Comment faire des ganaches avec un goût sur mesure, en vue de faire des bonbons de chocolat ?
Classiquement, les ganaches s'obtiennent de la façon suivante :
- on fait bouillir de la crème
- on fait fondre du chocolat
- on mélange les deux masses, en prenant soin de faire venir le chocolat fondu dans la crème.
La façon la plus classique de donner du goût à une ganache consiste à infuser la crème ou le chocolat avec un produit (café, thé, etc.).
Mais il y a bien plus simple... quand on n'oublie pas que, au premier ordre :
- la crème est émulsion, avec de la matière grasse dispersée dans de l'eau
- le chocolat, c'est environ moitié sucre et moitié matière grasse
Autrement dit, pourquoi ne pas remplacer la crème para une émulsion faite avec une solution aqueuse (thé, café, jus de fruit, infusion...) et la matière grasse de la crème, à savoir le beurre ?
Le chocolat, aussi, aura pu être macéré ou infusé avec un produit qui lui aura donné son goût (une partie : la partie "hydrophobe"), tandis que le sucre pourra être oublié.
Bref, s'il s'agit de faire une émulsion de beurre de cacao, tout est possible à qui comprends les mécanismes.
Vive, donc, la gastronomie moléculaire !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 21 janvier 2020
lundi 20 janvier 2020
Des tomates crues ? Des oignons crus ? De l'ail cru ?
Je reçois ce matin une question à propos de tomates que l'on utiliserait crues dans les préparations culinaires. Quel intérêt ? La réponse est évidente : une tomate crue a un goût de tomates crue, fraîche, alors qu'une tomate cuite a un goût de tomate cuite. C'est la même chose pour les oignons, l'ail, les pommes, le vin, et pour bien d'autres ingrédients.
Je parle ici des pommes, parce que cela me permet de vous donner ma recette de confiture de pommes, que j'aime beaucoup : on cuit des pommes pas chères avec un peu d'eau et du sucre pendant longtemps, afin d'extraire les pectine qui font gélifier ; on filtre pour se débarrasser des peaux, des pépins, etc. ; et, dans la préparation finale que l'on a assaisonne avec un peu de jus de citron ou d'acide citrique par exemple, on ajoute une granny-smith râpée, on stoppe la cuisson immédiatement avant de mettre en pot. On conserve alors la consistance et le goût frais de la granny-smith un peu acidulée, dans les confitures qui gélifient.
Pour le vin, je l'ai également évoqué à dessein, pour signaler que les professionnels qui font des sauce au vin savent bien ajouter un peu de vin cru quand la cuisson est terminée : cela réveille la sauce, lui donne de la vivacité, du parfum...
Il en va de même avec la tomate, et plus généralement, c'est ainsi que je fais mes sorbet : je fais avoir mon sirop et quand il est bien fait j'y jette les fruits je stoppe la cuisson et je mixe. Faites l'expérience avec des poires ou des abricots, par exemple et vous verrez la différence ! Faites aussi avec du citron... et n'hésitez pas à faire comme le propose mon interlocuteur qui m'interroge. Pour l'oignon et l'ail, en revanche, ayez la main légère, parce que, crus, ces ingrédients sont rudes ! Et ne faites pas l'opération avec les haricots crus, qui contiennent des "lectines" qu'il faut détruire par la cuisson !
Mais je reviens à mon interlocuteur, qui s'interroge sur la pratique discutée ici, en termes de nutrition et de toxicologie, me parlant de vitamines, de digestibilité...
Là, j'ai de nouveau l'occasion de répéter que je me refuse à parler de toxicologie ou de nutrition parce que je considère que nous considérons des détails au lieu de considérer le gros, l'essentiel !
Le gros, c'est que nous devrions réduire le sucre et le gras, manger de tout en quantités modérées et faire modérément de l'exercice.
Les vitamines ? Nous en avons plein : c'est donc du détail. La toxicité ? Commençons par peler les pommes de terre avant nous en occuper, commençons par réduire notre consommation de produits fumés, commençons par arrêter de fumer et de boire trop d'alcool, commençons par faire un peu d'exercice...
Oui je me refuse absolument à regarder les questions de diététique ou de toxicologie, d'une part, parce que cela ne m'intéresse pas (j'ai mieux à faire à examiner les mécanismes des transformations qui ont lieu quand on cuisine), et, d'autre part, parce que la "mauvaise foi" règne : il y a nos amis qui ont des comportements opposés à ce qu'ils savent pertinemment qu'il faut faire, et il y a des nutritionnistes et les toxicologues (pas tous : j'ai des collègues merveilleux dans ces deux professions) qui jouent des peurs du public pour asseoir leur pouvoir, tout comme certains hygiénistes.
Et puis, ne mélangeons pas tout : d'abord l'essentiel, avant le détail !
dimanche 19 janvier 2020
Les lasagnes ? Mais c'est très simple !
Je m'étonne encore d'avoir eu cette chance de "tomber" dans la gastronomie moléculaire le 16 mars 1980 : la raison en est que je suivais une recette. Oui je suivais une recette, alors que, aujourd'hui, je ne comprends plus pourquoi j'avais besoin de suivre une recette pour une préparation aussi simple ! Certes, c'était une recette de soufflé au roquefort, mais la compréhension de la préparation qu'est le soufflé permet de s'affranchir de la recette, que le soufflé soit au gruyère ou au roquefort... Après tout un soufflé, ce n'est quand même que du blanc d'oeuf battu en neige que l'on mélange à une préparation un peu pâteuse et que l'on cuit. La "préparation un peu pâteuse" peut être une sauce blanche où l'on a mis des jaunes d'oeufs (pour le goût flatteur) et du roquefort. Bien sûr, on peut ajouter une foule de détails, tels que battre les blancs très fermes, ajouter les jaunes dans la sauce refroidie, etc., mais ces détails sont les détails, et l'essentiel vient d'être dit. Bien sûr, beurrer et fariner le moule aide le soufflé à gonfler, mais c'est quand même complètement secondaire par rapport au fait de cuire par-dessous.
Et là, on voit les progrès de la gastronomie moléculaire, qui ont bien identifié que la question essentielle, c'était donc de cuire par-dessous, et non pas tellement de beurre le moule ou de battre les blancs en neige ferme.
Donc , finalement, oui je m'étonne d'avoir eu besoin de recette, mais il faut être juste : c'est tout le travail effectué depuis 1980 qui permet aujourd'hui d'en arriver là, d'être en capacité de raisonner au lieu de suivre des recettes.
La raison pour laquelle je raconte tout cela ? C'est que, aujourd'hui, on m'interroge à propos de la confection des lasagnes. Or là, si on reste au principe, tout est absolument simple : des lasagnes, c'est un ensemble de feuilles de pâte alternées avec de la viande hachée et une sauce, plus éventuellement du fromage pour gratiner.
La viande hachée ? Si j'ignore la tradition, alors je peux imaginer du bœuf, du porc, du poulet... Bien sûr, traditionnellement, on hachait les viandes dures pour pouvoir les consommer, mais toutes les possibilités sont permises aujourd'hui. D'ailleurs, il y a la possibilité de griller la viande par avance, afin de la brunir et de lui donner du goût. Il y a aussi la possibilité de l'assaisonner, bien sûr.
La sauce ? On peut trouver tout : une sauce tomate, une béchamel... Au fond, il ne tient qu'à nous de décider du goût que l'on souhaite sans compter que l'assaisonnement est infini. On pourrait t'imaginer des dés de poivrons, de la chair broyée d'aubergine...
Finalement on empile les couches les unes après les autres, on met dans un plat et on cuit : y a-t-il plus pour réussir ce plat ? Techniquement non, mais on n'oubliera pas la règle essentielle de la cuisine, à savoir que c'est de l'amour, de l'art, de la technique. Pour la technique, nous en avons parlé. Pour l'art, c'est la combinaison des ingrédients et leur dosage qui fera la chose. Et pour l'amour, c'est non seulement le choix de certains ingrédients, mais aussi leur organisation, l'aspect que l'on donne à voir et que l'on donne à manger. Il faut s'adapter à ceux qui aiment des pâtes un peu pâteuses où à ceux qui aiment des pâtes plus al dente..
Bref, c'est en nous préoccupant de nos amis que nous avons des chances d'arriver à leur dire "Je t'aime", par un plat qu'on leur sert !
Les cristaux de matière grasse ?
Alors que je publie un billet sur la mousse au chocolat, un internaute m'écrit :
J’étais persuadé que le chocolat était composé de cristaux de beurre de cacao....
Et notre ami a raison de s'interroger, et il pourrait d'ailleurs poser la même question à propos du beurre, ou de l'huile... et la meilleure réponse est expérimentale :
- si le chocolat est à plus de 36 °C (c'est le cas, en été, dans bien des pays), alors on voit bien que le chocolat est fondu ; il a fait huile, et il est liquide
- pour le beurre, c'est un mélange de nombreuses sortes de triglycérides, qui ont des températures de fusion différentes, certains vers - 10 °C, et d'autres vers 40 °C, avec tous les intermédiaires possibles, de sorte que la fusion commence vers -10 °C et s'achève vers 40 °C ; entre les deux, pour le beurre comme pour le chocolat, il y a une partie liquide et une partie solide (cristallisée)
- pour l'huile : mettons la au congélateur, et l'on verra qu'elle se solidifie. L'huile est-elle solide ou liquide ? Tout dépend de la température.
Bref, c'est le cas très général : l'état physique des corps peut changer avec la température.
Et pour le chocolat, on n'a pas d'exception... mais une particularité : en raison de la composition un peu particulière en triglycérides, il est quasi solide jusque vers 34 °C, et quasi liquide dès 37 °C !
samedi 18 janvier 2020
La crème au citron
La crème au citron
La crème au citron ? Une crème, c'est un système crémeux, qui a la consistance de la crème du lait
Une telle consistance s'obtient facilement, par exemple en chauffant de l'eau avec de la fécule, ou en chauffant de l'eau avec du jaune d' œuf. Dans le premier cas, les grains d'amidon s'empèsent, gonflent en absorbant l'eau environnante, et ils viennent faire des microgels dispersés dans l'eau. Dans le second cas, les protéines de l'oeuf coagulent et se dispersent dans l'eau, faisant une "suspension".
Pour avoir ces crèmes au citron, il suffit que l' "eau" dont il était question ait un goût de citron : que ce soit par exemple du jus de citron.
Mais on peut faire bien d'autres préparations par exemple en fouettant de la crème et ajoutant du citron.
Ou en partant de jus de citron, en dissolvant une feuille de gélatine et en fouettant de l'huile comme pour faire une mayonnaise...
Il y a mille crèmes au citron différentes et il suffirait que l'on me donne l'objectif à atteindre pour que je détermine facilement la crème au citron et sa recette.
La crème au citron ? Une crème, c'est un système crémeux, qui a la consistance de la crème du lait
Une telle consistance s'obtient facilement, par exemple en chauffant de l'eau avec de la fécule, ou en chauffant de l'eau avec du jaune d' œuf. Dans le premier cas, les grains d'amidon s'empèsent, gonflent en absorbant l'eau environnante, et ils viennent faire des microgels dispersés dans l'eau. Dans le second cas, les protéines de l'oeuf coagulent et se dispersent dans l'eau, faisant une "suspension".
Pour avoir ces crèmes au citron, il suffit que l' "eau" dont il était question ait un goût de citron : que ce soit par exemple du jus de citron.
Mais on peut faire bien d'autres préparations par exemple en fouettant de la crème et ajoutant du citron.
Ou en partant de jus de citron, en dissolvant une feuille de gélatine et en fouettant de l'huile comme pour faire une mayonnaise...
Il y a mille crèmes au citron différentes et il suffirait que l'on me donne l'objectif à atteindre pour que je détermine facilement la crème au citron et sa recette.
vendredi 17 janvier 2020
L'osso bucco
Aujourd'hui c'est à propos d'osso bucco que l'on m'interroge mais je risque de me répéter un peu, car la question essentielle de l'osso bucco, c'est de bien attendrir la viande. Or j'ai déjà largement discuté de cette question de l'attendrissement des viandes à la cuisson, et notamment de l'emploi des basses températures.
En pratique, c'est simple : il suffit de cuire longuement à basse température pour que la viande, qui contient souvent de tissu collagénique abondant, puisse se défaire progressivement, libérant le collagène dégradé qui contribue à faire l'onctuosité du jus de cuisson.
D'ailleurs, dans ce dernier, les tomates sont "fondues" : cela signifie qu'elles se sont complètement défaites, surtout si on les a bien mondé et épéminé, ce qui ne demande qu'un passe de dix à vingt secondes dans de l'eau bouillante.
Mais, à propos d'osso bucco, il faut évoquer le quignon de pain grillé que mettent ceux qui ne font pas revenir la viande initialement, en la singeant, c'est-à-dire en saupoudrant de farine, qui permet ensuite de lier la sauce.
Et il y le zeste de citron ! Tout tient dans cette observation qui est que l'on obtient des effets d'inflammation amusants quand on presse la peau d'un citron, d'une orange ou d'un pamplemousse devant une bougie. C'est que ce liquide contient notamment un composé nommé limonène et bien d'autres composés odorants qui donnent le goût particulier que l'on a quand on utilise des zestes de citron. Naguère, je me suis étonné que ces composés odorants puissent être présents dans la sauce, faite d'eau... car ils ne sont quasiment pas soluble dans l'eau. Mais il y a d'une part le fait qu'ils ne sont pas complètement insolubles : la très petite quantité qui passe dans l'eau suffit à donner beaucoup de goût. Et, surtout, le fait qu'ils peuvent se dissoudre dans la matière grasse émulsionnée dans la sauce : tout cela fait un goût merveilleux !
jeudi 16 janvier 2020
Réussir les brandades de morue
On m'interroge ce matin à propos de brandade de morue.
La question s'apparente à celle qui portait sur les terrines, car il y a encore de la chair -ici de poisson, là d'animal terrestre- qui est travaillée et cuite, avec ajout de matières grasse.
Mais il y a des différences importante, et notamment le fait que, pour la brandade de morue, la chair n'est pas hachée, mais seulement cuite longtemps, avec le fait que le poisson contient très peu de tissu collagénique, contrairement à la viande, de sorte que les fibres musculaires se séparent facilement les unes des autres.
Enfin il y a pas le fait que si les terrines peuvent être grasses, en raison de la gorge de porc (par exemple) que l'on utilise, la brandade, elle, comporte parfois une quantité d'huile considérable.
Reprenons les choses pratiquement
Nous partons de poisson, et ce poisson est chauffé avec un peu de lait, de sorte que les fibres musculaires, tuyaux très fin juxtaposé en faisceaux par peu du collagène, se séparent progressivement les unes des autres. C'est cela, le poisson qui s'émiette quand on le travaille dans la casserole avec une cuillère en bois.
L'ail ? Il est là pour donner du goût, mais il est vrai qu'il apporte également de quoi "émulsionner" l'huile, comme quand on fait un aïoli, à partir d'olive que l'on disperse dans l'ail pilé. D'ailleurs, le fait de beaucoup travailler la brandade en ajoutant l'huile permet de faire exactement comme pour une mayonnaise, à savoir que le filet d'huile est divisé en gouttelettes qui se dispersent dans ce que l'on nomme la phase aqueuse du plat, l'eau ayant été apportée soit par le lait, soit par le poisson puisque les fibres musculaires contiennent de l'eau, soit par l'ail.
Oui, les brandade de morue sont des systèmes émulsionnés, un peu comme des mayonnaises où les gouttes d'huile sont dispersées dans l'eau par le fouet.
Et l'on comprend à la fois les conditions de réussite et les raisons des échecs.
Pour réussir, il faut bien disperser l'huile, ce qui impose un travail mécanique notable : l'émulsion ne se fait pas en claquant des doigts.
On comprend que l'on puisse échouer quand les conditions d'une émulsion ne sont pas réunies, c'est-à-dire :
- soit quand on a pas assez travaillé l'huile, donc,
- mais aussi quand on a pas assez d'émulsifiant, ce qui signifie en pratique que l'on a pas assez travaillé le poisson pour libérer les protéines qui vont émulsionner l'huile,
- soit quand il y a trop peu d'eau, parce que c'est une bonne règle pratique de toujours penser que dans une émulsion, il faut un minimum de 5 pour cent d'eau par rapport à l'huile.
PS. Bien sûr, on peut ajouter de la pomme de terre, si l'on veut ! Et l'on peut frire des croquettes de brandade, notamment après les avoir passé dans de l'oeuf battu
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