vendredi 22 mars 2013

Je prends!

Hier, alors que je discutais avec Bernard Chevassus-au-Louis, je lui vantais les beautés du paradigme des "hussards blancs de la Raison".
En échange, il m'a passé son "Touche pas à ma science"

Remarquable Colloque

Hier, à l'Académie d'agriculture de France, remarquable colloque sur le thème "Réconcilier le public avec son alimentation".

Des intervenants de qualité, qui ne se sont pas contentés de livrer des messages convenus, mais, au contraire, ont vraiment discuté la question !


Leurs résumés sont sur le site académique, où se trouvera bientôt le podcast des interventions.

Voici :

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« RETABLIR LA CONFIANCE DU CITOYEN
DANS SON ALIMENTATION »

Résumé des interventions du colloque du 21 mars (14h00 – 17h30)



  • Introduction de la journée par Hervé THIS, Secrétaire de la section « Filières alimentaires » de l’Académie d’Agriculture de France

Les faits :
  • Il y a des fraudes, mais cela ne signifie pas que tout le monde fraude.
  • Il y a des risques, mais (1) il y a des risques à tout et (2) il faut se demander quantitativement quels risques (relatifs).
  • Une partie du public est craintif, parce qu'il ne comprend pas la science et la technologie.
  • Une partie de la presse vend de la peur (n'est-ce pas cela, le plus grand scandale alimentaire du xxi e siècle?)
Des propositions :
Si la solution était simple, on l'aurait mise en œuvre.
Quand on signale une fraude :
– il faut indiquer combien de pour cent du groupe est représenté
– il faut profiter de chaque affaire pour vérifier que nos systèmes sont bons ; en réalité, peu après chaque « convulsion », il est indispensable de faire un bilan assorti d'une prise éventuelle de décisions (sans tomber dans le resserrement des libertés, hygiénisme..)

Quand on signale des risques :
– il faut l'assortir de valeurs quantitatives
– il faut les distinguer des dangers
– il faut publiquement dire comment on les minimise.
Pour donner au citoyen les moyens de craindre ou de ne pas craindre les diverses composantes de son alimentation, il faut une information qui ne soit pas partisane. Celle de l'industrie n'étant pas crédible, il faut que l'Etat prenne ses responsabilités, et diffuse de l'information de l'Ecole à l'âge adulte, en passant par les canaux « efficaces ».
Ici, proposition de formations des enseignants du Premier et du Second Degré. L'INRA pourrait aller intervenir dans les Rectorats, pour des formations académiques.
Enfin, il faudra sans doute aussi réfléchir aux relations entre science, technologie et technique, fin de bien cibler les « émerveillements proposés ».
Au fond, la presse se répartit en deux groupes : ceux qui vendent de la peur, et les autres. On doit considérer que les sociétés ont la presse qu'ils méritent. Il sera bien difficile de changer les méthodes des marchands de peur, mais on peut réfléchir avec les autres pour trouver des solutions actives.
Quoi qu'il en soit, on ne pourra pas éviter d'être TRES présent dans le grand concert médiatique, et de proposer des sujets.


Première Table ronde - Quelle confiance le consommateur accorde-t-il aujourd’hui à la qualité (sanitaire, nutritionnelle, environnementale…) de son alimentation ? Perception et réalités.

Modérateur – Bertrand HERVIEU, Vice-président du Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux

Questions Comment expliquer vous la méfiance actuelle des consommateurs dans leur alimentation ? Quelles sont, à votre avis, les principales craintes ? A quoi sont elles dues ? Quelles sont les principales craintes des consommateurs aujourd’hui au regard de leur alimentation ? Pourquoi n’ont-ils pas confiance dans ce qu’ils mangent ? Les informations dont les consommateurs disposent (étiquetage, ou autre) sont-elles suffisantes et adaptées ?

  • Charles PERNIN, Chargé de mission alimentation à CLCV

Il y a une vraie crise de confiance des consommateurs envers l’industrie agroalimentaire. Ce phénomène n’est pas nouveau : de nombreux baromètres d’opinion montrent depuis des années que l’image de ce secteur dans l’opinion est très dégradée.
Il faut rappeler que cette situation n’est pas spécifique à l’agroalimentaire. Nous sommes dans une ère du soupçon : la crise de confiance concerne le politique, le domaine de la santé et de l’expertise en général, du sport (dopage) et des médias.
Pour en revenir à l’alimentation, les consommateurs ont l’impression de ne plus vraiment savoir ce qu’ils mangent et doutent de la qualité des produits issus de l’industrie. N’oublions pas que, pour les consommateurs, la qualité de l’alimentation n’est pas qu’une question sanitaire. L’utilisation d’additifs, l’artificialisation des recettes, le recours à des ingrédients qui s’apparentent à des « erzatz » (analogues de fromages, arômes artificiels), tout cela ne peut que nuire à l’image des produits.
Ces pratiques sont d’ailleurs en totale contradiction avec le marketing qui ne cesse de faire référence à une prétendue naturalité, au terroir ou à l’authenticité des recettes. Ces contradictions manifestes, ainsi que la réticence de l’industrie agroalimentaire à communiquer sur ses pratiques et ses métiers, ne font qu’accroître la méfiance. Cette situation est d’autant plus difficile à gérer qu’aujourd’hui tout finit par se savoir (du fait des nouvelles technologies de l’information et des réseaux sociaux notamment).
Après un scandale comme celui de la viande de cheval, le secteur peut estimer qu’il s’agit d’une crise de plus et continuer comme avant. Cela revient à considérer que de toute façon les consommateurs finiront par acheter ce qu’on leur propose. Mais peut-on construire un modèle économique créateur de valeur sur la base de la méfiance et du doute ? N’y-a-t-il pas un lien entre l’image négative de l’industrie et la baisse continue de la part consacrée à l’alimentation dans le budget des ménages ?


  • Louis ORENGA, Directeur d’APRIFEL et ancien Directeur du Centre d’information des viandes.

Il est paradoxal de constater qu’en ce début de 21ème siècle les interrogations des consommateurs sont de plus en plus grandes alors que l'information est soi-disant de plus en plus accessible. On peut se demander pourquoi plus tout le monde répète qu'il faut s'adapter à la demande des consommateurs ou des citoyens, plus ces derniers ont souvent la perception du contraire.
La mondialisation des échanges, l’élaboration de plus en plus importante des produits, la multiplicité des circuits de distribution ont conduit à l’éloignement de la connaissance naturelle que l'on pouvait avoir des produits par le passé, ce qui a généré des interrogations et des inquiétudes renforcées par la mondialisation de l'information. Parallèlement à ce phénomène, la communication du 20ème siècle a cristallisé les positions, particulièrement à la fin du siècle, en opposant frontalement la publicité émanant des entreprises et des secteurs économiques à l'information qui ne pouvait, par définition, émaner que de la presse ou d'émetteurs en capacité de revendiquer de n'avoir aucun lien avec le domaine économique.
Facteur aggravant en ce début de 21ème siècle, quelle que soit la volonté de donner une information factuelle, la communication est ipso facto qualifiée de publicité si elle est positive et ne dénonce donc pas un risque. On pourrait caricaturer en disant que la mention « train en retard » sur le tableau d'affichage d'une gare est une info, mais celui qui est « à l’heure » relève de la publicité. Encore plus grave est le fait que les mécanismes de communication de notre société moderne ne peuvent que valoriser l'information qui se base sur le désaccord, l'opposition, le conflit. Cela ne serait pas si grave si cela n'était qu’un problème de sémantique. Hélas, la conséquence est que cela met en péril la concertation. En effet, si l'information ne peut pas exister pour démontrer que ceux qui se sont parlés sont arrivés à faire avancer les choses, les personnes et les organisations en présence ne peuvent exister et se valoriser que dans le dissensus. On ne peut donc, par définition, que se retrouver avec un consommateur qui perd le peu de repère qu’il essaye d'acquérir par l'expérience.
La solution ne pourra donc exister que si le duo, rôle de la publicité d'une part émanant du secteur économique et l'information émanant du secteur non économique, évolue.
Cette opposition dans les mécanismes de communication ne peut que conduire à aggraver les conflits dans un monde justement de communication.
La concertation, si souvent demandée par tous, risque aujourd'hui d’exister encore moins qu'il y a vingt ans. En effet, avec l'accroissement de l'information si l'on apprend que deux entités, de domaines de référence différents, se sont vues ou ont juste envisagé de discuter ensemble, alors les mises en cause se déchaînent sur les uns et les autres. Ainsi, tant que ces mécanismes de communication hérités de la fin de notre siècle dernier n'auront pas évolué, les changements étant de plus en plus rapides et générant des peurs réelles ou supposées, issues de vraies problèmes ou de problèmes virtuels, les incompréhensions voire le divorce entre les différents acteurs ne feront que se renforcer, accroissant les interrogations des consommateurs.
La communication doit donc sortir de cette dualité entre publicité et information qui, en fait, organise les oppositions et fait perdre à la communication l’essence même de ce pourquoi elle doit aussi être faite, à savoir permettre à deux entités de se parler et de se comprendre pour construire un projet commun.
Une troisième voie, qui ne relèverait ni de la publicité ni de l'information telle qu'on la connaît aujourd'hui, devrait pouvoir s'installer. Cette communication de type informative devrait permettre justement de mettre en avant les consensus, les accords et avoir auprès de l’opinion une visibilité au moins égale à celle qui est aussi nécessaire lorsque l'on doit dénoncer un risque, un dysfonctionnement ou un désaccord. Sans une réflexion dans ce domaine, qui conduira à s'interroger sur les émetteurs de cette nouvelle communication sur les canaux de diffusion de cette information et sur la transparence de cette dernière, les crises et les incompréhensions ne feront que se développer car, pour terminer sur une notion économique, parler des risques pour certains en matière de communication est toujours plus rentable, plus valorisant pour celui qui alerte et même moins risqué juridiquement que de construire le dialogue et justement prendre le risque de dire que l’on a la volonté de dialoguer et de faire avancer un problème, mais ça c'est de la pub !

  • Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, Président de l’Observatoire de la qualité de l’alimentation (OQALI)

Trois points importants
  • la défiance vis à vis des experts a conduit à un irréversible retour de l'évaluation profane des risques. Cette évaluation n'est pas quantitative (les citoyens ne disposent pas des informations statistiques) mais qualitative. Il est donc important d'analyser ce que sont les qualités d'un "bon risque" (qui peut être quantitativement fort) et celles d'un "mauvais risque" (qui peut, à l'inverse, être considéré comme faible par les experts).
  • Par rapport à ce retour de l'expertise profane, l'alimentation moderne et les nouveaux risques (listerias, résidus phytosanitaires, OGM, etc.) se caractérise par des risques "imperceptibles", qui défient donc ces capacités d'expertise individuelle et conduisent à une "socialisation" de l'inquiétude.
  • il faut se garder de penser toutes les situations en termes de risques et s'acharner à garantir le risque zéro (ou à clamer qu'il n'existe pas). Les citoyens ne demandent pas le risque zéro mais le "mépris zéro" (voir le cas récent de la viande de cheval), ce qui ouvre peut être de nouvelles pistes pour restaurer la confiance.

  • Gérard PASCAL, Membre de la section VIII de l'Académie d'agriculture de France

Il ne m’appartient pas de m’exprimer sur la perception des consommateurs, d’autres intervenants sont bien plus qualifiés que moi pour le faire. Je souhaite simplement apporter l’éclairage d’un chercheur, nutritionniste et toxicologue, qui a aussi exercé des activités d’expertise pendant 35 ans. C’est donc un témoignage qui va à l’évidence manquer d’objectivité.
Mon premier constat est celui d’un grand succès : dans un premier temps, les nutritionnistes ont parfaitement réussi, à juste titre, à persuader le citoyen de l’importance de son alimentation en matière de préservation d’un bon état de santé et de prévention de l’apparition des pathologies majeures qui nous menacent.
Le second est celui d’une incapacité totale à persuader ce citoyen de la multiplicité des solutions possibles pour atteindre cet objectif de prévention. Le consommateur a été livré à la cacophonie des discours d’une multitude d’acteurs prétendant tous détenir la vérité et recommandant souvent, soit une alimentation sur ordonnance soit des remèdes de gourous. Son anxiété n’a fait que croître face à la multitude des choix qui lui sont proposés. L’éducation à l’alimentation a été délaissée au profit d’une soit disant éducation nutritionnelle déconnectée de la réalité de la production des matières premières agricoles et de leur transformation culinaire ou industrielle. Le développement de nos sociétés urbaines n’y est pas non plus étranger. Nous sommes ainsi passé d’une connotation positive à une méfiance généralisée.
Au cours des 30 dernières années, la méfiance à l’égard des scientifiques, de la science et de la technologie n’a fait que croître. Les scientifiques, les universitaires les plus sérieux et honnêtes sont de plus en plus considérés comme inféodés aux industriels et accusés d’être incapables d’impartialité, ôtant toute valeur à leurs avis. Par contre, les « lanceurs d’alerte », les opérations médiatiques scientifiquement les plus lamentables trouvent un écho de plus en plus large et bienveillant dans les médias et …dans les milieux des décideurs, en particulier politiques (et je ne fais pas de politique politicienne !).
Beaucoup de ces décideurs n’informent pas complètement les citoyens sur les raisons de leurs choix en matière de sécurité sanitaire et se refusent à faire clairement la part entre les avis scientifiques émanant de collectifs mis en place par leurs soins et les multiples raisons sociales, économiques, écologiques, éthiques … qui peuvent justifier leurs décisions de gestion des risques qui s’écartent sensiblement de ces avis. Je ne peux que souligner la position française qui consiste à mélanger les genres : c’est le directeur de l’AFSSA puis de l’ANSES qui signe les avis qui ne sont pas toujours l’exact transcription des avis d’experts ; le HCB est organisé en deux comités, l’un scientifique, l’autre économique et social et l’on ne sait pas qui a exprimé tel ou tel point de vue quand le sujet est brulant. De plus les comités scientifiques des deux instances font double emploi dans le domaine de l’évaluation des risques sanitaires des OGM. N’est-ce pas de nature à troubler le citoyen ? Et puis qu’il est agréable de vouloir donner des leçons au monde entier en adoptant des positions «originales» souvent indéfendables !
Note pays s’est doté, il y aura bientôt 30 ans, d’une structure unique dans le monde à l’époque, le CNA, qui permet à tous les acteurs de la chaîne alimentaire de dialoguer et de rechercher le consensus dans tous les domaines. Plus de 70 avis ont fait l’objet de ce consensus, or qui en a connaissance dans la population ? Un exemple particulièrement éclairant est celui de l’excellent avis à mon sens, émis en décembre 2011 sur les PAT et dont je n’ai pas entendu parler récemment à l’occasion de la décision prise par Bruxelles au sujet de leur utilisation en alimentation des poissons. Pourquoi vouloir à tout prix activer des débats soit disant démocratiques à grand renfort de médias, alors que la démocratie s’exerce dans ce parlement de l’alimentation. Redonnons lui la place qu’il mérite et qui s’impose en cette période de gros temps; sa représentativité, en fait une instance difficilement manipulable par quelque acteur que ce soit.

Même question à tous : quelle est, à votre avis, la principale mesure à mettre en œuvre aujourd’hui pour rétablir la confiance du consommateur dans son alimentation ?


15h45 - Deuxième Table ronde – Quelles sont les actions mises en œuvre par les pouvoirs publics et les acteurs privés pour garantir la sécurité sanitaire des produits alimentaires livrés aux consommateurs, que peut-on mettre en place ?

Modérateur – Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, Président de l’Observatoire de la Qualité de l’Alimentation

Quelles sont les actions mises en œuvre par les acteurs pour garantir la sécurité sanitaire des produits alimentaires livrés aux consommateurs ? Quelle est la principale mesure à mettre en œuvre aujourd’hui pour rétablir la confiance du consommateur dans son alimentation ?
  • Sandrine BIZE, chef du Département Hygiène, Sécurité, Qualité et Environnement à la CGAD
La Confédération générale de l’alimentation en détail (CGAD) est l’organisation interprofessionnelle représentative des métiers de l'artisanat et du commerce alimentaire de proximité et de l'hôtellerie-restauration.
La CGAD représente plus de 300 000 entreprises, générant un chiffre d'affaires de plus de 95 milliards d'euros chaque année et employant plus de 1,1 million d'actifs dans 18 métiers (Boucher - Charcutier, Boucher chevalin, Boulanger, Charcutier - Traiteur, Chocolatier - Confiseur, Crémier – Fromager, Détaillants en Fruits et Légumes, Epicier, Glacier, Hôtelier – Cafetier – Restaurateur, Pâtissier, Pizzaiolo, Poissonnier, Tripier).
Ce sont des entreprises de proximité implantées aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural qui entretiennent avec leur clientèle un lien social et qui dialoguent avec eux (information en direct…).

Les Métiers de l’Alimentation se sont investis depuis plusieurs années déjà sur le terrain de la maitrise de la qualité sanitaire. En effet, dès la sortie de la directive 93/43 qui a marqué un tournant en matière de règlementation « hygiène » en fixant avant tout des obligations de résultats aux professionnels, la CGAD et ses organisations professionnelles ont décidé de rédiger des guides de bonnes pratiques d’hygiène basés sur une démarche HACCP collective. Ces guides validés par les autorités compétentes sont là pour aider les entreprises à satisfaire leurs obligations réglementaires en matière d’hygiène.
Pour suivre l’évolution des pratiques professionnelles et prendre en compte l’arrivée du Paquet hygiène, non seulement d’autres guides sont en cours de rédaction mais les guides anciennement validés subissent une réactualisation pour intégrer, par exemple, les notions de plan de maitrise sanitaire, de traçabilité, de gestion des non conformités ou pour intégrer des outils d’auto-contrôle (contrôle à réception, contrôle des températures, analyses microbiologiques…). Ces guides expertisés par l’Anses s’accompagnent de formations des chefs d’entreprise et de leurs salariés.

Par ailleurs, la création de l’Observatoire de l’alimentation, dans lequel la CGAD est impliquée en particulier sur le volet sanitaire, doit conduire à une communication par les pouvoirs publics vers les consommateurs sur la qualité sanitaire « réelle » de l’alimentation en France qui reste satisfaisante et a progressé au fil du temps malgré l’impression contraire qu’en ont les consommateurs. Il faut une communication publique rassurante qui montre les efforts réalisés par la filière

  • Catherine CHAPALAIN Directrice générale de l’ANIA
Nous vivons dans un monde de paradoxes :
  • Notre monde est plus sur, et pourtant, il y a une augmentation des peurs, notamment alimentaires, avec une amplification des risques liés à l’alimentation, par rapport à la réalité et une surmédiatisation.
  • Alors qu’il y a quarante ans l’alimentation moderne était valorisée, elle est aujourd’hui synonyme de danger.
  • Alors que les produits alimentaires n’ont jamais été aussi surs, il y a une perte de confiance du consommateur.
  • Alors qu’à l’étranger, notre modèle alimentaire et les produits alimentaires ont une très belle image, en France, ils sont trop souvent critiqués.
  • Dernier paradoxe, celui qui oppose le français consommateur – à la recherche du prix toujours plus bas - au français producteur, qui veut maintenir son emploi et voir sa rémunération augmenter : la qualité a un coût…..
Quel est l’enjeu pour l’ANIA, dans ce contexte compliqué ? Restaurer la confiance du consommateur. Il s’agit clairement d’un enjeu de compétitivité pour les entreprises de l’alimentaire.
Quelles sont les actions que nous mettons en place ?
  • L’alimentation-santé est la première priorité de l’ANIA. Nous travaillons autant sur les aspects de qualité et de sécurité que sur le volet nutritionnel.
  • Dans le domaine de la nutrition, nous avons recensé plus de 300 démarches de progrès, réalisées par les entreprises et les professions, en matière d’optimisation nutritionnelle, d’éducation et d’information du consommateur, de communication responsable et de programmes de recherche. Nous soutenons dans ce cadre le Fonds français pour l’alimentation et la santé.
  • En matière de sécurité sanitaire, nous avons en Europe la réglementation la plus sévère au monde, qui nous impose de mettre sur le marché des denrées saines et sûres, avec des obligations en matière de résultat et de traçabilité…. Et nous accompagnons les entreprises avec des outils d’application pratiques.
  • Pour restaurer la confiance du consommateur, nous avons également adopté une doctrine professionnelle qui encourage la communication positive sur les produits et encadre strictement la communication péjorative. Le « sans » ne doit pas être un argument de vente.
  • Enfin, nous allons lancer une campagne de valorisation autour de 2 idées fortes, la qualité et la sécurité des aliments et la « trame alimentaire », avec un parti-pris de transparence.
Notre objectif est bien de recréer de la valeur autour de l’alimentation, de « ré enchanter l’alimentation ».
  • Marc AUCLAIR, Directeur marketing d’United Biscuits France
(Texte à venir)
  • Jérôme BEDIER, Secrétaire général du groupe Carrefour
  • Gérard LALOI, Président de la Commission « Alimentation » de la Société des agriculteurs de France (SAF)
Baisser les coûts à tous prix… et en payer le prix !

Vivons-nous une nouvelle crise alimentaire sanitaire ? Après les risques pour la santé du prion avec la vache folle, de la dioxine, de la listéria, de la mélamine… connaissons-nous aujourd’hui avec le scandale de la tromperie sur la viande de bœuf un empoisonnement à large échelle potentiellement grave ? Non ! Nous parlons là d’une « simple affaire » de substitution de viande, frauduleuse certes, mais sans conséquence aucune pour la santé… Une innocuité d’ailleurs reconnue par les pouvoirs publics eux-mêmes avec leur autorisation donnée de distribuer les produits incriminés aux organisations caritatives !

→ Et pourtant, notre chaine alimentaire se trouve confrontée à la pire crise jamais endurée par tous les acteurs concernés : la perte de confiance, alors même que les progrès réalisés lors de ces dernières décennies n'ont jamais garanti une telle sécurité en matière d'alimentation (contrôles sanitaires exigeants de fiabilité, traçabilité d'une performance exceptionnelle…). En fait plus, peut-être que la fraude, que le bon sens du consommateur peut comprendre sans l’admettre, c'est l’extraordinaire complexité du circuit agri-agroalimentaire, qui avec de mauvais relents de mondialisation et de finances malsaines, sème un trouble profond chez les citoyens. Le doute naît de la mise en lumière de ce dédale tortueux générateur de toutes les incompréhensions d’abord, de toutes les suspicions ensuite !

→ Voilà le vrai risque, ce climat purulent, qui exige notre examen de conscience et requiert notre réflexion. N’avons-nous pas finalement oublié les principes ? A l’origine, le fameux « triangle d’or », qualité organoleptique, équilibre nutritionnel, garantie sanitaire, se travaillait pour démontrer la validité d’un prix, d’un coût, d’un investissement, matériel pour nos industries, immatérielle pour nos marques. Progressivement, le « socle » s’est retourné : le prix, d’argument à justifier est devenu le cadre de référence incontournable dans lequel doivent s’insérer les critères de qualité. Le fameux principe « d’analyse de la valeur » des années 80 : « à coût égal, comment augmenter la qualité », s’est insidieusement mué en : « à qualité égale comment baisser les coûts »; avec les risques et les tentations qu’une telle démarche peut susciter.

Retrouver la confiance du consommateur exige à tous les stades de la chaîne alimentaire, et en commun : de l’humilité (acceptons le diagnostic), de la détermination (faisons bouger ensemble les lignes du paradigme qualité/prix), de la patience et enfin et surtout la réaffirmation d’une attitude profonde pour remettre le produit au centre de notre vocation : le plaisir de nourrir !

→ Le Haut Comité à la Réputation Alimentaire, recommandé par notre think tank SAF-agriculteurs de France pour rassembler tous les acteurs au service de ce projet, trouve plus que jamais sa nécessaire raison d'être.

→ Dans la même lignée, le futur Colloque « Pourquoi une éthique alimentaire ? » organisé par la SAF et Valeurs Vertes le 18 avril 2013 au Parlement Européen de Strasbourg réunira personnalités politiques et acteurs de la chaîne.

  • Jacques ROUX, Président du Syndicat National de la Restauration Collective (SNRC).
La restauration collective fait face à un double défi quotidien : conserver la confiance de ses clients (donneurs d’ordre) et des convives, à qui nous servons 8 millions de repas par jour.
Elle se différentie des autres formes de restauration par des obligations réglementaires strictes qui sont autant de points de vigilance et de sensibilité utiles :
• L’obligation de fournir des repas équilibrés : le respect du « contrat » est au cœur de la confiance. A l’école, l’hôpital, dans les maisons de retraite ou l’entreprise, ce repas représente souvent le seul repas équilibré de la journée.
• La garantie d’un prix dit « social » : le challenge de la restauration collective c’est de conserver un niveau de vigilance très élevé sur la qualité et la traçabilité tout en pratiquant des prix très modérés pour permettre au plus grand nombre de bénéficier de ses prestations.
• Les exigences fortes en matière de sécurité́ alimentaire et sanitaire : du fait de la fréquence et de la récurrence de la consommation, de la taille de certains services mais aussi parce que de nombreux secteurs de la restauration collective concernent des convives en situation de fragilité.
Face à cela, l’attente des consommateurs est une information loyale, fiable et vérifiable :
• Notre première priorité est de garantir la santé publique, la sécurité de la consommation, avec une politique de transparence sur les contrôles, internes et externes.
• De plus en plus, les consommateurs s’interrogent sur la loyauté des produits que nous leur servons. D’où deux propositions très concrètes :
1- opérer nous-mêmes des contrôles par sondage sur les produits qui nous sont livrés,
2- exiger auprès des distributeurs et des producteurs la garantie que les produits livrés sont bien ceux commandés – et que cette garantie emporte leur responsabilité.






samedi 16 mars 2013

Une merveilleuse question, à propos de cuisine note à note

Cet après midi, je reçois une de ces questions que je "chouchoute", parce qu'elles me permettent de m'expliquer clairement, de poser les "questions qui fâchent", sans rien cacher ; une de ces questions qui posent donc les bonnes questions, et qui appellent des réponses circonstanciées.

Voici le message :
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Bonjour,
Je regarde pour la seconde fois la chaîne Encyclo qui vous consacre une émission.
Ce que je vois et écoute est très intéressant mais franchement, vous voyez une mère de famille faire de la "cuisine" avec des outils de labo ou en regardant que ses oeufs cuisent à 66° ou 64° ?????
Que mangez vous lors de votre pause de 12 à 13h30 ??????
Je constate que tout ce que vous faites et quelques cuisiniers avec vous est certes amusant,  mais que celà prend 15, 60 minutes ou plus et se retrouve de toute manière mangé en 2 minutes à la table.
Donc par exemple où est l'intérêt de "fabriquer" un café gouteux et blanc après passage en alambic par rapport à une tasse traditionnelle de bon café ??????
Je n'arrive pas à comprendre l'utilité (hors celle du scientifique) de tout cela ....... pouvez vous m'aider ?????
Cordialement

 Immédiatement, j'ai donc répondu : 
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Bonjour et merci de votre message. Il est EXTREMEMENT intéressant, et je vais prendre le temps d'y répondre de façon détaillée, sur mon blog (sans vous citer, bien sûr).
Pour faire bref, vous faites la remarque qui était faite en 1947 aux pionniers de la musique électroacoustique.
Mais, je le répète, je vais vous répondre de façon détaillée, pour essayer de vous convaincre qu'il ne s'agit pas d'amusement ! D'ailleurs, l'Académie d'agriculture de France n'aurait pas consacré une séance publique à la cuisine note à note si ces personnes avaient jugé qu'il s'agissait d'une bagatelle. Peut-être le film est-il en cause, plutôt que l'idée de la cuisine note à note (je n'ai pas vu le film).


Encore merci pour votre message, et à bientôt, pour ma réponse. Bonne soirée
Mais je voulais surtout me donner du temps pour une belle réponse. Et voici le mieux que je puisse faire (je reprends chaque phrase, et je commente) : 

Je regarde pour la seconde fois la chaîne Encyclo qui vous consacre une émission.
 
Oui,  la chaîne Encyclo vient de diffuser un film réalisé en décembre 2012. La réalisatrice et son cameraman sont venus au laboratoire, ont suivi plusieurs activités... en choisissant celles qui convenaient à l' "histoire" qu'ils voulaient raconter. Je n'ai pas vu le film (du travail !), et je ne sais pas ce qu'ils ont dit. Je réponds donc dans cet état d'esprit. 

Ce que je vois et écoute est très intéressant mais franchement, vous voyez une mère de famille faire de la "cuisine" avec des outils de labo ou en regardant que ses oeufs cuisent à 66° ou 64° ?????

Si c'est très intéressant, tant mieux : il faut le signaler à la chaîne. 
Maintenant, vois-je une mère de famille (pourquoi pas un père de famille, d'ailleurs ? Chez moi, c'est moi qui fait la cuisine à tous les repas, pour la famille) faire de la cuisine avec des outils de labo ? 
La réponse est un grand "OUI", parce que c'était cela, l'idée de la cuisine moléculaire : cuisiner avec des outils de notre siècle, au lieu d'utiliser des outils techniquement périmés. Le fouet pour faire une mayonnaise ? La sonde à ultrasons fait l'émulsion en quelques secondes. Le fouet pour monter des blancs en neige ? Pourquoi ne pas utiliser un système foisonnant, plus efficace, plus rapide ? Rester fixé sur les outils anciens, c'est comme vouloir rouler en char à boeufs. Pourquoi la cuisine serait-elle la seule activité humaine qui ne puisse progresser techniquement ? Mon interlocuteur, d'ailleurs, utilise internet, donc un ordinateur : pas un crayon et une lettre, pas un morceau de minerai pour écrire sur la paroi d'une grotte ! 

D'autre part, la cuisson des oeufs à 66 ou 64 °C : ce qui est merveilleux, dans cette façon de faire, c'est que, précisément, on n'a pas à attendre la cuisson, parce qu'on peut la faire à l'avance, et réchauffer ensuite, si l'on veut. 
Par exemple, il m'arrive souvent de programmer (oui, un outil moderne) mon système de chauffage pour que des oeufs soient cuits à 67 °C quand je rentre le soir, tard. Les  oeufs sont cuits... et ils sont quand même bien supérieurs aux oeufs minablement cuits par les techniques classiques. Tiens, sans mentir, voici l'oeuf que j'ai eu dans mon assiette, dans l'hôtel le plus huppé d'une grande capitale européenne : blanc caoutchouteux, jaune sableux, décentré, cerné de vert, odeur soufrée...
 Que mangez vous lors de votre pause de 12 à 13h30 ??????

Là, c'est hélas une remarque ad hominem : et ma réponse est hélas que, bien souvent, j'ai tant de travail que je ne mange rien  !  Ou bien, n'importe quoi. Agent de l'Etat, et passionné par la science, je fais plutôt 105 heures par semaine que 35, et je fais passer mon confort bien après ma mission. D'accord, ma réponse est ad hominem, mais comment l'éviter ? 
Et puis, quand je mange, je vais au plus rapide... en regrettant que ce ne soit pas (encore) de la cuisine note à note. Mais cessons là la discussion sur ce point : les argments ad hominem sont fautifs. 

 Je constate que tout ce que vous faites et quelques cuisiniers avec vous est certes amusant,  mais que celà prend 15, 60 minutes ou plus et se retrouve de toute manière mangé en 2 minutes à la table. 

 Ici, il faut vite dire qu'il ne s'agit pas de s'amuser. Pensez vous que je veuille m'amuser, quand je vais jusqu'à prendre sur mon temps de science pour écrire un livre sur la cuisine note à note ? Quand j'organise des séances de travail (gratuites) pour former les cuisiniers professionnels ? Le mot "amusant" est étrange, d'ailleurs, mais passons. 
Autre aspect de la phrase : faut-il passer 15 à 60 minutes pour préparer quelque chose qui est mangé en 2 minutes ? Là, c'est plus grave : il faut savoir que les professionnels passent parfois une journée pour faire une oeuvre d'art culinaire. Mais, en musique : Gérard Causset, auteur de superbes suites de Bach transposées du violoncelle à l'alto, ne s'entraîne-t-il pas des années pour un concert d'une petite heure ? Je ne crois pas que l'argument soit bon, pour les artistes. 
Pour les mères et pères de famille ? Permettez moi de vous dire que la cuisine note à note peut être bien plus rapide que la cuisine classique, et, surtout, on peut imaginer (et comptez sur moi pour que les imaginations deviennent réalité) des tas de façons de faire très rapidement ! 
Sans que ce soit de la cuisine note à note, laissez moi vous dire que cette cuisine est faite pour le public, et pas pour les "riches", tout comme l'était la cuisine moléculaire. Cuire au lave vaisselle : ce n'est pas une manière de bobo, mais, au contraire, une façon d'économiser l'énergie. 
A moi, d'ailleurs, d'être ad hominem : comment pensez vous que vos enfants se nourriront quand il y aura 10 milliards d'humain sur terre, avec une crise de l'énergie (qui commence) et une crise de l'eau ? Croyez vous vraiment qu'ils mangeront comme nous aujourd'hui ? Décidément, je ne peux mieux répondre qu'en vous renvoyant aux podcasts de l'Académie d'agriculture de France, qui a organisé une séance publique le 19 décembre 2012 (http://www.academie-agriculture.fr/detail-seance_312.html)

 Donc par exemple où est l'intérêt de "fabriquer" un café gouteux et blanc après passage en alambic par rapport à une tasse traditionnelle de bon café ??????

 Où est l'intérêt de fabriquer un café goûteux ? Il y a plusieurs question, dans la question. D'abord, la cuisine note à note ne vise pas à "reproduire" du café. C'est comme si on utilisait un synthétiseur pour faire du violon : il vaut mieux l'utiliser pour faire des sons nouveaux, non? 
D'autre part, et si le café était meilleur ? 
Enfin, pourquoi ne pas embellir notre vie, en ayant le café traditionnel, d'une part, et d'autres breuvages ? 
Pour cette question, on avait la même chose aux débuts de la musique de synthèse, à laquelle on demandait : pourquoi se fatiguer à créer des sons alors que le violon les fait ? La réponse a été donnée : la musique électroacoustique est partout ! Et puis, surtout, pensez à un film comme Farinelli : faut-il vraiment castrer de petits garçons pour avoir des voix d'ange, ou vaut-il mieux utiliser un synthétiseur pour avoir des musiques enchanteresses ? Je choisis mon camp !

Je n'arrive pas à comprendre l'utilité (hors celle du scientifique) de tout cela ....... pouvez vous m'aider ?????

Utilité scientifique : pardonnez moi de vous dire que la cuisine note à note n'a pas d'utilité scientifique. La science cherche à faire des découvertes, pas des applications, lesquelles sont réservées à la technologie. 
Et là, vous posez une grave question, qui est partout, en ces temps de plomb où l'argent tient lieu de valeur morale. Dans un billet précédent, je discute la question de l'importance de la science, et de ses relations avec la technologie. La cuisine note à note est une technique, et je ne la propose que parce que je cherche des moyens pour que nos enfants (moi, je serai mort en 2050) puissent survivre, avec les trois crises que j'ai évoquées. Il ne faut négliger aucune piste, et l'imprévoyance peut être grave. 
Ce ne sont donc pas des jeux, que je propose, mais des réflexions extrêmement sérieuses. Pour en savoir plus, je vous invite à considérer les divers blogs, forums (gratuits), et mon livre "La cuisine note à note en 12 questions souriantes". 

L'utilité de la science :  je sens qu'il faut que j'insiste un peu. La science produit de la connaissance, ce qui n'est pas rien ! C'est la connaissance, qui nous fait humains ! Et c'est la connaissance, que la technologie et la technique utilisent pour changer le monde. Sans la théorie de la relativité générale, pas de GPS, pas de satellites, pas de télévisions, pas de... Sans les pionniers de la physico-chimie, pas de médicaments, pas de cosmétiques, pas de vernis, peintures... Mais c'est là une vieille discussion, arrêtons nous, en signalant simplement que ce serait une grave erreur que la science soit sacrifiée sur l'autel de l'utilité. L'art est-il utile ? Et la culture tout entière ? Il y aurait long à dire... et je sens qu'il faudra un jour que j'en fasse plus long. 

Cordialement

Merci, encore, pour cette question. Très sincèrement, merci de me donner l'occasion de dire ce que j'ai dit ailleurs. Je sens que je me répète un peu, mais si c'est "utile" (voir le billet précédent) ?

Etre utile aux hommes

De Diderot à Voltaire :

"Il faut travailler, il faut être utile, on doit compte de ses talents".

Faut-il ajouter quoi que ce soit ?

A propos des relations entre science et technologie

Je m'aperçois que tout le monde n'a pas (encore ? ;-) ) lu mon livre "Science, technologie, technique : quelles relations ?", de sorte que ma passion absolue pour une science qui ne se confondrait pas avec la technologie (ce qui exclut évidemment toute possibilité de cette chimère qui est nommée fautivement "technoscience") risque de faire penser que je suis pour une science inutile.

AU CONTRAIRE !

Il y a de nombreuses années, déjà, j'avais fait une conférence intitulée "Vive la technologie", à l'Ecole de chimie de Paris (Chimie Paristech)... parce que je crois vraiment que la technologie étant le travail de l'ingénieur, il est essentiel, socialement, que nous valorisions la technologie.

C'est d'ailleurs ce qu'avait fort bien fait le grand vulgarisateur Louis Figuier, qui évoquait les merveilles de l'industrie ! Et nous lui devons des générations d'ingénieurs. D'ailleurs, mon ami Pierre Gilles de Gennes était bien d'accord avec cette idée, lui qui visait la formation d'excellents ingénieurs de recherche.

A propos : "ingénieur de recherche" ? Ce n'est pas parce qu'il y a le mot "recherche" qu'il faut entendre "recherche scientifique" ! Au contraire : il est question de recherche technologique, et, pour la faire bien, il faut des gens de talent.

Bref, je crois (et je viens de le proposer au Centre de recherche Total du Qatar, devant le directeur de la Fondation science et technologie du Quatar) que l'on doit séparer la science, qui doit être à la charge de l'Etat, et la technologie, qui doit être à la charge de l'industrie.
Pour autant, les deux communautés doivent se parler, et je crois plus fécond d'organiser ce dialogue que de favoriser la recherche technologique par l'Etat ou la recherche scientifique par l'industrie.
Sans être nécessairement trop raide, bien sûr.

Passons sur la toute dernière phrase, qui n'est qu'une façon d'essayer d'être moins bête que je ne suis, et revenons à la question : comment valoriser les travaux des scientifiques de l'Etat, sachant que ceux-ci ne doivent pas a priori (sous peine de tordre le bras à un principe sain) se lancer dans la technologie ?
Dans le livre susnommé, je propose que les scientifiques se réunissent périodiquement avec les industriels pour discuter ensemble les possibles applications des travaux scientifiques effectués.
Chaque nouvelle connaissance peut, ainsi, faire l'objet d'une discussion, laquelle doit conduire à autant d'idées que possible, et c'est ensuite  à l'industrie qu'il revient de faire les tests de l'idée.
Il est encore plus efficace que les résultats des tests soient alors "partagés" : soit les tests ont été positifs, et il revient à l'industriel de décider ce qu'il fait de l'idée technologique testée ; soit les tests ont été négatifs, et cela peut indiquer que la théorie scientifique sous jacente est fautive (elle l'est certainement, car toute théorie scientifique est insuffisante, mais on veut dire ici que l'on a une indication -utile- de l'insuffisance !).

Et c'est ainsi, si les communautés se parlent, que l'argent du contribuable pourra être efficacement utilisée !

Qu'en pensez-vous ?

Un merveilleux cadeau

On vient de m'offrir un livre écrit par quelqu'un que je n'aime pas... mais c'est un des plus beaux cadeaux que l'on m'ait fait !

Oui, car, croyant à la déloyauté a priori de l'auteur, je ne vais pas pouvoir croire un seul mot du livre... et, surtout, je viens de comprendre que ce devrait être ainsi que l'on lit : sans croire ce qui est écrit !
Ce qui est dit dans les media, ce qui est écrit dans les livres ne doit pas être cru, sous peine d'une grande naïveté, bien sûr, et c'est surtout à propos des sujets qui nous tiennent le plus à coeur que le risque est grand, de "gober" des erreurs.

Désormais, grâce à ce livre, je vais mettre en oeuvre l'idée que j'énonçais naguère ainsi "Tenir le probable pour faux jusqu'à preuve du contraire", et que j'énonce plus positivement ainsi "Dois-je croire au probable ?".


Une idée amusante

Dommage que je n'ai pas demandé l'autorisation : je citerai volontiers l'auteur de ces lignes :

"PS : il serait amusant en guise de prosélytisme de la cuisine note à note de procéder comme dans Amélie Poulain et faire photographier le titre de votre livre dans différents endroits connus……. Mais vous n’êtes pas le mieux placé pour le proposer, j’imagine !"