mercredi 13 septembre 2023

Baking soda et bicarbonate

 

Un correspondant me dit :

"L'ajout de baking soda(acide) reagit avec le bicarbonate de soude)". [sic]

 

Qu'en penser ? Que c'est ahurissant... car le baking soda, c'est précisément le bicarbonate de soude !

J'ai déjà souvent considéré les "poudres levantes" dans mes billets, notamment pour dénoncer la dénomination fautive et trompeuse de "levure chimique", et il est vrai que dans certains pays, on utilise du "baking soda", que certains professionnels utilisent du "bicarbonate", et cetera.

La question est la suivante : il s'agit de produire des bulles de dioxyde de carbone quand la préparation sera chauffée. C'est bulles feront gonfler la pâte.

Commençons par l'expérience simple qui consiste à mélanger de du bicarbonate (de sodium) avec de l'acide tartrique. L'acide tartrique est un acide  et le bicarbonate est une base : ces deux composés peuvent réagir... mais pas à sec  : si nous mélangeons les deux poudres, il ne se  passe rien. En revanche, dès que l'on ajoute un peu d'eau, on voit une vive effervescence, signe de la réaction.

L'important, pour les poudre levantes c'est qu'elle soit stables dans la pâte mais que la réaction se fasse lors de la cuisson, et c'est ainsi que les fabricants de poudres levantes ont composé des mélanges bien plus efficaces que notre simple mélange d'acide tartrique et de bicarbonate. Il faut aussi les composés dans les proportions intelligentes c'est-à-dire sans qu'il y ait trop d'acidité qui rendent la préparation impossible à manger. Bref, il y a lieu de faire des poudres levantes "professionnelles", bien faites, qui libèrent autant de gaz que possible et au bon moment.

En tout cas, le bicarbonate ne réagira pas avec le baking soda... car le baking soda, c'est précisément du bicarbonate !

Eviter les "retrecissements" ?

"Comment éviter "les rétrécissements" des pâtes ?", me demande-t-on ?

En réalité, il s'agit moins de rétrécissement que de rétraction, un terme que l'on ne confondra pas avec "rétractation".  La rétractation, c'est ce que fit Galilée sous la menace de l'Inquisition, quand, ayant osé penser que la Terre tourne autour du Soleil et non l'inverse, il fut conduit à abjurer cette cité qui était contraire à l'écriture.

La rétraction, en revanche, le fait de se rétracter, de voir des dimensions se réduire.

Mais rien ne vaut une expérience : commençons par faire une pâte à foncer, avec farine, beurre, un peu d'eau, et abaissons là au rouleau ; immédiatement, avec un emporte-pièce carré, coupons la pâte... en laissant  l'emporte-pièce en place. Après une dizaine de minutes, on verra que la pâte s'est rétractée, à savoir qu'il y a une distance entre la pâte et les bords de l'emporte-pièce.

Cette expérience est est le résultat d'un séminaire de gastronomie moléculaire qui a montré que des repos d'une nuit n'ont aucun intérêt. Non seulement, nous n'avons pas vu d'effet avec un long repos, mais, surtout, nous avons compris que c'est l'abaissement final qui étire le gluten, de sorte que la rétraction intervient ensuite, dans les 20 minutes qui suivent l'abaissement.

Les explications sur la rétractions ? Voir mon livre Les secrets de la casserole. 



Les détails sur les expérimentations du séminaire : voir le compte rendu correspondant.

La décomposition des protéines et des amidons lors du repos d'une pâte ? Je n'y crois pas.

 

Un correspondant me tend la phrase suivant :

"Le repos aiderais aussi a ce que les proteines de la farine et les amidons se decomposent et donc accelerent le processus de brunissement au four pour obtenir une saveur plus prononce." [sic]


Le repos d'une pâte favoriserait la décomposition des protéines et de l'amidon lors de la cuisson ? Je ne sais pas d'où cela peut sortir et je ne crois pas que cela soit vrai, car les protéines (plutôt que "proteine") et les molécules de l'amidon (plutôt que "les amidons") n'ont aucune raison chimique de de décomposer.

Mais, cela dit,  je ne vais certainement pas chercher des explications théoriques à un phénomène auquel je ne crois pas, car  il m'est  trop souvent arrivé de tomber dans le piège de la demande d'explication à des phénomènes qui n'existaient pas,  et l'on se sent bien ridicule quand on fait l'expérience et qu'on voit qu'il n'y a aucun phénomène à interpréter.

Ici, il y a donc lieu, tout d'abord,  d'organiser une expérience correcte, qui consiste à prendre une pâte, à la diviser en deux moitiés, à diviser chaque moitié en 3 ou 4 échantillons, et a commencer par cuire les quatre échantillons d'une même moitié en différents endroits, dans le même four qui aura été préchauffé et réglé à une température bien connue. On enfournera les quatre éléments quand le four aura atteint son équilibre, et l' on cuira pendant un certain temps ; puis on sortira les ingrédients les échantillons du four.  Le lendemain, par exemple, on prendra les quatre autres échantillons et on leur fera subir le même traitement. Puis, on effectuera les tests triangulaire soit pour la couleur soit pour le goût avec chaque fois trois échantillons à raison de deux d'une sorte et un de l'autre sorte, numérotés et donnés à déguster dans un ordre aléatoire ,à plusieurs reprises. On ne demandera qu'une chose aux jurés, à savoir "Pouvez-vous nous dire lesquels sont les deux échantillons du même lot ?".
Et c'est seulement suite que l'on cherchera des explications... s'il y a lieu de le faire !

Pas d'acides dans le sucre

 

Un correspondant soumet à mon analyse la phrase suivante :

"Dans les pâtes à foncer, le bicarbonate bicarbonate de sodium ferait lever la pâte par réaction avec les acides présents dans le sucre."

Comment a-t-on pu inventer cela.... sachant qu'il n'y a pas d'acides dans le sucre ????????

Certes le bicarbonate peut réagir avec des acides pour libérer du dioxyde de carbone  : on le voit simplement en ajoutant du bicarbonate à du vinaigre blanc, lequel, lui, contient bien un acide, à savoir l'acide acétique.

Certes, le bicarbonate peut libérer du dioxyde de carbone,  qui fait éventuellement lever une pâte : d'ailleurs, si l'on chauffe de l'eau avec du bicarbonate, on voit l'eau mousser.

Mais  ce qui est vraiment choquant, ce sont ces prétendus acides qui seraient dans le sucre.
Non,  le sucre ne contient pas d'acides, et d'ailleurs le sucre de table  blanc est une forme quasi pure (plus de 99 pour cent) de saccharose. Disons le différemment : le sucre, ce sont des grains formés par l'empilement régulier des molécules de saccharose.
Autrement dit, il n'y a que des molécules de saccharose, et aucun acide.

D'où vient cette élucubration des acides dans le sucre ?  Décidément je m'étonne sans comprendre.



Les anti-mottants du sucre glace ?

 

Dans l'expérience de l'effet sucre, où du sucre défait le réseau de gluten d'une pâte à foncer, le fait que le sucre soit du sucre glace amylacé  ou du sucre glace silicé peut-il avoir une influence ?

Je renvoie sur un autre billet pour l'expérience de l'effet sucre, qui correspond à la destruction du réseau de gluten par le sucre dans une pâte.
 J'ai expliqué précédemment que cet effet était plus rapide avec le sucre glace qu'avec des cristaux plus gros, car, à masse égale, le sucre glace a une plus grande surface exposée, de sorte qu'il se dissout plus rapidement dans l'eau qu'il prend aux protéines du réseau de gluten : les cristaux du sucre glace se dispersent bien plus à masse constante et il se dissolvent très rapidement.
Pour des cristaux plus gros, c'est couche de molécules à couche de molécules que le cristal se dissout.

Il est exact qu'il y a deux types de sucre glace : le sucre glace silicé et le sucre glace amylacé, que l'on distingue par une autre expérience, qui consiste à déposer du sucre glace dans l'eau chaude : si l'on voit un trouble, c'est que les cristaux de sucre avait été enrobés d'amidon, qui s'empèse dans l'eau chaude. En revanche, si l'on voit un petit dépôt, c'est que le sucre glace était "silicé", avec le dépôt de silice (comme du sable parfaitement pur et propre, insoluble dans l'eau) sur les cristaux.
Dans cette expérience, on voit bien que la silice et l'amidon ont un effet, mais l'ont-ils lors de l'effet sucre ? En pratique, je n'ai vu personne qu'il établisse et de toute façon, la quantité d'amidon ou de silice est extrêmement faible : c'est une couche infiniment mince à la surface des cristaux et pour l'instant, avec tous les sucres glaces, j'ai vu ce même effet sucre très rapidement, sans différence pour les sucres amylacés ou silicés. Observons quand même que la quantité d'amidon, pour le sucre amylacé, est inférieur au pour mille !



Attention au botulisme !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

 Attention au botulisme !

Ces deux dernières années, il y a eu des batailles autour de l'utilisation des nitrites dans les charcuteries, et les opposants aux nitrites balayaient généralement d'un revers de la main la possibilité de botulisme, c'est-à-dire d'intoxication très grave par la bactérie Clostridium botulinum, qui libère une toxine mortelle.
Le botulisme semblait loin à ces personnes, même quand on leur rappelait qu'il y a peu d'années, des tapenades artisanales avait envoyé à l'hôpital toute une série de consommateurs.

Là, hier, une personne est morte d'avoir consommé des sardines en boîte artisanales, en Gironde., et sept  autres personnes sont dans un état très grave.

C'est l'occasion de rappeler à tous ceux qui en ont besoin qu'on ne joue pas impunément avec les conserves, notamment celles de viande et de poisson.

Mais pas seulement ! Il y a peu, un journaliste spécialisé en cuisine et gastronomie m'a signalé que certaines de ses conserves avaient gonflé, en août.
L'été, avec ses chaleurs, est l'occasion de voir les conserves mal faites se dégrader.
On répétera jamais assez que, quand il n'y a ni sel, ni acide (vinaigre, par exemple), ni sucre, ni fumage, etc., alors il y a des possibilités pour que des micro-organismes pathogènes puissent se développer et parmi eux, le terrible Clostridium botulinum.

Bien sûr, il existe  de bons micro-organismes, tels ceux qui font le vin, la bière, les yaourts... mais il y a aussi les mauvais et, je le répète, ce sont surtout les conserves de viande et de poisson qui devront faire l'objet de préparations rigoureuses, par des personnes formées à la préparation de ces produits.

N'importe qui ne peut pas s'improviser charcutier, par exemple et c'est l'occasion aussi de signaler que le professionnalisme est important non pas seulement pour donner bon goût aux préparations alimentaires, mais, surtout, pour éviter d'empoisonner les convives !

Pas de cautérisation pour les viandes sautées

 
De nombreux livres de cuisine indiquent que l'on doit saisir les viandes sautées afin de cautériser la chair, d'empêcher le jus de sortir. Que penser de cette prescription ? 

 

Faisons l'expérience de poser un steak dans une poêle très chaude, et observons : nous entendons du bruit, nous voyons des bulles à la base du steak, et nous voyons aussi une fumée s'élever.
Si nous mettons un verre froid dans la fumée, nous le voyons se couvrir de buée, ce qui montre que de l'eau s'évapore de la viande... ce qui est bien naturel, puisque l'on chauffe de la viande, laquelle est faite de 60 pour cent de protéines et de 40 pour cent d'eau. 

Disposant de cette première observation, nous pouvons maintenant comparer deux poêles où cuisent deux moitiés d'un même steak, l'une chauffée doucement et l'autre chauffée très fort.
Dans les deux cas, il y a de la fumée. Autrement dit, que l'on chauffe doucement ou énergiquement, de l'eau s'évapore ; autrement dit, si par hasard il y avait cautérisation, cette dernière ne préviendrait pas efficacement la sortie du jus ! D'ailleurs, prenons un steak sauté vivement et posons-le dans une assiette : rapidement, la viande surmonte une flaque de jus, preuve que la cautérisation ne prévient pas la sortie du jus. 

Pourquoi cette prescription, alors ? Parce que si l'on cuit lentement une viande, un thermocouple que l'on placera sous la viande, au contact de la poêle, montrera une température constante de 100° : c'est l'indication que le débit de sortie du jus de viande est supérieur à la vitesse l'évaporation du jus.
En revanche, si nous sautons très vivement la viande, nous pouvons observer que la température sous le steak argumente considérablement, atteignant 180, 200, 250°, signe qu'il n'y a plus d'eau liquide et que, contrairement au cas précédent, on n'est pas en train de faire bouillir la viande.
De ce fait, les réactions chimiques responsables de la formation de composés sapides, odorants, colorés ont lieu, et la surface de la viande prend un goût bien particulier. Comment rendre cela quantitatif ? Bien sur, il y a eu la mesure de la température sous la viande, mais pourrions-nous faire un modèle ? Nous pourrions vouloir calculer l'épaisseur de la croûte. A cette fin, il faudrait déterminer la puissance transmise à la viande, ce qui pourrait se faire en remplaçant la viande par une petite coupelle pleine d'eau. En mesurant la température de l'eau, on pourrait suivre l'échauffement, et déterminer la puissance de chauffage. Puis, de ce fait, on pourrait calculer l'épaisseur de la croûte formée. 

Et c'est alors le début d'une longue histoire, celle d'une exploration scientifique de la cuisson des viandes.