Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Sous la plume de jeunes collègues, je lis :
Après les concours (médecine, grandes écoles, etc.), l'ambiance est peu portée sur les études, et la plupart des étudiants sèchent de nombreux cours. Cela induit peut-être un manque de motivation de certains professeurs pour améliorer leur cours, ce qui, en un sens, est compréhensible : pourquoi faire des efforts c'est les étudiants ne viennent pas en cours.
Je suis absolument opposé à cette idées des jeunes collègues, qui cherchent des excuses aux professeurs de première année, et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, c'est surtout quand nos amis sont dans la détresse qu'ils ont besoin de nous : or des jeunes collègues qui n'arrivent plus à étudier sont en réalité à plaindre, et c'est dans ces circonstances précises qu'il faut les aider, par des cours passionnants.
Je fais l'hypothèse que les jeunes collègues qui viennent de passer les concours restent des humains décents, et pas des brutes alcoolisées (la question des "soirées" est grave, dans les établissements de formation), et qu'ils méritent les meilleurs des professeurs.
J'ajoute quand même que cette idée qui consiste à dire que les jeunes collègues sont épuisés par une année de travail est quand même bien exagérée : je peux attester que je travaille aujourd'hui considérablement plus que quand je préparais moi-même les concours aux grandes écoles d'ingénieur.
D'ailleurs, l'état admis par les étudiants aggrave le cercle vicieux. Si les professeurs font des cours passionnants, même ceux qui sèchent les cours auront envie de venir !
Je tourne cette idée, et je la retourne, mais je ne vois pas comment y échapper : je ne vois rien à ajouter.
Ah, si, quand même : l'idée proposée fait injure à des professeurs décents ! Car quel intellectuel (je parle des professeurs) peut supporter de faire quelque chose médiocrement ? Qui peut accepter de passer des heures, surtout devant autrui, en se montrant médiocre ? Et puis, même s'il n'y a qu'un seul jeune collègue devant le professeur, n'est-ce pas merveilleux, pour ce dernier, d'avoir cette possibilité d'avoir un dialogue privilégié avec un jeune collègue qui a la passion d'apprendre ? D'ailleurs, je suis bien convaincu qu'un professeur qui se donne du mal dans de telles circonstances fait tache d'huile, car quelqu'un de passionné attire toujours.
J'insiste : si le but de l'enseignement est d'allumer un brasier dans le cœur de quelqu'un, quel succès que d'allumer un brasier. Bien sûr, en allumer cent, c'est mieux, mais qui peut se targer d'y avoir réussi ?
Et puis, au fond, un professeur qui ferait de mauvais cours, qu'il y ait des jeunes collègues devant lui ou pas, n'est-ce pas un mauvais professeur ? Quelqu'un qui fait mal fait mal, un point c'est tout !
Bref, je ne suis pas d'accord avec nos jeunes collègues.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 8 août 2019
mercredi 7 août 2019
Sortir par le haut de l'opposition entre les professeurs et les "étudiants"
Un préambule : j'ai décidé de ne plus parler d'étudiants, mais seulement de collègues, de ne plus parler de cet impossible enseignement, mais d'études. Cela figure dans des billets précédents, mais, ici, je me tords le bras pour que mes amis aient plus de facilité à me comprendre.
Dans tous les systèmes d'enseignement que je connais, universités ou grandes écoles, je vois la même antienne : les étudiants se plaignent des professeurs, et les professeurs se plaignent des étudiants ; les étudiants revendiquent de l'autonomie, des systèmes d'étude nouveau, et les professeurs répondent qu'ils ont déjà mis tout cela en œuvre, et ainsi de suite à l'infini.
Cette interminable double litanie, avec la pénible énumération des torts respectifs n'a aucun intérêt, et d'abord parce que les reproches sont inexacts dans leur généralité, ce qui vaut à la fois pour les professeurs et pour les étudiants.
Ma proposition est que nous sortions de cette lutte des classes par le haut.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'abord que, dans la discussion entre les parties (on invitera évidemment le personnel administratif, aussi), on interdira désormais les critiques d'un corps vers un autre, et l'on ne recevra que des propositions positives.
D'autre part, on devra justifier les propositions, et l'on oubliera pas de confronter les nouveautés aux dispositifs du passé.
Finalement, je propose de revenir à l'objectif qui est celui de l'université et les grandes écoles, à savoir que ce sont des institutions construites pour que les étudiants apprennent. De sorte que la vraie question, la seule question, est de savoir comment organiser notre système de telle façon que les étudiants apprennent de façon optimale.
J'ajouterai quand même que le modèle paternaliste n'était pas bon, et qu'il n'est pas tenable : les étudiants doivent se déterminer eux-mêmes et le corps professoral est là pour les aider à étudier et les évaluer. Les professeurs doivent définir le cursus, ou, plutôt, l'éventail des matières qui donnent lieu à l'attribution de diplômes, en même temps qu'ils sont à la disposition des collègues plus jeunes en termes de connaissances, compétences, savoir faire, savoir être, savoir vivre.
Les matières ne sont pas arbitraires, ne sont pas le fait d'un Prince-professeur, mais sont discutées dans des instances de formation, mais, finalement, c'est quand même aux étudiants d'étudier !
J'ai utilisé le terme "paternaliste", et il est bon de comparer avec la médecine, où ce terme est récusé. Dans le temps, les médecins décidaient pour les patients, sur la base de leur compétence. Mais des questions de "valeur" viennent déranger cette proposition insoutenable : imaginons la présence de certains gènes qui augmentent le risque du cancer du sein ou du testicule. Ce n'est pas au médecin de décider qu'il faut enlever les deux seins ou les testicules, mais à la personne, au patient à risque : ce dernier doit être informé des différentes possibilités... qui peuvent être tout aussi bien l'ablation des seins ou des testicules qu'un suivi régulier. Certains patients pourront vouloir l'ablation, d'autres pas. Et le médecin n'est pas là pour dire ce qu'il faut faire, mais pour guider la décision par les patients responsables. Ce ne sont pas des enfants pour qui l'on stipule !
De même pour les jeunes collègues : à eux d'étudier, en prenant leurs responsabilités, mais avec l'éclairage des collègues plus âgés que sont les professeurs. Doit-on introduire dans le cursus d'élèves ingénieurs de la philosophie et de la littérature, par exemple ? Pourquoi pas, mais il faut savoir que cela se fera au détriment d'autres matières : la chimie, la physique, que sais-je ?
Bref, on ne peut pas tout avoir, et il est bon de faire des choix éclairés, et notamment sur la base d'un projet personnel clair... de sorte que j'aurais tendance à dire que l'institution doit aider nos jeunes collègues indécis à se décider aussi vite que possible, afin de choisir en responsabilité quelles matières s'imposent absolument, et lesquelles ont moins d'importance.
Ce qui me conduit, décidément c'est une rengaine, à vous conseiller un autre billet sur "la formation matricielle".
Dans tous les systèmes d'enseignement que je connais, universités ou grandes écoles, je vois la même antienne : les étudiants se plaignent des professeurs, et les professeurs se plaignent des étudiants ; les étudiants revendiquent de l'autonomie, des systèmes d'étude nouveau, et les professeurs répondent qu'ils ont déjà mis tout cela en œuvre, et ainsi de suite à l'infini.
Cette interminable double litanie, avec la pénible énumération des torts respectifs n'a aucun intérêt, et d'abord parce que les reproches sont inexacts dans leur généralité, ce qui vaut à la fois pour les professeurs et pour les étudiants.
Ma proposition est que nous sortions de cette lutte des classes par le haut.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'abord que, dans la discussion entre les parties (on invitera évidemment le personnel administratif, aussi), on interdira désormais les critiques d'un corps vers un autre, et l'on ne recevra que des propositions positives.
D'autre part, on devra justifier les propositions, et l'on oubliera pas de confronter les nouveautés aux dispositifs du passé.
Finalement, je propose de revenir à l'objectif qui est celui de l'université et les grandes écoles, à savoir que ce sont des institutions construites pour que les étudiants apprennent. De sorte que la vraie question, la seule question, est de savoir comment organiser notre système de telle façon que les étudiants apprennent de façon optimale.
J'ajouterai quand même que le modèle paternaliste n'était pas bon, et qu'il n'est pas tenable : les étudiants doivent se déterminer eux-mêmes et le corps professoral est là pour les aider à étudier et les évaluer. Les professeurs doivent définir le cursus, ou, plutôt, l'éventail des matières qui donnent lieu à l'attribution de diplômes, en même temps qu'ils sont à la disposition des collègues plus jeunes en termes de connaissances, compétences, savoir faire, savoir être, savoir vivre.
Les matières ne sont pas arbitraires, ne sont pas le fait d'un Prince-professeur, mais sont discutées dans des instances de formation, mais, finalement, c'est quand même aux étudiants d'étudier !
J'ai utilisé le terme "paternaliste", et il est bon de comparer avec la médecine, où ce terme est récusé. Dans le temps, les médecins décidaient pour les patients, sur la base de leur compétence. Mais des questions de "valeur" viennent déranger cette proposition insoutenable : imaginons la présence de certains gènes qui augmentent le risque du cancer du sein ou du testicule. Ce n'est pas au médecin de décider qu'il faut enlever les deux seins ou les testicules, mais à la personne, au patient à risque : ce dernier doit être informé des différentes possibilités... qui peuvent être tout aussi bien l'ablation des seins ou des testicules qu'un suivi régulier. Certains patients pourront vouloir l'ablation, d'autres pas. Et le médecin n'est pas là pour dire ce qu'il faut faire, mais pour guider la décision par les patients responsables. Ce ne sont pas des enfants pour qui l'on stipule !
De même pour les jeunes collègues : à eux d'étudier, en prenant leurs responsabilités, mais avec l'éclairage des collègues plus âgés que sont les professeurs. Doit-on introduire dans le cursus d'élèves ingénieurs de la philosophie et de la littérature, par exemple ? Pourquoi pas, mais il faut savoir que cela se fera au détriment d'autres matières : la chimie, la physique, que sais-je ?
Bref, on ne peut pas tout avoir, et il est bon de faire des choix éclairés, et notamment sur la base d'un projet personnel clair... de sorte que j'aurais tendance à dire que l'institution doit aider nos jeunes collègues indécis à se décider aussi vite que possible, afin de choisir en responsabilité quelles matières s'imposent absolument, et lesquelles ont moins d'importance.
Ce qui me conduit, décidément c'est une rengaine, à vous conseiller un autre billet sur "la formation matricielle".
mardi 6 août 2019
Un journal, surtout un journal, et dès l'école !
L'école enseigne à avoir un cahier de brouillon et un cahier de propre, comme on disait, et cela est bon, d'un certain point de vue, parce que cela habitue à écrire.
Cela dit, la vie est trop courte pour mettre les brouillons au net, de sorte que nous pouvons avoir une ambition supérieure : faire propre aussi vite que possible, de sorte que nous n'aurions qu'un seul cahier.
Puis le collège et le lycée habituent les élèves à avoir un cahier par matière. Cela n'est pas critiquable, en soi... mais ça conduit à ne plus avoir de "cahier" général... alors que les marins ont un journal de bord, les scientifiques un cahier de laboratoire, etc.
Bref, dans les méthodes d'instruction que l’Éducation nationale pourrait utilement donner, il y a la consigne de tenir un journal, d'avoir un cahier sur lequel on marque ce que l'on fait.
Si le mot "cahier" désigne l'objet, le mot "journal" est plus intéressant puisqu'il indique que c'est un cahier que l'on tient chaque jour.
Il y a aussi le mot "éphéméride" qui pourrait correspondre et en anglais, il y a le diary tel que le tenait le chimiste Michael Faraday et qui correspondait en réalité à un cahier de laboratoire.
Faraday avait perdu son père très jeune et il était d'une famille extrêmement pauvre. Il fut intellectuellement sauvé par les conseils donnés dans un livre intitulé L'amélioration de l'esprit, du prêtre anglais Isaac Watts. Parmi les six conseils que Faraday retint de cet ouvrage, il y avait celui de toujours avoir avec soi un cahier pour noter ses idées.
Il y a lieu de commenter cela. Le premier commentaire concerne les "idées" : pourquoi seulement les idées ? Si l'on pense sans cesse sécurité, qualité, traçabilité, alors il y a lieu de noter bien plus que des idées et, par exemple des informations que l'on n'ira pas rechercher une deuxième fois.
D'autre part, à propos de noter, on est passé à l'ère du numérique, et le cahier papier aura sans doute été remplacé par un fichier... tandis que la notation par écrit, à l'aide d'un crayon ou d'un stylo, aura peut-être été une dictée qu'un logiciel aura fixée par écrit.
En tout état de cause, il faut discuter les vertus de cette méthode et notamment le fait qu'écrire des idées, les informations etc. apprend à écrire. Et, si l'on fait cela de façon non négligente, alors on peut même perfectionner son orthographe, sa grammaire, mais, surtout, si l'on considère les mots un à un, alors on peut apprendre à penser.
Et nous rejoignons là un autre conseil d'Isaac Watts, à savoir d'entretenir une correspondance. Car ce journal que l'on tient, n'est-ce pas une correspondance avec soi-même ?
Faraday n'est d'ailleurs pas le seul dont on puisse avoir envie de suivre les traces, et nombres de grands scientifiques du passé ont insisté sur la nécessité de parler et d'écrire précisément. Un mot posé sur une feuille n'est pas une feuille d'arbre emportée par le vent, mais au contraire cela doit être le fruit d'une longue décision bien mûrie. D'ailleurs, on pourrait parfaitement considérer que la tenue de ce journal, le soir, correspond à ces exercices spirituels qui sont proposés par les philosophes au moins depuis Platon et son académie.
Et puisque nous discutons Platon, évoquons Aristote pour qui l'écriture était la mort de la pensée. Avec les logiciels de dictée, la pensée reprend ses droits, et nos amis sont libérés de la question de la grammaire et de l'orthographe... Mais quand même, la question n'est pas d'aller vite, et la rumination des idées, leur polissage, produit mieux que de simples mots écrits sur une feuille ou sur un écran. La question est moins le support que les idées véhiculées par la langue, n'est-ce pas ?
Cela dit, la vie est trop courte pour mettre les brouillons au net, de sorte que nous pouvons avoir une ambition supérieure : faire propre aussi vite que possible, de sorte que nous n'aurions qu'un seul cahier.
Puis le collège et le lycée habituent les élèves à avoir un cahier par matière. Cela n'est pas critiquable, en soi... mais ça conduit à ne plus avoir de "cahier" général... alors que les marins ont un journal de bord, les scientifiques un cahier de laboratoire, etc.
Bref, dans les méthodes d'instruction que l’Éducation nationale pourrait utilement donner, il y a la consigne de tenir un journal, d'avoir un cahier sur lequel on marque ce que l'on fait.
Si le mot "cahier" désigne l'objet, le mot "journal" est plus intéressant puisqu'il indique que c'est un cahier que l'on tient chaque jour.
Il y a aussi le mot "éphéméride" qui pourrait correspondre et en anglais, il y a le diary tel que le tenait le chimiste Michael Faraday et qui correspondait en réalité à un cahier de laboratoire.
Faraday avait perdu son père très jeune et il était d'une famille extrêmement pauvre. Il fut intellectuellement sauvé par les conseils donnés dans un livre intitulé L'amélioration de l'esprit, du prêtre anglais Isaac Watts. Parmi les six conseils que Faraday retint de cet ouvrage, il y avait celui de toujours avoir avec soi un cahier pour noter ses idées.
Il y a lieu de commenter cela. Le premier commentaire concerne les "idées" : pourquoi seulement les idées ? Si l'on pense sans cesse sécurité, qualité, traçabilité, alors il y a lieu de noter bien plus que des idées et, par exemple des informations que l'on n'ira pas rechercher une deuxième fois.
D'autre part, à propos de noter, on est passé à l'ère du numérique, et le cahier papier aura sans doute été remplacé par un fichier... tandis que la notation par écrit, à l'aide d'un crayon ou d'un stylo, aura peut-être été une dictée qu'un logiciel aura fixée par écrit.
En tout état de cause, il faut discuter les vertus de cette méthode et notamment le fait qu'écrire des idées, les informations etc. apprend à écrire. Et, si l'on fait cela de façon non négligente, alors on peut même perfectionner son orthographe, sa grammaire, mais, surtout, si l'on considère les mots un à un, alors on peut apprendre à penser.
Et nous rejoignons là un autre conseil d'Isaac Watts, à savoir d'entretenir une correspondance. Car ce journal que l'on tient, n'est-ce pas une correspondance avec soi-même ?
Faraday n'est d'ailleurs pas le seul dont on puisse avoir envie de suivre les traces, et nombres de grands scientifiques du passé ont insisté sur la nécessité de parler et d'écrire précisément. Un mot posé sur une feuille n'est pas une feuille d'arbre emportée par le vent, mais au contraire cela doit être le fruit d'une longue décision bien mûrie. D'ailleurs, on pourrait parfaitement considérer que la tenue de ce journal, le soir, correspond à ces exercices spirituels qui sont proposés par les philosophes au moins depuis Platon et son académie.
Et puisque nous discutons Platon, évoquons Aristote pour qui l'écriture était la mort de la pensée. Avec les logiciels de dictée, la pensée reprend ses droits, et nos amis sont libérés de la question de la grammaire et de l'orthographe... Mais quand même, la question n'est pas d'aller vite, et la rumination des idées, leur polissage, produit mieux que de simples mots écrits sur une feuille ou sur un écran. La question est moins le support que les idées véhiculées par la langue, n'est-ce pas ?
lundi 5 août 2019
J'ai déjà vécu tout cela presque à l'identique quand j'étais élève
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Alors que je discute phrase à phrase un gros document émis par des jeunes collègues, d'analyse critique de la formation qu'ils reçoivent, je m'aperçois que, partant d'un a priori très favorable, mes analyses me conduisent trop à une réfutation mot à mot de ce qu'ils concluent. Ce n'est pas bon, car je m'étais promis d'éviter la lutte des classes, collègues plus jeunes contre collègues plus vieux, en sortant par le haut, en prenant de la grandeur. Et voilà que je reste englué dans le débat.
Allons, prenons du recul... en observant que j'ai entendu les arguments proposés par nos jeunes collègues il y a 40 ans, quand j'étais moi-même élève d'une école d'ingénieur ! On sortait de Mai 1968, et nos camarades des promotions précédentes venaient de secouer le joug des encadrements figés du passé, de supprimer l'assistance obligatoire aux cours, avaient conquis de haute lutte le droit de publier un journal des élèves, et ainsi de suite. Les élèves n'étaient plus des enfants, ils prenaient part au conseil d'administration de l'école, décidaient de la formation qu'ils recevaient dans des instances paritaires. On avait l'espoir que les Mandarins seraient mis de côté (je rappelle que, à cette époque, le patron d'un laboratoire de chimie signait en premier toutes les publications !).
Bref, c'est étonnant que les mêmes analyses reviennent des décennies plus tard : le fait que les cours ressemblent à ceux des classes préparatoires en moins profond, le fait que la scolarité soit scolaire, le fait que les cours ne puissent pas tout traiter, et ainsi de suite.
La leçon ? Il faut changer, et même mieux, changer pour changer. Dans les revues et journaux, on sait bien que la maquette doit changer tous les deux ou trois ans, parce que les lecteurs se lassent. On fait des changements d'apparence, qui s'apparentent aux modes des vêtements, des musiques, des peintures, des livres. Bien sûr, il y a eu de différences de fond entre une série télévisuelle et un feuilleton comme en publiaient les journaux jadis, mais l'apparence a quand même changer.
Nos institutions de formation ne pourraient-elles faire ainsi, en concertation avec jeunes collègues, professeurs, personnels administratifs ?
Alors que je discute phrase à phrase un gros document émis par des jeunes collègues, d'analyse critique de la formation qu'ils reçoivent, je m'aperçois que, partant d'un a priori très favorable, mes analyses me conduisent trop à une réfutation mot à mot de ce qu'ils concluent. Ce n'est pas bon, car je m'étais promis d'éviter la lutte des classes, collègues plus jeunes contre collègues plus vieux, en sortant par le haut, en prenant de la grandeur. Et voilà que je reste englué dans le débat.
Allons, prenons du recul... en observant que j'ai entendu les arguments proposés par nos jeunes collègues il y a 40 ans, quand j'étais moi-même élève d'une école d'ingénieur ! On sortait de Mai 1968, et nos camarades des promotions précédentes venaient de secouer le joug des encadrements figés du passé, de supprimer l'assistance obligatoire aux cours, avaient conquis de haute lutte le droit de publier un journal des élèves, et ainsi de suite. Les élèves n'étaient plus des enfants, ils prenaient part au conseil d'administration de l'école, décidaient de la formation qu'ils recevaient dans des instances paritaires. On avait l'espoir que les Mandarins seraient mis de côté (je rappelle que, à cette époque, le patron d'un laboratoire de chimie signait en premier toutes les publications !).
Bref, c'est étonnant que les mêmes analyses reviennent des décennies plus tard : le fait que les cours ressemblent à ceux des classes préparatoires en moins profond, le fait que la scolarité soit scolaire, le fait que les cours ne puissent pas tout traiter, et ainsi de suite.
La leçon ? Il faut changer, et même mieux, changer pour changer. Dans les revues et journaux, on sait bien que la maquette doit changer tous les deux ou trois ans, parce que les lecteurs se lassent. On fait des changements d'apparence, qui s'apparentent aux modes des vêtements, des musiques, des peintures, des livres. Bien sûr, il y a eu de différences de fond entre une série télévisuelle et un feuilleton comme en publiaient les journaux jadis, mais l'apparence a quand même changer.
Nos institutions de formation ne pourraient-elles faire ainsi, en concertation avec jeunes collègues, professeurs, personnels administratifs ?
dimanche 4 août 2019
Des cours "scolaires" ?
Dans un document de collègues plus jeunes, je lis :
De plus, les cours sont bien souvent très descriptifs, scolaires, et quasiment jamais problématisés. Cela cause, toujours d’après nous, un ennui certain pour les étudiants qui ne sont pas vraiment incités à réfléchir dans ce cas.
Des cours scolaires ? Nos collègues ont bien raison de se lever contre c'est format d'étude, car ce sont des individus majeurs qui ont le droit de vote, qui payent des impôts (ou leurs parents, ce qui revient un peu au même) et qui ont le droit d'avoir un regard critique sur les formations qui leur sont dispensées.
Je rappelle que dans n'importe quelle université étrangère, il y a une évaluation des enseignants. Pardon, des professeurs, car je déteste le mot "enseignant" (pour mille raisons exposées dans d'autres billets). Chez nous... disons par litote que cette culture est moins présente. Mais j'ajoute aussi que les dérives des évaluations des professeurs est bien difficile : on sait que le même professeur mal évalué sur le vif l'est très bien quelques années plus tard, mais je sais aussi, pour pratiquer une évaluation particulièrement serrée dans le cadre des Hautes Etudes Gastronomiques, que nos auditeurs nous font parfois tourner en rond, décrétant une année qu'un cours est trop court, et l'année suivante qu'il est trop long, et ainsi de suite. Il faut arbitrer avec finesse et jugement, en n'oubliant pas que les promotions sont des groupes très fluctuants : on n'oubliera pas que la démocratie d'Athènes a condamné Socrate à boire la cigüe !
Mais revenons à notre question de cours "scolaires" : de quoi s'agit-il ? Que ces cours ressemblent à ceux qu'ils ont eu par le passé ? Et alors ? Le système antérieur était-il inefficace ? Et puis, si nos jeunes collègues sont autonomes, pourquoi ne sont-ils pas autonomes ? J'aimerais bien qu'ils explicitent cela mieux que par un rejet rapide, hâtif, d'un mot !
Sur ce billet particulier, toutefois, je veux revenir sur le mot "cours", qui est source de confusion : il y a ce moment de discours professoral, en chaire si l'on peut dire, et il y a le module tout entier, qui vise un corpus particulier de connaissances, compétences, savoir faire, savoir être, savoir vivre. Qu'est-ce qui serait "scolaire", dans l'affaire ? La présentation professorale, ou le module ? Après tout, si l'on a une présentation qui donne de l'enthousiasme, qui cartographie, alors les jeunes collègues pourront étudier. Or étudier : il y a peu de chances que l'on puisse le faire de dix mille manières différentes. Et puis, puisque cela relève de chaque individu, à lui ou elle de le faire comme il ou elle veut : au bistrot, dans un part, dans une pièce sombre, avec du papier, sur un ordinateur, les pieds au mur, que sais-je...
Et j'enchaîne en revenant aux cours professé. Rapidement, j'ai dit qu'il s'agit de donner de l'enthousiasme et de "cadrer" les études, mais je veux revenir à cette description, car je crois que j'ai été trop rapide. Je crois surtout que le mot "contextualisé" utilisé ailleurs était bon, mais insuffisant : je préfère la métaphore de présenter une carte du sujet. Comme cette merveilleux carte du Tendre des précieuses :
Oui, il s'agit d'indiquer les étapes qui pourront être suivies, les relations entres les objets de la matière étudiée, et je m'aperçois d'ailleurs que, si je fais moi-même la chose, je ne la fais pas telle que je viens de la comprendre... de sorte que je vais pouvoir changer tous mes cours ! Quel bonheur.
De plus, les cours sont bien souvent très descriptifs, scolaires, et quasiment jamais problématisés. Cela cause, toujours d’après nous, un ennui certain pour les étudiants qui ne sont pas vraiment incités à réfléchir dans ce cas.
Des cours scolaires ? Nos collègues ont bien raison de se lever contre c'est format d'étude, car ce sont des individus majeurs qui ont le droit de vote, qui payent des impôts (ou leurs parents, ce qui revient un peu au même) et qui ont le droit d'avoir un regard critique sur les formations qui leur sont dispensées.
Je rappelle que dans n'importe quelle université étrangère, il y a une évaluation des enseignants. Pardon, des professeurs, car je déteste le mot "enseignant" (pour mille raisons exposées dans d'autres billets). Chez nous... disons par litote que cette culture est moins présente. Mais j'ajoute aussi que les dérives des évaluations des professeurs est bien difficile : on sait que le même professeur mal évalué sur le vif l'est très bien quelques années plus tard, mais je sais aussi, pour pratiquer une évaluation particulièrement serrée dans le cadre des Hautes Etudes Gastronomiques, que nos auditeurs nous font parfois tourner en rond, décrétant une année qu'un cours est trop court, et l'année suivante qu'il est trop long, et ainsi de suite. Il faut arbitrer avec finesse et jugement, en n'oubliant pas que les promotions sont des groupes très fluctuants : on n'oubliera pas que la démocratie d'Athènes a condamné Socrate à boire la cigüe !
Mais revenons à notre question de cours "scolaires" : de quoi s'agit-il ? Que ces cours ressemblent à ceux qu'ils ont eu par le passé ? Et alors ? Le système antérieur était-il inefficace ? Et puis, si nos jeunes collègues sont autonomes, pourquoi ne sont-ils pas autonomes ? J'aimerais bien qu'ils explicitent cela mieux que par un rejet rapide, hâtif, d'un mot !
Sur ce billet particulier, toutefois, je veux revenir sur le mot "cours", qui est source de confusion : il y a ce moment de discours professoral, en chaire si l'on peut dire, et il y a le module tout entier, qui vise un corpus particulier de connaissances, compétences, savoir faire, savoir être, savoir vivre. Qu'est-ce qui serait "scolaire", dans l'affaire ? La présentation professorale, ou le module ? Après tout, si l'on a une présentation qui donne de l'enthousiasme, qui cartographie, alors les jeunes collègues pourront étudier. Or étudier : il y a peu de chances que l'on puisse le faire de dix mille manières différentes. Et puis, puisque cela relève de chaque individu, à lui ou elle de le faire comme il ou elle veut : au bistrot, dans un part, dans une pièce sombre, avec du papier, sur un ordinateur, les pieds au mur, que sais-je...
Et j'enchaîne en revenant aux cours professé. Rapidement, j'ai dit qu'il s'agit de donner de l'enthousiasme et de "cadrer" les études, mais je veux revenir à cette description, car je crois que j'ai été trop rapide. Je crois surtout que le mot "contextualisé" utilisé ailleurs était bon, mais insuffisant : je préfère la métaphore de présenter une carte du sujet. Comme cette merveilleux carte du Tendre des précieuses :
Oui, il s'agit d'indiquer les étapes qui pourront être suivies, les relations entres les objets de la matière étudiée, et je m'aperçois d'ailleurs que, si je fais moi-même la chose, je ne la fais pas telle que je viens de la comprendre... de sorte que je vais pouvoir changer tous mes cours ! Quel bonheur.
samedi 3 août 2019
Des cours "amusants" ?
Dans des discussions avec des collègues plus jeunes, j'entends parler de cours qui devraient être "amusants". Amusant ? Mon radar interne m'alerte immédiatement : amusant est un adjectif, et, sous peine de verser dans le baratin du café du commerce, je dois remplacer tout adjectif par la question la réponse à la question "Combien ?".
Et puis amusant pour qui ? J'ai des amis pour qui les équations sont rébarbatives, et d'autres qui en font leurs délices. Surtout pour un groupe aussi vaste qu'une promotion de centaines de jeunes collègues, il est bien certain que les amusements sont variés et que le terme "amusant" n'a pas de sens. Bien sûr il peut toujours y avoir le recours à la vox populi, le vote de la majorité, mais ce n'est pas un vote ce qui nous dira si 2 + 2 font 4 ou pas.
Sans compter sur la notion des plaisirs utiles, largement discutée par les philosophes. Plaisirs ? Je vois surtout celui de l'étude, qui me permet de ne pas rester tel un animal.
Plus en pratique, je récuse ce terme d'amusant, parce que je me souviens de cours que je faisais à l'ENS Cachan et à l'Université Paris Sud, où mes cours étaient jugés "amusants"... alors que nous passions deux jours à regarder de l'eau chauffée, dans une casserole. Tout y passait, parce qu'il y a mille choses merveilleuses à voir, de l'apparition des premières bulles au fond de la casserole jusqu'à des changement de couleur de la fumée au-dessus de la casserole, en passant par des changements du bruit. Et le bonheur augmente quand on ajoute du calcul, c'est-à-dire de l'interprétation fiabilisée par le calcul !
De même, ces tableaux qui s'entassent dans les musées ne prennent souvent de l'intérêt que quand un merveilleux guide nous accompagne et nous montre les insectes que ne verrait pas un œil averti. De même, aujourd'hui, Internet est plein d'incroyables cours par les artistes les plus grands. Je vous recommande par exemple les cours de Paul Tortelier, pour le violoncelle, où les classes de maître de Daniel Barenboim, expliquant à de jeunes pianistes talentueux les subtilités des sonates de Beethoven.
Au fond, les bons les bons professeurs sont ceux qui savent dire des mots intelligents, présenter des idées subtiles, fines, stimulantes, intelligentes à des auditeurs qui n'ont pas encore faire le même chemin que celui qu'eux. N'est-ce pas cela qui est "amusant" ?
vendredi 2 août 2019
Les cours "magistraux" sont-ils périmés ?
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Suite de discussions avec nos jeunes collègues. Voici l'amorce qu'ils m'envoient :
Nous n’avons eu que trop de cours magistraux classiques (pour la plupart d’entre nous) et cette formule ne marche plus vraiment pour transmettre des connaissances solides (sur un amphi, combien écoutent du début à la fin ?). Il faut trouver des solutions innovantes et originales pour capter l’attention des étudiants.
Ici, il y a la question des cours magistraux "qui ne marchent plus pour transmettre des connaissances solides".
Oui, des cours magistraux ne transmettent pas des connaissances solides, et ils ne sont pas faits pour cela ! Oui, on ne peut pas être attentif longtemps (quoi que... et puis, faut-il vraiment l'être absolument), et toutes les études le montrent ! Oui, il faut des manières particulières pour capter l'attention des auditeurs.
Ici, je me place dans un cadre d'analyse élargi, et qui déborde l'université ou les grandes écoles.
Je ne veux pas ici revenir à des discussions déjà faites, à propos du fait que les cours sont seulement des amorces, pour les études qui doivent être faites ensuite, dans le silence du cabinet de travail, ou en groupes quand les jeunes collègues cherchent plus de socialisation, sans que s'impose une façon : après tout, il y a des individualistes (Faraday, Einstein, etc.) et des collectifs (le CERN).
Non, je propose plutôt, dans ce billet, de considérer la question des cours magistraux et des relations avec le savoir.
Prenons un exemple : le cours que Jean-Marie Lehn faisait, au Collège de France durait deux heures, et il était suivi d'un séminaire, avec une courte pause entre le cours et le séminaire. Nous n'étions qu'une trentaine dans la salle, mais nous avions le bénéfice d'un exposé organisé, structuré, structurant, sur des thèmes passionnants, nouveaux, originaux. Une étude bibliographique avait été faite pour nous, et cette étude s'assortissait d'une vision particulière, et, je le redis, structurante, laquelle bénéficiait d'ailleurs, ensuite, d'un séminaire, avec un intervenant invité qui venait présenter des travaux récents, en prolongement du cours. Quel bonheur que de tels éclairages !
Un autre exemple : celui de Pierre Hadot, également professeur au Collège de France, à propos des philosophies antiques et des "exercices spirituels". On m'aurait donné les seules 20 minutes que les études de l'attention préconisent que j'aurais été frustré : quand la matière est de qualité, j'en veux beaucoup, plus, plus encore !
Et, d'ailleurs, pour ce qui est de la forme, je ne veux pas que mon professeur fasse le guignol pour les besoins de l'exercice : je ne veux pas de mauvaises blagues forcées comme les conférenciers anglo-saxons sont souvent entraînés à les faire. Je ne veux pas de TED ou de TEDx en 20 minutes seulement, sauf à vouloir survoler des matières... Mais quand quelque chose m'intéresse vraiment, je ne veux justement pas survoler.
Bref, je veux des cours de belle qualité intellectuelle, pas des exposés laborieux de tâcherons qui ne décollent pas. Je veux rencontrer, par les cours, des intelligences brillantes, ce qui signifie pour moi des personnalités qui ont parfaitement creusé leur sujet et qui ont cherché des moyens d'en partager efficacement l'intérêt.
Donc je ne crois pas, finalement, que la critique soit juste. Non, nous n'avons pas eu trop de (bons) cours magistraux ! Si, cette formule marche très bien. Oui, je dois être et je suis capable d'écouter attentivement du début à la fin.
Mais, inversement, à côté de quelques cours magistraux donnés par quelques personnalités extraordinaires, oui, il faut des travaux variés, des études personnelles, laborieuses, en profondeur.
Car dans toutes ces analyses, il y a la question fondatrice : quel est l'objectif ?
Suite de discussions avec nos jeunes collègues. Voici l'amorce qu'ils m'envoient :
Nous n’avons eu que trop de cours magistraux classiques (pour la plupart d’entre nous) et cette formule ne marche plus vraiment pour transmettre des connaissances solides (sur un amphi, combien écoutent du début à la fin ?). Il faut trouver des solutions innovantes et originales pour capter l’attention des étudiants.
Ici, il y a la question des cours magistraux "qui ne marchent plus pour transmettre des connaissances solides".
Oui, des cours magistraux ne transmettent pas des connaissances solides, et ils ne sont pas faits pour cela ! Oui, on ne peut pas être attentif longtemps (quoi que... et puis, faut-il vraiment l'être absolument), et toutes les études le montrent ! Oui, il faut des manières particulières pour capter l'attention des auditeurs.
Ici, je me place dans un cadre d'analyse élargi, et qui déborde l'université ou les grandes écoles.
Je ne veux pas ici revenir à des discussions déjà faites, à propos du fait que les cours sont seulement des amorces, pour les études qui doivent être faites ensuite, dans le silence du cabinet de travail, ou en groupes quand les jeunes collègues cherchent plus de socialisation, sans que s'impose une façon : après tout, il y a des individualistes (Faraday, Einstein, etc.) et des collectifs (le CERN).
Non, je propose plutôt, dans ce billet, de considérer la question des cours magistraux et des relations avec le savoir.
Prenons un exemple : le cours que Jean-Marie Lehn faisait, au Collège de France durait deux heures, et il était suivi d'un séminaire, avec une courte pause entre le cours et le séminaire. Nous n'étions qu'une trentaine dans la salle, mais nous avions le bénéfice d'un exposé organisé, structuré, structurant, sur des thèmes passionnants, nouveaux, originaux. Une étude bibliographique avait été faite pour nous, et cette étude s'assortissait d'une vision particulière, et, je le redis, structurante, laquelle bénéficiait d'ailleurs, ensuite, d'un séminaire, avec un intervenant invité qui venait présenter des travaux récents, en prolongement du cours. Quel bonheur que de tels éclairages !
Un autre exemple : celui de Pierre Hadot, également professeur au Collège de France, à propos des philosophies antiques et des "exercices spirituels". On m'aurait donné les seules 20 minutes que les études de l'attention préconisent que j'aurais été frustré : quand la matière est de qualité, j'en veux beaucoup, plus, plus encore !
Et, d'ailleurs, pour ce qui est de la forme, je ne veux pas que mon professeur fasse le guignol pour les besoins de l'exercice : je ne veux pas de mauvaises blagues forcées comme les conférenciers anglo-saxons sont souvent entraînés à les faire. Je ne veux pas de TED ou de TEDx en 20 minutes seulement, sauf à vouloir survoler des matières... Mais quand quelque chose m'intéresse vraiment, je ne veux justement pas survoler.
Bref, je veux des cours de belle qualité intellectuelle, pas des exposés laborieux de tâcherons qui ne décollent pas. Je veux rencontrer, par les cours, des intelligences brillantes, ce qui signifie pour moi des personnalités qui ont parfaitement creusé leur sujet et qui ont cherché des moyens d'en partager efficacement l'intérêt.
Donc je ne crois pas, finalement, que la critique soit juste. Non, nous n'avons pas eu trop de (bons) cours magistraux ! Si, cette formule marche très bien. Oui, je dois être et je suis capable d'écouter attentivement du début à la fin.
Mais, inversement, à côté de quelques cours magistraux donnés par quelques personnalités extraordinaires, oui, il faut des travaux variés, des études personnelles, laborieuses, en profondeur.
Car dans toutes ces analyses, il y a la question fondatrice : quel est l'objectif ?
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