lundi 2 septembre 2024

Parce que l'on me provoque

 
A côté de billets "techniques", il y a des billets moraux, politiques...Et je m'aperçois que je fais rarement état de vrais travaux scientifiques. Par "vrais travaux scientifiques", je veux dire "des travaux qui mêlent résultats d'expériences et calculs qui vont avez". Il faut donc que je me corrige, ce que je ferai dans les semaines qui viennent. 

Mais, d'autre part, les commentaires amicaux qui suivent un billet où je compare le génie et le talent me font penser que je pourrais  donner ici les "valeurs" de mon laboratoire. Il s'agit de phrases écrites sur les murs, qui ont l'air d'être des maximes de la vie courante, mais que nous interprétons absolument en termes de recherche scientifique. Surtout, plusieurs des idées exprimées ici sont assorties d'une origine... parfois douteuse. Je "tends" donc ces phrases à mes amis indulgents : si j'attribue une origine erronée, aidez-moi à ce qu'elle ne soit pas fautive, car perservare diabolicum. 

Quelques idées pour aider à se supporter quand on se voit dans un miroir : 


IL FAUT S’AMUSER A FAIRE DES CHOSES PASSIONNANTES

H. This


Nous sommes ce que nous faisons : quel est ton agenda ?

H. This


Une colonne vertébrale !

H. This


Toujours considérer les résultats particuliers que l’on obtient comme la « projection » de cas généraux que nous devons inventer (abstraire et généraliser)

H. This


Quels sont les mécanismes ?

La science en général


Les mathématiques nous sauvent toujours : « que nul ne séjourne ici s’il n’est géomètre »

Platon


Ne pas oublier de donner du bonheur.

H. This


Tu fais quelque chose ? Fais le, et, en plus, fais-en la théorisation.

H. This


Surtout ne pas manquer le moindre symtôme

H. This


Je ne sais pas, mais je cherche !

H. This


De quoi s’agit-il ?

Henri Cartier-Bresson


Puisque tout est toujours perfectible, que vais-je améliorer aujourd’hui ?

H. This


« Tenir le probable pour faux jusqu’à preuve du contraire ».

H. This ?

A rapprocher de :

Abélard : « En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité ».

Poincaré : "Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir".

Combien ?

La science en général


D’r Schaffe het sussi Wurzel un Frucht

Proverbe alsacien


Ni dieu ni maître

La devise des anarchistes


Tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait



La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets !

Jean Claude Risset

Se mettre un pas en arrière de soi même

?


Le summum de l’intelligence, c’est la bonté
(et la droiture)

Jorge Borgès


Regarder avec les yeux de l’esprit

H. This


Vérifier ce que l’on nous dit

Ne pas généraliser hâtivement

Ayez des collaborations

Y penser toujours

Entretenez des correspondances

Avoir toujours sur vous un calepin pour noter les idées

Ne pas participer à des controverses

Michael Faraday et Isaac Watts


Penser avec humour des sujets sérieux (un sourire de la pensée)

H. This


« Comme chimiste, je passai cette oeuvre à la cornue ; il n'en resta que ceci : » ; se dissoudre dans, infuser, macérer, décoction, cristalliser, distiller, sublimer, purifier, alambiquer

Jean-Anthelme Brillat-Savarin


« Et c’est ainsi que la chimie est belle »

H. This d’après Alexandre Vialatte


Morgen Stund het Gold a Mund

Proverbe alsacien


Y penser toujours

Louis Pasteur


Ne pas confondre les faits et les interprétations

Elémentaire


Quand les lois sont mauvaises, il faut les changer

H. This


Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant

Cicéron


Dieu vomit les tièdes

La Bible


Il n’est pas vrai que « La tête guide la main », ce qui est prétendu par une poutre du Musée du compagnonnage, à Tours : la tête et la main sont indissociables

H. This


Les maths !!!!

Tous les scientifiques dignes de ce nom


Tout changer à chaque instant (vers du mieux !)

H. This


Chercher des cercles vertueux

H. This


Comme le poête, le chimiste et le physicien doivent maîtriser les métaphores

H. This


Le moi est haïssable

Blaise Pascal


Quels mécanismes ?

La science en général


N’oublions pas que nos études (scientifiques) doivent être JOVIALES

Hervé This


L’enthousiasme est une maladie qui se gagne

Voltaire


Clarifions (Mehr Licht)

Goethe


Tu viens avec une question, mais quelle est la réponse (utilise la méthode du soliloque)

H. This


Pardon, je suis insuffisant, mais je me soigne

H. This


Comment faire d’un petit mal un grand bien ?

H. This


Le diable est caché derrière chaque geste expérimental, et derrière chaque calcul

H. This


Les questions sont des promesses de réponse (faut-il tenir ces promesses). Vive les questions étincelles

H. This


La méditation est si douce et l’expérience si fatigante que je ne suis point étonné que celui qui pense soit rarement celui qui expérimente

Diderot


Comment pourrais-je gouverner autruy, moi qui ne me gouverne pas moi-même

François Rabelais


Prouvons le mouvement en marchant !

Hervé This


Comment passer du bon au très bon ? Comment donner à nos travaux un supplément d’âme ?

Hervé This



dimanche 1 septembre 2024

Pallier une éventuelle pénurie de beurre

 
Ceux qui suivent trop ces "informations" qui sont souvent de la désinformation ou de l'intoxication intellectuelle s'émeuvent : il y aurait une pénurie de beurre. De fait, hier, j'ai été interrogé par un journaliste qui préparait un article sur le thème : "puisqu'il y a une pénurie de beurre, comment s'en passer"... interview qui est arrivé alors que je sortais du tournage d'une émission de télévision, pour une chaîne nationale, sur le thème de la margarine. Décidément, il faut expliquer les choses. <b>De quoi le beurre est-il fait ? </b> &nbsp; Commençons par expliquer que les corps gras sont majoritairement faits de composés nommés des "triglycérides". Pas (ou très peu) d'acides gras, dans cette affaire, contrairement à ce que des publicités fautives nous répètent de façon lancinante ! Toutes les molécules de triglycérides ont sont comme de minuscules peignes à trois dents, avec le "manche" qui ressemble à la molécule de glycérol (la glycérine), dont la colonne vertébrale est faite de trois atomes de carbone, et avec des dents qui ressemblent aux molécules d'acides gras, qui sont, elles, de longues chaînes d'atomes de carbone, liées à des atomes d'hydrogène, et, avec un groupe acide à une extrémité. En réalité, les molécules de triglycérides sont donc composées d'un résidu de glycérol et de trois résidus d'acides gras. Chaque triglycéride a un point de fusion très précis (par exemple 34 degrés, ou - 5 degrés, ou 47 degrés...), mais les mélanges de triglycérides eux, sont des solides à températures suffisamment basse, qui fondent progressivement à mesure que la température augmente. Et c'est ainsi que la matière grasse laitière, qu'elle soit dans le lait ou dans la crème ou encore dans le beurre ou le fromage, commence à fondre à partir de  - 10 degrés, et finit de fondre à  55 degrés. Pour ce mélange particulier de triglycérides qu'est le beurre de chocolat, la fonte commence à 30 degrés, et s'achève à 37 degrés. Bien sûr, à part dans les huiles, il est rare que les matières grasses ne comportent que des triglycérides : par exemple, le beurre peut comporter de l'eau, avec toutefois une réglementation qui limite cette quantité à 16 pour cent (sans quoi des commerçants indélicats mettraient plein d'eau dans le beurre, et vendraient de l'eau au prix du beurre). &nbsp; <b>Le bon beurre</b> &nbsp; Le beurre, pour y revenir ? Il est préparé à partir du lait, lequel est une "émulsion", c'est-à-dire une dispersion de gouttelettes de matière grasse dans de l'eau. Il y a 36 grammes de matière grasse par litre (environ un kilogramme) de lait. Quand on laisse le lait reposer, les gouttelettes de matière grasse viennent flotter à la surface, formant une émulsion plus concentrée : c'est la crème, dont, évidemment, la teneur en matière grasse dépend du temps de repos du lait. Puis, quand on baratte la crème, c'est-à-dire quand on la brasse énergiquement, on obtient une masse grasse dont un liquide aqueux se sépare : c'est le beurre, qui, comme dit plus haut, a une teneur en eau réglementée. Le beurre est cher ? C'est légitime : il faut quand même avoir élevé des vaches, trait ces dernières, et avoir produit le beurre. Bien plus facile que presser des graines de tournesol ! Et, de fait, la question du prix du beurre se pose depuis longtemps, et notamment depuis l'époque du chimiste Michel Eugène Chevreul, qui encouragea le chimiste Hyppolite Mege à produire une copie du  beurre qui fut nommée margarine. Initialement, dans le premier brevet de Mège, en 1869, la recette de la margarine utilisait de la graisse de boeuf clarifiée, de la mamelle de vache broyée, un peu de lait, du bicarbonate de sodium et un colorant jaune. Mège, qui prit ultérieurement le nom de Mège-Mouriès pour se distinguer d'homonymes, prétendait avoir fait un produit "supérieur"... mais je n'échange pas du bon beurre contre de la margarine ! En effet, la margarine n'as pas de goût, et c'est juste de la graisse utilisable pour des usages  techniques... qui oublient que la cuisine est d'abord une activité artistique, qui veut faire bon. Si c'est pour manger des nutriments, ce n'est pas la peine de cuisiner. &nbsp; <b>Pallier une pénurie de beurre</b> &nbsp; Mais laissons cette cuisine sans goût aux ignorants, et revenons à la margarine pour en dire qu'elle fut introduite afin de pallier un coût élevé du beurre. Mège-Mouriès vendit son brevet à la société Unilever, qui en a fait ... son "beurre". D'ailleurs, comme la graisse de boeuf est plus coûteuse que l'huile, la société Unilever a rapidement appris à remplacer la graisse de boeuf par de l'huile : comme les comportements de fonte d'une émulsion d'huile ne permettent pas de faire des pâtes à tarte, l'industrie a "hydrogéné" les triglycérides, leur permettant de fondre à température supérieure. Autrement dit, voici au moins deux idées pour pallier une éventuelle absence de beurre : utiliser de la graisse de boeuf (clarifiée), ou utiliser de la margarine, pour les usages de type pâtisserie. Pour les cuissons ou d'autres usages tels que la confection d'émulsions (sauce mayonnaise, par exemple), pas besoin de beurre : l'huile suffit. Mais la vraie question est celle du goût : une huile neutre est sans intérêt, autre peut-être que de faciliter économiquement des cuissons où le goût est apporté par ailleurs. Mais une huile sans goût ne vaut pas une huile avec goût, pas plus qu'une margarine n'aura le goût de beurre. Bien sûr, on peut aussi imaginer de donner du goût à une margarine, en y ajoutant des composés sapides ou odorants variés, tel le diacétyle, ou bien le 1-cis-hexén-3-ol, ou des "arômes beurre" (qu'on devrait plus justement, plus honnêtement, nommer des compositions odorantes reproduisant l'odeur du beurre). &nbsp; &nbsp; Terminons en signalant que le public est un peu girouette, à l'aune de l'histoire : quand le beurre se fit cher, du temps de Mège, la chimie qui produisit la margarine fut portée aux nues. De même, la chimie triompha quand le blocus continental provoqua une pénurie de sucre (de canne, importé des colonies), et que l'on découvrit comment faire du sucre de betteraves. Je parie qu'un certain  public qui jette l'anathème à la chimie aujourd'hui en dira du bien demain, quand le prix du beurre aura augmenté !

samedi 31 août 2024

A propos de sociologie des sciences (heureusement, un cas particulier ne fait pas une discipline)

Est-il utile de passer quelques mois dans un laboratoire pour comprendre ce que sont les sciences quantitatives ? Oui et non. 

Oui, car on voit ce qu'est vraiment la science (à condition que ce ne soit pas de la technologie).
Non si l'on se contente de regarder, sans plonger dans le calcul. 

Pour bien cadrer la discussion, je rappelle que les sciences de la nature  fonctionnent par : 

- identification d'un phénomène 

- caractérisation quantitative du phénomène 

- réunion des données de mesures en "lois" synthétiques, c'est-à-dire en équations 

- recherche de mécanismes quantitativement compatibles avec les lois (parfois, les mécanismes ne sont autre que des noms collés sur des groupes de comportements) 

- recherche de conséquences de la théorie constituée par l'ensemble des mécanismes retenus 

- test expérimental de la conséquence théorique, en vue de la réfutation de la théorie, afin de l'améliorer. 

A part le tout début du travail, le reste fait usage du calcul, et rien de la science de la nature ne se comprend sans comprendre le calcul. Dit autrement, comprendre les sciences de la nature, c'est comprendre la description précédente, ce qui est vite fait, mais, surtout, comprendre les relations entre les mesures et les mécanismes, par les équations qui sont au coeur de l'activité. 

Alors oui, on peut venir passer quelques mois dans un laboratoire, pour en comprendre le fonctionnement, mais si l'on ne plonge pas dans les calculs, si ces calculs ne sont pas au centre de l'investigation, alors il y a le risque que l'on ne voie pas vraiment la science, mais seulement son aspect technique, moins d'une moitié d'elle. Cela n'a aucune importance si l'on veut simplement satisfaire une curiosité, mais cela le devient si l'on fait de cette connaissance la base d'un travail ultérieur. 

Or trop de commentateurs des sciences de la nature sont restés aux mots (de plus de trois syllabes, bien entendu : cela fait plus sérieux, plus "intellectuel"), sans plonger dans les équations. 

Bien sûr, les sociologues peuvent s'intéresser au groupe social constitué par les scientifiques et les relations qu'ils entretiennent avec le reste du monde, mais cela ne dit rien du contenu des sciences quantitatives : la validité de leurs travaux est limitée aux comportements humains... qui ne sont que peu différents des comportements dans d'autres groupes humains : avant d'avoir une activité scientifique, les scientifiques sont humains. 

Oui, il y a l'humain, et le professionnel. Pour l'humain, c'est dit, mais pour comprendre le fonctionnement du professionnel, il y a des règles particulières, qui s'enracinent plus profondément dans les sciences, ou, dit plus clairement, qui ne se comprennent que si l'on comprend mieux les sciences, c'est-à-dire dans les équations. 

Considérons par exemple la chimiométrie, qui est une discipline qui fait usage de mathématiques à propos de données d'analyse chimique. Il y a des débats pour savoir si seules les méthodes statistiques sont au coeur de la discipline, ou bien si d'autres types de mathématiques peuvent être utilisées. Il y a des débats pour savoir si la chimiométrie est une science ou une technologie, ou encore une technique. Il y a des débats pour savoir si les espoirs qu'on y met correspondent aux mots posés dans des appels d'offres, par exemple.
Discuter de tout cela ? Comprendre les relations entre scientifiques quand elles sont centrées sur ces débats ? Il faut manifestement savoir de quoi l'on parle, plonger dans le détail des calculs, en comprendre la mécanique, la nature. 

Je sais bien qu'un cas isolé ne fait pas une règle générale, mais j'ai du mal à m'empêcher de penser que le monde de la sociologie des sciences (faut-il un monde entier pour cela ?) devrait faire du ménage dans ses rangs. Et, comme les autres disciplines scientifiques, raidir un peu les règles de publication. 

J'ai, en effet, reçu dans mon groupe de recherche une sociologue des sciences d'une des principales université du monde, dirigée par un ponte de la sociologie des sciences (on verra pourquoi je ne nomme personne précisément!). La personne était venue pendant six mois au laboratoire, et, mieux même, dans mon propre bureau. Je la tenais au courant de tout, je partageais avec elle les feuilles de calcul (qu'elle ne comprenait pas), les ébauches d'article, je l'emmenais avec moi quand je faisais des conférences, je répondais à ses questions en voiture, dans le métro… Évidemment quand on passe beaucoup de temps en compagnie de quelqu'un, iil est bien difficile de rester  longtemps sans « sourire », sans faire de l'ironie, de l'antiphrase… surtout moi ! Et j'ai eu finalement la stupéfaction de voir imprimé dans sa thèse des blagues que je lui avait dites... et qu'elle avait prises au sérieux. Mais ces blagues n'étaient pas assorties de point d'ironie, et elles n'étaient pas prises comme telles : notre amie avait mis au pied de la lettre des idées évidemment insoutenables. Pis encore, je crois qu'elle n'avait rien compris à la science quantitative, parce qu'elle voyait cette dernière comme une sorte de récit, assorti de signes incompréhensibles pour elle, alors que les sciences de la nature sont précisément cela, le maniement d'équations qui tiennent si bien au phénomène. Notre "collègue" aurait passé dix fois plus de temps avec nous que ses a priori n'auraient pas été changés. 

Pour comprendre la science, il faut donc faire l'effort de comprendre les équations qui sont véritablement la science, qui la structure, qui la déterminent… Oui, des explications patiemment données permettent de comprendre, à n'importe qui, mais seulement si ce n'importe qui a envie de comprendre le formalisme, s'y plonge. 

Pour les autres, la science est un récit, un conte qui, évidemment, n'a pas plus de validité que n'importe quelle histoire de fée ou de revenant. Ce cas n'est pas isolé, et l'on voit trop d'articles ou de livres de sociologie ou de philosophie des sciences qui passent à côté de ce que sont vraiment les sciences quantitatives, ou qui présentent des "élaborations" où les scientifiques n'y retrouvent pas leur activité. 

Comment améliorer les choses ? En introduisant du calcul dans le cursus des sciences de l'humain et de la société, en n'acceptant pas que la rigueur soit moindre que dans d'autres disciplines. Mais faut-il être plus exigeant dans ce champ que dans d'autres ? La question est épineuse, et compliquée par le fait que le discours de certaines sciences de l'homme et de la société est un discours en langage naturel, qui, de ce fait, peut être entendu par l'homme et la femme de la rue.
 

vendredi 30 août 2024

Pour être informé des résultats de gastronomie moléculaire, des événements, séminaires, cours, conférences...


Savez vous que nous avons chaque mois un séminaire de gastronomie moléculaire ? Nous partons d'une "précision culinaire", et nous la testons en public. Les résultats font l'objet de comptes rendus, en ligne sur le site du Centre international de Gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra. Si vous souhaitez être alerté des résultats de gastronomie moléculaire, il suffit de le demander à icmg@agroparistech.fr.

jeudi 29 août 2024

Une question en appelle une autre : à propos de blanc d'oeuf


Ce matin, je réponds à une question, à propos de ce qui est fautivement nommé lait végétal, dénomination qui a tué ! Le billet suscite une autre question, à laquelle je réponds maintenant : 

Je saute sur cette occasion pour vous demander si vous avez déjà évoqué dans un article ou dans un ouvrage le remplacement du blanc et/ou du jaune de l'oeuf FRAICHEMENT CASSÉ par du blanc et/ou du jaune d'oeuf en poudre. Le produit "en poudre" est de tout évidence le produit original simplement déshydraté, mais cette utilisation "en poudre" doit, je pense, induire des liaisons protéiques différentes de celles du produit frais et donc amener à des résultats différents. Si vous avez déjà traité ce sujet, je serais ravi de savoir où, sinon... voilà une suggestion pour un prochain article.

 

Commençons par la fin : je ne peux pas faire dans cette excellente revue qu'est Pour la Science un article sur ce sujet, parce que les critères sont stricts : le premier est qu'il y ait une actualité scientifique. C'est une condition absolue, car il en va de la survie du journal : toutes les revues de vulgarisation scientifique qui ont viré à l'encyclopédisme sont mortes. Les lecteurs veulent des nouvelles fraîches. Or je n'ai pas vu de publication scientifique récente sur ce thème, et je n'ai pas produit moi-même de résultat notable. 

Mais, ici, dans ce blog, c'est bien différent : je peux me laisser aller à discuter des points scientifiques plus déconnectés de l'actualité, et donc répondre aux questions de mes amis. Le remplacement du jaune d'oeuf ou du blanc d'oeuf par de la poudre ? C'est à la fois très simple et très compliqué.

 Très simple, tout d'abord, parce que j'ai dans mon laboratoire et dans ma cuisine de la poudre de blanc d'oeuf... qui fait vraiment aussi bien que du blanc d'oeuf, quand on le mêle à de l'eau. Ça mousse, ça émulsionne, ça coagule, et il y a ce goût d'oeuf cuit, qui est, je crois, essentiellement dû aux petites quantités d'hydrogène sulfuré qui sont produites quand des protéines animales sont chauffées (on le voit en plaçant un papier trempé dans du sulfure de plomb dans les vapeurs de cuisson ; attention à ne pas manger d'aliment qui contiendrait ce sulfure de plomb toxique, utilisé seulement pour les besoins de la mise en évidence de ce gaz qu'est l'hydrogène sulfuré). 

Cela étant, la poudre de blanc d'oeuf... peut varier, et j'en ai fait la désagréable expérience en Argentine, quand j'ai fait des conférences : j'avais prévu de faire des expériences avec de la poudre de blanc d'oeuf, mais celle de là-bas ne coagulait pas, quand on la chauffait dans l'eau ! Manifestement, il y a poudre et poudre, ce qui est compréhensible : une poudre qui serait faite de blanc d'oeuf liquide et déshydraté sans chauffage diffère du tout au tout d'une poudre obtenue par séchage de blanc d'oeuf déjà coagulé ! 

Pour le jaune, j'ai également du jaune en poudre, au laboratoire, et il est de très bonne qualité. Est-il vraiment identique à du jaune d'oeuf frais ? Prenons la précaution de signaler que, pour le jaune d'oeuf frais, il y a jaune d'oeuf et jaune d'oeuf : leur qualité, leur goût, dépend notablement de ce qu'ont mangé les poules, au point que l'on disait naguère que, au printemps, les jaunes d'oeufs étaient verts parce que les poules mangeaient des hannetons (à vérifier, toutefois !). 

Tout cela étant dit, il y a ces "liaisons protéiques" qui figurent dans la question à laquelle je réponds ici. La principale liaison entre les protéines est nommée "pont disulfure", et j'ai montré, dès 1997, que cette liaison était responsable de la coagulation... puisque l'on peut décuire des oeufs en coupant cette liaison. 

Pour voir la chose, je propose ce podcast : "http://www.agroparistech.fr/podcast/Why-do-eggs-coagulate.html

 C'est d'ailleurs amusant que des biochimistes américains se soient vantés d'avoir fait cette découverte il y a deux ans, ce qui leur a valu le prix IgNobel, un prix qui se moque de ceux qui le reçoivent. Je l'ai échappé belle ! 

Finalement, y a-t-il équivalence entre poudre d'oeuf (blanc, jaune) ou oeuf frais ? N'oublions pas qu'il y a des blancs différents, des jaunes différents, des poudres de blanc différentes, des poudres de jaune différentes, avec, pour chacun des goûts différents. La question est donc philosophique : c'est Platon contre Aristote... ce que je discute amplement dans Mon histoire de cuisine (Editions Belin), et aussi dans mon tout livre, aux éditions de la Nuée bleue...



 

L'enseignement supérieur a la responsabilité de produire les données théoriques qui permettront à la pratique de se dépasser.

 
Je reviens sur une idée que j'avais discutée il y a quelque mois, à propos de remarques des étudiants d'AgroParisTech à propos de leur stage. Il y a lieu de bien expliquer que oui, ils pourraient se former pendant les stages, mais il faut observer sans attendre qu'ils n'auraient qu'une compétence limitée,  au sujet de leur stage. 

Il ne faut pas s'émouvoir de leurs idées : souvent, ils sont si intéressés de pouvoir faire quelque chose pratiquement qu'ils en viennent à considérer que les stages pourraient être l'alpha et le méga de leur formation. 

Mais c'est méconnaître les relations entre l'université et l'entreprise. 

 

L'université est précisément là pour donner des idées théoriques que ceux qui sont "dans la boîte" de la production ne peuvent pas avoir ou, disons,  qu'ils peuvent avoir difficilement. 

C'est sur la base des productions pratiques des entreprises que peuvent s'élaborer des réflexions théoriques, qui se font par définition à l'université. 

De sorte que les stages pourraient donc être considérés plutôt comme des moyens de s'interroger sur la théorie qui permettra d'effectuer les sauts pratiques, ensuite, quand on appliquera ladite théorie. 

L'université a donc en quelque sorte la mission identifier les notions théoriques qui peuvent aider l'industrie à progresser, et de former les étudiants à ces matières théoriques qui par définition ne sont pas développé dans l'industrie. 

Il y a lieu que les étudiants voient donc les stages ainsi, comme un tremplin vers l'université et non l'inverse. 


Voir la suite ici : https://hervethis.blogspot.com/2024/08/les-relations-theoriques.html

Les relations "théoriques"

Il y a quelques jours, je proposais une réflexion sur les stages et leurs relations avec l'enseignement des matières théoriques à l'université. 
Ce matin, je trouve un article intéressant de ce point de vue :  les auteurs ne se sont pas limités à des mesures un peu "locales" en vue de répondre à une question scientifique qu'ils se posaient, mais ils ont profité de l'occasion pour explorer de nouvelles méthodes d'études. 

C'est évidemment plus intéressant -pour leurs lecteurs et pour eux-  que s'ils étaient restés cloués au sol. Filons la métaphore : ils ont pris de la hauteur, sont sortis grandis de l'exercice. 

Au fond, n'est-ce pas ce que nous devrions tous faire toujours, à savoir prendre de la hauteur, du recul, et résoudre les questions ponctuelles que nous nous posons en agrandissant le champ de la connaissance ?
Ne devons nous devrions-nous pas profiter de chaque question que nous nous posons pour faire ainsi ? 

 

Dans mon billet précédent, j'évoquais la question de l'état d'esprit que les étudiants gagnaient à avoir pendant leur stage, mais pourquoi les ingénieurs confirmés ne seraient-ils pas dans ce mouvement ? Pourquoi l'université serait-elle toujours mise en position de nourrir l'industrie alors que l'industrie pourrait-elle même s'adresser à l'université, lui poser des questions, l'inviter a des théorisations utiles ? 

C'est au développement de nouvelles relations industrie université que j'appelle.