Que faire avec du foie gras ? Ce que l'on veut !
Pour la cuisine, le foie gras doit être considéré comme un ingrédient, qu'il s'agit de transformer, peu ou prou.
A minima, on le divise physiquement en tranches, en lames, en lamelles, en bâtonnets, en filaments, en cubes et cetera.
Mais on peut aussi l'utiliser dans des combinaisons variées, du point de vue physico-chimique : par exemple pour faire une pâte, une suspension, une émulsion, une mousse...
Et là, il est associé à d'autres ingrédients qui sont essentiellement des tissus animaux végétaux, ou des produits extraits de ces derniers, telle l'huile, le beurre, le sucre, et cetera.
Lors des assemblages, ou, mieux, lors des constructions, il faut considérer des questions de consistance, de couleur, de saveurs, d'odeur, de sensations trigeminales (piquants, frais), de température... Et tout est possible.
Il faut répéter qu'il n'y a pas d'alliances prédéterminées et que, en matière de cuisine, le bon, c'est le beau à manger. De sorte que la question des appariements est en réalité une question artistique et l'on n'aura pas la naïveté de croire qu'il existe des accords prédestinés.
Comme dans les autres arts ! Jean-Sébastien Bach a été un de ceux qui ont bien compris que l'on pouvait faire ce que l'on voulait à condition de le faire bien et c'est ainsi qu'il a fondé des œuvres sur l'association du do et du fa dièse, ce qui était jadis considéré comme effroyable, impossible.
L'histoire de l'art, et cette branche de la philosophie qui est nommée esthétique, montrent bien que les évolutions artistiques ont été constantes et que ce qui était considéré comme épouvantable à une époque donnée a pu être considéré comme très beau, voire "classique", des années plus tard.
Pour le foie gras, n'oublions pas cette leçon et pensons à combiner le foie gras comme nous le voulons. Pensons à l'associer à du beurre, à de la pâte feuilletée, à de la manque, à du vinaigre balsamique, à des huîtres, à de la purée de framboise, et pourquoi pas à du roquefort, du camembert.
Mais n'oublions pas cette composante essentielle de la cuisine qui est le lien social : pour certains, les associations nouvelles seront refusées et on leur fera pas plaisir si on insiste pour les leur faire manger. Ils diront que ce n'est pas bon, ce qui est injuste puisque c'est seulement ce qu'ils n'aiment pas. Toutefois, sii notre objectif est de faire qu'ils disent que c'est bon, alors il faudra acclimater ces associations et je prends pour exemple les premiers travaux sur le chocolat où l'on a voulu faire par exemple chocolat et fenouil : au début, quand la quantité de fenouil était importante et que la nouveauté était grande, on entendait les amateurs de chocolat dire que ce n'était pas bon. Mais on a appris progressivement à réduire la quantité de fenouil de telle façon qu'on en était réduit à le deviner... et les classiques se sont mis à aimer, à apprécier le travail qui était réalisé en utilisant d'ailleurs des mots de très mauvaise foi comme équilibré, subtil, etc. En réalité, on les avait préservés, on les avait choyés, on était allé dans leur sens, on avait évité de les brusquer.
Mais en réalité tout est possible et c'est à nous d'avoir l'intelligence de faire que ce soit considéré comme bon par un mangeur particulier avec ses goûts particuliers, ses possibilités gourmandes particulières.
Finalement existe-t-il des accords ? La réponse est donnée et oui, aujourd'hui, il est bon ton de faire une gelée de gewurztraminer, une compote d'oignons, une confiture de cassis... Un peu plus moderne, on n'oubliera pas la fine tarte feuilletée champignons de Paris et foie gras que Pascal Barbot a comme place signature, servi avec un petit condiment au citron.
Mais bien plus généralement, on a compris que tout est possible et c'est une autre question qui se pose, à savoir la construction exacte qui est proposée : comment le foie gras doit-il être intégré dans la préparation ? Comment veut-on le faire sentir ? Une question essentielle de "construction".
Pour terminer je propose de ne pas oublier mes inventions (anciennes !) que sont l'émulsion de foie gras, où l'on chauffe légèrement du foie gras dans une solution aqueuse qui peut être du vin, un bouillon, etc. Ou encore le foie gras chantilly, qui est une mousse que l'on obtient en fouettant une telle émulsion tandis qu'on la refroidit : on obtient comme une crème chantilly mais la graisse du foie gras tient lieu de matière grasse laitière.
On pensera aussi à bien d'autres possibilités que j'ai introduites, car au fond, le foie gras, c'est aussi une matière grasse avec quelques molécules qui lui donnent sa saveur et son goût particulier, que l'on voudra associer dans différents contextes. Une question artistique !