A friend asks me about making a "note by note cheese". What is it ?
Here is more or less the answer that I gave :
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
A friend asks me about making a "note by note cheese". What is it ?
Here is more or less the answer that I gave :
On m'interroge à propos du "nutriscore" relatif à deux riz qui semblent identiques dans le paquet, mais avec une différence de 5 minutes de cuisson. Pourquoi le nutriscore est-il différent dans les deux cas ?
Je n'ai guère envie de répondre à cette question, parce que je suis sûr que le nutriscore ne sert à peu près à rien comme je l'ai expliqué dans un billet précédent, j'ai même combattu son introduction, car nous mangeons une alimentation et non pas des aliments.
Du point de vue du nutriscore, le beurre est très mauvais... mais nous ne mangeons pas en réalité du beurre ; nous mangeons du beurre dans une préparation ! Chacun sait que le beurre, c'est de la matière grasse, de sorte qu'il ne faut pas en abuser, et le fait qu'il soit classé E est inutile.
Et puis, je me suis quand même exprimé à propos de nutrition ici : https://hervethis.blogspot.com/2019/10/ni-nutrition-ni-toxicologie.html.
Bref, je m'interroge vraiment sur l'intérêt du nutriscore, et tant que je n'ai pas compris qu'il puisse être utile, je ne vais certainement pas aller dans sa direction, en m'y intéressant tant soit peu.
J'ajoute que, à propos de son éventuelle utilité, j'ai entendu l'argument selon lequel certains groupes de la population n'auraient pas les informations élémentaires nécessaires pour choisir leur aliments, mais je crois moins à des nutriscore adressés... à ceux qui savent déjà les lire qu'à des formations pour tous, dès l'école. Mieux j'ai peur que l'énergie et les moyens dépensés pour ces informations ne soient un dévoiement de l'énergie et des moyens que l'on pourrait allouer à des formations nutritionnelles à l'école, pour tous les enfants, sans compter qu'ils feront remonter l'information à leurs parents.
À propos d'une différence de nutriscore entre deux riz, je ne vais donc pas m'y intéresser, mais je vais en profiter pour faire une analyse dont on pourra faire son miel :
1. Au premier ordre, le riz, c'est principalement de l'amidon, à savoir une matière composée de deux sortes de molécules : celles d'amylose, comme des enchainements linéaires (des "fils") et celles d'amylopectine, ramifiées (des "arbres"). Dans les deux cas, il y a des enchaînements de résidus de glucose (voir : ).
2. Or les molécules de l'amidon se dégradent lors de la cuisson, comme le montre cette expérience merveilleuse (une expérience de chimie : oui, j'ai bien dit de "chimie", de quoi faire peur à tous ceux qui détestent bêtement cette science de la nature) qui consiste à utiliser de la liqueur de Fehling pour reconnaître le glucose.
Plus en détails, la liqueur de Fehling est une solution bleue, qui sert de test pour detecter le glucose, quand elle est ajoutée à une solution qui en contient.
Or quand on cuit peu de temps des spaghettis dans l'eau, la liqueur de Fehling reste bleue ; mais quand on cuit longtemps, elle vire au rouge, signe que l'amylose et l'amylopectine ont été "hydrolysés", dégradés, perdant des résidus de glusose.
[Au fait, pourquoi des "résidus" ? C'est ici : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/la-rigueur-terminologique-pour-les-concepts-de-la-chimie-une-base]
Et c'est là une expérience que nous devrions aider tous les enfants à faire, peut-être pas à l'école mais en tout cas au collège !
Le titre est idiot, j'en conviens, car l'avant, c'est l'avant, et l'après, c'est l'après : cette déclaration, d'ailleurs, est sans beaucoup d'intérêt, parce qu'elle manque le point essentiel, n'analyse rien.
Mais, de toute façon, c'est voulu (bien évidemment), car il s'agit surtout, ici, de considérer l'apprentissage.
Et notamment celui de la cuisine : en cuisine, la première exécution d'une recette est, de façon très étonnante, souvent compliquée... alors même que cette exécution est techniquement sans aucune difficulté.
Ainsi, je me souviens, la première fois j'ai fait une mayonnaise, combien la chose me semblait difficile, et notamment parce que le discours qui l'entourait était obscur... sans compter que les recettes se contredisaient.
Je me souviens également de la première fois où j'ai réalisé une sauce béarnaise : là encore, j'étais en quelque sorte intimidé, alors que, en réalité, le procédé est d'une simplicité navrante. Mais, il y avait ce mythe de la sauce béarnaise, sa réputation de pouvoir rater.
Plus généralement, je vois régulièrement, dans les séminaires, des personnes "intelligentes" et "cultivées" qui sont hésitantes par rapport à des recettes qu'elles n'ont jamais faites.
Par exemple, je me souviens du directeur marketing d'une grande société alimentaire (élève d'une des grandes écoles de commerce française) à qui j'avais enseigné à faire de la crème fouettée. C'était amusant, parce qu'il m'avait téléphoné pour m'inviter à diner, ajoutant qu'il avait besoin de moi pour lui montrer comment faire. Et quand il avait fait le geste devant moi, il le réussissait parfaitement... mais il ne savait pas reconnaître qu'il avait obtenu le résultat visé.
Bref, quand on apprend, il y a apparemment un mécanisme un peu étonnant d'appréhension, d'hésitation, d'intimidation... Je ne sais pas pourquoi, mais je n'arrive pas à ne pas mettre cela en relation avec un autre phénomène, qui est celui des expérimentations que nous faisons lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire : chaque fois, nous partons d'une précision culinaire que nous testons expérimentalement.
Evidemment, je cherche à avoir une "théorie", une analyse en termes de phsique ou de chimie, avant les expériences, mais régulièrement aussi, nous obtenons des résultats étonnants.
Ou, du moins, étonnants pour nos esprits, car a posteriori, ils sont souvent bien évidents.
Par exemple, il y a eu cette préparation que nous avons obtenue alors que nous testions une étrange recette de béarnaise, trouvée dans un livre ancien, qui donneait un protocole très particulier, consistant à battre du beurre attendri dans du jaune d' œuf que l'on avait préalablement fouetté pendant un quart d'heure (sic) : nous avons obtenu comme une sorte de crème au beurre, et a posteriori, je trouve ce résultat un peu évident. Pourtant personne ne l'avait anticipé.
Bref, nous devons toujours faire l'expérience, car elle nous surprend chaque fois d'une façon ou d'une autre, et je me dis que nous devrions mieux analyser cette différence entre l'avant et l'après.
Lors d'un cours de gastronomie moléculaire, il y a plusieurs années, j'ai fini par comprendre que la composante technique de l'art culinaire est en quelque sorte sans intérêt, tant c'est facile : battre un blanc en neige, faire une mayonnaise, sauter une viande, cuire une tarte... Quel intérêt que de faire ce qu'une machine ferait mieux ? Et c'est bien la question "artistique", celle du "bon", qui est difficile et essentielle. Sans compter la composante "amour", disons lien social.
Bref, pourquoi certains considèrent-ils qu'apprendre la cuisine est difficile ? Certainement parce que ces trois composantes sont indistinctement mêlées dans l'apprentissage classique de la cuisine, qui n'avait pas appris à les reconnaître... D'où des confusions : par exemple, quand on passe des heures à faire du sucre filé ou tiré, au lieu de comprendre
J'ai aussi trop méconnu la question de l'illettrisme... et l'on me connaît assez pour ne pas penser que j'écrive cela de façon hautaine ou méprisante, mais, au contraire, compatissante. Car oui, les chiffres officiels, qui sont sans doute sous estimés, voient 17 pour cent de Français souffrant d'illettrisme, pour des gens qui ont fait huit ans d'études en France ! Comment lire une recette, dans ces conditions ?
Mais, aussi, il y a ce fait que les recettes ne donnent pas bien, quand elles sont écrites, les "objectifs". Par exemple, dans la confection d'une pâte à chou, un œuf de plus ou de moins fait toute la différence... et cela se détermine à l’œil, car les farines donnent des résultats différents, imprévisibles. De même, pour une pâte à foncer (les "pâtes à tarte"), la quantité d'eau à ajouter se joue à trois fois rien, comme on peut en faire la démonstration en faisant simplement un pâton à partir de farine et d'eau.
Bref, il y a bien des cas, dans les activités du goût, où il faut ajuster à l’œil les proportions des ingrédients, et cela se rencontre souvent quand il est question de pâtes, quand on utilise de la farine...
Raison pour laquelle il est ahurissant que le monde culinaire ait prétendu que c'est pour la pâtisserie qu'il fallait avoir des mesures précises. Je dirais au contraire que c'est pour la pâtisserie qu'il ne faut pas les mesures précises !
Dans un séminaire, nous avions mesuré la "précision" nécessaire pour différentes recettes et nous avions bien montré que cette précision n'était pas la même pour les différentes réalisations. Par exemple, quand on cuit un mince filet de poisson (cuisine), alors tout se joue en quelques secondes. A l'inverse, quand on cuit une brioche (pâtisserie), quelques minutes de cuisson de plus ou de moins sont sans importances.
Lors de ce mêmes séminaire, certains, qui étaient confrontés à l'observation que je viens de rapporter (nous avions fait des mesures) m'ont fait observer que cette précision prétendue concernait les proportions, qui auraient été essentielles en pâtisserie, moins en cuisine. Je crois au contraire que ce n'est pas le cas. Car quand on prépare des pâtes, pensions à des pâtes à choux, à des pâtes à foncer (pour les tartes), et cetera, alors il faut adapter la quantité d'eau à la température, à la nature de la farine, notamment. Et il ferait inconcevable utiliser des proportions fixes, puisque les ingrédients ne le sont pas. Bref, la pâtisserie n'est pas plus précise que la cuisine.
Mais, en passant, observons combien la vidéo est plus utile que l'écrit, pour l'apprentissage de la cuisine : il est très difficile de décrire avec des mots une consistance, alors que l'on voit bien, sur une vidéo, comment la pâte s'écoule ou ne s'écoule pas.
Mais je reviens à ma conclusion : il n'est pas vrai que la pâtisserie sois plus précise que la cuisine.
The method of science ?
https://www.youtube.com/watch?v=coFYUf3GLS4
For me, the thing is perfectly clear, and I spread throughout the world (Lewis Carroll: "what I say thrice is true") the idea that the natural sciences work by
(1) identifying a phenomenon;
(2) quantifying said phenomenon (due to Bacon);
(3) putting the data together in equations (formerly rather misnamed laws);
(4) inducing a theory, by reuniting the equations and introducing new concepts;
(5) finding testable consequences of the theory;
(6) experimental tests showing the inadequacies of the theory, so that one can go back to (1) or (2).
Pour moi, la chose est parfaitement claire, et je diffuse dans le monde entier (Lewis Carroll : "ce que je dis trois fois est vrai") l'idée que les sciences de la nature marchent par (1) identification d'un phénomène ; (2) quantification dudit phénomène (dû à Bacon) ; (3) réunion des données en équations (naguère assez mal nommées lois) ; (4) induction d'une théorie, par réunions des équations et introduction de nouveaux concepts ; (5) recherche de conséquences testables de la théorie ; (6) tests expérimentaux montrant les insuffisances de la théorie, de sorte que l'on peut repartir à (1) ou (2).
A propos de réflexions sur l'intégrité scientifique, je tombe sur une discussion relative au "saucissonnage" des articles.
Les auteurs de cette expression considèrent que c'est une faute de publier de nombreux articles peu différents, sauf un élément mineur... et évidemment je suis approximativement d'accord avec eux.
Mais oublions les cas pathologiques pour se préoccuper des cas généraux. D'abord la question de ce saucissonnage est tout en nuances, car même quand on est honnête, on hésite sans cesse entre publier de gros manuscrits, transmettant une foule de rrésultats, de données, d'interprétations (cela fait des textes indigestes, trop denses, que personne ne lit bien) et de petits articles courts, concis, focalisés.
Pour presque chacun de mes manuscrits, j'hésite entre ces deux possibilités !
On voit d'ailleurs à la façon dont je formule la question combien je suis plutôt en faveur des petits articles concis et bien faits, mais pourquoi ?
Pas pour augmenter mon nombre de publications, ce dont je me moque parfaitement (puisque c'est la production scientifique qui m'intéresse), mais surtout parce que la division en petits morceaux facilite, suscite même, les interprétations. Si nous partons d'un résultat, d'un petit groupe de données, et que nous cherchons des interprétations, nous aurons au total plus de ces dernières... avec de surcroît la possibilité de chercher ensuite des synthèses, donc du méta-méta-résultat, en quelque sorte.
Bref, je ne veux pas manquer une occasion de me stimuler créativement, de me lancer sur des calculs qui feront voir dans les données autre chose que des nombres.
Sans compter que je ne suis pas très intelligent, et que, pour moi (comme pour les autres en réalité), les petites bouchées sont plus facile à absorber que les grosses.
Mais je le répète : il faut se concentrer sur le contenu, pas sur la forme. Et publier point à point conduit à mieux évaluer le chemin que l'on parcourt, nous oblige à imaginer plus que ce que nous faisons, nous donne du temps pour maturer des idées plus difficiles.
D'ailleurs, c'était la stratégie de Pierre-Gille de Gennes, qui partait fréquemment le vendredi soir avec une pile de résultats, et revenait le lundi avec un projet de publication et les calculs correspondants.
C'était aussi la stratégie de Louis Pasteur, un homme que je n'aime pas, mais qui, même s'il a répété jusqu'à des paragraphes entiers de communication en communication, a avancé comme un rouleau compresseur scientifique, avec pugnacité.
Je le répète : Pasteur s'est beaucoup répété, mais ses publications apportent toutes quelque chose, et c'est cela qui compte, non ?
Bien sûr, il n'a pas été honnête rhétoriquement, n'a pas reconnu tous les apports, s'est mis en avant de façon exagérée, n'a pas toujours utilisé son intelligence avec toute la droiture qu'on aurait pu souhaiter, mais ses publications (je parle surtout de la période 1846-1850) ont fait avancer son travail vers la solution de grands mystères.
Enfin, je concluerais qu'il en va ici comme des teintes comprises entre le noir et le blanc : il y a toutes les graduations de gris, et il faut évidemment s'efforcer d'être du bon côté... en conservant cette idée forte : le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.
Les travaux, en sciences de la nature, sont financés par les universités, les instituts de recherche, les académies ; les travaux technologiques le sont par ces mêmes institutions, et aussi par l'industrie.
Quand les financements viennent de l'industrie, alors c'est une relation contractuelle qui échappe à la production "scientifique", et, d'ailleurs, c'est moins de la production scientifique que du travail technologique, et les institutions publiques qui contribuent financièrement doivent juger de l'intérêt de tels contrats, et de la façon dont elles les considèrent.
Mais pour les travaux scientifiques, les financements se font par l'Etat, qu'il s'agisse des instituts publics de recherche, des universités, des sociétés savantes, des académies. Et là, l'évaluation ne peut pas être confiée à des acteurs privés sans quoi ceux-ci ont plus à coeur de gagner de l'argent dans l'affaire que de faire correctement -et légitimement- le travail que nous envisageons ici.
La première des "évaluations" de la production scientifique est la publication de résultats. Et là, déjà, on comprend que le contrôle ne doit pas être confié à des éditeurs privés, mais aux institutions préalablement citées.
Dans le temps, on avait besoin des éditeurs, dont c'était le métier de procéder à l'impression de journaux, mais avec l'avènement des techniques numériques, les éditeurs ne sont plus d'aucune utilité, et, d'ailleurs, ils se sont outrageusement développé comme des sangsues sur la communauté scientifique. Vite, il faut que les institutions reprennent le contrôle des publications.
Pour ce qui concerne le travail d'expertise des manuscrits, il est fait par les scientifiques, donc il est financé par les institutions déjà évoquées, et des acteurs privés n'ont pas à se mêler de ce qui regarde des relations entre des employeurs et des employés.
Voilà pourquoi je récuse des sites comme Publons, qui, peut-être à l'origine, ont été créés à partir de la bonne intention qui était de vouloir reconnaître ceux qui font des expertises de manuscrits, mais qui sont privés, de sorte qu'ils sont illégitimes.
Il faut donc les académies, les institutions de recherche, les sociétés savantes, reprennent la main sur ces questions-là également.
De toute façon, au 21e siècle, ce n'est pas un gros travail, car l'administration s'est considérablement simplifié ; il n'y a plus de papier, et les coûts ont fondu.
Il faut donc que les institutions fassent leur travail, leur travail d'évaluation indépendant, leur travail de reconnaissance des chercheurs.