dimanche 18 avril 2021

Entre la boue et la lumière



Il existe dans les professions des codes des usages, c'est-à-dire des listes d'opération et de produits autorisés pour avoir le droit à des appellations  par exemple, andouillette, gâteau Saint-Honoré, gruyère, gewurtztraminer, etc.

Il s'agit toujours de prescriptions qui imposent un minimum pour mériter des dénominations, sans déloyauté.

A la réflexion, ces minimum sont des minimum, et je ne les aime pas, parce qu'ils nous font rester au ras du plancher, disons dans la boue en quelque sorte.  

Ce n'est pas nul, bien sûr,  puisque la profession s'est mise d'accord pour autoriser ces nominations mais quand même, ce sont des codes a minima.

Ne peut-on pas,  au contraire,  imaginer des codes à maxima ? Des prescription qui donneraient des idée du meilleur ? N'est-il pas préférable de proposer aux jeunes... et aux autres des indications de comment très bien faire ?

Là, on aurait le regard braqué sur le bleu du ciel, on deviendrait enfin véritablement humain, au lieu de rester tels des pourceaux dans la fange.

Je ne peux pas m'empêcher de penser que toute prescription a minima devrait être assortie d'une considération à maxima.

Prévisions culinaires

 Que peut-il bien se passer... 


Nous sommes bien d'accord : avant d'avoir fait une expérience, on n'a que des hypothèses. Et ceux qui comprennent bien le mécanisme de la recherche scientifique savent combien un scientifique est plus intéressé de voir ses prévision réfutées que confirmées.
Pour autant, la science produit quand même des théories extraordinairement précises, et c'est pourquoi il y a peu de doute dans les suivantes :

1. Que se passe-t-il quand on met un échaudé (pensons gnochi, par exemple) au four ?
Un échaudé, cela peut être de la farine et de l'oeuf, possiblement additionnés de matière grasse (beurre), de fromage, etc., que l'on fait tomber dans de l'eau bouillante : l'oeuf coagule, et le "pochage" produit donc une "poche", à savoir une couche externe coagulée, qui enferme le reste de la préparation, laquelle peut aussi coaguler ; la farine s'empèse.
Au four après le passage à l'eau bouillante ? La partie externe séchera, et l'on aura le même produit, mais avec une croûte externe. Possiblement un soufflage, et, donc des fissurations.

2. Un échaudé que l'on frit ?
Il y a deux cas : la pâte à échaudé que l'on frit, sans avoir échaudé (et le nom est donc erroné), ou bien l'échaudé qui a été formé et que l'on frit.
Dans le second cas, on aura le même résultat que ci dessus, mais, avec une pâte à échaudé que l'on frit, ce sera... un beignet, n'est-ce pas ? De sorte que la "pâte à échaudé" peut être plus justement nommée pâte à beignet ;-)

3. Peut-on frire une pâte ?
Observons qu'une cuillerée de farine dans de l'huile chaude ne fait rien de bien : les grains de farine ne sont pas solidarisés, et pourquoi le seraient-ils ?
Inversement, si l'on a déjà une structure, et notamment une structure empesée, alors le séchage de la couche externe fait une croûte dure, qui maintient la structure. Evidemment, si la préparation contient de l'oeuf cru, alors la cuisson de l'oeuf ajoute sa solidité à celle de la préparation... à condition bien sûr que l'oeuf soit initialement cru, et non cuit sans former un gel, comme dans une crème anglaise.
Mais on n'oubliera pas, aussi, le phénomène de capillarité qui fera venir l'huile à coeur, s'il y a des a porosités : rien de pire qu'un beignet mal fait, gorgé d'huile de friture, n'est-ce pas ?
Une pâte à tarte ? On peut faire des rissoles. Une pâte à choux ? Au fond, elle s'apparente à une pâte à beignets, sauf que la farine est déjà empesée. Un pâte à génoise ? Cette fois, attention à la porosité. Et ainsi de suite.

samedi 17 avril 2021

Exposer les hésitants à de belles personnalités


Oui, il faut que nous exposions aux étudiants à les industriels beaucoup plus enthousiasmants que nous ne le faisons  !
Dans nos masters,  je vois  beaucoup trop d'étudiants qui disent vouloir se diriger vers la recherche, alors qu'ils n'en n'ont pas l'once d'une possibilité, en termes de connaissances, comme en termes de compétences.

Pourquoi ont-ils cette ambition ? Parfois, il y a de  la prétention, mais, parfois aussi la peur d'aller vers le "vrai monde" (je rappelle qu'un pays, c'est de l' "industrie", au sens où l'entendent nos amis canadiens : artisanats, petites ou grosses entreprises). Et, parfois, il y a des a priori idéologiques mal pensés : ces mêmes personnes qui  consomment ordinateurs, voitures,  aliments, cosmétiques, loisirs, etc. disent détester cette industrie qu'ils cautionnent par leurs comportements de consommations très peu civiques, et, en tout cas, irréfléchis.

Mais le but de ce billet n'est pas de dénoncer l'imbécillité de certains (d'autant qu'il y en a une proportion... habituelle de merveilleux), mais bien plutôt d'aider nos  jeunes amis à mieux se déterminer, et, notamment, à comprendre que c'est dans l'industrie qu'ils trouveront un travail, un salaire...

La question donc, c'est de faire comprendre à des étudiants qu'il y a lieu de bien se diriger vers l'industrie.
Pour cela, je crois qu'il n'y a rien de mieux que l'émulation :  pas l'émulation au sens de la concurrence, mais l'envie de bien faire, en montrant à des étudiants ce qu'ils n'ont jamais vu, à savoir les "industriels" qui font des choses merveilleuses.

Oui, il faut montrer des Jean Muller,  qui construisent les grands ponts du monde, mettant en oeuvre l'idée du béton précontraint.
Oui, il faut montrer des Eiffel, qui construisent le viaduc de Garabit ou la célèbre tour.
Oui, il faut montrer ce Joseph Black qui a reçu le prix Nobel de chimie alors qu'il travaillait dans un laboratoire pharmaceutique, où il a mis au point les premiers agents retroviraux.
Oui, il faut montrer, plus récemment, ces deux chercheurs turcs qui ont produit les premiers vaccins à ARN contre le covid 19.
Oui, il faut montrer ces ingénieurs de l'industrie cosmétique qui, utilisant leur connaissance de l'Université, ont mis au point des systèmes de transfert de principe actif.
Oui, il faut montrer les ingénieurs de l'industrie alimentaire qui mettent au point des nanoparticules pour délivrer des composés odorants, qui résolvent ds problèmes aussi difficile que de faire des pizza surgelée avec du basilic sur la tomate (croyez-vous vraiment qu'on met les feuilles à la main, quand on produit des millions de pizza  par an ?),  qui sont confrontés au terrible le problème de l'emballage, qui ne doit pas laisser migrer des composés vers l'aliment, alors que l'ensemble est stocké longtemps, qui se préoccupent de la sécurité sanitaire des huiles alimentaires, lesquelles ne doivent pas contenir trop d'hydrocarbures aromatiques polycycliques  ni de métaux lourds. Et ainsi de suite.

Oui, il faut exposer nos jeunes amis à des personnalités industrielles remarquables, leur donner l'ambition de changer le monde en mieux.

vendredi 16 avril 2021

Une longue discussion à propos du goût des viandes


Aujourd'hui, une bien longue question, sur une question difficile. Je fais de mon mieux pour répondre.

1. la question :
 

Bonjour Monsieur This,
Je me permets de vous contacter autour d’une question que je n’arrive pas à élucider : Quel processus est le plus intéressant afin d’aromatiser une viande crue avant cuisson à cœur ?
Je comprends que la réponse est fonction de bien des paramètres : type de viande, teneur en gras, complexité des fibres et tissus, taille et sens des découpes (..)
Cette question a soulevé maintes techniques et usages, passées sinon modernisées - Marinade, saumure, injection, enrobage (..) - elles-mêmes régies par des paramètres clés qui impliquent d’autres questions pour la compréhension globale.
Semble-t-il la marinade ne pénètrent que très peu à cœur. L’acidité dénaturerait uniquement les protéines en surface pour faire entrer le liquide aromatique, l’huile comme vecteur des molécules aromatiques.
D’un autre côté, le saumurage est porté par le phénomène d’osmose et l’action du sel. Je comprends le résultat, une viande salée et aromatisée à cœur avec les herbes et aromates déposés dans la saumure. Mais que se passe t’il chimiquement , j’ai lu plusieurs théories :
Première proposition, le fluide contenu à l’intérieur des cellules est naturellement largement plus concentré (en sel) que le soluté de la saumure (même en insistant sur le sel). Le soluté (eau+sel+arômes) de la saumure pénètrerait ainsi la viande.
Seconde proposition, plus largement soutenue bien que confuse sur la finalité d’action. Le soluté de la saumure est plus concentré. L’eau contenu dans les cellules de la viande migre vers la saumure. Mais quel mécanisme permet à la viande de gagner en jutosité puisque les résultats montrent qu’elle gagne en volume, en salinité et en arôme ?
 A. La migration de l’eau par déséquilibre du sel dilue alternativement l’une et l’autre des solutions, puisque la concentration en sel augmenterait de facto dans le milieu où l’eau aurait migré. L’arrêt des échanges se fait quand il y a équilibre des concentrations et pressions : point isotonique.
B. Une différence de pression hydrostatique entre les deux liquides provoque un mouvement du solvant en sens inverse, jusqu'à ce que la pression osmotique soit aussi élevée que la pression hydrostatique. C'est le phénomène de l'osmose inverse. On serait en face d’une mécanique des fluides ?
A cela s’ajoute la « semi-perméabilité » des membranes des cellules. Si j’ai bien suivi votre raisonnement sur la membrane de l'œuf. Seul l’eau est capable de migrer dans ou hors de la viande. Dans le cas présent, les résultats montrant une viande plus salée et aromatisée après saumurage indiquent que les parois des cellules ne sont pas si « semi-imperméables » et laisseraient passer du sel, ou ai-je mal compris le principe de l’osmose ?
De même, pourquoi l’eau uniquement peut-elle circuler au travers des cellules ? Une huile, un alcool, un lait ou tout autre liquide pourrait-il pénétrer de la même manière dans les cellules, typiquement une saumure de rhum ? A date, j’y vois l’action du sel soluble comme déclencheur de l’équation et donc de l’échange osmotique. Dans le cas de l’huile, le sel n’étant pas soluble, élimine toute pénétration efficace à cœur, et de surcroît j’imagine sa viscosité la rendant moins apte à pénétrer - quid des articles qui encense « les marinades pour aromatiser les chairs » ? En ce cas, qui dit saumure, dit nécessairement liquide avec forte teneur en eau pour garantir la solubilité du sel. Ai-je bien compris le rôle du sel ?
Enfin, l’huile dans la marinade et plus globalement, a un fort pouvoir de rétention des arômes. Est-ce bien la même équivalence dans l’eau… Auquel cas pourquoi diable valoriser les marinades à base acide pour aromatiser les chairs si elles restent en surface contrairement à une saumure aux multiples avantages ?
Votre éclairage sur ce vaste sujet m’aiderait grandement. N’hésitez pas à me recommander certaines sources ou l'un de vos ouvrages dans lequel vous auriez étudié la question.



2. Une première réponse

Ouille, c'est un gros morceau !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je réfléchis à la meilleure façon de vous répondre, mais il y en a pour un long moment, et je me demande si le mieux ne serait pas que je réponde par oral lors du prochain séminaire, le 12 avril entre 16 et 18 h. Etes vous sur la liste de distribution ?
Mais préalable important  : au fait, pourquoi vouloir donner à la viande un autre gout que la viande ? Ou, mieux dit, quel est l'objectif, je veux dire l'idée derrière l'objectif immédiat ? Parce que sans cette vision claire, on patauge et on répond mal.
bien à vous
PS. Une viande n'a pas d'arôme, puisqu'un arôme, c'est l'odeur d'une plante aromatique, d'un aromate. Vous voulez sans doute parler de goût.


3. Un commentaire détaillé de la question

Là, je prends chaque phrase, et je réponds : 


Quel processus est le plus intéressant afin d’aromatiser une viande crue avant cuisson à cœur ?

Si l'on passe sur la faute qui consiste à parler d'aromatisation pour parler de donner du goût (et ce goût peut être un arome si on le fait à l'aide d'aromates), alors il faut quand même observer que cette première question présente d'abord une double faiblesse : elle demande le processus le plus intéressant... alors qu'il s'agit d'un procédé, d'une part, et, d'autre part, qu'elle fait l'hypothèse d'un "plus intéressant". Plus intéressant en termes de temps passé ? de coût ? d'efficacité ? d'efficacité en termes de saveurs ? d'odeurs ? de sensations trigéminales ? Et puis, elle fait l'hypothèse que l'on peut donner du goût à une viande, ce qui n'est pas acquis a priori.
Mais, surtout, pourquoi vouloir donner du goût à une viande crue ? D'ailleurs, avant "cuisson à coeur" ? Me demande-t-on : donner du goût à coeur avant cuisson ?

Tout cela étant dit, on voit que je me dois de répondre autre chose que ce qui est demandé, puisque la formulation de la question reste à désirer. Reste la question : donner du goût à coeur d'une viande. On a de nombreux moyens, à commencer par les plus classiques : les marinades (pour certaines viandes seulement), les piquages (dans le temps, on lardait les viandes, et les lardons étaient salés, poivrés, etc.), les injections de liquides à la seringue, comme pour les jambons...


Je comprends que la réponse est fonction de bien des paramètres : type de viande, teneur en gras, complexité des fibres et tissus, taille et sens des découpes (..)


Moi, avant de penser paramètre, je propose de fixer clairement l'objectif : que veut-on faire et pourquoi ?


Cette question a soulevé maintes techniques et usages, passés sinon modernisés - Marinade, saumure, injection, enrobage (..) - elles-mêmes régies par des paramètres clés qui impliquent d’autres questions pour la compréhension globale.

Décidément, j'ai du mal avec les formulations. Par exemple, comment l'enrobage donnerait-il du goût à coeur ?
Et puis, ces "paramètres clés qui impliquent des questions : je ne comprend pas ce que cela signifie.


Semble-t-il la marinade ne pénètrent que très peu à cœur.

Ce n'est pas exact : j'ai dit plus haut que la marinade fonctionne bien avec certaines viandes, et cela se vérifie facilement.


L’acidité dénaturerait uniquement les protéines en surface pour faire entrer le liquide aromatique, l’huile comme vecteur des molécules aromatiques.

Oui, l'acide peut modifier la surface, mais allons-y doucement avec les mécanismes chimiques, surtout quand on les mêle à des phénomènes macroscopiques. C'est une tendance que je vois apparaitre de plus en plus : des descriptions pseudo scientifiques, dont on ne sait pas d'où elles sortent.
Oui, l'acide modifie la surface, dénaturation ou non des protéines... mais en quoi cette dénaturation ferait-elle entrer le "liquide aromatique" (je me répète, mais un liquide n'est pas "aromatique" ; disons qu'il a du goût). Et puis, comment l'huile entrerait-elle ? D'ailleurs entre-t-elle ? Toujours ? Pour toutes les viandes ? La réponse est non.

D'ailleurs, j'ajoute que si l'on veut évoquer des mécanismes, il vaudrait mieux ne pas oublier la structure de la viande, avec des fibres réunies en faisceaux par du tissu conjonctif. Pas de trous, pas de diffusion possible pour de nombreuses viandes. Les protéines et leur dénaturation : on verra cela plus tard.


D’un autre côté, le saumurage est porté par le phénomène d’osmose et l’action du sel.

La encore, on suppose que sel entre dans les viandes, et cela est vrai pour des temps longs. Mais d'où sort cette idée du phénomène d'osmose ? Quant à dire que le saumurage résulte de l'action du sel, c'est une tautologie.
Et la capillarité ?


Je comprends le résultat, une viande salée et aromatisée à cœur avec les herbes et aromates déposés dans la saumure. Mais que se passe t’il chimiquement ?  j’ai lu plusieurs théories :

J'observe tout d'abord que si je sais qu'un saumurage peut saler à coeur (avec du sel, qui est soluble dans l'eau), je n'ai pas de certitude quand on fait que le goût des herbes, du essentiellement à des composés hydrophobes, pourrait pénétrer dans les viandes. Et j'aimerai voir des travaux corrects à ce propos.


Première proposition, le fluide contenu à l’intérieur des cellules est naturellement largement plus concentré (en sel) que le soluté de la saumure (même en insistant sur le sel). Le soluté (eau+sel+arômes) de la saumure pénètrerait ainsi la viande.


C'est bien gentil... mais la structure de la viande ? Les fibres, les faisceaux de fibre ? Et, j'insiste encore, les composés hydrophobes n'empruntent pas les mêmes voies que les composés hydrosolubles.


Seconde proposition, plus largement soutenue bien que confuse sur la finalité d’action. Le soluté de la saumure est plus concentré. L’eau contenu dans les cellules de la viande migre vers la saumure.


Là, j'ai des mesures de la perte de masse de viandes dans du sel, et c'est bien par osmose que peut se faire le phénomène... Mais pourquoi parler du "soluté de la saumure" : quel soluté de la saumure ?????


Mais quel mécanisme permet à la viande de gagner en jutosité puisque les résultats montrent qu’elle gagne en volume, en salinité et en arôme ?

D'abord, d'où sort cette idée que la viande gagnerait en jutosité ? Et d'où vient cette idée qu'elle gagne en volume ? Et en "arôme" ?


A. La migration de l’eau par déséquilibre du sel dilue alternativement l’une et l’autre des solutions, puisque la concentration en sel augmenterait de facto dans le milieu où l’eau aurait migré. L’arrêt des échanges se fait quand il y a équilibre des concentrations et pressions : point isotonique.

Que l'on me pardonne, mais je ne comprend rien : "déséquilibre du sel" ? Concentration en sel qui augmenterait dans le milieu où l'eau migrerait (si l'eau afflue, la concentration en sel diminue !) ? Et puis, dans un phénomène d'osmose, l'équilibre (qui n'est pas l'équilibre du sel, mais l'équilibre du système) ne correspond certainement pas à un équilibre des concentrations.


B. Une différence de pression hydrostatique entre les deux liquides provoque un mouvement du solvant en sens inverse, jusqu'à ce que la pression osmotique soit aussi élevée que la pression hydrostatique. C'est le phénomène de l'osmose inverse. On serait en face d’une mécanique des fluides ?

Là encore, ça va beaucoup trop vite pour moi. Qui a jamais prouvé un "équilibre hydrostatique" ? Mais, plus généralement, je ne comprends rienà ce paragraphe, désolé.


A cela s’ajoute la « semi-perméabilité » des membranes des cellules.

Une semi-perméabilité des membranes  des cellules ? Dans les viandes, les cellules sont les fibres musculaires, et leurs membranes sont gainées de tissu collagénique. Cela n'a rien à voir avec une membrane semi-perméable, ou, disons que la semi-perméabilité est loin d'être établie.


Si j’ai bien suivi votre raisonnement sur la membrane de l'œuf.

L'oeuf, c'est l'oeuf, sans structure comme dans la viande. De sorte que l'extrapolation n'est pas légitime.


Seul l’eau est capable de migrer dans ou hors de la viande.

D'où cela sort-il ? D'ailleurs, ce n'est pas vrai : les saumures sont rouges.


Dans le cas présent, les résultats montrant une viande plus salée et aromatisée après saumurage indiquent que les parois des cellules ne sont pas si « semi-imperméables » et laisseraient passer du sel, ou ai-je mal compris le principe de l’osmose ?

Hélas, la réponse est oui, d'une part, et, d'autre part, la question de la structure de la viande est omise.
Et puis, une viande plus parfumée après saumurage ? Je voudrais en être bien certain, avant de chercher des explications.


De même, pourquoi l’eau uniquement peut-elle circuler au travers des cellules ?

Mais vous avez vous-même dit que le sel entrait ???? Je ne comprends plus.


Une huile, un alcool, un lait ou tout autre liquide pourrait-il pénétrer de la même manière dans les cellules, typiquement une saumure de rhum ?

Je n'en sais rien : faites l'expérience.


A date, j’y vois l’action du sel soluble comme déclencheur de l’équation et donc de l’échange osmotique.

Où y a-t-il une équation ? Où y a-t-il un "échange osmotique" : qui vous prouve que c'est l'osmose, et non la capillarité par exemple, qui est le phénomène essentiel ?

Dans le cas de l’huile, le sel n’étant pas soluble, élimine toute pénétration efficace à cœur, et de surcroît j’imagine sa viscosité la rendant moins apte à pénétrer - quid des articles qui encense « les marinades pour aromatiser les chairs » ?

Trop compliqué pour moi. D'ailleurs, la viscosité n'a rien à voir : il ne faut pas confondre équilibre et vitesse.
Et puis "le sel n'étant pas soluble" ? Soluble dans quoi  : dans l'huile ?
D'ailleurs les fameux articles (que je ne connais pas, pardon : et écrit par quel physico-chimiste ?) disent-ils que le viandes sont parfumées à coeur ? Ou bien qu'il y a du goût (en surface) ?


En ce cas, qui dit saumure, dit nécessairement liquide avec forte teneur en eau pour garantir la solubilité du sel. Ai-je bien compris le rôle du sel ?

Forte par rapport à quoi ? Et non.

Enfin, l’huile dans la marinade et plus globalement, a un fort pouvoir de rétention des arômes.

Parlons simple : il ne s'agit pas de rétention, ni d'arômes. Disons seulement que les composés odorants sont souvent solubles dans les huiles.

Est-ce bien la même équivalence dans l’eau…

Equivalence ? Je ne comprends ce que me dit mon interlocuteur.

Auquel cas pourquoi diable valoriser les marinades à base acide pour aromatiser les chairs si elles restent en surface contrairement à une saumure aux multiples avantages ?

Avant toute chose, l'expérimentation ! Etablissons les faits avant de chercher des explications, s'il vous plaît.


Votre éclairage sur ce vaste sujet m’aiderait grandement. N’hésitez pas à me recommander certaines sources ou l'un de vos ouvrages dans lequel vous auriez étudié la question.


4. avant que j'ai fait cette réponse, je reçois la suite de la question

Cela fait un moment que le goût de la viande ne m’a plus excité, si je peux parlé ainsi. Aussi je crois que cela va de pair avec le retrait au végétarisme. Tout un programme!
Côté arôme, tout à fait on est dans l’abus de language, j’imagine que je devrais davantage dire « charger la viande de molécules aromatiques via l’eau/l’huile notamment ». A vrai dire, je n’ai que très rarement dégusté - à titre privé ou en restaurant - une viande savoureuse, à comprendre chargée en épices, aromates & autres légumes infusés, y compris quand elle est estampillé marinée, elle est certainement mal maîtrisée. De mémoire, seule une marinade bulgogi de cubes de viande et une autre pour des Karaages m’avaient vraiment bluffé en goût imprégné. Corrélativement la viande devient une denrée de plus en plus chère et la qualité supermarché se banalise. A titre personnel toujours il y a donc un certain ennui au palais, et de fait une envie d’innover. Pour le peu que j’ai pu en goûter, en plat comme en sandwich, souvent une sauce ou un glaçage ne suffit pas à galvaniser la viande en son centre, qui de surcroît comme je le disais est bien souvent de piètre qualité : on place donc un morceau de denrée animale « par usage » qui reste tout de même le plus onéreux à l’assiette mais fait finalement défaut par rapport à une sauce bien exécutée. Donc, l’objectif est multiple, innover en ayant un goût imprégné et identifié à cœur dans le palais et pourquoi pas apporter des solutions ‘épicées’ sur des morceaux de qualité moins nobles ou de qualité discutable. Pourquoi par exemple réserver la saumure aux viandes blanches, aux pièces maigres ou coté bœuf uniquement « à la famille des pastrami » ?


5. et ma nouvelle réponse

Cela fait un moment que le goût de la viande ne m’a plus excité, si je peux parlé ainsi. Aussi je crois que cela va de pair avec le retrait au végétarisme. Tout un programme!

Bon, si cela plait à notre ami, il a le droit... mais je m'inquiète toujours : sait-il équilibrer son alimentation ? En vertu de quel savoir ?


Côté arôme, tout à fait on est dans l’abus de language, j’imagine que je devrais davantage dire « charger la viande de molécules aromatiques via l’eau/l’huile notamment ».

Non ! D'ailleurs, il a une autre brèche qui s'ouvre : l'expression "molécules aromatiques" est ambiguë, puisqu'elle désigne aussi bien des molécules présentes dans des aromates que des molécules dont les électrons sont "délocalisés" (pardonnez-moi de ne pas expliquer, pour ne pas allonger inutilement).
Pourquoi ne pas simplement dire  : introduire des composés odorants dans la viande, soit en solution dans l'eau, soit en solution dans l'huile ?


A vrai dire, je n’ai que très rarement dégusté - à titre privé ou en restaurant - une viande savoureuse, à comprendre chargée en épices, aromates & autres légumes infusés, y compris quand elle est estampillé marinée, elle est certainement mal maîtrisée.

Mais pourquoi vouloir charger une viande en un tas de composés, alors que la viande a son propre goût ? Moi, au contraire, j'ai mangé des viandes extraordinaires, la plus belle étant une entrecôté que j'ai mangé dans une ferme auberge du Petit Ballon, en Alsace. Sans parler des boeufs de Kobé, ou autre.
Quand même, un faisan bien faisandé, un canard, un beau boeuf, un superbe poulet, un agneau...


De mémoire, seule une marinade bulgogi de cubes de viande et une autre pour des Karaages m’avaient vraiment bluffé en goût imprégné.

Bon, mais je ne comprends toujours pas la question initiale du goût à coeur. Et puis, soyons simple, si c'est difficile de mettre du goût à coeur en plus du goût de la viande, pourquoi ne pas le mettre à l'extérieur ? N'est-ce pas, aussi, la fonction des sauces ?


Corrélativement la viande devient une denrée de plus en plus chère et la qualité supermarché se banalise.

Bof, je ne sais pas d'où cela sort, ni si c'est vrai. Je n'aime pas les "tout fout le camp ma bonne dame". Et puis, ne puis-je dire au contraire que jamais dans l'histoire de l'humanité on a aussi bien mangé ? Aussi sainement ? Et à suffisance ? C'est un fait que je suis de la première génération à ne pas avoir connu de famine, dans l'histoire de l'humanité !!!!


A titre personnel toujours il y a donc un certain ennui au palais, et de fait une envie d’innover.

Rien à commenter, sauf pour l'envie d'innover : pourquoi pas ? Mais alors, pourquoi s'intéresser spécifiquement aux viandes, alors que j'ai proposé la "cuisine note à note" ?


Pour le peu que j’ai pu en goûter, en plat comme en sandwich, souvent une sauce ou un glaçage ne suffit pas à galvaniser la viande en son centre, qui de surcroît comme je le disais est bien souvent de piètre qualité : on place donc un morceau de denrée animale « par usage » qui reste tout de même le plus onéreux à l’assiette mais fait finalement défaut par rapport à une sauce bien exécutée.

Pas d'accord, mais en matière de goût, cela fait bien longtemps que j'ai cessé d'avoir des discussions.
Cela dit, une belle viande froide en sandwich... Et l'odeur envoûtante (pour moi) d'une viande bien grillée ? Et puis, je me répète, pourquoi en son centre alors que je peux l'avoir en surface ? D'ailleurs, pour l'avoir en son centre, pourquoi ne pas faire griller, et mettre au centre, dans une sorte de steak haché reconstitué ?
Simple usage ? Pas en ce qui me concerne.



Faire d'emblée une séance de choix de carrière


On voit trop d'étudiants, en master, qui ne savent pas vers quelle carrière ils se dirigeront... alors que la seconde année de master est celle qui les mettra dans le "monde du travail".

"Je verrai", disent certains que l'on interroge. Bon, mais tu verras quand ? Et, inlassablement, j'observe des décisions qui ne sont pas prises. Les plus aisés (ceux dont les parents marnent et payent) enchaînent un deuxième master derrière le premier ; d'autres échouent à des postes qui n'ont rien à voir avec les études qu'ils ont faites ; d'autres encore cherchent à se réfugier en thèse, acceptant des propositions qui les condamnent ensuite à  ne pas trouver de travail ni dans l'industrie ni dans la recherche scientifique.

C'est évidemment intolérable, et les efforts d' "orientation" de la classe de Troisième sont complètement insuffisants ! Non seulement nos amis ne sont pas décidés, mais tout leur temps a été passé à ne pas se renseigner, afin d'être en mesure de choisir.

C'est, je crois, une obligation qui est faite aux équipes universitaires que d'organiser, répétitivement, jusqu'à ce que chacun soit décidé, des séances d'orientation.

En tenant compte des connaissances et des compétences ! Croit-on qu'il soit bien responsable de laisser s'engager vers l'astrophysique quelqu'un qui n'a que des notes médiocres en physique ? De laisser s'engager vers la chimie quelqu'un qui confond molécules et composés, qui ignore (en seconde année de master) des réactions aussi élémentaires que celle de Diels-Alder ? De laisser s'orienter vers les sciences quelqu'un qui ne sait pas résoudre un système de deux petites équations à deux inconnues ?

Mon objectif n'est pas de faire une collection d'insuffisances, mais bien, plutôt, d'inviter mes collègues à être très actifs, non seulement dans leurs enseignements, mais, aussi, dans l'aide qu'ils peuvent apporter à nos jeunes amis indécis. Je le répète : il est irresponsable de les laisser aller au casse-pipe. Il est de notre devoir de les alerter, non pas une fois, mais dix, cent, mille...

Inversement, plus positivement, nous devons présenter des possibilités. Non pas des possibilités théoriques, mais des possibilités concrètes, pratiques, assorties de descriptions des activités quotidiennes qui sont -en réalité, sont- les métiers possibles, accessibles avec les études qui sont faites.

Bien sûr, labor improbus omnia vincit, un travail acharné vient à bout de tout ; bien sûr, chacun d'entre nous peut se réveiller un jour, se retrousser les manches, changer, devenir capable de tout... mais il faudra quand même se retrousser les manches, et plus tard on le fait, plus il y aura de travail pour récupérer les années perdues.

Perdues : je viens d'entendre un jeune ami me dire que ce temps n'était pas perdu, qu'il avait appris plein de choses... Mouais : interrogé sur ce qu'il avait appris, j'ai vu surtout qu'il avait beaucoup oublié... en supposant qu'il ait vraiment appris.

Non, sans un objectif clair, nos amis n'ont pas de motivations à étudier, à rester chez eux, seul, à la table de travail, pour apprendre, c'est-à-dire retenir ces connaissances qu'il faudra ensuite transformer en compétences pour exercer un métier.

jeudi 15 avril 2021

Les bons élèves, et les bons élèves


Il est intrigant d'observer que les meilleurs élèves ne sont pas toujours les meilleurs élèves.

La formulation étant paradoxale, je m'explique : à plusieurs reprises, dans mes cours, j'ai rencontré des étudiants très intéressés, attentifs, précis, ponctuels,  organisés... Et, évidemment,  j'avais le sentiment que ceux-là étaient les meilleurs de leur promotion ; je m'apprétais à leur mettre la meilleure note. Mais, quand les travaux ont été rendus, les leurs n'étaient pas les meilleurs !

J'ai eu beau faire, m'interroger, je ne parvenais pas en quelques sorte à les classer mieux que d'autres étudiants, plus iconoclastes, plus turbulents, moins policés, mais qui rendaient des travaux bien plus intéressants, fignolés, intelligents...

Il y a lieu de s'interroger : mes observations (sur plusieurs années quand même) sont-elles parfaitement anecdotiques, ou bien reflètent-elles une réalité ? Y a-t-il une sorte d'opposition entre ces deux notions de bon élève en terme de moyen, et de bon élève en termes de résultats ?

A ce jour, je ne sais vraiment pas,  mais je crois utile de poser la question.

lundi 12 avril 2021

L'évaluation des professeurs par les étudiants ? Une question mal posée !


Et si la question de l'évaluation des professeurs était mal posée ?
Ces jours-ci, j'ai retrouvé une note me rappelant de lire les articles sur l'évaluation des professeurs par les étudiants. C'est un fait que nous organisons maintenant de telles évaluations, et c'est d'ailleurs amusant d'observer que ce sont les plus mauvais des étudiants qui font les évaluations les plus critiques, avec des commentaires qui sont parfois désobligeants. Évidemment, les institutions ne prennent pas ses évaluations à la lettre, car se doute bien qu'un étudiant qui a de mauvaises notes en veut à son professeur qui l'a mal évalué, mais quand même, il y a des institutions d'enseignement qui tiennent compte de ces évaluations pour l'avancement des personnels enseignants, et il y a lieu de s'interroger sur cette pratique.

Bien sûr, de façon simpliste, on pourrait penser que si les étudiants étaient tous merveilleux, intègres, droits, travailleurs, et cetera, alors les évaluations pourraient être très utiles, car elle donneraient des indications fiables permettant d'améliorer les enseignements. Mais le monde n'est pas construit ainsi, et, à titre personnel, je sais au moins un cas où, alors que je faisais le même cours, j'ai été excellemment noté par un groupe d'étudiants et moions bien évalué par un autre  :  plus exactement, le premier groupe disait que mon cours était un peu trop long, mais, l'année suivante, le second groupe disait  que le cours était un peu trop court. De quoi nous faire tourner en bourrique !

De surcroît, un professeur n'est pas égal, et le même cours que je fais un jour ou  le lendemain  a toutes les raisons d'être différent, tant les variables sont multiples (comment j'ai bien ou mal dormi, comment j'ai une charge excessive ou pas, etc.).

Finalement, peut-on vraiment tenir compte de l'évaluation par les étudiants ? Il y a une littérature abondante à ce propos, avec des statistiques qui ont été faites, concernant des paramètres tels que le sexe des professeurs, leur âge, le sexe et l'âge des étudiants, la corrélation éventuelle des notes avec l'appréciation, l'évaluation à court terme ou à plus long temps, l'apparence des professeurs, la couleur de leur peau... Et toutes les études montrent que la question est extraordinairement difficile.

Mais surtout la question que je pose est la suivante : au fond, pourquoi s'intéresser à ces évaluations ? Et faut-il les faire ?

Là, on répondra rapidement que, dans les institutions où les étudiants payent des droits d'inscriptions (directement ou sous la forme d'impôts), il y a lieu de savoir ce que l'on dépense et pourquoi : pas question de faire un chèque en blanc à un système, et je crois que nous devrions absolument combattre cette notion selon laquelle le professeur serait maitre dans sa classe. Pourquoi une caste n'aurait-elle pas de compte à rendre ?

Mais, surtout, on se souvient que j'ai dit ailleurs que l'enseignement est une chose impossible, contrairement au professorat. Le professeur doit (au moins) : (1) conduire les étudiants à étudier ; (2) préparer le chemin à suivre, pour ceux des étudiants qui en ont besoin ; (3) donner des rendez vous régulier pour aider ceux qui ont plus de mal ; (4) transmettre des valeurs, des méthodes, et peut-être aussi présenter des outils intellectuels (notions, concepts, informations variées) ; (5) organiser l'évaluation et, de ce fait, la diplomation.

Donner de l'envie ? On sait assez que la "sympathie" n'est pas universelle. Quant au reste, c'est si élémentaire que l'on voit mal ce que les étudiants peuvent en dire.

Et puis, n'est-ce pas le résultat qui compte, non pas savoir si un professeur démagogue est bien "perçu", mais savoir quelle a été le résultats des études qui se faisaient sous sa responsabilité. Et cela en termes statistiques, et non individuels.

Sans compter que la mission des professeurs n'est pas limitée à ce qui est énoncé plus haut : il y a aussi à faire étudier des idées neuves, que le professeur devra avoir défrichées.

Bref, il n'y a peut-être pas lieu de passer trop de temps à ces évaluations... car chacun sait, en réalité, quand il y a de graves problèmes qu'il faut corriger. Et ce serait la première chose à faire que de régler ces cas-là.