Sortant d'un jury d'examen culinaire, j'ai eu, pour de trop nombreuses assiettes, des éléments qui manquaient de goût.
Par exemple pour un filet de poisson qui avait été sauté. Personnellement, si j'utilise du beurre, j'aurais sans doute fait un bon beurre noisette, qui aurait donné du goût au poisson.
Mais j'aurais, certainement, aussi, salé ce beurre noisette, je l'aurais citronné, par exemple, afin que le dessous du poisson, comme le dessus qui était grillé, prenne un goût intéressant.
D'ailleurs, on se limite souvent à saler le dessus des ingrédients, mais il ne faut pas oublier que, pour de nombreux plats, la partie inférieure aussi doit avoir du goût, car elle n'est pas toujours mangée avec la partie supérieure, de sorte qu'elle doit être également assaisonnée.
Finalement, cela me conduit à penser à saler l'assiette par-dessous et par-dessus.
Et, pour terminer (très provisoirement) cette analyse, comment oublierais-je ce conseil du merveilleux Emile Jung : "une partie de violence, trois parties de force, neuf parties de douceur".
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 10 décembre 2022
Dans un plat, il doit y avoir du goût, n'est-ce pas ?
vendredi 9 décembre 2022
La décantation
La décantation ? C'est une opération physique et non chimique.
La décantation est un procédé utilisé en cuisine depuis longtemps. Par exemple, si l'on réunit de l'eau et de l'huile dans un récipient, nous savons tous bien que l'huile viendra flotter à la surface de l'eau.
Il suffit donc d'incliner doucement le récipient contenant l'eau et l'huile pour que s'écoule d'abord l'huile, et que l'on ne conserve que l'eau dans le récipient.
La séparation est une décantation.
De même, quand il y a des particules qui sédimentent au fond d'un liquide, on peut effectuer une décantation, en inclinant le liquide pour récupérer le liquide qui surnage.
La décantation est un procédé très ancien qui, dans la mesure où l'on chauffe pas, ne s'accompagne pas de réarrangement d'atomes en molécules nouvelles : les molécules initialement présentes, d'eau d'une part et d'huile d'autre part, dans le premier des exemples considérés, restent des molécules d'eau ou des molécules d'huile.
Il y a à la fin, en deux groupes séparés certes, les mêmes molécules qu'au début.
De même pour l'exemple de la décantation du liquide avec les particules solides : les molécules du liquide ne changent pas au cours du procédé, et les particules solides, également, restent identiques à elles-mêmes.
Car on a dit il y a juste titre que la chimie est la "science du feu" : cela signifie que les modifications qui ont lieu lors de réactions étudiées par la chimie sont d'une énergie comparable à celle d'un chauffage.
Et il est vrai que si l'on chauffe du sucre, ou du fer réduit en poudre, ce que l'on nomme de la limaille de fer, alors il y a des rangements des atomes : le sucre caramélise, parce que les atomes des molécules de saccharose du sucre se réorganisent. Et, dans le deuxième cas, le dioxygène de l'air vient réagir avec les atomes de fer pour former des oxyde de fer : le dioxygène a été transformé, le fer aussi. Et c'est cela qu'étudient les chimistes, raisons pour laquelle on peut parler de "réactions chimiques" (mais quand les chimistes n'étudient pas les réactions, ce sont seulement des réactions moléculaires, ou des réarrangements d'atomes).
La construction d'une assiette : il faut construire, et pas seulement juxtaposer
On n'a pas suffisamment expliqué que construire une assiette, c'est... construire une assiette, et pas seulement y disposer des éléments séparés.
Imaginons une assiette qui soit composée d'un filet de poisson, de riz, et de croquettes d'aubergine. Si, dans l'assiette, il y a d'un côté le poisson, de l'autre le riz, et enfin l'aubergine, alors c'est en réalité trois assiettes qui sont présentes, et pas une seule. De ce fait, si l'on mange séparément les trois éléments, il y a de fortes chances pour qu'ils soient un peu "tristes".
Et si l'on veut associer les trois éléments, comment le faire ? Personnellement, je ne sais jamais comment je dois faire.
Bien sûr, s'il s'agit simplement de nutriments, peu importe l'ordre, et je fais selon mon choix, selon mon appétit, selon mon envie...
Mais s'il y a une œuvre culinaire réalisée par un artiste, alors il doit y avoir une raison pour le choix du poisson, du riz et de l'aubergine : quand je mange ces différents éléments, je dois être guidé... ce qui conduit presque immanquablement à superposer les éléments, et non pas à les juxtaposer.
Se pose alors la question de la construction et l'on comprend bien que le résultat ne sera pas le même si on met le riz dessous et le poisson dessus, ou inversement, par exemple.
C'est tout cela l'enjeu du constructivisme culinaire, que nous avons discuté tant de fois avec mon ami Pierre Gagnaire : préparer une assiette, c'est faire une construction... des mots qui doivent nous faire souvenir que Marie-Antoine Carême, le cuisiniers des empereurs, avait introduit la "cuisine monumentale" : il ne s'agissait pas seulement de reproduire des bâtiments en sucre, mais, au contraire, de construire les plats.
jeudi 8 décembre 2022
Pour les légumes, fruits, viandes, poissons
Pour les légumes, fruits, viandes, poissons
Dans des billets précédents, nous avons vu que l'eau est faite d'objets sous identiques que nous avons nommés des molécules d'eau, que l'huile est quasiment faite d'objets tout très semblables, que nous avons nommés des molécules de triglycérides, que les cristaux de sucre sont des empilements d'objets tout identiques que nous avons nommés des molécules de saccharose, et nous avons conclu qu'il y avait des molécules partout dans la matière que nous avons en cuisine.
C'est exact, et c'est également exact pour des matières plus compliquées comme les tissus animaux végétaux, c'est-à-dire les viandes, poisson, fruit, légumes...
Nous avons commencé l'examen des tissus vivants avec le blanc d'oeuf, que nous avons vu être constitué de beaucoup de molécules d'eau et de quelques molécules de protéines, mais nous voulons maintenant nous attaquer à des tissus vivants, et plus particulièrement à ces tissus vivants que sont les feuilles de végétaux.
Cette fois-ci, à l'œil nu, nous voyons une matière molle, mais qui ne coule pas et verte généralement.
Et là, si la loupe ne nous montre rien de particulier, le microscope, lui, est utile parce qu'il nous montre une compartimentation : la feuille est faite de petit sacs collés les uns aux autres, ce que la biologie a nommé des "cellules".
J'insiste : pas des "molécules", mais des "cellules".
En revanche, je n'insiste pas sur le fait que ces cellules sont vivantes, car je veux me concentrer sur leur matière.
Pour ces cellules, il y a donc l'intérieur et l'enveloppe. Et l'Intérieur, semble assez homogène, mais un microscope très puissant nous montrerait, là encore, qu'il y a essentiellement des molécules d'eau.
Pas exclusivement, bien sûr, mais en très grande proportion.
Pour les parois des cellules, en revanche, le microscope extraordinairement puissant nous montrerait qu'il y a des sortes de piliers, ce que l'on nomme de la cellulose, les fibres de cellulose plus exactement, qui sont reliés par des sortes de cordages, qui sont encore des molécules, mais, cette fois, des molécules de pectine.
Les fibres de cellulose sont constitués de molécules de cellulose, et l'on voit donc que la cellule est à nouveau un assemblage structuré de molécules.
J'ai dit qu'il y avait beaucoup d'eau dans les feuilles des végétaux, et cela est vrai : dans une feuille de laitue par exemple, 99 % de la masse, c'est de l'eau, des molécules d'eau, et c'est seulement ce petit 1 % supplémentaire qui fait que la feuille ne coule pas, d'une part, et, également que la cellule est vivante, qu'elle peut fabriquer d'autres molécules à partir de l'humidité de l'atmosphère, du dioxyde de carbone de l'air et de la lumière.
Oui, les cellules sont comme des "usines" faites de molécules et qui fabriquent d'autres molécules.
Ce phénomène de fabrication de molécules est nommé photosynthèse, et il résulte de l'action d'une foule de molécules présentes dans la cellule et que je n'ai pas encore discutées, parce que leur quantité est très faible : je répète qu'une feuille, c'est 99 % d'eau.
Mais là le un pour cent, qui est secondaire en masse, est évidemment essentiel pour le fonctionnement de la cellule, pour sa vie et pour la production des molécules qui sont fabriquées dans la feuille.
Ces molécules fabriquées dans la feuille, ce sont surtout des sucres, des acides aminés qui sont ensuite redescendus dans les autres parties du végétal.
Concluons cette affaire en répétant que les tissus végétaux sont donc majoritairement faits d'eau mais que la structure qui est la leur permet la vie de la plante et, par le dioxygène qu'elle produit, la vie des animaux.
Le directeur, le président, sont responsables des situations catastrophiques qui se présentent sous leur direction, sous leur présidence
Je sors d'une discussion à propos de direction, de présidence.
Dans cette discussion, j'ai proposé des idées simples et juste : si un organisme est défaillant quand il est dirigé ou présidé, la responsabilité de la défaillance en incombe entièrement au président ou directeur.
Un point, c'est tout.
On a beau arguer des circonstances difficiles, des contingences imprévues, et cetera, je propose de ne pas oublier que le directeur, le président, qui ont accepté leur charge ont également accepté de l'effectuer dans les conditions qu'ils connaissaient (ou auraient dû connaître), et qu'ils ont l'entière responsabilité des résultats, soit en bien, soit mal.
J'insiste : on ne pourra jamais exonérer ces personnes de catastrophes qui ont lieu sous leur direction, sous leur présidence.
Si catastrophes il y a, de telles personnes doivent être désignés comme médiocres du point de vue de la direction, de la présidence.
Après tout, ces personnes se seraient tapé sur la poitrine, auraient été honorées, si les résultats avaient été bons ; elles doivent donc être sanctionnées en cas de désastre. Avec des droits, il y a des devoirs et vice et versa
D'ailleurs, je termine en rappelant que l'on peut faire une différence entre des obligations de moyens et des obligations de résultats.
Pour un médecin, il n'y a qu'obligation de résultats : on ne sauve pas les vies quand elles ne sont pas sauvables.
Mais pour un étudiant qui passe un examen, il y a obligation de résultats.
Et pour un directeur ou un président, également : obligation de résultats !
Il faut des contrats précis !
Je reviens sur la question des évaluations, au cours des études, et quelle que soit la discipline.
Dans un billet précédent, j'ai discuté la question des évaluations des professeurs par les étudiants, et j'évoquais une difficulté régulière, à savoir que les évaluations sont parfois mauvaises quand le contrat d'études n'est pas clair, quel que soit la qualité du professeur.
Et il est exact que, étudiant en formation initiale (si l'on peut dire), j'ai trouvé détestable l'arbitraire de certains professeurs. Je ne dis pas que ces professeurs étaient mauvais, qu'ils enseignaient des choses fausses sans rien comprendre (ce qui se rencontre !), mais je dis ici que la précision des consignes qu'ils donnaient pour les devoirs ou examens laissait un flou où il y avait place pour l'arbitraire. C'est cela surtout que nous leur reprochions.
Dans une évaluation, qui correspond donc à une sorte d'examen, il y a lieu que la commande soit claire. Et j'ai bien vu des collègues très dévoués, très gentils, très impliqués, qui étaient mal évalués parce que le contrat qu'ils proposaient ne pouvait pas être respecté... et qu'il ne l'était donc pas.
Là, je sors d'un examen de cuisine, où j'ai retrouvé ce même flou, qui était d'ailleurs aggravé par des différences entre les différents membres du jury.
D'une part, quand les mots de l'énoncé ne sont pas justes, ou quand ils sont flous, ou discutables, les membres du jury ne peuvent pas s'accorder sur les évaluations qu'ils font puisqu'ils n'évaluent pas les mêmes chose.
Par exemple si l'on demande d'évaluer la "saveur" d'un plat, alors quelqu'un qui n'a pas un usage affuté des mots jugera le sans doute le goût tandis que quelqu'un qui sait ce qu'est la saveur jugera... la saveur. Ce n'est pas la même chose !
De ce fait on comprend bien que les mots utilisés dans le contrat didactique sont suprêmement importants. Mais au-delà des mots, il y a les contenus, et là encore, la question se pose, car si l'on demande, par exemple, de respecter une disposition dans une assiette, les choses sont claires : la disposition est respectée ou pas. En revanche, si l'on ne stipule pas qu'une sauce doit être conforme à un canon très spécifique, par exemple celui de Joseph Favre, ou celui d'Edouard Nignon, ou celui de Bocuse, alors les étudiants sont parfaitement habilités à produire des choses différentes selon les bases qu'ils utiliseront. Et, en conséquence, les professeurs ne seront pas habilités à les sanctionner de ne pas avoir utilisé la base qu'il avait implicitement en tête.
Il y a donc lieu d'être le plus précis possible, dans la commande.
D'ailleurs j'ajouterai volontiers que, dans l'évaluation, les critères et leur pondération doivent être explicites, parce que si, dans un plat, on ne stipule pas que le goût est essentiel, alors on peut obtenir une sauce parfaitement exécutée du point de l'exécution, et parfaitement ratée du point de vue du goût.
Oui, je veux des référentiels explicites, des critères d'évaluation explicites.
Un plat imposé, dans un examen de cuisine : n'oublions pas les "commandements" de la cuisine
C'est ici que se trouve l'analyse que je fais d'un examen de cuisine que je présidais hier : https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/un-plat-impose-dans-un-examen-de-cuisine/