jeudi 6 avril 2017

Pourquoi la cuisine note à note

Aujourd'hui, on m'interroge sur la cuisine note à note : pourquoi permettrait-elle de nourrir l'humanité ?

Le raisonnement est simple :
- nous sommes 7 milliards, et 1 milliard meurt de faim
- les principales institutions ont identifié que l'on ferait mieux si on luttait contre le gaspillage
- pourquoi gaspille-t-on ?
- parce que les produits végétaux (notamment) sont transportés des champs aux villes
- lors du transport, les produits végétaux s'abiment (et l'on transporte de l'eau ! )
- donc il faut enlever l'eau à la ferme
- ce qui permettra de gagner de l'énergie, au total (calcul en cours)... mais surtout d'éviter le gaspillage
- si l'on suppose 30 % de gaspillage, et si l'on suppose tout ce gaspillage évité (peu probable), alors l'agriculture d'aujourd'hui permettrait de nourrir 9 milliards... ce qui est le nombre prévu par la FAO en 2050. 

A noter que la vraie question ce sera celle des protéines. Et il vaut sans doute mieux des plantes que des insectes. D'où le choix de la FAO de faire de 2016 l'année des légumineuses (des plantes qui contiennent des protéines végétales).




PS. J'ai calculé environ 1000 camions qui apportent des aliments (jusqu'à 99 % d'eau pour une laitue) à Paris chaque jour : cela fait beaucoup d'énergie gaspillée, en plus des aliments qui s'abiment lors du transport, sans compter le froid nécessaire, qui consomme de l'énergie et -pour l'instant- utilise des fluides qui sont mauvais pour l'ozone
 

Les Hautes Etudes du Goût ? Les enseignants sont d'extraordinaires personnalités

Chaque semaine, j'ai le plaisir de vous présenter un des intervenants de l'Institut des Hautes Etudes du Goût, de la Gastronomie et des Arts de la Table.

Cette semaine :



Pascal Schlich est directeur de recherche à l'INRA et responsable scientifique de la plate-forme ChemoSens du Centre des Sciences du Goût et de l'Alimentation de Dijon. Il détient un Doctorat en statistique de l’Université Paris XI et une Habilitation à Diriger des recherches de l’Université de Dijon. Ses recherches portent sur la sensométrie (statistiques pour l’analyse sensorielle) et l’étude des préférences des consommateurs. Pascal Schlich a signé ou co-signé une centaine d’articles scientifiques ou chapitres d’ouvrages et est co-inventeur du logiciel TimeSens®. Il enseigne la sensométrie à AgroSup Dijon, l’ENSAI de Rennes et l’Université de Montpellier et est consultant pour différentes industries à l’international.

En analyse sensorielle, la méthode du profil consistent à noter les intensités perçues de plusieurs descripteurs sensoriels, mais n’indique pas la séquence selon laquelle ces descripteurs sont perçus. Pascal Schlich et son équipe ont développé la méthode de la Dominance Temporelle des Sensations (DTS) il y a une douzaine d’année, pour répondre à ce besoin. Dans un protocole DTS, le sujet indique à tout instant le descripteur « dominant », c’est-à-dire celui qui retient son attention, et celui-ci n’est pas nécessairement le plus intense.
La DTS est devenue une méthode de référence de l’analyse sensorielle. Au contraire du profil sensoriel, elle est utilisable sans entrainement préalable, donc par des panels de consommateurs. Ceci permet de la coupler à des mesures dynamique du plaisir, du rassasiement et des émotions au fil de la dégustation d’une portion entière d’un aliment ou d’une boisson afin d’identifier les déterminants sensoriels de ces trois aspects.



















Pascal Schlich is a director of research with the INRA and the scientific leader of the ChemoSens platform at the Centre des Sciences du Goût et de l'Alimentation in Dijon. He holds a Ph.D. in statistics from the University Paris XI and the accreditation for tutoring Ph.Ds from the Burgundy University. His research deals with sensometrics (statistics for sensory sciences) and the study of consumer preferences. Pascal Schlich has signed or co-signed a hundred of scientific articles or book chapters and is the co-inventor of the TimeSens® software. He teaches sensometrics at AgroSup Dijon, ENSAI Rennes and Montpellier University and is an international consultant for several industries.

Sensory profiling is a technique of sensory analysis recording attributes intensities, but providing no indication on the sequence along which these attributes are perceived. Pascal Schlich and his team developed the Temporal Dominance of Sensations (TDS) method about 12 years ago to fill in this gap. In TDS the subject is asked to indicate at any time the “dominant” attribute, the one trigging his/her attention, not necessarily the most intense one.
TDS has become a reference method in sensory analysis. Contrarily to sensory profiling, it can be used with no training, thus by consumer panels. It makes it possible to pair TDS to dynamic recording of liking, satiation and emotions along the consumption of the full portion of a food or beverage in order to identify the temporal drivers of these three features.

La saison des asperges

Alors que les asperges arrivent, se posent des questions sur leur cuisson et leur accompagnement.
J'ai fait ceci : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/04/puisque-les-asperges-arrivent.html

Joyeuses Pâques, avec un peu d'avance !

mercredi 5 avril 2017

"Mensonges scientifiques" ? Impossible

Un collègue qui veut lutter contre les idéologies pourries qui détournent les faits (à propos de vaccination, de prétendus perturbateurs endocriniens, de pesticides, etc.) évoque, dans un message, des "mensonges scientifiques".

Des "mensonges scientifiques" ? Il ne suffit pas d'aligner des mots pour dire des choses justes. Je veux dire ici que les "mensonges scientifiques" n'existent pas, n'existeront jamais, ne peuvent pas exister. 


Partons de l'idée de Galilée qui préside à la création de la science de la nature moderne :

"Un bon moyen pour atteindre la vérité, c'est de préférer l'expérience à n'importe quel raisonnement, puisque nous sommes sûrs que lorsqu'un raisonnement est en désaccord avec l'expérience il contient une erreur, au moins sous une forme dissimulée. Il n'est pas possible, en effet, qu'une expérience sensible soit contraire à la vérité. Et c'est vraiment là un précepte qu'Aristote plaçait très haut et dont la force et la valeur dépassent de beaucoup celles qu'il faut accorder à l'autorité de n'importe quel homme au monde"
Galilée (1564-1642)

Tout est dit : la science de la nature se fonde sur des faits, des faits expérimentaux. Et la science moderne de la nature ne fait que reconnaître ces faits. Mieux même, elle caractérise quantitativement les phénomènes, et c'est la raison pour laquelle les adjectifs et adverbes sont interdits dans notre Groupe de gastronomie moléculaire : ils doivent obligatoirement être remplacés par la réponse à la question "combien?". Une montagne n'est ni petite ni grande ; elle mesure tant de mètres de hauteur. Le ciel n'est ni bleu ni gris : sa couleur est décrite par exemple par des paramètres L*, a* et b*.

Tout cela étant dit, un "mensonge scientifique" serait quoi ? Un mensonge de la science ? Impossible, puisque les sciences ne disent que les faits.


En réalité, je me fais un peu plus bête que je ne suis, car je sais bien que mon collègue voulait évoquer des contre-vérités propagées par des idéologues malhonnêtes, et qui s'opposent aux faits. Ce ne sont pas des "mensonges scientifiques", mais des mensonges idéologiques  : ne pas confondre !

mardi 4 avril 2017

Enfin !

Pour faire de la cuisne note à note, il faut des composés. Pour la consistance, pour la saveur, pour la couleur... et pour l'odeur.
La question est de disposer de dilutions bien faites, pratiques, de composés odorants purs, avec lesquels on pourra donner des goûts sur mesure.

Il fallait une société qui vende de tels produits... et cette société existe aujourd'hui :

Quelle chance !



samedi 1 avril 2017

Plus j’y pense, plus la question, c’est l’étude !

Dans mes réflexions sur l'enseignement (oublions) et l'apprentissage (c'est là qu'il faut mettre l'accent), je tombe quasi systématiquement sur l'idée suivante, que je crois donc juste : la question, pour les étudiants, ce n'est pas celle des "capacités intellectuelles", mais bien plutôt la capacité à étudier, à passer du temps sur les matières qui sont soumises à leur étude.
On le voit bien avec les beaux jours : la tentation est grande, au premier rayon de soleil, de sortir, en bande si possible, d'aller faire du sport, de se promener, de flâner, de se poser au soleil sur un banc, sur de l'herbe, à la terrasse d'un café... Mais, quand il fait mauvais, la tentation est également grande de se vautrer dans un fauteuil devant une machine à décerveler, face à des séries que certains font feuilletonner, afin d'être bien certains de conserver leur auditoire. Il y a les gaveurs d'oies... et ceux qui acceptent d'être des oies que l'on gave.
Etudier, c'est passer du temps à étudier, chercher à comprendre, se construire un savoir, explorer... Et l'expérience prouve que certains ont bien du mal à cet exercice solitaire.

 Solitaire ? C'est ma discussion subsidiaire, si l'on peut dire : pour étudier, est-il nécessaire d'être seul ? Peut-on apprendre mieux en groupe que seul ? Là, j'ai bien peur des analyses fautives et des généralisations. Je connais -parce que c'est mon "clan"- des personnes qui réussissent très bien en étudiant seul, dans le silence de leur cabinet, mais j'accepte de penser qu'il y en a d'autres qui étudieront mieux en groupe. De toute façon, l'essentiel me semble être le temps passé à apprendre, non ?

Les systèmes d'enseignements doivent avoir pour priorité d'enseigner à apprendre

Je récapitule : dans les années 2000, je m'étais interrogé sur l'enseignement supérieur, et j'avais produit un très gros document qui partait d'attendus, c'est-à-dire d'idées acceptées par tous, telle que : "Pour savoir quelque chose, il faut l'avoir appris". De ces attendus, je tirais des conclusions directes, à la manière d'une succession de syllogismes. C'était inéluctable, ennuyeux... et faux !

Oui, c'était faux, parce que la question n'est pas d'enseigner, mais d'apprendre. Je n'aime pas l'idée d'enseignement, du premier degré, du deuxième degré, supérieur. Nous devrions rapidement changer les dénominations pour "apprentissage". Le mot "éducation" est plus neutre, mais un peu hypocrite, car il ne prend pas clairement parti.
Ceux qui m'intéressent, ce sont ceux qui apprennent. D'ailleurs, à la réflexion, moi contribuable, je ne souhaite pas que l'on paye des enseignants pour enseigner, ce qui serait une simple obligation de moyens, mais je veux que ceux qui se préoccupent des étudiants soient d'abord là pour que ces étudiants apprennent, ce qui est un résultat !
Bien sûr, je sais faire la critique de cette idée que je propose, car il serait insensé de croire que les enseignants puissent forcer des étudiants à travailler ou que tous les étudiants parviennent à apprendre ;  l'expérience prouve qu'il y en a qui n'y arrivent pas, non pas qu'ils manquent de capacités intellectuelles (je veux croire à une égalité absolue, de ce point de vue), mais plutôt parce qu'ils ne parviennent pas à se mettre dans les conditions qu'impose l' "étude", pour mille raisons (des soucis, matériels ou spirituels, les hormones, etc.).
D'autre part, je ne méconnais pas le fait que certains enseignants ont du "talent" (sans doute fondé sur leur travail)  : ils parviennent à montrer l'intérêt des matières dont ils sont les promoteurs, ils suscitent de l'enthousiasme pour des sujets dont ils traitent, de sorte que les étudiants -avec leurs moyens qui dépendent notamment de leur histoire personnelle- y passent plus de temps, et, ipso facto, apprennent davantage.

Tout cela étant dit, la discussion ci-dessus reste dans l'idée de "matières" à enseigner... ou à apprendre, ce qui est un détail par rapport aux valeurs, aux méthodes... Je ne parviens pas à croire qu'il soit bien intéressant de savoir que le blanc d'oeuf est fait de 10 pour cent de protéines et de 90 pour cent d'eau : c'est en ligne ! Les informations ne me semblent pas très utiles.
Les notions et concepts ? Là, c'est déjà mieux, parce que ce serait dommage que les étudiants réinventent la poudre. Bien sûr, un génie ignorant la notion d'entropie pourrait être conduit à la réinventer... mais pourquoi ne pas la connaître, plus simplement ?
Mais là encore, j'ai l'impression qu'un étudiant qui partirait, sur internet, à la recherche de la composition du blanc d'oeuf serait bientôt conduit, de lecture en lecture, à cette notion d'entropie et à d'autres notions du même type.
En revanche, internet ne donne guère de méthodes et de valeurs. Pour ces champs, c'est la cacophonie... ou le silence du désert. Et voilà pourquoi les professeurs ont peut-être la mission de transmettre ces dernières. Car ce sont elles qui conduisent à mieux apprendre.

Reste que que, apprendre, c'est passer du temps à apprendre, et apprendre avec une méthode qui permette d'apprendre.