vendredi 15 septembre 2023

Questions de farines dans des sablés

 

Est-il vrai que, dans un sablé, plus la proportion de  farine est importante, plus la pâte sera "dense ?
Et est-ce "mieux" d'utiliser une farine pauvre en gluten ?

Dans un sablé, il y a de la farine, de l'œuf, du beurre et du sucre. Il y a mille façons de faire une pâte à sablés, mais si l'on disperse la farine dans le beurre, alors on comprend qu'on puisse faire une forte proportion de beurre ou bien une forte proportion de farine.

Et s'il y a plus de farine, c'est qu'il y aura moins de beurre : la friabilité des sablés sera différente.

Mais quand on m'interroge sur la densité, alors je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. En réalité, la densité c'est la masse par unité de volume et oui la farine est plus dense que le beurre puisque la matière grasse flotte dans l'eau  ; et la farine  est plus dense que l'eau, puisqu'elle tombe au fond de l'eau.

Mais je me doute bien que la question qui m'est posée sur la densité des biscuits avec beaucoup de farine n'a rien à voir avec cela et je ne sais pas répondre à la question parce que je pense qu'elle n'est pas bien posée.

Maintenant, il y a aussi la question du taux de gluten dans la farine et là c'est une autre question que celle de la densité, notion que j'ai toujours du mal à interpréter.

C'est plutôt une question de friabilité et, évidemment, plus il y a de gluten, plus la pâte "risque" d'être dure. Je dis "risque" parce que selon le procédé, on peut avoir une pâte dure ou non qu'il y ait beaucoup de gluten ou pas.

Bref, je revendique des questions très bien posées, très précise, pour être capable de répondre.

L'ordre naturel des choses ?



Lors de la messe dite pour un ami défunt, le prêtre évoque le fait que le défunt a eu la douleur de perdre un enfant. Je comprends la douleur.

Mais il ajoute que la perte d'un enfant n'est pas dans l' "ordre naturel des choses". L'ordre naturel des choses ? Cela me semble bien discutable, car cet  ordre naturel des choses, factuellement, c'est que les humains meurent, à des moments aléatoires. Certes, on meurt généralement quand on est vieux, mais les statistiques font mourir à la naissance, à  l'adolescence, à tout moment
L'ordre naturel des chose, ce sont les catastrophes naturelles, la pluie, le vent, la bourrasque, la tempête, l'inondation, l'éruption du volcan, la peste, le choléra, et tout ce qui vient mettre un terme à la vie humaine, trop abondant pour qu'on puisse l'énumérer.

La vulgarisation scientifique

 Discutant de vulgarisation avec des amis, nous sommes arrivés face à une alternative :
- d'une part, je proposais que la vulgarisation doive considérer les équations qui fondent les travaux scientifiques, les théories ;
- d'autre part, mes amis proposaient plutôt de ne donner que les théories, les résultats des travaux, donc. 

J'entends bien leur argumentation qui est toute de facilité : certaines métaphores permettent de mieux comprendre, et il est vrai que j'ai usé de cette méthode dans les Ateliers expérimentaux du goût, quand il s'agissait de faire comprendre la notion de molécule à des enfants ; j'ai alors utilisé la « danse des molécules », où les enfants se représentent les molécules en les jouant. 

A l'opposé, cette vulgarisation là déverse des connaissances sans justification, et la métaphore est donnée d'en haut ; elle pourrait très bien être fausse. C'est comme un dogme : il faut croire... de sorte qu'il ne faut pas s'étonner que des esprits religieux acceptent si bien les sciences, alors que celles-ci semblent -je dis bien semblent- s'opposer aux textes que ces mêmes esprits religieux ont adopté. 

L'autre proposition, qui propose d'expliquer les équations, conduit à un travail bien plus long et plus difficile, et je ne m'étonne guère que mes amis vulgarisateurs hésitent à s'y livrer. Toutes les raisons de mauvaise foi sont données : les équations font peur, par exemple. D'accord, elles font peur, mais le rôle de la vulgarisation n'est-il pas précisément d'acclimater ces objets ? Pour les besoins du raisonnement, considérons le formalisme de la chimie, légèrement plus simple que celui des mathématiques. Là aussi, on peut expliquer, on doit d'ailleurs expliquer, et il n'y a pas d’impossibilité de le faire... puisque certains d'entre nous finissent par comprendre. 

L'avantage est évidemment que la science ainsi présentée n'est pas dogmatique, que les théories s'imposent, et que l'on voit ainsi la différence avec d'autres idées théoriques concurrentes... mais rejetées, avec d'autres champs qui sont moins fondés que les sciences de la nature. On observera que j'omets ici d'innombrables discussions, que je ne pose que la question, évitant des mots comme « vérité », qui n'ont pas leur place en science. 

Surtout, je propose de bien considérer l'objectif, d'abord. Que veut-on faire ? Un discours d'autorité lénifiant qui fait semblant de rendre service par des explications qui ne sont que poésie. Il semble clair que les choix stratégiques d'explication ne vaudront qu'après la discussion des objectifs que l'on poursuit.

jeudi 14 septembre 2023

Ne pas confondre bicarbonate et poudres levantes

 Des pâtes plus moelleuses

Un correspondant m'interroge :

"la baking powder apporte plus de legerete avec une mache plus moelleuse dans une pate a biscuit depourvus d’acide" [sic]

Quand mes amis utilisent des mots anglais, j'ai toujours peur des confusions et lorsqu'un de mes correspondants me parle de baking powder alors qu'il m'a parlé précédemment de baking soda, je crains qu'il ne fasse une confusion entre les deux.

Le baking soda, je l'ai expliqué dans un autre billet, c'est du bicarbonate. et le bicarbonate se décompose effectivement dans l'eau chauffée, en libérant du dioxyde de carbone : faites donc l'expérience de mettre un peu de bicarbonate dans de l'eau que vous chauffez au four à micro-ondes, et vous verrez une forte effervescence.

En revanche,  le baking powder est ce que nous appelons en français des poudres levantes, et j'invite mon correspondant à utiliser des mots français pour bien faire la distinction : poudre levante dans un cas, bicarbonate dans l'autre.
Et les poudres levantes sont bien plus efficaces pour faire gonfler les pâtisseries.

Tout cela étant dit, les poudres levantes donnent-elles de la légèreté aux préparation pâtissières ? Evidemment oui : il suffit de comparer la même pâte à biscuit ou à gâteau avec ou sans poudre levante pour s'en apercevoir.

J'ajoute enfin que, pour les poudres levantes, tout est dans la poudre, les acides et les bases qui vont réagir, sans qu'il soit nécessaire que la pâte elle-même contienne des acides.

Molécules, composés, composés chimiques, produits chimiques...

 
Souvent nos concitoyens (et nous mêmes) ne savent pas exactement la différence entre une molécule, un composé, un composé chimique, un produit chimique, un produit de synthèse... J'ai donc expliqué la chose dans un podcast sur le site d'Agroparistech (http://www.dailymotion.com/video/x1r1o5y_qu-est-ce-qu-un-compose_school). 

Cela dit, pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller sur ces sites, une explication, à nouveau. Un objet matériel, tel l'eau dans un verre, est fait de molécules. Pour l'eau du verre, ce sont des objets tous identiques, que l'on nomme des molécules d'eau. Et l'eau est liquide parce que ces molécules d'eau bougent en tous, un peu comme des boules de billard sur un billard qui serait secoué.
Dans un cristal de sucre, il y a des objets tous identiques, empilés régulièrement : ce sont des molécules de « saccharose », et, cette fois, les mouvements se limitent à des vibrations.
Dans de la vodka, maintenant, c'est un peu (à peine) plus compliqué, parce qu'il y a des objets de deux sortes : d'une part, des molécules d'eau, et, d'autre part, des molécules d'une autre sorte : l'éthanol. Les molécules des deux sortes sont dispersées au hasard, comme des boules jaunes et des boules rouges sur un billard agité. Et, mieux, le fait que la vodka soit à 40 pour cent d'éthanol revient à dire qu'il y a environ six molécules d'eau pour quatre molécules d'éthanol. Les molécules sont des molécules... mais les catégories de molécules sont les composés. L'eau est un composé, et l'éthanol est un autre composé ; le saccharose est un troisième composé. 

Et les composés ont ce nom, parce que toutes leurs molécules des objets d'un même type, tous « composées » d'atomes organisés de la même façon. Par exemple, les molécules d'eau sont toutes composées d'un atome d'une sorte (l'oxygène) et de deux atomes d'une autre sorte (l'hydrogène). Pour les molécules de saccharose, il y a 12 atomes de carbone, 12 atomes d'oxygène et 24 atomes d'hydrogène. 

Lorsque a été mis en ligne le podcast qui explique cela en images, sur le site d'AgroParisTech, je n'étais pas bien fier : que penseraient mes collègues ? Etait-ce bien raisonnable de donner des explications si simples sur le site de la plus grande école d'agronomie du monde ? 

La réponse a été donnée par mes « amis » qui ont visité le site et visionné le podcast : il n'y a finalement eu que des remerciements. C'est-à-dire, en définitive, une invitation à poursuivre dans cette direction, et je me dis que cela serait merveilleux si chaque profession faisait de même : sans « supériorité », simplement, avec la seule volonté de permettre à nos amis qui ont d'autres connaissances de mieux connaître notre propre champ. D'ailleurs, le physico-chimiste qui sait la physico-chimie n'est-il pas le plus souvent parfaitement ignorant de la découpe de la viande (par exemple) ou du travail du bois, que nos amis bouchers ou ébénistes savent parfaitement. 

C'est l'explication amicale de nos métiers qui nous réunira amicalement, tout en nous élevant un peu l'esprit, n'est-ce pas ?

mercredi 13 septembre 2023

Le sucre semoule, pour des pâtes à foncer plus croustillantes ?



Le sucre semoule ferait des pâtes plus fines et plus  croustillantes ?

Dans la question que l'on me pose, je m'arrête, tout d'abord, parce qu'il y a mille sortes de pâtes différentes, et la réponse n'existe sans doute pas pour une question aussi vaste.
Et pour des pâtes à foncer ? Là encore, il y a tant de variations que je doute d'une réponse uniformes.

Et puis : "plus fines"  ? Moi, je sais "fin comme un fil, mince comme une feuille". Que veut dire mon interlocuteur ?

Enfin, croustillant, ou croquant ?

Mais si j'acceptais de répondre, je dirais... que je n'en sais rien et que je n'y crois guère à l'effet annonce. Mais peu importe ce que je crois, car, ce qui compte, c'est l'expérience, et l'expérience doit être faite dans des conditions rigoureuses.

On doit partir doit faire deux pâtes avec la même quantité de  farine, de beurre et d'eau. On doit  travailler les deux pâtes exactement de la même façon, pendant le même temps, chronomètre en main. On doit ensuite abaisser les deux pâtes de la même façon, et les cuire ensemble dans le même four.

Si l'on change rien qu'un paramètres, on n'aura aucune certitude que ce n'est pas le changement des paramètres qui est responsable du changement final.

Et voilà notamment ce qui est enseigné lors des séminaires de gastronomie moléculaire auquel je vous invite soit en présentiel soit  en ligne, avec les liens qui sont donnés à tous ceux qui les demandent.
Les séminaires de gastronomie moléculaire ont lieu au Lycée Guillaume tirel que je remercie vivement de nous accueillir, généralement le  deuxième mercredi du mois, de 16 à 19 heures.
Les expérimentations et les discussions donnent lieu à des comptes rendus rédigés, assorti de photos, qui sont d'abord soumis aux participants, afin qu'ils puissent corriger éventuelles erreurs, avant d'être diffusés très largement. Et tout est en ligne sur le site du Centre  INRAE-AgroParisTech de gastronomie moléculaire et physique.

Le sucre glace et l'humidité

 

Un correspondant m'interroge, avec cette question :

"Le sucre glace absorbe l’humidité des autres ingredients pour donner une texture plus tendre et moelleuse (avec sucre glace amylace 3 % amidon) amidon et silice agissent en tant d’anti-agglomerant" [sic]


Ma réponse est : "Oui et non".

Oui le sucre glace absorbe l'humidité facilement, mais non, je n'ai aucune certitude au fait qu'il puisse produire des plates à foncer plus moelleuses.

Commençons par le sucre glace. C'est du sucre qui a été moulu très finement : on peut en produire soi-même soit en mettant du sucre dans une poêle et le l'écrasant à l'aide d'une casserole, soit avec un moulin à café, soit avec un rouleau à pâtisserie...
Dans le sucre glace, les cristaux sont divisés en cristaux beaucoup plus petits.
Dans l'industrie, pour produire un sucre glace qui ne s'agglomère pas, on lui ajoute un anti-agglomérant, ou antimottant.

Mais commençons par voir pourquoi il y a ce problème. Les cristaux de sucre sont des empilements réguliers de molécules toutes identiques que l'on nomme des molécules de saccharose.

Le saccharose est  un composé, c'est-à-dire une catégorie particulière de molécules  : les molécules de saccharose.
Et ces molécules de saccharose ont des propriétés chimiques qui ressemblent à celle de l'eau, parce qu'elles composées notamment de huit atomes d'oxygène lié chacun à un atome d'hydrogène. Or ce groupe de deux atomes, que l'on nomme groupe hydroxyle, est susceptible de se lier à une molécule d'eau, où l'on trouve aussi -notamment- un atome d'hydrogène lié à un atome d'oxygène.

Les "liaisons hydrogène", qui peuvent lier une molécule de saccharose à une molécule d'eau, est pour la raison pour laquelle les molécuels de saccharose peuvent fixer  des molécules d'eau de l'atmosphère, ce qui provoque leur dissolution dans l'eau, vu la petite quantité de cristal (on se souvient qu'is sont très petit).

Ce genre de "déliquescence" se produit notamment pour le sucre  et pour le sel  : par exemple, les marins savent bien qu'il faut mettre des grains de riz dans le sel sur leur bateau, sans quoi on voit la boîte à sel plein d'eau absorbé par les boites à sel des bateaux, car le sel capte l'eau, et s'y dissout.

Pour le sucre, il est probable que, dans les conditions habituelles, la surface des cristaux de sucre est couverte d'une mince pellicule d'eau, invisible évidemment.
Mais cela a des conséquences, à savoir que, quand deux cristaux de sucre sont voisins, alors ils peuvent coller entre eux par les couches d'eau, et former des agglomérats.

Ce qui n'est pas très gênant pour le sucre cristal ou du sucre semoule le devient pour du sucre glace, d'où l'importance des anti-mottants.

Ces derniers sont soit de l'amidon, soit de la silice (du sable parfaitement pur et propre, en quelque sorte). Et, évidemment, les industriels ne déposent que des couches très minces de ces produits, à la surface des cristaux du sucre glace.

Donc oui, finalement, le sucre glace absorbe l'eau de son environnement, et cela d'autant plus que sa surface exposée est grande.
Pourquoi cette surface est-elle grande ? Parce que les cristaux sont petits. Imaginons un cristal de sucre cristal sous forme d'un cube de côté égal à un. L'aire d'une face serait 1x1, soit 1. Et comme un cube a six faces, l'aire qui peut absorber l'eau de l'environnement serait de 6. Si l'on divise le cube en huit cubes plus petits, de côté égal à 1/2, alors la face d'un des petits cube serait de 1/4, donc l'aire d'un petit cube serait de 8 fois 1/4, soit 2, et comme il y a 8 cubes, l'aire totale des surfaces de cube serait de 8x2, soit 16... ce qui est supérieur à l'aire du cube initial. Dans du sucre glace, les cristaux ont moins d'un dixième de millimètre de côté, contre 40 fois plus pour le sucre cristal : cela implique que l'on a divisé, et divisé, et divisé, de sorte que l'on a considérablement augmenté la surface par laquelle une masse donnée de sucre peut capter l'eau !

Mais la question de mon correspondant n'est pas là. Elle est que le sucre cristal ferait (j'utilise un conditionnel) des pâtes plus moelleuses. Est-ce vrai ? Je ne le sais pas, et cela pourra faire l'objet d'un futur séminaire.