Pardon d'un peu d'introspection... mais j'essaie d'être utile à nos jeunes amis.
Et pardon d'un usage étrange de la typographie, mais j'ai un nouveau
jeu qui consiste à utiliser le gras à ma manière, ce qui, pour quelqu'un
qui explore la cuisine, n'est pas étonnant. Il suffit que mes essais ne
sentent pas le graillon
Amusant de se regarder avec le recul des années.
Petit (disons : à certains moments de mes études du Second Degré),
j'adorais la chimie, j'aimais la physique, j'adorais les
mathématiques... et je n'aimais pas le calcul que l'on m'y mettait.
Pourquoi ?
Rétrospectivement, tout m'étonne.
Ainsi, voici un souvenir à distribuer aux collégiens : alors que
j'aimais les mathématiques, alors qu'elles ne me posaient guère de
problème (quand elles étaient raisonnablement expliquées, par un
professeur ou par un livre compétents ; il faut quand même dire qu'il
existe aussi des gens qui enseignent alors qu'ils n'ont pas compris
eux-mêmes, ou qui ne savent pas expliquer, tout comme il existe de
mauvais livres), je me vois encore, un de ces jours tristes de décembre,
sans doute en 1967, dans une triste salle d'un lycée caserne, aux murs
jaune sales, au parquet de bois usé et poussiéreux, faisant un
"contrôle" ; il s'agissait de calculer la somme de deux fractions
polynômiales, quelque chose d'élémentaire, donc, et je n'y arrivais pas.
Les modifications hormonales m'abrutissaient : je me vois encore me
dire "Ce n'est pas difficile, je sais le faire"... et ne parvenir à
rien, hébété par l'adolescence.
Chers jeunes amis, courage, cette période finit par passer.
Ainsi, je me souviens de mon refus de mettre des "mathématiques" en
chimie, un peu plus tard. Comme beaucoup d'étudiants que je vois
maintenant, il y avait cette attitude qui consiste à dire "Laissons les
mathématiques en mathématiques, et faisons de la chimie".
A la réflexion, il y avait du juste et du moins juste. D'abord,
il y avait du faux à nommer "mathématiques" ce qui n'était que du calcul.
Je propose de nous faisions la distinction : les mathématiques sont
cette activité merveilleuse qui invente (ou explore)... pour certains :
c'est une option philosophique) un monde où le calcul est roi. Ce n'est
pas une science de la nature, sauf pour d'autres qui voient, par option
philosophique, les mathématiques comme découverte de structures données
par avance. Je fais une digression en rappelant ici la phrase de Leopold
Kronecker "Dieu a fait les nombres entiers, tout le reste est l'oeuvre
de l'homme". Fin de la digression ; revenons à notre chimie.
Ce que je n'avais pas compris -parce que je vois que le monde, aujourd'hui encore, reste confus-, c'est que le
calcul, maniement d'outils courant dans les "échoppes des mathématiciens"
se distingue des mathématiques
; or, au collège, au lycée, on ne fait guère de mathématiques, et l'on
apprend seulement le maniement de ces outils. Ou du moins, il en était
majoritairement ainsi quand j'étais lycéen.
Ce que je n'avais pas compris -parce que je vois que le monde, encore
aujourd'hui, reste confus-, c'est que la "chimie" n'était pas une
activité clarifiée. Si la chimie avait été l'activité technique (la
production de composés, la mise en oeuvre de réactions pour la
production de composés), alors oui, le calcul n'aurait pas été
nécessaire. En revanche,
pour une activité scientifique, alors le calcul s'impose absolument, puisque c'est là la caractéristique des sciences de la nature !
Ici, une autre digression, mais plus brève, à propos de la chimie,
puisque j'ai déjà évoqué la question : je propose -pour nos jeunes amis ;
cessons de penser à nous, puisque notre place est au soleil, et pensons
à faire un monde meilleur pour nos enfants- de
bien distinguer
la chimie, c'est à dire la science
quantitative qui explore les phénomènes mis en oeuvre par la technique de préparation de produits à partir de réactifs.
Fin de la digression, et j'en arrive maintenant à la séparation de la
chimie et de la physique, que beaucoup de mes amis et moi-même voyions
comme des activités séparées. Encore aujourd'hui, d'ailleurs, certains
voient deux mondes... mais n'est-ce pas une conséquence de la confusion à
propos du statut de la chimie, technique chimique et science chimique ?
J'ai foi que nous pouvons changer les mots, notamment dans
l'enseignement, afin d'aider nos jeunes amis. Luttons contre la
confusion, plus de Lumière !
Et les épinards ? Je ne les ai pas oubliés : si certains enfants
n'aiment pas les épinards (le calcul, la chimie, la physique, la chimie
physique, les mathématiques), ce n'est pas que les épinards soient
"mauvais"... ou plutôt, si, c'est pour cette raison ! J'explique : quand
un enfant dit "c'est mauvais", cela signifie qu'il n'aime pas, mais le
"mauvais" est personnel. Or l'épinard étant comestible, le fait de le
trouver mauvais est simplement la preuve que l'enfant n'a pas compris
que l'épinard pouvait être bon : soit parce qu'on lui a mal cuit, mal
assaisonné, soit parce que l'enfant n'a pas compris qu'il pouvait
prendre son destin en main, et assaisonner à son goût, afin,
progressivement, de devenir capable de dire "J'aime les épinards".
Les épinards ? Le prototype à bien penser quand on entend "Je n'aime
pas les mathématiques", ou "Je ne veux pas de mathématiques en chimie".
L'assaisonnement ? Bien comprendre, à l'aide de mots justes, la nature
des activités merveilleuses que sont les sciences de la nature, les
mathématiques, la technologie, la technique...