mercredi 29 juillet 2020

De la rationalité partout !

1. Récemment, je me suis étonné qu'une jeune amie de notre groupe de recherche ignore comment nous sentons. Oui, pourquoi percevons-nous les odeurs ?

2. Je m'étonnais de cette ignorance, tout comme je me suis étonné, il y a plusieurs décennies, quand, âgé de vingt ans, j'avais rencontré une personne de mon âge qui ignorait que la Terre est une boule dans le vide de l'espace.

3. Là, je viens de comprendre que mes étonnements sont peut être hors de mise : pourquoi ne pas admettre que l'on puisse s'intéresser à tout autre chose que les mécanismes du monde, à ses caractéristiques ? Pourquoi ne pas considérer que d'autres puissent se focaliser sur les relations interpersonnelles, par exemple, ou bien l'histoire, l'économie, que sais-je ?

4. L'école, puis le collège et le lycée donnent des informations dans les limites des référentiels (les "programmes"), et si des notions d'astrophysique élémentaire sont présentes, les mécanismes de l'olfaction ne sont pas abordés : notre jeune amie a une excuse.

5. Doit-on toutefois l'accuser de manque de curiosité ? Après tout, l'éventail des connaissances possibles est infini, et ce serait un mauvais procès, même si le monde où nous vivons mérite quelque considération, avant les êtres qui l'habitent.

6. Mais bon, qu'importe, car le présent billet a un autre but : bien reconnaître qu'il y a lieu de donner simplement des explications des phénomènes les plus courants. D'ailleurs, à l'origine de cette série de billets, il y a eu ceux qui étaient consacrés au brunissement des feuilles des arbres en automne, par exemple. Oui, la chimie, cette science mal connue, mérite d'être "communiquée", par ce qu'elle nous dit des changements de notre environnement.  En cuisine, mais pas seulement !

7. Et il y a lieu de donner des explications simples, pas les calculs qui fondent ces explications, mais qui rebutent la majorité d'entre nous. Certes, il y a alors un peu de paternalisme, comme dans les "on démontre que" des cours de mathématiques, quand un professeur veut aller rapidement au résultat, pour des "conducteurs de voiture"  plutôt que pour des "mécaniciens".

8. D'ailleurs, il y a lieu de penser à des explications expérimentales, jamais contestables, car on se souvient avec le physicien italien Galilée (1564-1642), un des pères de la science moderne, que ""Un bon moyen pour atteindre la vérité, c'est de préférer l'expérience à n'importe quel raisonnement, puisque nous sommes sûrs que lorsqu'un raisonnement est en désaccord avec l'expérience il contient une erreur, au moins sous une forme dissimulée. Il n'est pas possible, en effet, qu'une expérience sensible soit contraire à la vérité. Et c'est vraiment là un précepte qu'Aristote plaçait très haut et dont la force et la valeur dépassent de beaucoup celles qu'il faut accorder à l'autorité de n'importe quel homme au monde."





mardi 28 juillet 2020

Rendre compte de nos talents


"Nous devrons compte de nos talents"... C'est là une expression que l'on trouve dans des textes de religion, et qui signale que, le grand jour venu, nous serons jugés de l'usage que nous avons fait des dons que nous avons reçus.

L'idée me déplait pour deux raisons : d'une part, la vertu étant sa propre récompense, ce n'est pas en vue de ce jour-là que nous aurions intérêt à considérer l'usage que nous faisons de nos talents, mais, surtout, il y a cette questions des "talents" ou des "dons", qui laisse croire que tout tombe tout cuit du ciel, alors que je maintiens, au contraire, que c'est le travail qui engendre le talent. Je ne crois pas aux "dons", aux "talents" au sens initial, chrétien, et je déteste même cette idée, même si je vois dans les circonstances de nos naissances les germes de notre capacité à travailler et à obtenir lesdits talents. Il ne s'agit pas de richesse, ni même de culture, de milieu, et l'on voit trop des rejetons médiocres de personnalités remarquables, ou inversement tant de belles personnes nées de rien, pour ne pas penser qu'il y a des déterminants encore bien mal connus. Certes, l'éducation aide, ainsi que l'instruction : on parlait naguère de "formation" par les lettres, ou par les sciences... mais plus d'un ou d'une formé avec des lettres ou des sciences n'en a pas fait son miel. Oui, les écoles d'ingénieurs "se reproduisent" : les élèves qui réussissent les concours viennent souvent de famille d'enseignants, par exemple, mais j'étais moi-même dans une école où la promotion accueillait une toute autre sorte de personnes... parce que la scolarité ne coûtait quasiment rien, et que des jeunes de familles défavorisées la choisissait, quand ils le pouvaient : fils de garde barrière et de femme de chambre, fils de pâtre et de paysanne, fils d'agriculteurs, fils d'horloger dans le Jura, fils de... Certes, il y avait aussi des enfants de bourgeois, mais quand même : les talents résultaient de labeur.

Mais je reviens à mon idée initiale : rendre compte de ses talents... Au fond, y a-t-il vraiment une obligation à cela ? Car, dans mon hypothèse, s'il y a talent, c'est bien qu'il y a eu exercice, travail, labeur qui y ont conduit, et il est douteux qu'une personne qui a obtenu un talent s'arrête à l'avoir obtenu sans le mettre en oeuvre, sans en "rendre compte".

Rendre compte ? Compte à qui, d'ailleurs ? A soi ? Aux autres ? A une collectivité à qui nous les devrions ?

lundi 27 juillet 2020

"Ultratransformé" ? La notion est fantasmatique

L'Agence espagnole pour la sécurité sanitaire des aliments et la nutrition (AECOSAN) a publié un rapport sur les notions d’ultra transformation et le manque de robustesse de la définition de ce concept. Les auteurs soulignent notamment qu’il serait préférable de désigner ce concept avec les termes suivant : « aliments transformés de composition complexe ».
Le Comité scientifique conclut qu’il existe encore trop peu d’études mettant clairement en évidence un lien entre consommation d’aliments dits ultra-transformés et impact délétère sur la santé (les effets sur la santé semblant être attribués à certains ingrédients). Les experts considèrent que, pour justifier la nécessité de définir une catégorie d’aliments ultra-transformés ou  «aliments transformés de composition complexe», il serait nécessaire de mener des études épidémiologiques qui comparent l'impact sur la santé des régimes à forte consommation d’ aliments transformés contenant les ingrédients qui semblent contribuer aux problèmes de santé, par rapport aux régimes basés sur des aliments transformés qui n'incluent pas ces ingrédients dans leur composition. 

Décomposition et synthèse de l'eau : des exemples de réactions

 Rubrique :  science/politique/études/cuisine

1. La dissociation de l'eau et la synthèse de l'eau ?  Cela s'apparente à l'expérience effectuée avec la lumière par  le physicien anglais Isaac Newton (oui, l'homme qui a compris que le Soleil attirait la Terre par une force qui diminue en proportion du carré de la distance entre les deux astres, qui a interprété la "gravitation"), au 17e siècle : ce dernier a en effet décomposé la lumière blanche à l'aide d'un prisme, produisant toutes les couleurs de l'arc-en-ciel ; puis il a recomposé de la lumière blanche avec les lumières colorées qui avaient été séparées.

2. L'expérience est vraiment merveilleuse et les enfants devraient tous être conduits un jour à jouer avec des prismes : ce n'est pas difficile à produire, puisque il suffit de tailler un bout le plastique ou, si l'on veut mieux, de verre. Quand on met le prisme devant un faisceau de lumière blanche, on voit ce faisceau s'étaler avec toutes les couleurs de l'arc-en-ciel qui partent dans des directions différentes.

3. On dit que Newton s'enferma dans sa chambre après avoir obturé les fenêtres avec des rideaux, ne laissant qu'un trou dans ces derniers devant lequel il mit le prisme pour faire ses expériences. Puis, ayant séparé la lumière blanche en ses diverses composantes colorées, il chercha à séparer chacune de ces composantes sans y parvenir : en quelque sorte, chaque composante colorée était donc "élémentaire".

4. En 1776, les chimistes français Macquer et Sigaud de Lafond montrèrent que l'on pouvait synthétiser de l'eau à partir du gaz dihydrogène que l'on fait brûler dans l'air, mais il fallut les travaux de Lavoisier pour que l'on refasse comme Newton, mais pour de l'eau : on peut décomposer l'eau en deux gaz, dihydrogène et dioxygène, puis recomposer ces deux gaz en eau.

5. Aujourd'hui, un enfant peut faire cela. Pour la décomposition, branchons deux fils conducteurs aux bornes d'une pile, et plaçons ces fils dans de l'eau (on peut ajouter un peu de sel pour que l'expérience aille mieux). On voit apparaître des petites bulles sur les. Captons ces gaz, à l'aide de tube retournés, empli d'eau, placés au dessus de chaque fil. Progressivement, le volume de gaz augmente dans chaque tube. Si l'on met une allumette seulement incandescente dans le tube qui contient le dihydrogène, elle se rallume vivement. Et si l'on approche une allumette du tube qui contient le dihydrogène, ce dernier brûle.

6. Enfin, si l'on mélange les deux gaz, et que l'on approche une allumette,  on a une explosion et la paroi du tube se couvre de buée  : on a synthétisé de l'eau.

7. Ces expériences montrent que l'eau n'est pas "élémentaire" : on peut la séparer en des éléments plus simples.

dimanche 26 juillet 2020

Une solution qui bout


J'ai évoqué l'ébullition de l'eau, laquelle (l'eau, pas l'ébullition) est un composé pur, mais je n'ai pas considéré les solutions que sont l'eau salée ou l'eau sucrée.

Commençons par mettre du sel dans l'eau, et l'on voit la température descendre un peu, d'environ 1 degré : l'agitation de l'eau a diminué, parce qu'une partie de l'énergie de mouvement des molécules d'eau a été dépensée, pour séparer les atomes du sel.

Si l'on chauffe, la température augmente comme quand on chauffer de l'eau, mais cette fois, on peut  dépasser 100 °C, et atteindre une température légèrement supérieure de quelques degrés (deux ou trois), notamment quand la solution est saturée en sel.

En tout cas, ce n'est pas en mettant du sel dans l'eau que l'on obtiendra les  130 degrés qu'un cuisinier triplement étoilé a écrit que l'on atteindrait !

Bref, quelques degrés en plus de 100 °C, ce n'est pas grand-chose... mais évidemment on évitera de calibrer un thermomètre dans l'eau salée.

Bref une fois que cette température d'ébullition est atteinte, l'eau s'évapore régulièrement ,et rien ne change plus jusqu'au moment où la sursaturation apparaît, et où le sel se met à cristalliser, mais la température ne change pas.

Avec le sucre, c'est différent, car si le sel ne se dégrade pas la chaleur, le sucre lui, se transforme chimiquement : si l'on chauffe une solution d'eau sucrée, on voit  la température monter jusqu'à 100 degrés, mais avec l'évaporation de l'eau, on voit la température qui continue d'augmenter 102, 103, 104..  D'abord, a solution reste claire, mais la couleur peut changer (jaunir) tandis que l'apparence des bulles évolue.

La température augmente parce que la quantité d'eau diminue,  et l'on est moins dans une solution d'eau sucrée que dans un système nouveau avec des molécules d'eau et des molécules de saccharose (le sucre de table).

Le léger jaunissement que l'on observe est le signe d'une dégradation chimique des molécules de  saccharose, alors même que le saccharose se dissocie notamment en glucose et en fructose.






Puis, quand on atteint la température de 140 degrés environ,  la caramélisation a lieu. Cette fois, la dégradation est franche et elle correspond réaction très énergétique,  qui a été largement étudiée par notre collègue de Grenoble Jacques Defaye.

Mais je n'entre pas dans les détails,  puisque nous sommes ici dans un billet d'expérimentation. Et je me limite à dire ici que cette caramélisation est une réaction plus énergétique que ne le feraient des chimistes dans leurs laboratoires.

samedi 25 juillet 2020

Une réponse que je fais à des étudiants

1. Des étudiants avaient analysé le fonctionnement de leur institution de formation, leurs relations avec leurs professeurs, et ils avaient émis un document que j'ai largement analysé dans des billets précédents.
Surtout, je leur avais écrit pour leur dire combien je jugeais leur démarche utile, à poursuivre, et ils s'étaient étonnés que je leur réponde.

J'ai donc répondu à leur réponse :


Chers collègues
Vous ne vous attendiez pas avoir un retour personnel de la part d'un professeur ? Il est vrai que c'est un peu par hasard que vous l'avez, puisque, en réalité,  j'avais vu traîner une copie imprimée de votre document initial, et c'est par une espèce de curiosité mal placée que j'ai vu que vous évoquiez des questions qui me passionnent depuis des années.

Le débat terminologique qui consiste à savoir s'il faut parler d'étudiants, ou de collègues (jeunes, moins jeunes, etc.), ou même d'amis va bien au-delà du clin d'œil, car je suis resté en réalité un étudiant, qui étudie exactement comme je le faisais à l'ESPCI, avec la même fougue, la même passion, la même curiosité, la même naïveté, le même enthousiasme, et la même envie de partager  avec mes amis ce que je découvre... tout comme je l'étais alors (et je me souviens que le corps professoral me trouvait "remuant", dirions-nous par litote).

Mais, surtout, je me suis toujours indigné des mauvais professeurs... Pas seulement ceux qui nous négligeaient, qui considéraient leur mission comme une "charge", mais aussi ceux qui étaient "techniquement" incapables,  ceux qui ne maîtrisaient pas leurs sujets... Ce sont ceux-là qu'il faut empêcher de nuire.

Mais soyons positifs, car s'il y a de mauvais professeurs, il y en a aussi de bons. Que faisons-nous pour les uns et pour les autres ? Comment nous adaptons-nous à des situations notoires ?  Que fait l'institution  pour ne pas punir les élèves en leur infligeant du médiocre... tout en considérant qu'il y a aussi des élèves qui posent des problèmes ?

Là encore, je propose de sortir de la discussion par le haut, en ne restant pas braqués sur des situations particulières, trop nombreuses pour mériter un traitement général, mais en inventant des formes d'études nouvelles.
C'est ce que j'ai fait  à l'Institut des hautes études de la gastronomie, où les auditeurs (qui payent) évaluent les professeurs ; et pour ne pas mettre de bons intellectuels/mauvais communiquants en situation d'échec, nous innovons dans les formes, avec des visites de Rungis, des promenades dans les vignobles, avec des diners historiques, etc. R
ien de pire que ce format où un professeur isolé est en face d'un groupe d'étudiants, rien de plus clivant : oui, il faut changer cette "lutte des classes.

A minima, il y aurait lieu d'avoir des discussions pour rénover sans cesse les formats d'étude. D'ailleurs, comment supporter que  les  formats d'études ne changent pas ? Le système des études supérieurs aurait-il le privilège d'être le seul qui puisse se fossiliser en toute impunité ?
Et puis, plus positivement, j'ai assez dit que pour le professeur comme pour le cuisinier, l'activité a trois composantes  au moins : technique, artistique, sociale...  mais je vous renvoie, pour ne pas allonger la discussion sur ce point, à mon livre intitulé La cuisine, c'est de l'amour de l'art de la technique.

Bref, vous comprenez que j'avais  un intérêt véritable à vous lire et à vous commenter,  d'autant que vous répondiez à des questions que j'avais posées il y a des années, notamment lors d'un "Débat de l'Agro"...  et je trouve anormal que l'institution n'ait pas répondu à nos remarques d'alors.
J'espère qu'elle saura maintenant répondre... mais j'ai des craintes, car certains de mes collègues plus âgés à qui je m'ouvrais de vos observations ont rétorqué en substance que les élèves font périodiquement ce genre d'observations ; alors...

Oui, mais qu'est-ce qui a été fait pour leur répondre ?   De mon côté, j'ai proposé que l'on mette les individus en face de leurs responsabilités : si les étudiants sont capables d'avoir de l'autonomie, donnons-en leur ! Explorons des formats d'études  nouveaux, explorons l'outil numérique,  multiplions les podcasts si c'est un format qui plaît mieux que les amphis,  et ainsi de suite.
Ne supportons jamais de répéter le même cours deux années de suite, car ce serait la démonstration d'une paresse, d'une incapacité, d'une immobilité coupable ;  cherchons à améliorer sans cesse, non pas tous les dix ans, mais tous les jours !

En suivant votre réponse, maintenant : pour ce que pour ce qui concerne votre document, rassurez-vous  (;-)) :  oui, il en ressort bien que vous critiquez certains professeurs ou, du moins, certains "enseignements" (terme que je récuse, voir les billets à ce propo)s. Et cela ne me choque pas,  car quand la critique est constructive, positive, elle permet l'amélioration.
Ce qui m'inquiète, c'est que vos observations tombent début juillet, et que je pressens des départs vers les plages qui feront retomber le soufflé ! Aurez-vous donné un coup dans l'eau ?

Un détail maintenant :  mon expression "suppression des cours obligatoire" était  fautive  : je voulais dire plutôt "suppression de l'obligation d'assister aux cours" (à l'ESPCI, cette suppression a eu lieu en 1977 !).

Puis, il me semble en lisant votre réponse, mais aussi votre document initial, que la première année d'études après un concours pose une vraie difficulté. Je sais que l'on dit (on le dit, mais faut-il le croire) se remettre lentement de la préparation des concours,  tout comme les jeunes médecins admis après le concours de première année, par exemple.
Mais raison de plus pour y mettre le meilleur du meilleur, en termes d'études ! 

Cela dit, très  honnêtement, je travaille aujourd'hui bien plus que quand j'étais en classe préparatoire, de sorte que le fameux prétexte du relâchement après le concours me fait un peu sourire ! Mais qu'importe : oui, il faut donner un peu d'air (ouvrons la fenêtre vers des sujets passionnants), favorisons la socialisation... sans pour autant tomber dans les beuveries hélas trop courantes parmi les petits esprits.

Surtout pouvons-nous imaginer qu'une année sur trois soit perdue ? Je vous dis cela alors que j'ai été un élève bien dissipé de l'ESPCI, et que, passionné par la chimie depuis l'âge de six ans, je n'ai pas su faire tout mon miel de l'environnement merveilleux qui m'était donné une fois entré à l'Ecole.
Raison de plus pour réfléchir à des moyens d'éviter à d'autres de faire cette même erreur. Et cela de façon positive, sans rétorsion, bien entendu.

D'ailleurs, mon analyse rétrospective me fait souvenir que, malgré des soirées souvent bien "occupées", nous restions passionnés par quelques matières merveilleuses, la théorie de la mesure en mathématiques, les calculs de chimie quantique à l'aide des premiers ordinateurs, la thermodynamique hors d'équilibre...
A nous tous, élèves, professeurs, personnel administratif d'inventer des moyens pour qu'il n'y ait pas une année gâchée sur trois. A nous d'inventer des formes d'étude amusantes, stimulantes, socialisantes même ; à nous d'inventer des organisations pour que le corpore sano vienne avec le mens sana ;  à nous d'inventer des formes d'études qui permettent aux  élèves de s'amuser en étudiants, et aux  professeurs de s'amuser aussi, en aidant les élèves à apprendre... mais on pourrait tout aussi bien dire "pour que les professeurs s'amusent, et les élèves aussi".

En vous lisant à la suite, je vois l'expression "projet professionnel", alors que j'avais écrit "projet personnel".  Nous voulons sans doute dire la même chose, mais je préfère ma formulation, qui ne sépare pas le travail professionnel de la vie, car je déteste l'idée d'un métro-boulot-dodo qui fait toujours apparaître le travail comme une punition. Comme je vous l'ai dit précédemment, mon métier est si passionnant que je n'ai même plus besoin de prendre de vacances. Dans votre document, vous évoquez bien des matières stimulantes intellectuellement, et nous nous rejoignons.

A propos des séances de l'Académie d'Agriculture  : oui, vous avez raison de signaler qu'elles sont souvent passionnantes, car en réalité, elles s'apparentent à des regroupements de conférences de type TED sur un thème  (je le sais, puisque j'en organise). Avec ces séances, nous voulons donner  le meilleur aux auditeurs, et je parle d'auditeurs à bon escient,  car nos séances sont podcastées. Et si nous avons là le meilleur, pourquoi ne pas en faire profiter les étudiants, leur donner ipso facto le meilleur  ? Nous éviterions la critique des "mauvais enseignements" (puisque le meilleur), et il serait facile d'organiser des formats d'études fondés sur le visionnage de ses documents vidéo.

Arrivons maintenant à vos mots à propos de "cursus généraliste"  : je viens de faire un billet où je discute ce terme de "généraliste"... mais, surtout, je fais partie de ceux qui pensent que les ingénieurs ne font bien leur métier que s'ils ont une formation théorique solide (voir l'ESPCI). Cela est également vrai des étudiants qui deviendront scientifiques. Quant à ceux qui seront banquiers, assureurs, voire ministres, ils gagneront à bien connaître les faits sur lesquels ils érigent leurs activités, quitte à ce qu'ils épaulent physique, chimie ou biologie par des matières plus appropriées à leur projet... sans tout confondre : ceux qui veulent faire Sciences Po n'ont qu'à y aller  (et pourquoi pas avec des doubles diplômes ?).

Vous parlez ensuite de la difficulté d'intéresser plusieurs centaines d'étudiants...  mais pourquoi vouloir se lancer dans de vaines entreprises ? Si les goûts diffèrent, n'est-ce pas aller dans le mur que de chercher à leur imposer une unique direction ? C'est le sens de mon analyse sur les "études matricielles", dans un billet précédent.

Et puis, ce qui compte, c'est moins de "recevoir" que d'apprendre : invitons les élèves à créer leur propre chemin, et, surtout, à bien identifier leur projet, en les exposant le plus tôt possible à des sujets variés, qui facilitera leur choix s'il n'est pas fait par avance. Proposons leur des fleurs, afin qu'ils fassent leur propre bouquet, l'institution ayant aidés les individus dans l'art du bouquet.

A propos d'une banque de cours, celle-ci a existé par le passé entre toutes les écoles de ParisTech et c'était absolument merveilleux. Inutile de vous dire que j'y ai largement contribué.
Aujourd'hui nous avons les Cours en ligne d'AgroParisTech (où j'ai personnellement mis des dizaines de cours, en plus de podcast),  de sorte que  l'outil nécessaire pour faire ce que vous demandez et que je propose aussi n'est plus à créer  : il existe !

A propos de parrainage : peut-on trouver 320  parrains ? D'abord, on peut imaginer qu'un même parrain ait plusieurs filleuls, et ensuite, oui : le total des personnes permanentes à l'Agro est supérieur à 320. D'autant que l'on peut sans doute compter sur des chercheurs Inrae dans les UMR, et que l'on pourrait recruter des anciens élèves  ! Soyons inventifs, et trouvons des solutions.

Enfin, les travaux pratiques : je suis certain que, si la chose s'impose, alors elle s'impose. L'intendance doit suivre, et à nous, à nouveau, d'inventer des formes adaptées à nos possibilités.

Bref, je ne vois que des opportunités de faire évoluer des formats qui  sont trop longtemps restés figés : nous sommes à l'ère du numérique, et nous n'avons pas la possibilité de ne pas utiliser ces méthodes pour faire mieux qu'au Moyen Âge.

vendredi 24 juillet 2020

Tu viens avec une question, mais quelle est ta réponse ?

1. On parle de clichés pour des expressions, mais il y a des idées (opinions ?) qui en sont : propagées sans analyse, sans réflexion, ne prenant leur force que de leur répétition, & révélées creuses dès qu'on les examine un peu. Par exemple, il serait bon d'avoir des questions, et ce serait d'ailleurs mieux que de ne pas en avoir.
Oui, poser des questions est bien... quand elles sont pertinentes, fructueuses, actives.

2. Car il y a des questions idiotes, et est idiot celui qui les pose, simplement pour le poser. Le jeux tout formel de poser des questions est insensé, quand ces questions sont sans intérêt, quand elles sont hors de cadre cohérent, sans objectif.

3. Il y a aussi des questions simplement informatives : combien de protéines dans un blanc d'oeuf ? Et la réponse peut être le nombre de protéines différentes (une vingtaine de sortes, pour les principales), ou le nombre de molécules de protéines (à raison d'une masse molaire moyenne de 45000, d'une masse de 30 grammes de blanc, d'une proportion de 10 pour cent de protéines, on calcule un nombre de molécules de protéines voisin de 1000 milliards de milliards), ou la proportion en masse des protéines (environ 10 %)...

4. Et inversement, il y a des questions éminemment positives, comme de s'interroger sur les non linéarités de la conduction électrique, ce qui a conduit à la découverte de l'effet Hall quantique.

5. Mais, surtout, j'ai l'impression que la question vaut mieux par ce qu'elle engendre que par elle-même, et qu'elle est plus intéressante quand on l'examine soi-même que quand on la pose aux autres. Au fond, pourquoi se reposer sur autrui pour avoir la réponse, alors qu'on peut avancer en la posant, en la triturant, la ruminant, la faisant sienne ?

6. Dans notre laboratoire, il y a ainsi écrit sur la porte : "Tu as une question, mais quelle réponse proposes-tu ?". Si je réponds à mes amis, c'est moi qui fait un bénéfice (parfois faible) de la réponse, au lieu qu'ils gagnent en autonomie.