux qui seront banquiers, assureurs, voire ministres, ils gagneront à bien connaître les faits sur lesquels ils érigent leurs activités, quitte à ce qu'ils épaulent physique, chimie ou biologie par des matières plus appropriées à leur projet... sans tout confondre : ceux qui veulent faire Sciences Po n'ont qu'à y aller  (et pourquoi pas avec des doubles diplômes ?).

Vous parlez ensuite de la difficulté d'intéresser plusieurs centaines d'étudiants...  mais pourquoi vouloir se lancer dans de vaines entreprises ? Si les goûts diffèrent, n'est-ce pas aller dans le mur que de chercher à leur imposer une unique direction ? C'est le sens de mon analyse sur les "études matricielles", dans un billet précédent.

Et puis, ce qui compte, c'est moins de "recevoir" que d'apprendre : invitons les élèves à créer leur propre chemin, et, surtout, à bien identifier leur projet, en les exposant le plus tôt possible à des sujets variés, qui facilitera leur choix s'il n'est pas fait par avance. Proposons leur des fleurs, afin qu'ils fassent leur propre bouquet, l'institution ayant aidés les individus dans l'art du bouquet.

A propos d'une banque de cours, celle-ci a existé par le passé entre toutes les écoles de ParisTech et c'était absolument merveilleux. Inutile de vous dire que j'y ai largement contribué.
Aujourd'hui nous avons les Cours en ligne d'AgroParisTech (où j'ai personnellement mis des dizaines de cours, en plus de podcast),  de sorte que  l'outil nécessaire pour faire ce que vous demandez et que je propose aussi n'est plus à créer  : il existe !

A propos de parrainage : peut-on trouver 320  parrains ? D'abord, on peut imaginer qu'un même parrain ait plusieurs filleuls, et ensuite, oui : le total des personnes permanentes à l'Agro est supérieur à 320. D'autant que l'on peut sans doute compter sur des chercheurs Inrae dans les UMR, et que l'on pourrait recruter des anciens élèves  ! Soyons inventifs, et trouvons des solutions.

Enfin, les travaux pratiques : je suis certain que, si la chose s'impose, alors elle s'impose. L'intendance doit suivre, et à nous, à nouveau, d'inventer des formes adaptées à nos possibilités.

Bref, je ne vois que des opportunités de faire évoluer des formats qui  sont trop longtemps restés figés : nous sommes à l'ère du numérique, et nous n'avons pas la possibilité de ne pas utiliser ces méthodes pour faire mieux qu'au Moyen Âge.

vendredi 24 juillet 2020

Tu viens avec une question, mais quelle est ta réponse ?

1. On parle de clichés pour des expressions, mais il y a des idées (opinions ?) qui en sont : propagées sans analyse, sans réflexion, ne prenant leur force que de leur répétition, & révélées creuses dès qu'on les examine un peu. Par exemple, il serait bon d'avoir des questions, et ce serait d'ailleurs mieux que de ne pas en avoir.
Oui, poser des questions est bien... quand elles sont pertinentes, fructueuses, actives.

2. Car il y a des questions idiotes, et est idiot celui qui les pose, simplement pour le poser. Le jeux tout formel de poser des questions est insensé, quand ces questions sont sans intérêt, quand elles sont hors de cadre cohérent, sans objectif.

3. Il y a aussi des questions simplement informatives : combien de protéines dans un blanc d'oeuf ? Et la réponse peut être le nombre de protéines différentes (une vingtaine de sortes, pour les principales), ou le nombre de molécules de protéines (à raison d'une masse molaire moyenne de 45000, d'une masse de 30 grammes de blanc, d'une proportion de 10 pour cent de protéines, on calcule un nombre de molécules de protéines voisin de 1000 milliards de milliards), ou la proportion en masse des protéines (environ 10 %)...

4. Et inversement, il y a des questions éminemment positives, comme de s'interroger sur les non linéarités de la conduction électrique, ce qui a conduit à la découverte de l'effet Hall quantique.

5. Mais, surtout, j'ai l'impression que la question vaut mieux par ce qu'elle engendre que par elle-même, et qu'elle est plus intéressante quand on l'examine soi-même que quand on la pose aux autres. Au fond, pourquoi se reposer sur autrui pour avoir la réponse, alors qu'on peut avancer en la posant, en la triturant, la ruminant, la faisant sienne ?

6. Dans notre laboratoire, il y a ainsi écrit sur la porte : "Tu as une question, mais quelle réponse proposes-tu ?". Si je réponds à mes amis, c'est moi qui fait un bénéfice (parfois faible) de la réponse, au lieu qu'ils gagnent en autonomie.


jeudi 23 juillet 2020

N'oublions pas que nous avons ignoré

N'oublions pas que nous avons ignoré

Manifestement, les professeurs doivent prendre garde aux ignorances des étudiants... Mais immédiatement, à ces mots, je prends  une précaution :  quand on utilise ce mot d'"ignorance",  arrive souvent une critique de mépriser ceux à qui on l'applique. C'est là un mauvais procès,  l'emploi d'une connotation et non du sens réel du mot. Oui, on est ignorant de quelque chose que l'on ignore. L'ignorance, c'est le fait d'ignorer,  et ce n'est pas parce qu'on ignore quelque chose que l'on est complètement ignorant de tout ! Et être ignorant n'est pas être imbécile ; c'est seulement être ignorant, ce qui se soigne facilement.

Bref je reviens à mon point qui est de signaler que je m'étonne parfois d'ignorances d'étudiants qui sont par ailleurs studieux, attentif, précis.
C'est ainsi que, récemment, un étudiant m'a confié qu'il ignorait tout du mécanisme de l'olfaction. Bien sûr, était facile de l'éclairer à ce propos mais je m'étonne de cette ignorance particulière, et je dois prendre garde à mon étonnement.

Oui,  cet étudiant particulier s'intéresse à la cuisine, et je vois mal comment il a pu ignorer le mécanisme de l'olfaction. Mais si je suis dans cette incompréhension, d'autres étonnements du même type me menacent, et, surtout, je risque de tenir un discours inadapté aux étudiants. Manifestement, je ne sois pas préjuger des connaissances des étudiants, et il serait bon que je regarde en détails les référentiens, de la maternelle à l'université, sous peine de ne pas être compris, mais, surtout, de ne pas rendre le service de professeur que je veux rendre.

L'olfaction, pour en arriver à ce petit point particulier peut résulter d'échanges entre un corps odorant et notre organisme, mais faut-il expliquer en toute généralité, ou bien sur un exemple ?
Prenons une feuille d'estragon et sentons-là : pas grand chose. Puis frottons là entre les doigts alors que la main et la feuille sont enfermés dans un sac plastique : rien non plus.
Enfin frottons devant le nez bouché, la bouche fermée : toujours rien.
Voilà qui donne l'indication que les doigts modifient la feuille, libèrent des "principes" qui vont dans l'air, et qui ont besoin du nez pour être perçus. Ce que les expériences précédentes ne disent pas, c'est que ces "principes" sont des molécules, et que ces molécules odorantes sont comme des clés qui peuvent aller dans des "récepteurs" (pensons à des serrures) : quand il y a cette liaison, les récepteurs donnent une information au cerveau, sous la forme d'un signal électrique, qui se propage dans des cellules allongées, terminées par des "axones".
Et, merveille de la biologie : il y a des myriades de récepteurs différents, pour détecter des dizaines de milliers de composés odorants particuliers. D'ailleurs, pour aller un peu plus dans les détails, on peut ajouter que c'est le "spectre" de composés odorants perçus (tous ensemble) qui fait une "odeur" ; que l'on change la nature moléculaire d'un de ces composés, ou bien la proportion des composés odorants d'un mélange, et c'est une tout autre odeur qui apparait.

Reste seulement ma question : comment en arrive-t-on à ignorer cela ? Je précise que je ne fais pas de supériorité, mais seulement que je fais état de mon incapacité à me souvenir de quand j'ai moi-même appris cela. Au fond, la question est : de quel référentiel, entre la maternelle et l'université, cela relève-t-il ?

mercredi 22 juillet 2020

A qui le statu quo profite-t-il ?

1. Je m'en amuse,  mais c'est en réalité un peu triste :  il y a maintenant un an, des étudiants avaient émis un brûlot, une analyse extraordinairement précise & caustique de leur formation. Cela m'a donné l'occasion de préparer des centaines de billets sur le blog qui se trouve à l'adresse suivante : https://hervethis.blogspot.com/2019/02/a-propos-detudes-superieures-defaut-de.html ou encore http://www2.agroparistech.fr/-Le-blog-de-Herve-This-Vive-la-connaissance-.html.

2. À l'époque, je m'interrogeais sur le fait que ce document  soit publié en juillet, alors que l'on pouvait prévoir que tout le monde s'éparpillerait dans la nature & que tout cela serait vite oublié. C'est bien ce qui s'est passé : nos amis sont partis en vacances, sur les plages, & leur coup d'épée a été donné dans l'eau.

3. Pas complètement, puisque d'innombrables billets de blog ont conduit à des analyses approfondies & à des  propositions, mais quand même, on n'a plus entendu parler de rien après l'été. Cette année, ils ont repris les cours comme d'habitude & rien n'a changé : ni du côté des étudiants, ni du côté des professeurs, ni du côté de l'institution ce formation. Les craintes  étaient justes.

4. Reste que la question demeure, que toutes les critiques qui ont été formulées, toutes les propositions qui ont été faites conservent une force absolue.
Il faut donc s'interroger sur la raison pour laquelle il n'y a pas eu plus d'effet. Bien sûr, l'année 2019-2020 a été un peu particulière, marqué par les vociférations des gilets jaunes, puis les grèves à l'occasion d'une possible réforme des retraites, &, ensuite,  la pandémie de coronavirus qui a complètement désorganisé les formations telles qu'elles étaient par le passé. Cette fois,  aucun de ces présentiels que je contestais n'était plus possible, de sorte que mon souhait de voir des étudiants étudier en autonomie a été exaucé. Pourtant, on a fait ça dans l'urgence, en bricolant des cours pour les adapter au système numérique dont on disposait : Team, Zoom, Skype, etc. On a remplacé des cours dans une salle par des cours à distance avec un écran, mais on a pas véritablement tiré parti des possibilités du numérique, on n'a pas réformé en profondeur la façon dans les études se font.

5. Que l'on ne compte pas sur moi pour baisser la garde, car  c'est en ancien étudiant assez remonté contre un système déplorable  que je  discute ici des questions de formation.

6. J'invite tous mes amis à regarder à l'étranger comment  sont organisées les formations,  & l'on s'apercevra d'une espèce de carcan terrible de notre Education nationale, de la maternelle aux études supérieures ! Avec des résultats pas si bons que cela, de surcroît.  Il y a lieu de beaucoup changer.

7. Mais je ne peux m'empêcher de penser que l'absence de changement convient parfaitement à beaucoup : professeurs,  institutions formation  ou étudiants.

8. Pour autant, il y a une véritable responsabilité à observer qu'il n'y a pas eu de changement, & que cela correspond à de la mauvaise foi de la part des trois groupes, qui se se plaignent sans rien faire. Je m'étonne qu'aucun des billets publiés n'ait suscité de réactions. Enfin, je m'étonne... Disons que,  lucidement, je sais parfaitement à quoi m'en tenir, hélas.


Luttons sans relâche contre le Ragnarok éventuel.

mardi 21 juillet 2020

Ne transmettons pas des erreurs à nos amis

1. J'ai fini par m'en apercevoir mieux encore, mais j'en ai eu la confirmation par des amis cuisiniers : malgré les efforts de l'inspection de l'Education nationale, l'enseignement de la cuisine reste fondé sur la reproduction de gestes du professeurs, et de répétitions, en vue d'arriver à des résultats "conformes".

2. Cette méthode s'explique par la connaissance insuffisante de la physico-chimie des transformations culinaires, et aussi par leur abstraction, qui en rebute plus d'un de ceux qui veulent de la pratique. Bref, on est dans la technique plutôt que dans la technologie.

3. Et la technique était dans le soin que l'on prend à exécuter, on reste sur des gestes anciens, des matériels anciens, des méthodes anciennes, au lieu d'être dans une démarche novatrice, créatrice...

4. Bien sûr, on peut proposer aux étudiants de découvrir des cuisines du présent... mais il faut  à cette fin que les professeurs y soient formés, qu'ils soient à la pointe technique. Le sont-ils ? Bien peu se sont lancés dans la cuisine note à note, et j'en vois pour signe que très peu de Français participent au Concours international de cuisine note à note.

5. Je vois aussi qu'il y aurait lieu d'épauler la reproduction (on n'y échappera pas, soyons lucides) par des invitations à critiquer la technique qu'ils apprennent. Le simple questionnement devrait contribuer, en termes d'ingrédients, de méthodes, d'ustensiles... Bref, il y a tout à faire !

lundi 20 juillet 2020

Mesurer les distances !

1. L'automne dernier, j'ai testé pour la première fois, avec des étudiants d'un master international,  un cours de gastronomie moléculaire conforme à cette analyse que j'avais faite l'été précédent, à savoir notamment que le cours était entièrement écrit,  que, professeur,  je m'étais donné comme rôle de donner de l'enthousiasme, d'indiquer ce qu'il était bon d'étudier, notamment à l'aide d'une carte de la matière, de faire des points d'étapes réguliers sur le chemin que mes jeune amis devaient emprunter.

2. Tout cela a assez bien fonctionné, mais j'ai observé que le temps réservé au professeur avait rapidement tendance à s'étendre à l'infini, au détriment du temps d'études par les étudiants, en autonomie. Entre le professeur qui cause, voyant l'immensité des notions indispensables à ses jeunes amis, & ces derniers qui aiment l'entendre causer, grappillant sans relâche des notions, méthodes, informations toutes indispensables, il y a tous les ingrédients pour faire déborder le vase.

3. J'ai conclu que le système élaboré nécessitait plus que ce que j'avais imaginé : il faut aussi que le professeur fixe des objectifs raisonnables, précis, notamment à propos de méthodologie ;  il y a lieu de laisser mille pistes ouvertes à côté des chemins que l'on aura effectivement parcouru. Pour le professeur, il y a ce  travail supplémentaire qui est, non pas seulement de baliser le chemin, mais aussi de bien mesurer le temps à accorder aux étapes que les étudiants doivent parcourir.

dimanche 19 juillet 2020

La très difficile question des diplômes


1. Faut-il donner les diplômes à tous les étudiants qui suivent un cours ? C'est ce qui a cours aujourd'hui pour le baccalauréat, qui ne fait plus qu'ouvrir sur l'université, où, là encore, chacun obtient la licence, ou la maîtrise, voire un doctorat, à condition de rester dans le système national (ce qui signifie d'avoir les moyens financiers de le faire).

2. Ce que je dis en (1) n'est que factuel. Et la conséquence est connue de tous : le baccalauréat, ou les autres diplômes universitaires français ne sont plus une garantie de compétence, de sorte qu'ils ne sont pas une garantie d'accès à des métiers, par des employeurs qui auraient confiance dans lesdits diplômes.

3. Je reste factuel -indispensable dans ces discussions politiquement minées- si j'observe que les institutions qui organisent des études (par exemple, les universités) reçoivent des étudiants, qu'ils doivent aider à étudier, et dont ils sont chargés (semble-t-il, mais je me trompe peut-être) de certifier les connaissances, compétences, savoir être, savoir faire...

4. Si on le décide collectivement, on peut vouloir supprimer la certification : supprimer la sélection, n'est-ce pas semblable à supprimer la certification ?

5. D'autant que coordonner des études et certifier sont des  choses indépendantes.

6. Mais cela n'empêchera pas qu'il y aura des étudiants ayant des connaissances, des compétences, des savoir faire, des savoir être, et des étudiants qui n'ont pas ces acquis.

7. Autre hypothèse : on conserve les diplômes comme des certifications de compétences (plus connaissances, savoir faire, savoir être...), et alors ils ne sont pas de simples certificats de participation à des cursus  que l'institution a organisés.

8. Mais avons-nous le droit de le faire ?  Dans notre monde moderne, il y a des mobilités des populations : nos diplômes sont contraints par des accords internationaux.

9. Et sans oublier également que les études conduisent à des emplois, pour lesquels les connaissances, compétences, savoir être ou savoir faire ne sont plus des mots abstraits, mais de réels, solides réalités : face à une tâche (considérons une synthèse moléculaire, ou bien la direction d'une équipe, ou encore la soudure de deux tuyaux), on sait le faire ou on ne sait pas le faire, et aucune démagogie ne supprimera ce fait.

10. Ce qui conduit à observer que, pour des métiers, il y a des obligations de résultats ou de moyens... mais la question des compétences est alors la même : on sait obtenir les résultats ou pas, on sait mettre en oeuvre les moyens ou pas. Et la présence à des cours n'est pas suffisante.

11. D'ailleurs, la présence à des cours n'est rien : on peut parfaitement y dormir, ou écouter sans rien comprendre, si l'on n'a pas les bases pour le faire. De sorte que de telles certifications de présence sont nulles et non avenues.

12. Surtout, je crois que nous devons réclamer des définitions claires : de quoi parlons-nous quand nous discutons des diplômes ?