Aujourd'hui, des amis m'interrogent à propos de chlorure de sodium. De quoi s'agit-il ?
Pour expliquer la chose, et pour expliquer pourquoi le chlorure de sodium n'est pas exactement le sel de table, il est bon de reprendre les choses d'un point de vue historique et technique.
Partons donc de la mer, qui est de l'eau salée. Si on évapore l'eau (dans une poêle ou dans un marais salants), on récupère des cristaux plus ou moins blancs, et que l'on a nommés cristaux de sel. On peut aussi extraire des cristaux de sel de mines, et c'est alors du "sel gemme".
Si l'on s'y prend bien, on peut recristallier ces matières et obtenir des cristaux très blancs, qui sont alors du chlorure de sodium quasiment pur. Cette fois, ces cristaux sont des assemblages réguliers de deux types d'atomes : des atomes de sodium, et des atomes de chlore. Et comme ces atomes s'échangent des électrons, on les nomme des ions.
Mais le monde est imparfait, et quand on cristallise le sel à partir de la mer, les cristaux ne sont pas exclusivement composés d'atomes de chlore et de sodium. Il y a des atomes d'iode, de potassium, et plein d'autres ions que l'on pourrait nommer impuretés, non pas que ces atomes soit moins bien que ceux de chlore et sodium (il y a même de l'or, dans le lot), mais qu'il ne font pas partie du chlorure de sodium.
Autrement dit, le sel marin stricto sensu n'est pas stricto sensu du chlorure de sodium puisqu'il contient des impuretés , et il en va de même pour le sel gemme. La différence n'est pas grande quand les sels sont raffinés mais elle peut le devenir pour le sel gris, pour le sel de mer non raffiné, et là, le contenu en ions autre que chlore et sodium peut-être important, ce qui explique d'ailleurs que le sel puisse parfois être non seulement salé, mais aussi un peu amer : les ions calcium confèrent une certaine amertume, quand ils sont abondants, ce qui doit nous conduire d'ailleurs à observer que notre appareil sensoriel détecte parfaitement ce calcium essentiel pour la constitution de notre organisme. La découverte n'est pas très ancienne, et elle préfigure sans doute d'autres découvertes du même type.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 26 février 2019
lundi 25 février 2019
La vulgarisation ? Cacher les équations est une mauvais solution, un service qu'on ne rend pas
Allons, commençons par un argument d'autorité : pendant vingt ans, j'ai travaillé à la revue Pour la Science, notamment, où j'ai fait de la vulgarisation scientifique, d'ailleurs d'un niveau plus élevé que dans nombre de revues de vulgarisation populaires. J'ai également fait des travaux pour enfants, publié des livres, des revues, fait des émissions de radio et de télévision... mais finalement, je crois qu'une bonne vulgarisation ne doit en aucun cas faire l'économie des équations.
Cela a été prétendu, avec des tas de mauvais arguments, et par des personnes variées. L'astrophysicien Stephen Hawkins, par exemple, a écrit dans un de ses livres que son éditeur lui avait interdit les équations. Et nombre de scientifiques, notamment des physiciens, ont fait de la "physique avec les mains", évitant les équations.
Mais est-ce une bonne raison ?
Commençons par nous interroger : quelle est la fonction de la vulgarisation ? Il y en a d'innombrables selon les publics, mais je ne me résoudrai jamais à ce qu'elle se limite à donner une formation du type "La fusée à décollé", parce que l'on est aussi bête avant qu'après. Non, je lui vois un intérêt supplémentaire quand elle explique comment on est parvenu à faire décoller la fusée.
Évidemment, cet exemple est technologique, et non pas scientifique, mais c'est une métaphore, et pour les découvertes actuelle, il y a, de même lieu de donner non pas seulement le résultat ais d'expliquer comment on y est parvenu.
Pour la science, qui se distingue donc de la technologie, considérons le mouvement général du travail, qui passe par l'observation du phénomène, sa quantification, la réunion des données en lois, l'induction d'une théorie avec introduction de nouveau concept quantitativement compatibles avec toutes les lois, la prédiction d'une conséquence théorique et le test expérimental qui suit.
Pour l'observation du phénomène, c'est quelque chose de bien élémentaire, mais on peut se poser la question de savoir si la vulgarisation a déjà consacré des pages à ce propos.
Pour la caractérisation quantitative des phénomènes, j'ai bien peur que le public ne soit guère intéressé, sauf si l'on entre dans des conditions considérations technologiques sur les méthodes de mesure... mais je n'oublie pas que la communication est tout aussi bien une question sociale ou artistique que technique, de sorte qu'il ne semble pas y avoir de règle : quelqu'un d'intelligent devrait pouvoir intéresser à ce point.
Réunir les données en loi ? Là encore, le public se trouve souvent cela bien aride, et l'on fait souvent l'hypothèse qu'il veut aller au fait, à savoir les mécanismes des phénomènes, lesquels constituent le corpus théorique. Mais là encore, ne serait-ce pas intéressant et salutaire d'expliquer le travail effectué ?
La production théorique ? C'est ce que l'on trouve le plus souvent dans les articles : le "résultats". Cela conduit à voir s'empiler les articles de cosmologie ou d'astrophysique qui s'apparentent à des collections de papillons : on nous parle d'objets exotiques, de théories qui ne durent guère... Et c'est là que, souvent, se fait la confusion entre science et technologie. Mais on ne sort guère grandi de ces énumérations, parce que l'on n'y a gagné ni concept, ni notion, ni méthode. On est resté à l'information scientifique, et non pas à la vulgarisation scientifique, dont l'ambition est quand même supérieure.
Et si l'on prenait le problème différemment, en essayant de faire partager l'enthousiasme de la recherche scientifique, de chacune de ses étapes ? Alors, il y aurait lieu de s'interroger sur la nature de ces étapes, sur leur beauté, sur leur intérêt...
A propos de l'exploration d'un phénomène, il y aurait donc lieu de s'interroger sur la façon dont ces derniers sont sélectionnés, c'est-à-dire en réalité sur des questions de stratégie scientifique.
À propos à propos du recueil de données quantitatives, par exemple il y aurait sans doute leu de montrer, en se souvenant que donner mal acquise ne profite à personne, comment on s'y prend pour obtenir des données bien acquises, et cela dans chaque cas expérimental. Il ne s'agit pas moins que de faire partager ce bonheur de l'orfèvre qui fait de belles oeuvres !
La réunion des données en loi ? Là encore il, il y a de la méthode à communiquer. Et, on se souviendra que pour beaucoup de savants du passé, il y avait le recours au principe d'Occam, selon lequel les entités ne doivent pas être multipliées. Il faut discuter cette hypothèse qui consiste, pour des données, à chercher les lois les plus simple, dans des cas tous différents.
Et ainsi de suite : chacune des étapes du travail scientifique peut-être décrite, expliquée, cas par cas, car il y a une infinie diversité des travaux, et donc d'explications à donner. Aucune répétition dans cette affaire, et les revues de vulgarisation pourront parfaitement paraître tous les mois sans se redire, sans se répéter.
Finalement, je vois qu'il n'est pas inintéressant, pour notre discussion, de considérer l'analyse d'un très bel article de vulgarisation qui avait été écrit par Kenneth Wilson à propos de la renormalisation, dans la revue Pour la Science. Bien sûr, l'article était trop long (17 pages !), sans doute un peu trop difficile. Mais trop difficile parce qu'il était trop long. Il y aurait lieu de reprendre cet article, de le diviser, de profiter de la place donnée à chaque morceau pour étendre un peu. Sans diluer, évidemment, mais en mettant un peu plus de liant, car il est vrai que cet article a été, entièrement focalisé sur l'objet, sans aucun effet de manche.
Bien sûr, je ne méconnais pas les circonstances dans lesquelles la vulgarisation scientifique est produite : le coût du papier, des éditeurs, des studios de radio de télévision... Mais à l'heure du numérique, nous avons de nouvelles possibilités que nous pouvons exploiter au mieux pour arriver à faire partager l'enthousiasme pour la science, ses méthodes et ses résultats. Et j'ai vraiment l'impression que l'on évitera le dogme, la litanie, si nous partageons votre l'enthousiasme pour chacune des étapes scientifiques. Et le calcul est au coeur de l'affaire : la science, ce n'est pas un discours poétique, mais bien une étude où le nombre, l'équation sont au coeur du travail.
Cela a été prétendu, avec des tas de mauvais arguments, et par des personnes variées. L'astrophysicien Stephen Hawkins, par exemple, a écrit dans un de ses livres que son éditeur lui avait interdit les équations. Et nombre de scientifiques, notamment des physiciens, ont fait de la "physique avec les mains", évitant les équations.
Mais est-ce une bonne raison ?
Commençons par nous interroger : quelle est la fonction de la vulgarisation ? Il y en a d'innombrables selon les publics, mais je ne me résoudrai jamais à ce qu'elle se limite à donner une formation du type "La fusée à décollé", parce que l'on est aussi bête avant qu'après. Non, je lui vois un intérêt supplémentaire quand elle explique comment on est parvenu à faire décoller la fusée.
Évidemment, cet exemple est technologique, et non pas scientifique, mais c'est une métaphore, et pour les découvertes actuelle, il y a, de même lieu de donner non pas seulement le résultat ais d'expliquer comment on y est parvenu.
Pour la science, qui se distingue donc de la technologie, considérons le mouvement général du travail, qui passe par l'observation du phénomène, sa quantification, la réunion des données en lois, l'induction d'une théorie avec introduction de nouveau concept quantitativement compatibles avec toutes les lois, la prédiction d'une conséquence théorique et le test expérimental qui suit.
Pour l'observation du phénomène, c'est quelque chose de bien élémentaire, mais on peut se poser la question de savoir si la vulgarisation a déjà consacré des pages à ce propos.
Pour la caractérisation quantitative des phénomènes, j'ai bien peur que le public ne soit guère intéressé, sauf si l'on entre dans des conditions considérations technologiques sur les méthodes de mesure... mais je n'oublie pas que la communication est tout aussi bien une question sociale ou artistique que technique, de sorte qu'il ne semble pas y avoir de règle : quelqu'un d'intelligent devrait pouvoir intéresser à ce point.
Réunir les données en loi ? Là encore, le public se trouve souvent cela bien aride, et l'on fait souvent l'hypothèse qu'il veut aller au fait, à savoir les mécanismes des phénomènes, lesquels constituent le corpus théorique. Mais là encore, ne serait-ce pas intéressant et salutaire d'expliquer le travail effectué ?
La production théorique ? C'est ce que l'on trouve le plus souvent dans les articles : le "résultats". Cela conduit à voir s'empiler les articles de cosmologie ou d'astrophysique qui s'apparentent à des collections de papillons : on nous parle d'objets exotiques, de théories qui ne durent guère... Et c'est là que, souvent, se fait la confusion entre science et technologie. Mais on ne sort guère grandi de ces énumérations, parce que l'on n'y a gagné ni concept, ni notion, ni méthode. On est resté à l'information scientifique, et non pas à la vulgarisation scientifique, dont l'ambition est quand même supérieure.
Et si l'on prenait le problème différemment, en essayant de faire partager l'enthousiasme de la recherche scientifique, de chacune de ses étapes ? Alors, il y aurait lieu de s'interroger sur la nature de ces étapes, sur leur beauté, sur leur intérêt...
A propos de l'exploration d'un phénomène, il y aurait donc lieu de s'interroger sur la façon dont ces derniers sont sélectionnés, c'est-à-dire en réalité sur des questions de stratégie scientifique.
À propos à propos du recueil de données quantitatives, par exemple il y aurait sans doute leu de montrer, en se souvenant que donner mal acquise ne profite à personne, comment on s'y prend pour obtenir des données bien acquises, et cela dans chaque cas expérimental. Il ne s'agit pas moins que de faire partager ce bonheur de l'orfèvre qui fait de belles oeuvres !
La réunion des données en loi ? Là encore il, il y a de la méthode à communiquer. Et, on se souviendra que pour beaucoup de savants du passé, il y avait le recours au principe d'Occam, selon lequel les entités ne doivent pas être multipliées. Il faut discuter cette hypothèse qui consiste, pour des données, à chercher les lois les plus simple, dans des cas tous différents.
Et ainsi de suite : chacune des étapes du travail scientifique peut-être décrite, expliquée, cas par cas, car il y a une infinie diversité des travaux, et donc d'explications à donner. Aucune répétition dans cette affaire, et les revues de vulgarisation pourront parfaitement paraître tous les mois sans se redire, sans se répéter.
Finalement, je vois qu'il n'est pas inintéressant, pour notre discussion, de considérer l'analyse d'un très bel article de vulgarisation qui avait été écrit par Kenneth Wilson à propos de la renormalisation, dans la revue Pour la Science. Bien sûr, l'article était trop long (17 pages !), sans doute un peu trop difficile. Mais trop difficile parce qu'il était trop long. Il y aurait lieu de reprendre cet article, de le diviser, de profiter de la place donnée à chaque morceau pour étendre un peu. Sans diluer, évidemment, mais en mettant un peu plus de liant, car il est vrai que cet article a été, entièrement focalisé sur l'objet, sans aucun effet de manche.
Bien sûr, je ne méconnais pas les circonstances dans lesquelles la vulgarisation scientifique est produite : le coût du papier, des éditeurs, des studios de radio de télévision... Mais à l'heure du numérique, nous avons de nouvelles possibilités que nous pouvons exploiter au mieux pour arriver à faire partager l'enthousiasme pour la science, ses méthodes et ses résultats. Et j'ai vraiment l'impression que l'on évitera le dogme, la litanie, si nous partageons votre l'enthousiasme pour chacune des étapes scientifiques. Et le calcul est au coeur de l'affaire : la science, ce n'est pas un discours poétique, mais bien une étude où le nombre, l'équation sont au coeur du travail.
dimanche 24 février 2019
Pourquoi des savoirs hasardeux ? Egalement parce que les professeurs étaient pour le moins approximatifs
On peut se demander pourquoi certains étudiants manipulent mal, calculent mal, écrivent mal, voire pensent mal. Bien sûr, il y a les insuffisances individuelles, le manque de soin, le temps passé à étudier insuffisant... mais il y a aussi la responsabilité des professeurs.
Je ne sors pas indemne d'un examen de conscience, puisque j'ai enseigné une explication fautive de la raison pour laquelle l'huile ne se dissout pas dans l'eau, mais quand même : j'ai rappelé les étudiants à qui j'avais enseigné cette idée fautive, et je les ai priés de m'excuser. Si l'huile ne se dissout pas dans l'eau, c'est une question d'entropie, et pas d'enthalpie.
Mais, là, je viens de voir le pire : dans un document relatif à la sécurité dans les laboratoires de chimie, il y avait ce schéma :
Les erreurs sont de gravités variées :
1. il manque une potence pour tenir le haut de la colonne à reflux : cela n'est pas grave si l'ensemble est bien organisé
2. le tube en caoutchouc inférieur est trop proche de la source chaude : cela n'est pas parfaitement grave, mais négligent
3. le liquide dans le chauffe ballon est un niveau supérieur au niveau de chauffe : c'est quand même parfois un détail
Mais :
4. il n'y a pas de colliers pour bien tenir les tuyaux en caoutchoux et les empêcher de glisser, ce qui mettrait de l'eau partout
5. il n'y a pas de clips, pour tenir ensemble les éléments
6. il manque absolument une garde, avec du coton de verre et un desséchant
Et le pire : le support élévateur n'est pas déplié, de sorte qu'en cas d'incident, on ne pourrait pas couper le chauffage !
Oui, montrons ce schéma extrait d'un manuel, mais pour bien montrer ce qu'il ne faut pas faire !
samedi 23 février 2019
Je voudrais bien déclarer mes "intérêts"... mais...
Discutons les questions qui fâchent, puisque j'appartiens au Parti de la Rationalité, de la Bonté et de la Droiture : les "intérêts".
Pour commencer, on observera que, selon les définitions proposées, les "intérêts" que les scientifiques peuvent avoir sont non seulement financiers, mais concernent tout aussi bien la carrière, le pouvoir, l'idéologie.
Et il y a un conflit d'intérêts, selon Best practices in nutrition science to earn and keep the public's trust, Am J Clin Nutr, 2019, 109, 225-243 quand "une situation financière ou intellectuelle peut avoir une incidence sur la capacité d'un individu à aborder une question scientifique avec un esprit ouvert".
C'est donc une question bien difficile, où l'idéologie, la position politique, fait jeu égal avec les financements.
Souvent, dans les institutions publiques, les experts doivent déclarer des intérêts pour les cinq dernières années, et pourquoi pas ? Dans mon cas, il semble facile de faire la liste... à cela près qu'une telle liste est impossible à faire.
Commençons en effet par les intérêts financiers :
1. j'ai intérêt à travailler à l'Inra, parce que c'est là que je fais de la science
2. récemment, j'ai fait une conférence dans une fédération professionnelle... et une somme a été versée à une des académies auxquelles j'appartiens, parce que, précisément, je ne voulais pas toucher d'argent de cette fédération
3. j'interviens régulièrement, gratuitement, pour une fédération professionnelle (une autre) qui m'invite à déjeuner, avec des professionnels charmants et intelligents, où nous parlons de moyens pour faire avancer la profession
4. j'interviens régulièrement, toujours gratuitement, pour une troisième institution professionnelle, qui m'a offert deux foies gras à Noël
5. une société a payé mon laboratoire pour que des collègues viennent apprendre à mes côtés ; je n'ai pas touché un centime, mais mon laboratoire oui
6. les thèses qui se font dans mon groupe sont toutes des thèses CIFRE... parce que c'est le seul moyen de permettre aux doctorants de trouver rapidement du travail dans l'industrie
7. et j'en oublie plein, de ces premiers types.
Mais les intérêts idéologiques ?
8. je suis clairement du Parti de la Raison des des Faits : je réclame que la politique se fonde sur des faits, et pas sur des mensonges, et je veux que nous fassions tout pour que nos suivants reçoivent une information juste, une formation intellectuelle de qualité...
9. je suis du Parti SIBF, qui a pour devise : "le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture"
10. mon coeur est certainement en Alsace
11... et suivants : et ainsi de suite
Pour le pouvoir, je suis plus libre : comment voudrais-je et pourrais-je diriger autrui puisque je peine à me diriger moi-même ? Mais je m'étonne toujours que d'autres aient la Prétention Immense de vouloir diriger : sont-ils tellement mieux que moi, en ce qui les concerne.
Pour le "succès académique", là encore, c'est une question simple, puisque mon ambition est de faire de la bonne science, mais pas d'être reconnu pour cela. Quand je serai dans une tombe, cela aura belle allure d'avoir des prix ou des décorations ! Et j'ai assez dit partout que tout honneur qui m'est accordé est :
1. une charge, puisqu'il faut que je commence à le mériter
2. un moyen d'avoir de l'influence en vue de développer une certaine idée du monde, conformément au Parti SIBF, évoqué plus haut.
Alors on voit que la question financière... est bien peu de choses. D'ailleurs, j'aurais tendance à poser la question à toute personne qui m'interrogerait sur mes "intérêts" (la science, la raison, la rationalité...) : et vous, quels intérêts avez-vous ? et quel intérêts avez- vous à interroger autrui ?
Pour commencer, on observera que, selon les définitions proposées, les "intérêts" que les scientifiques peuvent avoir sont non seulement financiers, mais concernent tout aussi bien la carrière, le pouvoir, l'idéologie.
Et il y a un conflit d'intérêts, selon Best practices in nutrition science to earn and keep the public's trust, Am J Clin Nutr, 2019, 109, 225-243 quand "une situation financière ou intellectuelle peut avoir une incidence sur la capacité d'un individu à aborder une question scientifique avec un esprit ouvert".
C'est donc une question bien difficile, où l'idéologie, la position politique, fait jeu égal avec les financements.
Souvent, dans les institutions publiques, les experts doivent déclarer des intérêts pour les cinq dernières années, et pourquoi pas ? Dans mon cas, il semble facile de faire la liste... à cela près qu'une telle liste est impossible à faire.
Commençons en effet par les intérêts financiers :
1. j'ai intérêt à travailler à l'Inra, parce que c'est là que je fais de la science
2. récemment, j'ai fait une conférence dans une fédération professionnelle... et une somme a été versée à une des académies auxquelles j'appartiens, parce que, précisément, je ne voulais pas toucher d'argent de cette fédération
3. j'interviens régulièrement, gratuitement, pour une fédération professionnelle (une autre) qui m'invite à déjeuner, avec des professionnels charmants et intelligents, où nous parlons de moyens pour faire avancer la profession
4. j'interviens régulièrement, toujours gratuitement, pour une troisième institution professionnelle, qui m'a offert deux foies gras à Noël
5. une société a payé mon laboratoire pour que des collègues viennent apprendre à mes côtés ; je n'ai pas touché un centime, mais mon laboratoire oui
6. les thèses qui se font dans mon groupe sont toutes des thèses CIFRE... parce que c'est le seul moyen de permettre aux doctorants de trouver rapidement du travail dans l'industrie
7. et j'en oublie plein, de ces premiers types.
Mais les intérêts idéologiques ?
8. je suis clairement du Parti de la Raison des des Faits : je réclame que la politique se fonde sur des faits, et pas sur des mensonges, et je veux que nous fassions tout pour que nos suivants reçoivent une information juste, une formation intellectuelle de qualité...
9. je suis du Parti SIBF, qui a pour devise : "le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture"
10. mon coeur est certainement en Alsace
11... et suivants : et ainsi de suite
Pour le pouvoir, je suis plus libre : comment voudrais-je et pourrais-je diriger autrui puisque je peine à me diriger moi-même ? Mais je m'étonne toujours que d'autres aient la Prétention Immense de vouloir diriger : sont-ils tellement mieux que moi, en ce qui les concerne.
Pour le "succès académique", là encore, c'est une question simple, puisque mon ambition est de faire de la bonne science, mais pas d'être reconnu pour cela. Quand je serai dans une tombe, cela aura belle allure d'avoir des prix ou des décorations ! Et j'ai assez dit partout que tout honneur qui m'est accordé est :
1. une charge, puisqu'il faut que je commence à le mériter
2. un moyen d'avoir de l'influence en vue de développer une certaine idée du monde, conformément au Parti SIBF, évoqué plus haut.
Alors on voit que la question financière... est bien peu de choses. D'ailleurs, j'aurais tendance à poser la question à toute personne qui m'interrogerait sur mes "intérêts" (la science, la raison, la rationalité...) : et vous, quels intérêts avez-vous ? et quel intérêts avez- vous à interroger autrui ?
Quand une information, une connaissance, est-elle intéressante ?
Quand une information, une connaissance, est-elle intéressante ?
Le sémiologue et écrivain Umberto Eco, s'étant demandé ce qu'est une information intéressante, avait conclu que savoir que Napoléon avait gagné telle bataille était sans intérêt, que ce qui comptait, c'est de savoir ce que signifie cette information, et dans quelles circonstances la bataille avait été gagnée. Combien y avait-il de soldat ? Combien de temps a duré la bataille ? Combien y a-t-il eu de morts ? Ce qui compte, c'est la méthode plutôt que l'objet.
Mais je reprends la question. Qu'est-ce qu'une information intéressante ? Il y a d'abord le fait que "intéressant" est un adjectif qui ne vaut rien, parce qu'une information qui me paraît intéressante ici et maintenant ne le sera peut-être plus dans quelques temps, et ailleurs. Et une information intéressante pour autrui ne le sera peut-être pas pour moi. C'est comme de parler de beau ou de bon : il y a cette naïveté platonicienne, à croire que cela existe, alors qu'Aristote à bien réfuté l'idée, proposant plutôt de parler d'informations intéressantes.
Si l'objet n'existe pas, pourquoi s'y intéresser ? D'abord, parce que l'on évite de se fourvoyer, bien sûr, mais, aussi, parce que cela conduit à des catégorisations qui peuvent être utiles, au lieu que nous soyons hébétés devant une étiquette. Par exemple, on observera que l'information qui consiste à dire que le blanc d'oeuf est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines n'a pas la même portée que la définition de l'énergie.
Mais là, je me vois embringué dans un mauvais devoir de français, et je dois bien vite revenir à des questions scientifiques. Dans notre laboratoire, nous avons une règle qui est de remplacer tout adjectif et tout adverbe par la réponse à la question "combien". Rouge : combien ? Grand : combien Intéressante ? Je vois qu'il ne faut éviter de répondre à la question que je posais et plutôt mesurer à l'aide d'un appareil qui déterminera un indice. Mais c'est indice, évidemment, devra être déterminé d'après un objectif, de sorte que nous sommes ramenés à la vieille question : de quoi s'agit-il ?
Le sémiologue et écrivain Umberto Eco, s'étant demandé ce qu'est une information intéressante, avait conclu que savoir que Napoléon avait gagné telle bataille était sans intérêt, que ce qui comptait, c'est de savoir ce que signifie cette information, et dans quelles circonstances la bataille avait été gagnée. Combien y avait-il de soldat ? Combien de temps a duré la bataille ? Combien y a-t-il eu de morts ? Ce qui compte, c'est la méthode plutôt que l'objet.
Mais je reprends la question. Qu'est-ce qu'une information intéressante ? Il y a d'abord le fait que "intéressant" est un adjectif qui ne vaut rien, parce qu'une information qui me paraît intéressante ici et maintenant ne le sera peut-être plus dans quelques temps, et ailleurs. Et une information intéressante pour autrui ne le sera peut-être pas pour moi. C'est comme de parler de beau ou de bon : il y a cette naïveté platonicienne, à croire que cela existe, alors qu'Aristote à bien réfuté l'idée, proposant plutôt de parler d'informations intéressantes.
Si l'objet n'existe pas, pourquoi s'y intéresser ? D'abord, parce que l'on évite de se fourvoyer, bien sûr, mais, aussi, parce que cela conduit à des catégorisations qui peuvent être utiles, au lieu que nous soyons hébétés devant une étiquette. Par exemple, on observera que l'information qui consiste à dire que le blanc d'oeuf est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines n'a pas la même portée que la définition de l'énergie.
Mais là, je me vois embringué dans un mauvais devoir de français, et je dois bien vite revenir à des questions scientifiques. Dans notre laboratoire, nous avons une règle qui est de remplacer tout adjectif et tout adverbe par la réponse à la question "combien". Rouge : combien ? Grand : combien Intéressante ? Je vois qu'il ne faut éviter de répondre à la question que je posais et plutôt mesurer à l'aide d'un appareil qui déterminera un indice. Mais c'est indice, évidemment, devra être déterminé d'après un objectif, de sorte que nous sommes ramenés à la vieille question : de quoi s'agit-il ?
vendredi 22 février 2019
Quelle différence entre la netteté et la pureté du style ?
Quelle différence entre la netteté et la pureté du style ?
Il y a des questions comme des torchons rouges : quand une matière nous intéresse, alors nous ne pouvons nous empêcher d'aller y voir de plus près. Et il est vrai que la question du style me passionne, car le style, la langue, c'est la pensée, et celle-ci doit être affûté pour que la science soit belle.
Quelle est la différence entre la pureté et la netteté du style ? Le risque, c'est de se hâter d'aller chercher la définition des mots "net" et "pur" dans un dictionnaire, puis de se lancer dans discussion un peu naïve, qui s'apparenterait quand même à compter les anges sur la tête d'une épingle, tant il y a de parenté entre les deux mots, et tant nous risquons d'y mettre nos idées personnelles.
Mais nous devons nous retenir. Je rappelle ici cette expérience que je fais souvent, qui consiste à tendre un stylo à quelqu'un qu'on ne connaît pas... et l'on voit immédiatement la personne prendre l'objet. Pourquoi ? Sans doute pour des raisons biologiques profondes, mais c'est la preuve que lui-même n'a pas dépassé l'animal.
Revenons donc à notre question : la première chose que je conclus, c'est que je ne dois pas y répondre. Pour autant la question est passionnante mais à condition que je sois conduit à faire quelque chose où je suis légitime. Et cela me ramène à la question du style en sciences. J'ai déjà évoqué dans un billet cette question intéressante, qui se rapproche de l'observation de Buffon selon lequel le style c'est l'homme. Oui il y a des styles différents science et l'on voit tout aussi bien du romantisme que du baroque, ce qui conduit à s'interroger évidemment sur la stratégie scientifique et ses relations avec le style. Stratégie : je renvoie à mon texte publié par la Société irlandaise de chimie, où j'expose 12 idées stratégique en sciences.
Mais je reviens maintenant à la question de la netteté et de la pureté, et je fais une relation avec mes discussions sur le style baroque, à propos duquel je me demandais comme il pouvait y avoir une beauté, alors qu'on était dans l'accumulation. Oui, de la beauté ; oui, de l'élégance... Et pour en revenir à la recherche scientifique, il y a effectivement des expériences plus limpides que d'autres, plus coulantes, plus fluides. Il y a effectivement ce travail qui s'apparente à dégager l'or de sa gangue : chercher des expérimentations, des calculs très évidents, très clairs, très purs, très nets. Il y a un immense plaisir à se livrer à cette belle science là. On dit que Gauss, le prince des mathématiciens, ne publiait ses résultats que lorsqu'il avait trouvé une démonstration parfaitement claire, parfaitement simple, parfaitement nette, parfaitement pure. Je ne sais si c'est vrai, mais je suis bien certain qu'il y a de la beauté dans certains travaux scientifiques, de l'élégance, de la pureté, de la netteté, et je vois là dans ces qualités des objectifs que nous pourrons chercher à atteindre.
Et je veux conclure avec cette observation, faite déjà souvent, qui consiste à signaler que, dans notre groupe de recherche, nous remplaçons tout adjectif ou tout adverbe par la réponse à la question "combien ?". Net ? Combien ? Pur ? Combien ?
Il y a des questions comme des torchons rouges : quand une matière nous intéresse, alors nous ne pouvons nous empêcher d'aller y voir de plus près. Et il est vrai que la question du style me passionne, car le style, la langue, c'est la pensée, et celle-ci doit être affûté pour que la science soit belle.
Quelle est la différence entre la pureté et la netteté du style ? Le risque, c'est de se hâter d'aller chercher la définition des mots "net" et "pur" dans un dictionnaire, puis de se lancer dans discussion un peu naïve, qui s'apparenterait quand même à compter les anges sur la tête d'une épingle, tant il y a de parenté entre les deux mots, et tant nous risquons d'y mettre nos idées personnelles.
Mais nous devons nous retenir. Je rappelle ici cette expérience que je fais souvent, qui consiste à tendre un stylo à quelqu'un qu'on ne connaît pas... et l'on voit immédiatement la personne prendre l'objet. Pourquoi ? Sans doute pour des raisons biologiques profondes, mais c'est la preuve que lui-même n'a pas dépassé l'animal.
Revenons donc à notre question : la première chose que je conclus, c'est que je ne dois pas y répondre. Pour autant la question est passionnante mais à condition que je sois conduit à faire quelque chose où je suis légitime. Et cela me ramène à la question du style en sciences. J'ai déjà évoqué dans un billet cette question intéressante, qui se rapproche de l'observation de Buffon selon lequel le style c'est l'homme. Oui il y a des styles différents science et l'on voit tout aussi bien du romantisme que du baroque, ce qui conduit à s'interroger évidemment sur la stratégie scientifique et ses relations avec le style. Stratégie : je renvoie à mon texte publié par la Société irlandaise de chimie, où j'expose 12 idées stratégique en sciences.
Mais je reviens maintenant à la question de la netteté et de la pureté, et je fais une relation avec mes discussions sur le style baroque, à propos duquel je me demandais comme il pouvait y avoir une beauté, alors qu'on était dans l'accumulation. Oui, de la beauté ; oui, de l'élégance... Et pour en revenir à la recherche scientifique, il y a effectivement des expériences plus limpides que d'autres, plus coulantes, plus fluides. Il y a effectivement ce travail qui s'apparente à dégager l'or de sa gangue : chercher des expérimentations, des calculs très évidents, très clairs, très purs, très nets. Il y a un immense plaisir à se livrer à cette belle science là. On dit que Gauss, le prince des mathématiciens, ne publiait ses résultats que lorsqu'il avait trouvé une démonstration parfaitement claire, parfaitement simple, parfaitement nette, parfaitement pure. Je ne sais si c'est vrai, mais je suis bien certain qu'il y a de la beauté dans certains travaux scientifiques, de l'élégance, de la pureté, de la netteté, et je vois là dans ces qualités des objectifs que nous pourrons chercher à atteindre.
Et je veux conclure avec cette observation, faite déjà souvent, qui consiste à signaler que, dans notre groupe de recherche, nous remplaçons tout adjectif ou tout adverbe par la réponse à la question "combien ?". Net ? Combien ? Pur ? Combien ?
jeudi 21 février 2019
Citer une référence en début ou en fin de paragraphe ?
Nous sommes bien d'accord : les textes scientifiques doivent être référencés. Pas une affirmation ne peut être donnée sans un renvoi vers un travail qui établit l'affirmation, ou bien sans une justification expérimentale qui établit le fait.
Restons au premier cas, du renvoi vers un autre travail qui établit l'idée que l'on écrit, sans doute en vue de composer un raisonnement qui prolonge le travail que l'on cite. Il arrive très fréquemment que plusieurs phrases qui se suivent proviennent du même texte, et deux possibilités se présentent :
- on met la référence dès la fin de la première phrase
- on attend la fin du paragraphe cité pour donner une citation qui se rapporte à tout ce paragraphe.
Que faire ?
Les débats sont fréquents, dans les laboratoires, à propos de la technique de citation à retenir, mais c'est un fait qu'un esprit scientifique habitué à chercher des justifications à tout ce qui est proposé -histoire de marcher sur un sol bien ferme- reste désemparé par la seconde méthode : à la fin de la première phrase, il ne peut s'empêcher de ne pas voir de référence, et porte cela au débit des auteurs... même s'il peut éventuellement se reprendre, et attendre un peu d'avoir ensuite une référence... dont il ne sait pas si elle s'applique aussi à la première phrase.
En revanche, tout le monde comprend facilement que, quand une référence est donnée immédiatement, elle peut aussi s'appliquer à la suite du paragraphe, surtout quand ce dernier est de la même eau.
Autrement dit, la première méthode est rationnellement plus intéressante que la seconde, et je la conseille donc absolument !
Et voici un exemple où la question se pose :
Mais ici, se pose une autre question : la référence est mauvais, parce que c'est un vendeur qui donne ses informations, et non une source officielle ;-)
Restons au premier cas, du renvoi vers un autre travail qui établit l'idée que l'on écrit, sans doute en vue de composer un raisonnement qui prolonge le travail que l'on cite. Il arrive très fréquemment que plusieurs phrases qui se suivent proviennent du même texte, et deux possibilités se présentent :
- on met la référence dès la fin de la première phrase
- on attend la fin du paragraphe cité pour donner une citation qui se rapporte à tout ce paragraphe.
Que faire ?
Les débats sont fréquents, dans les laboratoires, à propos de la technique de citation à retenir, mais c'est un fait qu'un esprit scientifique habitué à chercher des justifications à tout ce qui est proposé -histoire de marcher sur un sol bien ferme- reste désemparé par la seconde méthode : à la fin de la première phrase, il ne peut s'empêcher de ne pas voir de référence, et porte cela au débit des auteurs... même s'il peut éventuellement se reprendre, et attendre un peu d'avoir ensuite une référence... dont il ne sait pas si elle s'applique aussi à la première phrase.
En revanche, tout le monde comprend facilement que, quand une référence est donnée immédiatement, elle peut aussi s'appliquer à la suite du paragraphe, surtout quand ce dernier est de la même eau.
Autrement dit, la première méthode est rationnellement plus intéressante que la seconde, et je la conseille donc absolument !
Et voici un exemple où la question se pose :
Mais ici, se pose une autre question : la référence est mauvais, parce que c'est un vendeur qui donne ses informations, et non une source officielle ;-)
Inscription à :
Articles (Atom)