Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 23 avril 2020
Censeur ? Au contraire !
1. Alors que je préparais une conférence pour expliquer que les réaction de Maillard ne méritent pas leur nom, que ce sont en réalités des réactions de glycation, je m'aperçois que, souvent, la rigueur intellectuelle risque de me mettre en position de censeur.
2. Pour la conférence sur les réactions de glycation, j'étais conscient du risque et j'ai tout fait -en préparant ma conférence- pour transformer cette apparence négative en une promesse de progrès : si l'on comprend que tout ce qui brunit en cuisine n'est pas pêle-mêle "des réactions de Maillard", on a quelque chance de finir par comprendre pourquoi les aliments brunissent, et, de ce fait, d'en tirer des conséquences techniques !
3. Mais les applications techniques, via les travaux technologiques, ne sont pas ma préoccupation première, comme on finit par le savoir autour de moi. Surtout, je suis bien persuadé, et Lavoisier l'a amplement démontré, que la pensée et les mots vont de pair, que la science ne peut se perfectionner sans des améliorations du langage, et vice versa.
4. De sorte que l'on n'a jamais intérêt, si l'on vise plus de clarté, à utiliser de mauvais termes. Ce qui vaut pour les réactions de glycation vaut aussi pour l'utilisation de mots comme "flaveur" (oublions le terme sans attendre) ou "arôme", le premier n'ayant aucun sens et le second étant souvent dévoyé, car en réalité l'arôme est l'odeur d'une plante aromatique.
5. Du point de vue de la compréhension et la clarté, les choses sont claires : nous avons intérêt à utiliser des termes appropriés.
Mais perd-on quelque chose ?
Perd-on une capacité d'enthousiasme à utiliser des termes dévoyés, fautifs, erronés ? Je ne crois pas car c'est en voyant mieux le monde, en le voyant plus finement, que nous pouvons le mieux nous émerveiller.
Prenons la métaphore d'une pendule que nous pouvons regarder de loin. Nous pouvons l'appeler une horloge, une pendule : la littérature voudra que nous choisissions l'un ou l'autre terme en fonction d'assonances, d'allitérations, que sais-je ? Mais une horloge n'est pas une pendule, et les connotations qui vont avec ces mots risquent d'avoir une force qui contredit l'utilité littéraire fondée sur la confusion ou l'ignorance. De même, prêche ou sermon ? On aura beau faire : ce n'est pas la même chose puisque le sermon est catholique et le prêche protestant. Et même si une sorte de goût naïf nous poussait à utiliser l'un pour l'autre, nous aurions des catastrophes amicale à vouloir confondre les termes.
6. Oui c'est en voyant mieux le monde, en appréciant mieux ses détails, que l'on est le plus efficace en terme d'enthousiasme, tel le guide du musée qui montre du doigt des particularités que personne ne voit, sans se tromper.
Gardons l'image du guide, qui montre cet insecte en bas d'une nature morte, et qui explique que l'insecte symbolise... tout un ensemble de choses que je vous invite à découvrir en regardant l'histoire de la peinture classique (je fais là une coquetterie, en ouvrant une parenthèse qui veut inviter mes amis à aller plus loin ; n'est-ce pas un peu lourdement didactique ?).
7. Mais revenons à l'idée principale : je me sentirai toujours mieux, toujours plus honnête, à être un guide clair, pas un guide qui cache son ignorance derrière de l'obscurité.
Car je le clame depuis longtemps : je suis insuffisant, insuffisamment compétent, insuffisamment savant. Je travaille pour pallier ces insuffisances, et j'implore la clémence de mes amis, car c'est pour eux que je fais ces travaux qui veulent éradiquer mes ignorances : tendre avec efforts vers l'infaillibilité, disait le chimiste Michel Eugène Chevreul.
Oui, je déteste les prétendus savants, les prétendus compétents, et l'obscurité du langage est souvent leur apanage, au point que mes incompréhensions, face à un quelqu'un qui me parle, me font presque aussitôt supposer que celui-là ou celle-là veulent me tromper. Trop de prétentieux, de malhonnêtes, d'autoritaires, de paresseux jouent à ce jeu de l'obscurité pour que je puisse l'accepter pour moi !
8. Et puis, quand même, le projet n'est-il pas de mettre de la lumière partout, de combattre l'obscurité, cette obscurité qui se nourrit justement des confusions, et des confusions lexicales en particulier.
9. Enfin, je le répète, le merveilleux est dans le quotidien, et pas dans le fantasme ni dans l'obscurantisme. Je ne résoudrai jamais à me laisser aller à moins de rigueur sous prétexte qu'il pourrait y avoir de plus de poésie. Car il n'y a pas plus de poésie ; il y en a plutôt moins, car les grands voiles posés sur le monde nous empêchent de voir, de l'admirer.
La clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public, n'est-ce pas ?
lundi 20 avril 2020
Pour obtenir du croustillant/ how to make crisp products
On m'interroge à propos de croustillant : comment en
obtenir quand on cuisine ?
About crackling, how to get it ? (in English at the bottom of the page.
Pour une telle question, il y a lieu
d'analyser un peu en n'oubliant pas ces "commandements" que j'avais donné s
dans mon livre Mon histoire de cuisine.
Je ne vais pas les rappeler
tous, car il y en a 14, et certains n'ont pas de rapport avec la question
qui nous intéresse. En revanche, je propose d'observer que les liquides
sont... liquides, et que les solides sont... solides.
Cela suffit en réalité à
tout dire à condition de savoir que nos aliments sont souvent des assemblage de composés qui sont soit solides soit liquides dans les conditions
ambiantes.
Par exemple la farine est solide, mais l'eau est liquide, et
l'huile aussi. Dans une pâte, par exemple il peut y avoir des grains de
farine - solides- dispersées dans un liquide, et cette "suspension" peut-être
plus ou moins molle, plus ou moins dure.
Mais restons à cette
expérience de disperser de la farine dans de l'eau. On obtient une pâte
plus ou moins molle, selon la proportion de solide : par exemple, avec beaucoup d'eau et peu de farine, on a une poudre dispersée (qui finit par sédimenter). Mais avec beaucoup de farine et peu d'eau, on a une pâte plus dure.
A la cuisson, cette pâte peut durcir. Si on la sèche, c'est-à-dire si l'on
élimine liquide, alors on obtient quelque chose de très dur, qui
peut-être est craquant si on a une couche un peu épaisse, et croustillant
si l'on a milles petits "crac" qui résultent de la rupture de nombreux
feuillets, comme dans une pâte feuilletée.
Cette analyse, faite pour l'eau, ne vaut pas pour l'huile, qui ne s'évapore pas à la cuisson : si l'on répète la même expérience que précédemment mais en remplaçant l'eau
par du beurre, qui fondra quand il chauffera, on récupérera une pâte
sablée, avec des grains de farine dispersées dans du beurre qui, au
refroidissement, vont durcir un peu.
Et s'impose
maintenant une discussion relative à l'énergie de liaison des molécules
dans les solides.
Dans un cristal de sel, les liaisons entre les atomes
de sodium et de chlore sont très forts (ce sont des liaisons "électrostatiques", de sorte que de tels cristaux sont très
résistants, très durs.
Idem pour des cristaux de sucre, où, les molécules de saccharose sont tenues par de nombreuses "liaisons hydrogène".
Idem dans les grain d'amidon,, puisque les "polysaccharides" (amylose et amylopectine) qui composent ces grains sont des polymères de saccharides, toujours avec les liaisons hydrogène précédemment considérées pour le sucre de table, ou saccharose.
Pour les matières grasses, telle l'huile que l'on fait figer, les cristaux formés sont bien plus mous, parce que les liaisons sont des "liaisons de van der Waals", environ dix fois plus faibles que les liaisons hydrogène, et plus de cent fois plus faibles que les liaisons électrostatiques (je donne des ordres de grandeur).
Bref, on n'oubliera donc pas de penser à la chimie, si l'on
veut maîtriser parfaitement le croustillant, notamment pour ceux qui se
préparent à participer au 8e concours de cuisine note à note.
PS. Pour les plus chimistes, voici une image que je crois de salut public de distribuer
The translation in English :
I'm asked about crispness: how do you get it when you cook?
For such a question, it is necessary to analyze a little while not forgetting these "commandments" that I had given in my book Mon histoire de cuisine.
I am not going to recall them all, because there are 14 of them, and some of them are not related to the question we are interested in. On the other hand, I propose to observe that liquids are... liquids, and solids are... solids.
That's really enough to say it all if you know that our food is often a collection of compounds that are either solid or liquid under the ambient conditions.
For example, flour is solid, but water is liquid, and so is oil. In a dough, for example, there may be grains of flour - solids - dispersed in a liquid, and this "suspension" may be more or less soft, more or less hard.
But let's stick to this experiment of dispersing flour in water. We obtain a more or less soft paste, depending on the proportion of solid: for example, with a lot of water and little flour, we have a dispersed powder (which ends up sedimenting). But with a lot of flour and little water you get a harder dough.
When baking, this dough can harden. If you dry it, i.e. if you remove the liquid, then you get something very hard, which may be crunchy if you have a thick layer, and crispy if you have a thousand little "cracks" resulting from the breaking of many layers, as in a puff pastry.
This analysis, made for water, does not apply to oil, which does not evaporate during cooking: if we repeat the same experiment as before, but replacing the water with butter, which will melt when it heats up, we will recover a shortbread dough, with grains of flour dispersed in butter which, on cooling, will harden a little.
And now a discussion about the binding energy of the molecules in the solids is necessary.
In a salt crystal, the bonds between the sodium and chlorine atoms are very strong (these are "electrostatic" bonds, so that such crystals are very resistant, very hard.
Same for sugar crystals, where the sucrose molecules are held by many "hydrogen bonds".
Ditto in starch grains, since the "polysaccharides" (amylose and amylopectin) that make up these grains are polymers of saccharides, again with the hydrogen bonds previously considered for table sugar, or sucrose.
For fats, such as oil, which is frozen, the crystals formed are much softer, because the bonds are "van der Waals bonds", about ten times weaker than hydrogen bonds, and more than one hundred times weaker than electrostatic bonds (I give orders of magnitude).
In short, one should not forget to think about chemistry, if one wants to perfectly master the crispness, especially for those who are preparing to participate in the 8th note-to-notes cooking contest.
PS. For the most chemists, here is a picture that I think of public salvation to distribute
For such a question, it is necessary to analyze a little while not forgetting these "commandments" that I had given in my book Mon histoire de cuisine.
I am not going to recall them all, because there are 14 of them, and some of them are not related to the question we are interested in. On the other hand, I propose to observe that liquids are... liquids, and solids are... solids.
That's really enough to say it all if you know that our food is often a collection of compounds that are either solid or liquid under the ambient conditions.
For example, flour is solid, but water is liquid, and so is oil. In a dough, for example, there may be grains of flour - solids - dispersed in a liquid, and this "suspension" may be more or less soft, more or less hard.
But let's stick to this experiment of dispersing flour in water. We obtain a more or less soft paste, depending on the proportion of solid: for example, with a lot of water and little flour, we have a dispersed powder (which ends up sedimenting). But with a lot of flour and little water you get a harder dough.
When baking, this dough can harden. If you dry it, i.e. if you remove the liquid, then you get something very hard, which may be crunchy if you have a thick layer, and crispy if you have a thousand little "cracks" resulting from the breaking of many layers, as in a puff pastry.
This analysis, made for water, does not apply to oil, which does not evaporate during cooking: if we repeat the same experiment as before, but replacing the water with butter, which will melt when it heats up, we will recover a shortbread dough, with grains of flour dispersed in butter which, on cooling, will harden a little.
And now a discussion about the binding energy of the molecules in the solids is necessary.
In a salt crystal, the bonds between the sodium and chlorine atoms are very strong (these are "electrostatic" bonds, so that such crystals are very resistant, very hard.
Same for sugar crystals, where the sucrose molecules are held by many "hydrogen bonds".
Ditto in starch grains, since the "polysaccharides" (amylose and amylopectin) that make up these grains are polymers of saccharides, again with the hydrogen bonds previously considered for table sugar, or sucrose.
For fats, such as oil, which is frozen, the crystals formed are much softer, because the bonds are "van der Waals bonds", about ten times weaker than hydrogen bonds, and more than one hundred times weaker than electrostatic bonds (I give orders of magnitude).
In short, one should not forget to think about chemistry, if one wants to perfectly master the crispness, especially for those who are preparing to participate in the 8th note-to-notes cooking contest.
PS. For the most chemists, here is a picture that I think of public salvation to distribute
dimanche 19 avril 2020
Pourquoi on ne sent pas le goût du vin en apnée ?
Une question de dégustation, ce matin : pourquoi ne sent-on pas le goût du vin en apnée ?
Pour répondre, il faut d'abord expliquer ce qu'est le "goût".
1. Le goût d'un met, c'est ce que l'on perçoit quand on déguste ce met. Par exemple, quand on mange (ordinairement) une banane, on a le goût de la banane.
2. Ce goût est la résultante de plusieurs perceptions, par des récepteurs différents, situés en des endroits différents de la bouche et du nez : des récepteurs de la saveur des récepteurs de l'odeur, des récepteurs "trigéminaux", des capteurs de pression, des récepteurs pour certains lipides particuliers, des capteurs de température, des récepteurs de lumière...Et c'est la somme de toutes ces strimulations qui fait le goût, après un traitement dans le cerveau.
3. Mais tout cela est bien compliqué, et rien ne vaut quelques expériences.
4. Pour commencer, il n'est pas difficile de voir que les aliments ont une apparence visuelle, avec texture, couleurs, brillance...
5. Puis, approchons l'aliment de la bouche : il passe sous le nez, et l'on perçoit alors parfois une odeur : c'est l'odeur anténasale, due à des composés qui s'évaporent de l'aliment, passent dans l'air environnant, et montent dans le nez, où elles sont détectées. Et une bonne indication, c'est que l'on ne sent rien si l'on pince le nez.
6. Puis, une expérience qui consiste à se pincer le nez, puis à mâcher des herbes aromatiques (par exemple, du thym séché) pendant quelques secondes. On ne sent alors rien que la consistance, une sorte d'impression de mâcher du foin.
On conclut que les herbes aromatiques séchées n'ont quasiment pas de saveur.
7. Après plusieurs secondes (disons 10), de mastication des herbes aromatiques séchées, on relâche le nez : et soudain il y a une vague de sensation, à savoir que, cette fois, on perçoit le "goût" ses herbes aromatiques. Ici, c'est simplement que les molécules odorantes libérées par la mastication ont réussi à atteindre les récepteurs du nez. Et l'on est conduit à conclure que le "goût" des herbes aromatiques tient essentiellement dans leur odeur. Une odeur rétronasale, puisque, cette fois, elle résulte de la montée des molécules odorantes par un canal qui relie la bouche au nez, à l'arrière de la bouche. C'est l'odeur "rétronasale".
Conclusion supplémentaire : les herbes aromatiques séchées ont une odeur, mais quasiment pas de saveur
8. On répète maintenant l'expérience de goûter le nez pincé, puis de libération du nez avec du sucre.
Cette fois, on perçoit bien la saveur sucrée, quand le nez est pincé. Mais rien ne vient s'ajouter quand on libère le nez, de sorte que l'on doit conclure que le sucre a une saveur, mais pas d'odeur (rétronasale).
9. Répétons avec du vinaigre : là, on sent bien l'acidité, quand le nez et bouché, mais une odeur rétronasale s'ajoute : le vinaigre a de la saveur et de l'odeur.
C'est d'ailleurs de cas de nombreux autres aliments.
10. Je fais l'impasse sur d'autres modalités sensorielles : le trigéminal (piquant, frais...), etc., parce que mon objectif, ici, était de répondre à la question de mon correspondant : en apnée, quand on ne permet pas aux molécules odorantes de venir stimuler les récepteurs olfactifs du nez, on ne perçoit pas la composante odorante du goût, et, pour des produits qui ont essentiellement de l'odeur (rétronasale), le goût n'est pas perçu.
vendredi 17 avril 2020
Un priestley, c'est quoi ?
Depuis quelques jours, la culinosphère bruit d'un terme mystérieux "priestley", depuis que mon ami Pierre Gagnaire en a parlé sur Top Chef.
De quoi s'agit-il : qu'est-ce qu'un priestley ? C'est une de mes inventions, qui date d'avant 2008.
Tout d'abord, expliquons le nom : Joseph Priestley (1733 - 1804) était un chimiste et théologien anglais qui isola de nombreux gaz, tel l’oxygène. Il fut ainsi un des pionniers de la « chimie pneumatique », et fut élu à la Royal Society en 1772, l'année où il publia ses Observations sur différentes espèces d'air. Au moyen d'une cuve à mercure, Priestley isola des gaz, comme l'ammoniac, l'oxyde d'azote, le dioxyde de soufre et le monoxyde de carbone.
C'est en 1774 qu'il produisit pour la première fois de l'oxygène et comprit également son rôle dans la combustion, ainsi que dans la respiration des végétaux (1775). Cependant, partisan de la théorie erronée du phlogistique, il nomma ce nouveau gaz l'air déphlogistiqué et ne comprit l'importance de sa découverte.
Pourquoi avoir donné ce nom ? Parce que j'avais inventé une sorte de généralisation des crèmes anglaise : or Priestley était anglais.
Pour comprendre ce qu'est un priestley, partons de la crème anglaise. C'est une sauce un peu épaisse que l'on obtient classiquement en battant du jaune d’œuf avec du sucre, jusqu’à ce que la préparation prenne une consistance lisse, plus blanche : on dit que la préparation doit « faire le ruban ». Puis on ajoute du lait et toutes sortes de produits qui contribuent au goût de la préparation, et l’on cuit, en faisant des huit au fond de la casserole jusqu’à ce que la crème épaississe.
Longtemps, la crème anglaise a été fautivement décrite comme une émulsion chaude… alors qu’il s’agit d’une « suspension ». Suspension ? C’est le nom que les physico-chimistes donnent à des systèmes physiques faits d’une phase liquide, où sont dispersés des solides de très petites tailles, ce que l’on nommait naguère des dispersions « colloïdales » (de kolla, la colle). Bref, ce sont nombre de pâtes, par exemple, mais aussi des systèmes plus fluides, comme la classique crème anglaise. Parce que l’œuf coagule quand on le chauffe : la raison pour laquelle la crème « prend », c’est précisément que l’œuf coagule, et l’on voit d’ailleurs, au microscope, une myriade de petits agrégats solides, dans le liquide. Autrement dit, une crème anglaise réussie est pleine de grumeaux microscopiques. Le grumeau n’est dérangeant que lorsqu’il est perceptible.
De la crème anglaise aux priestleys
Que faire de cette connaissance ? De nouveaux mets, bien sûr. Pour faire une crème anglaise, il faut de l’œuf (le sucre est là pour donner une consistance sucrée, mais guère plus) et du liquide (le lait, classiquement, mais tout autre liquide convient.
Des protéines ? Les viandes en sont plein ! Les poissons aussi. Apprenons à broyer finement ces tissus musculaires, et nous récupérerons des protéines en solution. Plus exactement, la quantité de protéines récupérables dans un tissu musculaire broyé sera six à huit fois plus concentrée que dans un blanc ou que dans un jaune d’œuf. A cette chair broyée, ajoutons un liquide : celui que l'on veut convient, en salé ou en sucré. Puis un peu de matière grasse que l'on émulsionne pour retrouver celle de la crème anglaise, qu’elle soit apportée par l’œuf ou par le lait. Puis chauffons, doucement : les protéines coaguleront et la crème prendra.
C'est cela, mon invention que j'ai nommée "priestley", et que Pierre Gagnaire a été le premier à servir en cuisine, puisque je lui donne mes inventions en priorité.
De quoi s'agit-il : qu'est-ce qu'un priestley ? C'est une de mes inventions, qui date d'avant 2008.
Tout d'abord, expliquons le nom : Joseph Priestley (1733 - 1804) était un chimiste et théologien anglais qui isola de nombreux gaz, tel l’oxygène. Il fut ainsi un des pionniers de la « chimie pneumatique », et fut élu à la Royal Society en 1772, l'année où il publia ses Observations sur différentes espèces d'air. Au moyen d'une cuve à mercure, Priestley isola des gaz, comme l'ammoniac, l'oxyde d'azote, le dioxyde de soufre et le monoxyde de carbone.
C'est en 1774 qu'il produisit pour la première fois de l'oxygène et comprit également son rôle dans la combustion, ainsi que dans la respiration des végétaux (1775). Cependant, partisan de la théorie erronée du phlogistique, il nomma ce nouveau gaz l'air déphlogistiqué et ne comprit l'importance de sa découverte.
Pourquoi avoir donné ce nom ? Parce que j'avais inventé une sorte de généralisation des crèmes anglaise : or Priestley était anglais.
Pour comprendre ce qu'est un priestley, partons de la crème anglaise. C'est une sauce un peu épaisse que l'on obtient classiquement en battant du jaune d’œuf avec du sucre, jusqu’à ce que la préparation prenne une consistance lisse, plus blanche : on dit que la préparation doit « faire le ruban ». Puis on ajoute du lait et toutes sortes de produits qui contribuent au goût de la préparation, et l’on cuit, en faisant des huit au fond de la casserole jusqu’à ce que la crème épaississe.
Longtemps, la crème anglaise a été fautivement décrite comme une émulsion chaude… alors qu’il s’agit d’une « suspension ». Suspension ? C’est le nom que les physico-chimistes donnent à des systèmes physiques faits d’une phase liquide, où sont dispersés des solides de très petites tailles, ce que l’on nommait naguère des dispersions « colloïdales » (de kolla, la colle). Bref, ce sont nombre de pâtes, par exemple, mais aussi des systèmes plus fluides, comme la classique crème anglaise. Parce que l’œuf coagule quand on le chauffe : la raison pour laquelle la crème « prend », c’est précisément que l’œuf coagule, et l’on voit d’ailleurs, au microscope, une myriade de petits agrégats solides, dans le liquide. Autrement dit, une crème anglaise réussie est pleine de grumeaux microscopiques. Le grumeau n’est dérangeant que lorsqu’il est perceptible.
De la crème anglaise aux priestleys
Que faire de cette connaissance ? De nouveaux mets, bien sûr. Pour faire une crème anglaise, il faut de l’œuf (le sucre est là pour donner une consistance sucrée, mais guère plus) et du liquide (le lait, classiquement, mais tout autre liquide convient.
Des protéines ? Les viandes en sont plein ! Les poissons aussi. Apprenons à broyer finement ces tissus musculaires, et nous récupérerons des protéines en solution. Plus exactement, la quantité de protéines récupérables dans un tissu musculaire broyé sera six à huit fois plus concentrée que dans un blanc ou que dans un jaune d’œuf. A cette chair broyée, ajoutons un liquide : celui que l'on veut convient, en salé ou en sucré. Puis un peu de matière grasse que l'on émulsionne pour retrouver celle de la crème anglaise, qu’elle soit apportée par l’œuf ou par le lait. Puis chauffons, doucement : les protéines coaguleront et la crème prendra.
C'est cela, mon invention que j'ai nommée "priestley", et que Pierre Gagnaire a été le premier à servir en cuisine, puisque je lui donne mes inventions en priorité.
Qu'est-ce que le vinaigre ?
Qu'est-ce que le vinaigre ? Il suffit d'aller ailleurs qu'en France (quand on n'est pas confiné, bien sûr), pour savoir que ce n'est pas toujours obtenu par fermentation du vin, comme on le suppose dans l'Orléanais.
Et c'est ainsi que l'Alsace a dû batailler à propos du Melfor, qui est... du Melfor.
Pour les définitions légales, le bon réflexe est toujours le même : .gouv.fr.
Et c'est ainsi que je vous livre ce lien :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006066377&dateTexte=20110507
Pour les échanges internationaux, il faut regarder le Codex alimentarius :
http://www.fao.org/fao-who-codexalimentarius/search/en/?cx=018170620143701104933%3Aqq82jsfba7w&q=vinegar&cof=FORID%3A9&siteurl=www.fao.org%2Ffao-who-codexalimentarius%2Fcodex-texts%2Flist-standards%2Fen%2F&ref=duckduckgo.com%2F&ss=1004j208704j7
Hopla !
Et c'est ainsi que l'Alsace a dû batailler à propos du Melfor, qui est... du Melfor.
Pour les définitions légales, le bon réflexe est toujours le même : .gouv.fr.
Et c'est ainsi que je vous livre ce lien :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006066377&dateTexte=20110507
Pour les échanges internationaux, il faut regarder le Codex alimentarius :
http://www.fao.org/fao-who-codexalimentarius/search/en/?cx=018170620143701104933%3Aqq82jsfba7w&q=vinegar&cof=FORID%3A9&siteurl=www.fao.org%2Ffao-who-codexalimentarius%2Fcodex-texts%2Flist-standards%2Fen%2F&ref=duckduckgo.com%2F&ss=1004j208704j7
Hopla !
mercredi 15 avril 2020
This one was in French, but it deserves translation in English : about fair citation in scientific articles
A friend who submits a manuscript to me quotes popular books in an academic text. I point out to him that the authors he quotes are compilers, moreover, but my friend replies that the texts he quotes are those from which he has taken the information he used for his own text, and that it is therefore only fair to quote these people.
What can we conclude? What can we do?
Yes, it is fair, but what about good practice?
First of all, let us observe that it is justice to quote these people... but injustice not to quote those who are at the origin of the works cited by the compilers.
And insofar as lazy scientists -let's say "fast", to be charitable- quote much more the "reviews", synthesis, compilation, works of popularization than the original works, we end up having only the compilers quoted, which is perfectly abnormal.
Injustice is established... all the more so since there is also an injustice in giving credit to compilers for works they did not do. For what are we quoting: the compilers' texts, or the compiled data? This is the first question that should have been asked, and the answer shows that the original works must be cited.
On the other hand, it is not a good practice to start from texts - especially compilations - when they are not perfectly recent, and not to show everyone that one is making one's bibliography, but especially because recent works make useful scientific revisions: this is the state of the art, and any older work, which would have been revised, should therefore not be cited.
All the more so since recent articles, which appear more often than reviews, syntheses or compilations, are published more frequently, and on more precise points. Moreover, if these articles are good, they will have made a tight bibliographical exploration, and which will have more acuity than those of the compilations.
Hence the conclusion: when one cites works, one must directly cite the authors of these works, and the authors of revisions of these results. Not the intermediate texts, and even less the compilations!
But obviously, this requires a lot of work, whereas my friend was lazily relying on reviews, syntheses, compilations... which avoided all the research.
But I end charitable: it was probably less laziness than ignorance of the rules of good scientific practice.
References (only some ;-))
A quote that served me well: Penders B (2018) Ten simple rules for responsible referencing. PLoS Comput Biol 14(4):e1006036. https://doi.org/10.1371/journal.pcbi.1006036
An important article, because it says that quoting is still to have a critical eye: Nature Genetics. Neutral citation is poor scholarship. Nature Genetics. 2017; 49:1559. https://doi.org/10.1038/ng.3989 PMID: 29074946
A "best practice" article: Carol Anne Meyer, Reference accuracy: best practices for making the links, The Journal of Electronic Publishing, 11(2), 2008, DOI: http://dx.doi.org/10.3998/3336451.0011.206
(text still in progress)
Qui citer ?
Un ami qui me soumet un manuscrit cite des livres de vulgarisation dans un texte universitaire. Je lui fais remarquer que les auteurs qu'il cite sont des compilateurs, de surcroît, mais mon ami me répond que les textes qu'il cite sont ceux dont il a tiré l'information qu'il utilise pour son propre texte, et que c'est donc justice que de citer ces personnes.
Que conclure ? Que faire ?
Oui, c'est justice, mais qu'elle la bonne pratique ?
Observons tout d'abord que c'est justice de citer ces personnes... mais injustice de ne pas citer ceux qui sont à l'origine des travaux cités par les compilateurs.
Et dans la mesure où les scientifiques paresseux -disons "rapides", pour être charitable- citent beaucoup plus les "reviews", synthèse, compilation, oeuvres de vulgarisation que les travaux princeps, on finit par n'avoir que les compilateurs cités, ce qui est parfaitement anormal. L'injustice s'entérine... d'autant qu'il y a aussi une injustice à créditer les compilateurs de travaux qu'ils n'ont pas fait. Car que cite-t-on : les textes des compilateurs, ou les données compilées ? Là est la première question que l'on aurait dû poser, et la réponse montre qu'il faut citer les travaux originaux.
D'autre part, ce n'est pas une bonne pratique de partir de textes -notamment les compilations- quand ils ne sont pas parfaitement récents, et non pas pour montrer à tous que l'on fait sa bibliographie, mais surtout parce que les travaux récents font des révisions scientifiques utiles : c'est l'état de l'art, et tout travail plus ancien, qui aurait été révisé, ne doit donc pas être cité.
D'autant que les articles récents, qui paraissent plus souvent que les reviews, synthèses ou compilations, sont publiés plus fréquemment, et sur des points plus précis. De surcroît, si ces articles sont bons, ils auront fait une exploration bibliographique serrée, et qui aura plus d'acuité que celles des compilations.
D'où la conclusion : quand on cite des travaux, il faut citer directement ceux qui en sont les auteurs, et les auteurs de révisions de ces résultats. Pas les textes intermédiaires, et encore moins les compilations !
Mais évidemment, cela demande beaucoup de travail, alors que mon ami se reposait paresseusement sur les reviews, synthèses, compilations... qui lui évitaient toute la recherche.
Mais je finis charitablement : c'était sans doute moins de la paresse que de l'ignorance des règles de bonne pratique scientifique.
Références :
Une citation qui m'a servi : Penders B (2018) Ten simple rules for responsible referencing. PLoS Comput Biol 14(4):e1006036. https://doi.org/10.1371/journal.pcbi.1006036
Un article important, parce qu'il dit bien que citer, c'est quand même avoir un regard critique : Nature Genetics. Neutral citation is poor scholarship. Nature Genetics. 2017; 49:1559. https://doi.org/10.1038/ng.3989 PMID: 29074946
Un article "bonnes pratiques" : Carol Anne Meyer, Reference accuracy: best practices for making the links, The Journal of Electronic Publishing, 11(2), 2008, DOI: http://dx.doi.org/10.3998/3336451.0011.206
(texte encore en chantier)
Inscription à :
Articles (Atom)