vendredi 4 octobre 2019

Connaissez-vous les "ollis" ?

C'est une vielle affaire, puisque cela date d'avant 1992. Je faisais un aïolli, en faisant bien attention de ne pas confondre cette sauce avec une mayonnaise à l'ail.
Je m'explique. Il y a plusieurs siècles (au 15e), il y avait la sauce rémoulade, où l'on partait de moutarde, et l'on allongeait avec du liquide, gras ou non,  un peu comme dans une vinaigrette. Puis les cuisiniers les plus riches ajoutèrent du jaune d'oeuf, pour faire un goût plus flatteur.
Vers le 17e siècle, apparut le "beurre de Provence", ce qui est en réalité l'aïolli, une émulsion que l'on obtient en broyant de l'huile (d'olive !) avec de  l'ail.
Vers 1800, quelqu'un eut ensuite l'idée de supprimer la moutarde de la sauce rémoulade... et il découvrit alors cette émulsion qu'est la sauce mayonnaise. Grande découverte, parce que le goût est alors bien plus fin.
Mais quand fut publié le Guide culinaire que je crois être un mauvais livre, furent entérinées à la fois la confusion entre rémoulade et mayonnaise, et entre aïolli et mayonnaise à l'ail. Il faut absolument combattre de telles confusions : quel travail pourrait faire un ébéniste qui confondrait le marteau et le tournevis ? quelle musique ferait un musicien qui confondrait le do avec le sol? quelle littérature ferait un écrivain qui ignorerait la grammaire ?

Bref, à cette époque ancienne d'avant 1992, je faisais un aïolli... dans les règles de l'art, en broyant de l'ail, au mortier et au pilon, puis en ajoutant de l'huile d'olive goutte à goutte, toujours en pilant.
Mais comme ce genre de travail m'ennuie, je réfléchissais... et j'eus l'idée suivante : et si l'on remplaçait l'ail par l'échalote ?
Aussitôt pensé, aussitôt réalisé : j'obtenais encore une émulsion, à laquelle je décidais de donner le nom d' "échalottoli". Puis je testais l'oignon, pour obtenir l'oignollii, la carotte (cuite) pour le carottolli, mais aussi la viande, le poisson...  En réalité, tout peut y passer, puisque les tissus végétaux et animaux contiennent de l'eau, certainement (dans les cellules de ces tissus), mais aussi des protéines et des phospholipides, notamment dans les membranes cellulaires.
Bien sûr, certains m'ont dit que quelques uns de mes ollis existaient déjà : le caviar d'aubergine est effectivement un auberginolli, par exemple. Mais qu'importe, il reste tous les autres, et je fus invité à ouvrir le Congrès Mondial des Emulsions avec la présentation de ces inventions : je fis alors, je m'en souviens, un cépolli, à partir de cèpes (nous étions à Bordeaux !).

C'est donc une vieille invention, mais je vous invite à tester notamment au poivron rouge, le poivronolli. Ou au poisson, avec une belle d'huile d'olive vierge : pensez à du rouget, par exemple, et n'oubliez pas la goutte de jus de citron.

Car la règles des émulsions est : de l'eau, des composés "tensioactifs", de l'huile.

Et c'est ainsi que la cuisine est de plus en plus gourmande !


PS. La recette figure dans mon livre Révélations gastronomiques

jeudi 3 octobre 2019

Les moyens de la preuve

Je veux les moyens de la preuve !

De façon très élémentaire, je réclame absolument que toute mesure soit assortie d'une évaluation de l'incertitude. Soit on indique  la précision de l'appareil de mesure, soit on donne l'écart-type, c'est-à-dire une estimation de la dispersion de plusieurs mesures successives du même objet avec le même appareil et dans les mêmes conditions.

Prenons un exemple : si un thermomètre plongé dans de l'eau chaude affiche une température de 50,2463 degré Celsius, il faut quand même que je m'interroge sur la pertinence de tous ces chiffres après la virgule, car leur affichage est peut-être abusif (de même, il n'est pas légitime de se demander combien d'anges tiennent sur la tête d'une épingle si on n'a pas d'abord montré sur les anges existent). Bref, les chiffres doivent être "significatifs". En l'occurrence, avec un thermomètre à mercure des familles, ces chiffres après la virgule ne le seraient pas, et même le 0 devant la virgule n'est sans doute pas juste.

Cette question d'assortir les mesures d'une incertitude est un  tout petit minimum, en science,  mais ce billet veut dire que, ce cap élémentaire étant passé, il y a lieu de ne pas accepter une mesure dont on ne nous dit pas comment elle a été obtenue, ce que les publications scientifiques nomment les "matériels et méthodes", mais que l'on pourrait aussi nommer "les moyens de la preuve", sans que les deux objets ne soient strictement identiques (mais commençons par faire simple).

Par exemple, un appareil de mesure peut afficher des valeurs précises... mais fausses, et, pire, on peut n'avoir pas mesuré ce qu'il fallait. Je prends volontairement un exemple bien excessif : si on pose sur une balance un verre qui contient un liquide, la balance affiche une valeur qui est celle de la somme de la masse du liquide et de la somme de la masse du verre : il serait faux de penser que la masse affichée est seulement celle du liquide. Comme dit, cet exemple semble montrer une évidence, mais, en réalité, des erreurs s'introduisent pour une raison cachée du même type. Et c'est d'ailleurs une des raisons de la pratique des "validations" : on multiplie les mesures faites de façons différentes afin de s'assurer que l'on trouve bien le même résultat.
Evidemment, pour être compétent en science, il  faut s'être entraîné à cela : regarder, en détails, comment les résultats qu'on nous propose ont été obtenus, ne pas accepter des valeurs sans examen critique, réclamer sans cesse le détail des matériels utilisés pour faire les expérimentations, ainsi que des méthodes mises en oeuvre.

Insistons un peu : nous regardons les détails, les circonstances expérimentales non pas parce que nous nous défions de nos collègues, mais parce que, en science  au moins, le diable est caché partout.



Des chausses-trappes?

Des chausse-trappes ? Il n'y a que cela. Par exemple, je me souviens d'un thermomètre, dans un lycée hôtelier, qui marquait 110 degrés Celsius dans l'eau bouillante. Impossible : le thermomètre était faux... ainsi que toutes les mesures qui avaient été faites par d'autres, avant que je ne contrôle, en le plaçant d'abord dans de la glace fondante (0 degrés Celsius) et dans l'eau bouillante (100 degrés Celsius).
Plus subtil : avec une nouvelle méthode d'analyse par résonance magnétique nucléaire, nous avons découvert que nous dosions plus de sucre, dans des carottes, qu'il n'en était trouvé par les méthodes qui imposaient d'extraire d'abord les sucres, avant de les doser. Mais il est notoire que les méthodes d'extraction sont incomplètes !

Tiens, une idée : même si l'expérience est intransmissible, pourquoi ne ferions-nous pas une liste d'exemples d'erreurs dont nous avons connaissance, afin que nos successeurs puissent en avoir connaissance. Bien sûr, ils ne seront pas complètement immunisés, mais, au moins, ils seront mieux avertis que par une mise en garde générale, abstraite. Je commence :

Je me souviens d'une amie qui dosait les protéines dans des échantillons d'un matériaux qu'on lui avait dit être des "protéines" et  qui trouvait très peu de protéines... et pour cause :  cette matière n'était pas essentiellement constituée de protéines, mais de matière grasse.

Je me souviens d'un ami qui cherchait à doser les "lipides" dans de l'eau, oubliant que le mot "lipides" s'applique à des composés très variés ; il pensait en réalité aux triglycérides, qui sont parfaitement insolubles, de sorte que ses expériences étaient vouées à l'échec, sauf à considérer que ces composés étaient dispersés dans la solution aqueuse (émulsion)... auquel cas, le protocole devait être très particulier.

Je me souviens d'un ami qui voulait doser des acides aminés, alors que ses échantillons ne contenaient que des protéines : il avait omis ce fait que les protéines ne sont pas des assemblages d'acides aminés, mais des composés dont les molécules sont faites de "résidus" d'acides aminés, de sorte que les acides aminés n'existent pas en tant que tel, dans les protéines, et seuls leurs atomes restent organisés de façon identifiable par un chimiste.

J'attends vos exemples pour les ajouter à cette liste.

mercredi 2 octobre 2019

Pour un bon scientifique


L'histoire est exacte : un jour, il y a longtemps, discutant avec un "directeur de recherche", ce dernier m'a dit "Il faut faire de la bonne science". Et je lui ai répondu : "C'est quoi ?". A l'époque, il n'avait pas su me répondre, et j'avais évidemment été narquois... mais c c'est sans doute parce que j'ai un assez mauvais fond, n'est-ce pas ?  Toutefois le pêcheur peut se rachter, et c'est ce que je propose de faire ici, en livrant quelques "Règles pour un bon scientifique".
J'en donne aujourd'hui trois : (1) dire combien,  (2) citer de (bonnes références),  (3) réclamer les moyens de la preuve pour chercher à comprendre.

Dire combien, combien, combien ?

La première règle se fonde sur la méthode des sciences de la nature, que j'ai discutée dans nombre de billets. Cette quantification intervient dans le deuxième étape de la démarche, à savoir que le phénomène identifié dans la première étape doit être quantifié, de tous les points de vue utiles. Ce seront ces données qui seront réunies en "lois", c'est-à-dire en équations, lesquelles permettront l'établissement d'une théorie, ou ensemble d'équations assorties de concepts quantitatifs, avant les tests de réfutation (quantitative) des conséquences de la théorie.
Bref, du nombre, du nombre, du nombre... Et voici pourquoi nous devons nous interdire d'utiliser des adjectifs ou des adverbes : la question, l'unique question, c'est "Combien ?".


Les références

En science, rien ne doit être donné  ou fait sans justification ! Et c'est là que s'impose la bibliographie, et, de ce fait, la donnée de références.
Les mauvais scientifiques se contentent de trouver des références et de les donner sans justification, sans analyse critique. En revanche, les bons scientifiques savent évaluer les publications, et ne donner de références qu'avec une appréciation critique. Par exemple, on comprend facilement qu'on n'établit pas un fait si l'on cite une publication dont les méthodes sont défaillantes ! Et l'on comprend que l'on n'ira jamais donner des sources non scientifiques.
Mais la question est donc de savoir bien juger un travail publié, car il serait naïf de croire que toutes les publications sont bonnes, et je peux l'attester, moi qui ai vu mille fois publier des articles que j'avais refusé (pour cause de graves insuffisances méthodologiques), en tant que rapporteur !
Reste qu'il faut citer ses sources.


Les "moyens de la preuve"

Si l'on met dit qu'une fusée a décollé, je reste aussi bête qu'avant. Si l'on met dit qu'il y a une bataille en 1515, l'information est vide de sens, sans informations complémentaires. Si l'on me donne un dosage d'un produit dans une matrice, je doute, car je sais que les dosages imposent souvent des extractions, lesquelles sont bien souvent incomplètes. Et ainsi de suite.
C'est la raison pour laquelle, pour chaque donnée qui m'est délivrée, j'ai besoin des "besoins de la preuve", des détails de la procédure. Comment la fusée a-t-elle décollé ? Quels étaient les combustibles ? Et s'est-elle élevé de deux mètres ou a-t-elle atteint l'altitude de libération du champ gravitationnel terrestre ? Et à Marignan : étaient-ils une poignée, ou des milliers ? Et combien de temps cela a-t-il duré ? Combien de morts ? Et pour le dosage : quelle précision ? Comment s'est-on assuré que l'on a fait un bon dosage ? Et ainsi de suite.
Bref, avant d'admettre une information, il  me faut mille détails, mille circonstances. L'énoncé précis des matériels et des méthodes employés par les personnes qui ont été à l'origine des résultats donnés.


Avec cela, on a un (tout) petit début, mais au moins, on sait ce qu'il y a à faire.






samedi 28 septembre 2019

Je vous présente le saccharose


Le saccharose ? Il faut d'abord et surtout dire qu'il est produit par les plantes et que son extraction, sa purification, par l’industrie du sucre conduit à ... du sucre de table.  Car le sucre de table, ce produit blanc cristallisé à la saveur sucrée, c'est effectivement du saccharose à plus de 99 pour cent. C'est un produit inévitable dans l'alimentation, car il est présent dans tous les végétaux que nous consommons. Quand la sève brute monte vers les feuilles, elle permet, avec le dioxyde de carbone de l'air et l'énergie lumineuse du soleil, la synthèse du saccharose, parmi d'autres sucres tels que le fructose et le glucose. Puis ces sucres, ainsi formés dans ces usines naturelles que sont les feuilles, redescendent dans la plante, où ils servent d'énergie à la fois d'énergie à  cette dernière, comme l'essence pour une voiture, mais aussi de briques pour la constitution des plantes, et de réserves pour les embryons.

Il y a donc du saccharose dans toutes les plantes, et c'est parce que les sucres, notamment le saccharose, sont dans les tiges, les racines, les tubercules ou les fruits, que  nos aïeux lointains ont consommé des tissus végétaux : le sucre, c'est l'énergie dont ils avaient besoin pour vivre. Et c'est ainsi que les grands singes continuent aujourd'hui de mâcher des tiges, ou que les enfants aiment le sucre, comme les animaux.
Le sucre dans les plantes ? Il suffit de cuire doucement des oignons ou des carottes avec très peu d'eau, pour s'apercevoir que le jus récupéré est très sucre : il contient effectivement tant de sucre que l 'on peut même faire des confitures d'oignons.

Faut-il alors ajouter du sucre aux plats ? L'idée un peu bobo de lutter contre les "sucres ajoutés" revient en quelque sorte de faire un bond un siècle en arrière, pour extraire les sucres au lieu d'utiliser celui, très pur, de l'industrie du sucre.
Ici je m'arrête pour signaler que l'industrie du sucre n'est pas une industrie chimique... car il est bien impossible pour une industrie d'être chimique :  la chimie est une science, et l'industrie une technique.
Donc l'industrie du sucre produit du sucre, et ses efforts consistent à extraire le sucre de végétaux, le plus souvent des betteraves ou des cannes à sucre, par des méthodes qui s'apparentent absolument à la cuisson de carottes ou d'oignons dans un bouillon ;  puis il faut concentrer les liquides, évaporer l'eau. Lors de cette opération, on obtient des jus très impurs, et l'industrie utilise une technique de cristallisation pour avoir plus de pureté : quand des molécules  d'une sorte s'empilent  régulièrement en cristaux, les autres molécules, qui ne sont pas de la même sorte, ne sont pas acceptées dans l'édifice cristallin. C'est comme quand on empile des petits cubes : l'édifice  ne se forme pas s'il y a des cubes d'une autre taille. De fait, quand on cristallise le saccharose, et que l'on obtient des grains de sucre blanc, est rejeté un liquide qui contient tous les composés qui ne sont pas du saccharose... et c'est un fait que le sucre blanc est l'une des matières les plus pures  - moléculairement parlant- que l'on trouve en cuite
Evidemment,  par les temps qui courent, il y aura toujours les marchands de cauchemars ou ou des trouilladds pour dire que quelque chose de très pur peut être dangereux. Et il est vrai que les huiles essentielles de basilic ou d'estragon sont à éviter. Pour le sucre aussi : si l'on en mange trop, on devient obèse et l'on a des caries. Mais, au fait,  qui nous force à en manger trop ?

vendredi 27 septembre 2019

Que faire quand nos amis n'en sont pas ?



On a vu dans un autre billet que j'ai décidé de nommer "amis" ce que le reste du monde nomme "étudiants", et cela pour de bonnes raisons : à savoir que je suis moi-même étudiant, par exemple, mais aussi que nos... amis méritent notre amitié quand nous la leur donnons.

Mais arrive la dureté du monde et, par exemple, quand je vois l'étudiant le plus faible d'un groupe  déclarer au dernier moment qu'il est malade, alors que  l'examen arrive, ou quand je vois des étudiants répondre à côté de la question parce qu'ils ne savent pas la réponse, comme je ne suis pas fou :  je m'aperçois que ces personnes cachent malhonnêtement leurs insuffisances, ce qui est la rupture d'un contrat amicale.

Puis-je encore appeler amis ces personnes-là ? Je me souviens de  plusieurs personnages de Marcel Pagnol qui donnent leur confiance à d'autres afin que ces derniers en deviennent capables, je me souviens d'être devenus capables d'être rédacteur en chef d'une revue, il y a très longtemps, le jour où j'ai été nommé à cette position...
C'est bien l'état d'esprit que je veux faire régner. Je veux que les étudiants autres que moi-même soient vraiment des amis, des gens avec qui l'on discute librement, franchement, loyalement. Mais une fois la confiance brisée, que faire ? Pour des gens intransigeant comme moi, la question est d'autant plus terrible que je sais que l es associations avec des malhonnêtes nous conduisent généralement à des déboires  terribles. Je veux absolument fuir ces personnes (ou les rejeter, ce qui est bien pareil).

Une  seconde chance ? Regardons bien quand même l'ardoise de ces personnes, et l'on s'apercevra parfois que ces personnes l'ont déjà eue : ils n'ont pas eu une seconde, mais une deuxième chance, une troisième... Il y a un moment où il est de notre responsabilité de ne pas être complètement dupe, où il faut dire quand le roi est nu, quand des amis cessent de l'être.

Le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.

Les projets : quel intérêt dans les études ?


Dans un autre billet, j'ai évoqué la question des stages, mais pas celle des projets, dont on dit que les étudiants les préfèrent aux cours (c'est à vérifier ; et puis, tous les étudiants ?).

Par exemple, dans une école de chimie, on donne aux étudiants la formule topologique d'un composé et on leur demande de faire tout le travail nécessaire pour arriver à proposer une synthèse industrielle, après avoir rempli un certain nombre de critères, à propos de rendement, de sécurité, etc.

Est-ce un bon système ?

Le mot "bon" est un adjectif, qui, selon nos... bons principes, doit être remplacé par la réponse à la question "Combien ?". Il y aurait lieu de faire une évaluation de la chose... à condition que cela soit possible.

Mais en attendant, j'observe que cette question des projets me fait penser à celle des stages, qui semblaient si appréciés de mes amis plus jeunes avec lesquels j'ai correspondu tout l'été, à propos des études supérieures.
Dans mon analyse, j'observais tout d'abord que les études devaient conduire à obtenir des informations, des connaissances, des notions, des concepts, des méthodes, des valeurs, des expériences, des compétences, des savoir être, des savoir vivre...  Ici, avec les projets, on voit bien des connaissances transformées en compétences, mais on doit aussi observer que cette transformation ne peut s'opérer que si les connaissances ont été données. Il est hors de question de penser, comme cela a été fait, que les connaissances données par la préparation des concours aux écoles d'ingénieurs soient suffisantes, comme indiqué dans un autre billet !

Ce que je crains, c'est le temps considérable capté par un tel projet, au détriment de connaissances théoriques qui doivent emplir la valise intellectuelle de nos amis. C'est la même question qu'avec les stages : oui, ces travaux sont passionnants, et nos amis trouvent souvent grisants de voir qu'ils sont "capables", mais on ne doit pas sacrifier la théorie, que les institutions de formation doivent donner, avant que nos amis ne soient absorbés par la production.

Bref, il faut que ces projets soient parfaitement conçus pour ne pas s'arrêter à des applications, mais qu'ils conduisent nos amis à chercher des connaissances théoriques supplémentaires, et, mieux encore, qu'ils conduisent nos amis à apprendre, en  situation de production, à chercher les connaissances théoriques supplémentaires. Car on n'oublie pas que les institutions de formation  doivent conduire à l'autonomie.

Car, au fond, c'est cela la différence entre les études et la vie professionnelle, notamment : dans un cas, on est tout orienté vers l'obtention de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences, de nouveaux savoir-vivre, etc., alors que dans la vie professionnelle, si cette recherche de capacités supplémentaires est importante, elle doit quand même passer après la production.


jeudi 26 septembre 2019

Pour rendre service à nos amis qui écrivent

Des décennies de travail à la revue Pour la Science, notamment comme éditeur et comme rédacteur en chef, m’ont montré que les fautes d’écriture sont majoritairement les suivantes.
C'est très encourageant : il suffit de les corriger pour écrire mieux que la très grande majorité de deux qui doivent prendre la plume !

Des questions de correction intellectuelle

Pas d'adjectif : c'est du baratin (remplacer par la réponse à  la question "Combien?"
Idem pour les adverbes.
D'ailleurs, éviter les adverbes, c’est le commencement du style : recherche systématique de "ment", et suppression des adverbes inutiles.
Attention à la différence entre « technologie » et « technique » (et « science »).
Les chiffres sont-ils tous bien significatifs?
Les métaphores compliquent parfois plus qu'elles n'expliquent.
A-t-on annoncé la couleur : dans chaque début de paragraphe, a-t-on dit ce que l'on allait trouver dans le paragraphe ?
Avant tous les intertitres, y a-t-il une phrase disant pourquoi on passe au passage suivant ?
Ne pas craindre les répétitions naïvement
Un point suivi de "en effet" peut être avantageusement remplacé par deux points.

Des questions de grammaire qui pourrissent la lecture :
Un infinitif ou un participe présent doivent avoir le même sujet que celui de la principale. Chercher (fonction recherche) systématiquement les "ant" et les "er".
"Après que" est suivi de l'indicatif.

Des questions de mots qui sont gênants ou fautifs :
Chercher les "rendre" plus adjectif : "rendre possible" = "permettre" : recherche systématique de "rend".
Remplacer "semble probable" par "est probable" (pléonasme).
De même, « faire obstacle », c’est « gêner » ; etc.
Les "ils" impersonnels poussent à la faute : "il semble qu'il fasse" = "il semble faire" : recherche systématique de "il semble", etc.
Pas de "mais" ni de conjonction de coordination (et, ou , car ...) en début de phrase : rechercher les ".Mais", " .Car", ".Et", ".Ou" et remplacer par des ", mais", ", car",  ", et", ", ou".
Attention à l’inflation des "très" ; on peut généralement les éliminer.
Rechercher le verbe pouvoir et chercher à l'éliminer. Remplacer systématiquement (ou presque) les "a pu" montrer, observer, etc. par « a montré, observé, etc » ; "pour pouvoir comparer" : pour comparer.
Attention à "impliquer" (contamination de « to imply »).
« Sophistiqué » signifie « frelaté », mais pas « complexe » ni « évolué ».
« Brutalement » n'est pas « brusquement ».
Attention à "véritable" (« véritable révolution » !).
Attention à « influer » sur et « influencer ».
Attention aux anglicismes ; les plus fréquents sont : « se baser sur », « des douzaines », « réaliser » n'est pas « comprendre » ; remplacer « contrôler » par « commander »  ou « déterminer » (contrôler, c’est faire une vérification), « compléter » n'est pas « achever » ;  rechercher « développer »  au sens de « mettre au point » ; idem pour « développement ».
Remplacer « par contre » par « en revanche ».
Attention aux usages exagérés de « permettre ».
Rechercher « suggérer » : normalement, la suggestion, c’est l’hypnose.
Rechercher « affecter ».
Rechercher « processus » : un processus n’est une réaction, ni une série de réactions.
Rechercher " induire" parce qu'il est souvent utilisé fautivement.
Rechercher emmener/emporter.
Ne pas chercher la rallonge : "dans lequel" peut souvent devenir "où".
On ne dit pas "débute" mais "commence" (sauf au théâtre).
On ne dit pas "en dessous de ", mais "au-dessous de.
On dit plutôt "chaque fois" que "à chaque fois".
Éviter "au niveau de" et, très généralement, faire attention au mot « niveau » (recherche automatique).
Quand on rencontre "entre eux", "entre elles", vérifier que c'est utile ; de même, « les uns des autres », « les uns aux autres », etc. sont souvent inutiles.
« ceci » annonce alors que « cela » se rapporte à ce qui a déjà été énoncé (le plus souvent, on peut se débarrasser de ces mots faibles).
Des chevilles comme "en fait", "en réalité", "effectivement", "du coup" sont rarement utiles.
« plus petit »  est « inférieur », « plus grand » ou "plus élevé" est « supérieur »
« très inférieur »  est fautif (« bien inférieur ») ; de même pour « très supérieur".
« être différent » donne « différer » ;
Utiliser "second" (pour deux possibilités seulement) et "deuxième"  pour plus de deux.
Examiner si les "simples", "compliqués", "facile" sont indispensables.
Souvent remplacer « appelé » par « nommé ».
Les verbes présenter et constituer peuvent souvent  être remplacés par être ou avoir.
Attention : "plus important" doit signifier qu'il y a une importance plus grande ; souvent on doit le remplacer par supérieur.
Attention à la signification des mots (pas impact mais effet / répartition et distribution; méthode/technique).
Le mot "significatif" ne signifie pas notable (et vice versa).
La "littérature", c'est la littérature, pas des publications.
Le mot "important" est un mot assez pourri.
étalonnage n'est pas calibration, et référence n'est pas standard.
une matière séchée n'est pas une matière sèche.
Remplacer les mots "faibles" ou "convenus" par du contenu réel (le mot "introduction" est moins bien que la question posée).

Des questions de typographie  :
Ne pas sauter de ligne, sauf 2 avant un intertitre, et 1 après celui-ci (pour faire simple).
Les quantités sont en italiques, ainsi que de très rares mots ou expressions (noms de bateau, titre de livre...).
Pas de souligné : c'était quand on n'avait pas d'italiques.
Quand on cite des gens, on doit citer le premier et le  plus récent, pas arbitrairement au milieu.
Partout des virgules décimales, pas des points.
Cf s'écrit  "cf.", pas Cf
Pas de maquette quand on écrit (ça vient après).
Dans un nom propre, seul le premier substantif est en majuscule, sauf si adjectif avant : "Seconde Guerre mondiale"




Ce ne sont là que des fautes statistiquement courantes. Bien d'autre sont signalées dans les Difficultés de la langue française, qu'il n'est pas inutile de (re)lire.
Plus généralement, celui qui écrit devrait avoir quatre outils : un ordinateur équipé d’un traitement de texte avec correction orthographique, un dictionnaire (pour le vocabulaire, les Difficultés de la langue française (pour la grammaire), le Gradus (pour la rhétorique).

Et je termine en signalant que je suis certainement imparfait. Je me soigne, mais c'est long ! Et, ici, je ne fais le censeur, mais j'essaie de rendre service à mes amis.