jeudi 7 mars 2013

Je me fais mes remarques à moi même

La cuisine note à note dérange, et nous entendons les premiers grognements.

Pourtant, il serait juste de reconnaître que je suis le premier à poser les questions :
- quid de l'aspect nutritionnel ?
- quid des risques (différents des dangers) ?
- cette cuisine profitera-t-elle au "grand capital" ?
- nuira-t-elle aux petits producteurs ?
- la cuisine note à note fera-t-elle disparaître nos cassoulets, choucroutes, aïollis.... ?
- la science est-elle à l'opposé de la cuisine?
- y aura-t-il de la chimie dans l'assiette ?
- l'avant-gardisme artistique des chefs adeptes de la cuisine moléculaire permet-il à l’industrie agroalimentaire et chimique d’introduire des techniques innovantes ?
- la cuisine note à note fait-elle disparaître les produits agricoles et de l'élevage ?
- la cuisine note à note est-elle une "vraie nourriture" ?
- cela a-t-il un intérêt de faire de la cuisine note à note ?
- ai-je une "bande" d'amis diaboliques qui voudraient nuire à la santé publique ?
- ai-je des intérêts cachés ?
- l'argent que des industriels donne au laboratoire sert-il à développer leur activité au détriment des artisans ?


Les réponses étant un peu dispersées, donnons-les ici, en partant de la fin :

Des industriels donnent de l'argent au laboratoire pour des études scientifiques, et notamment des doctorants. Par exemple, une thèse a voulu examiner les changements de couleurs des haricots verts au cours de la cuisson ; une autre s'est intéressée aux mécanismes des échanges entre une solution (bouillon, sauce) et des tissus végétaux (carottes, oignons) où ces tissus étaient traités thermiquement. Un travail récent cherchait à savoir si les glycoalcaloïdes des pommes de terre (dans la partie corticale) migraient au cours d'une cuisson. Je ne crois pas que nous puissions avoir honte de telles études, ni nous les reprocher. En l'occurrence, nous cherchons des mécanismes, et nous ne nous substituons pas aux industriels, pour les parties applicatives.

Ai je des intérêts cachés ? Non, aucune société, pas d'action dans des sociétés qui bénéficieraient de mes travaux. Et pas de proche qui récupérerait des sous de telles sociétés.

Une bande d'amis diaboliques ? Pas à ma connaissance : je cherche à fréquenter des gens honnêtes financièrement et intellectuellement. Evidemment, ces amis sont souvent des personnes qui préconisent que la Connaissance peut améliorer le monde où nous vivons (je fréquente peu d'obscurantistes).

La cuisine note à note présente-t-elle un intérêt artistique ? Oui, on pourrait continuer à jouer du Bach et du Mozart, à faire du Rodin, ou à cuisinier comme Carême... mais l'histoire de la cuisine nous montre que les grands Anciens ont été des novateurs ! La cuisine note à note permet de faire des oeuvres impossibles autrement.

La cuisine note à note est-elle une vraie nourriture ? Pour moi, une nourriture, un aliment, c'est quelque chose qui nourrit. Les études scientifiques ont largement montré que la cuisine classique n'était pas exempte de dangers et de risques (benzopyrènes dans les flammes, dans les barbecues). Je sais l'attachement à la cuisine classique... mais ne pourrions nous pas avoir la même chose (au pire) débarrassée des risques ?
Pour en revenir aux possibilités, la cuisine note à note produit (vise à produire) des aliments, des mets, donc de la nourriture. Je vois d'ailleurs mal ce que pourrait être une vraie nourriture et une fausse nourriture.

Quid de l'aspect nutritionnel ? Je suis le premier à dire que nous ne savons sans doute pas comment construire des plats note à note pour une cuisine quotidienne, tous les jours de toutes les années. Et j'encourage mes amis nutritionnistes à nous répondre.

Quid des risques (différents des dangers) ?  Un couteau est dangereux, mais il n'y a pas de risque s'il est replié, dans un tiroir fermé à clé. Nous devons donc apprendre à nous servir des ustensiles, des produits. Note à note ou pas !

Cette cuisine profitera-t-elle au "grand capital" ? La cuisine note à note a été introduite pour favoriser l'enrichissement des agriculteurs. Par des fractionnements à la ferme, on vise à leur donner de la valeur ajoutée. Au lieu de vendre des carottes, ils vendraient des fractions de carottes. N'est-ce pas déjà le cas pour le raisin (ils font du vin) ou le lait (ils font du fromage) ?

Nuira-t-elle aux petits producteurs ? Au contraire, il y a la possibilité de produire des fractions de façon individuelle ! Nous l'avons montré lors du Cours 2012 de gastronomie moléculaire.

Na cuisine note à note fera-t-elle disparaître nos cassoulets, choucroutes, aïollis.... ?  Non : le jazz, le rock, n'ont pas fait disparaître Mozard et Bach ; ils se sont ajoutés, et nous avons aujourd'hui plus de choix, de liberté!

La science est-elle à l'opposé de la cuisine ? Disons que cela n'a rien à voir. La science cherche à comprendre les mécanismes des phénomènes, et la cuisine veut faire à manger (produire de la ... vraie ;-) nourriture).

Y aura-t-il de la chimie dans l'assiette ? Ici, mea culpa ! Dans le temps, j'ai dit que la cuisine, c'était de la chimie ; puis j'ai dit publiquement que je m'étais trompé en le disant, parce que j'avais cru que l'on pourrait dire que le mot "chimie" désignait la science des réarrangements d'atomes. Dans un récent billet, j'ai fait amende honorable, et je crois que la chimie, c'est l'activité de production de composés nouveaux. Donc la cuisine c'est de la chimie !

L'avant-gardisme artistique des chefs adeptes de la cuisine moléculaire permet-il à l’industrie agroalimentaire et chimique d’introduire des techniques innovantes ? D'abord, la cuisine moléculaire est une vieille histoire. Ensuite, oui, ces chefs ont utilisés des gélifiants comme la méthylcellulose ou comme les carraghénanes, mais quelle différence avec la gélatine ou avec la pectine ? Des industriels produisent tous ces produits, et bien peu d'entre nous font encore leurs baravois à partir de pied de veau. Bien peu d'entre nous évitent de consommer du sucre de table, lequel ne se trouve pas, tout blanc, dans la nature ! La cellulose, elle, est dans les plantes. La pectine aussi, la gélatine dans les tissus animaux.

La cuisine note à note fait-elle disparaître les produits agricoles et de l'élevage ? Allons : j'ai proposé que l'on fractionne les produits animaux et végétaux, comme on extrait le sucre des betteraves. Ce n'est pas demain que l'on pourra se passer de cultiver des végétaux pour en récupérer les meilleures parties ! De la terre, du vent, du soleil, de la pluie... et les végétaux nous produisent des composés très élaborés ! Economiquement !


Au fait, pourquoi répondre aux craintes ? Parce que je crois qu'elles sont légitimes. Il est question de prudence.

Vive la connaissance, qui nous prémunit contre les risques, à défaut de pouvoir abattre les dangers, qui sont partout dans notre monde !


mardi 5 mars 2013

Supplément d'âme

Supplément d'âme ? Le mot est beau... mais faut-il céder au charme d'une expression qui engage plus qu'on ne l'a décidé ?
Parler d'âme, c'est en supposer l'existence. L'âme, c'est quand même quelque chose de très connoté religieusement.
Je ne dis pas ici si je suis croyant ou non : je dis simplement que celui qui maîtrise la langue qu'il emploie sait que l'expression "supplément d'âme" se dit croyant.

Evidemment cet exemple n'est que représentatif de toute une catégorie de paroles, d'actes.

jeudi 28 février 2013

Qu'est-ce que la chimie (suite) ?

Chers Amis
Dans une précédente lettre, j'avouais avoir fait la faute de penser que l'on devait nommer "chimie" l'activité scientifique d'exploration des réarrangements atomiques, et que l'on ferait mieux de nommer chimie l'activité technique de production d'assemblages atomiques.
Je concluais en disant que l'on devait trouver un nom pour cette activité scientifique, et j'évoquais l'atomologie, par exemple.
Cela étant, je discutais aussi les relations avec la "physique" (de physis, nature), mais je n'étais pas allé assez loin : de même que la géologie est une science qui est nommée par son objet d'étude (la Terre, les cailloux...), la science que nous cherchons à nommer doit avoir un nom qui soit spécifique.
Autant la physique peut se ramifier, avec une branche qui se nomme biophysique, autant l'atomologie (un mot qui restera en travers de la gorge) pourrait se nommer physico-chimie.

Physico-chimie, ou bien chimie physique ? En langue française, c'est le substantif qui porte le sens (le gros) et l'adjectif qui fait le détail. Physique d'abord, géo ensuite.

De ce fait, la chimie physique semble devoir être une activité de chimie, donc de production d'assemblages atomiques (molécules, etc.), et il va falloir que je réfléchisse bien pour savoir en quoi elle pourrait être physique, sauf à considérer que l'on considère aussi bien les modifications atomiques et des propriétés physiques, relatives à des transformations à d'autres échelles d'énergie que celles du "feu".

Autrement dit, la science qui explore les mécanismes afférents aux réarrangements d'atomes n'est pas la chimie physique, mais la physico-chimie.

Nous y sommes!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


Finalement, la science qui étudie la chimie, c'est la physico-chimie. D'accord ?

dimanche 24 février 2013

Hussards blancs de la Rationalité

Les hussards étaient des soldats d'élite.

Puis il y eut les hussards noirs de la République, les instituteurs publics, formés dans les Ecoles normales.

N'est-il pas temps que nous ayons des "Hussards blancs de la Rationalité" ?
D'ailleurs, de la rationalité ou de la raison ?

La raison : faculté de l'esprit humain, qui permet de fixer des critères de vérité et d'erreur, de discerner le bien et le mal, ensembles de principes directeurs de la connaissance ou de l'action...
Rationalité : je n'ai pas dis rationalisme, qui identifie la raison aux principes précédents. Rationalité : signe de conduite cohérente, explicite, dont les buts sont clairs, les intérêts manifestes.
Faut-il céder au découragement, face à la Paresse, la Malhonnêteté, l'Ego démesuré, le goût du Pouvoir, l'Intolérance ?
Non ! Les Hussards blancs de la Rationalité doivent continuer l'oeuvre des Lumières, sans faiblir.

jeudi 21 février 2013

Soyons simples et justes


A propos de viande de cheval : 

1. Une fraude a été détectée. 

2. Elle doit être sanctionnée. 

3. Le système européen de traçabilité a bien fonctionné. 

4. Il n'y a pas d'incident sanitaire.

mercredi 20 février 2013

Une question et une réponse, à propos de cuisine note à note



Un email reçu ce matin :

    Bonjour. J'espere que vous me pardonnerez de vous contacter de façon si cavalière. Ma question peut sembler naïve ou farfelue je pense cependant que vous êtes une des personnes les mieux placées pour y répondre. Je suis vos travaux avec intérêt, et j'aime beaucoup le principe de la cuisine note à note qui permettra peut être de répondre à un grand défi de notre époque.
     Comme vous le savez, il est difficile de répondre à la crise alimentaire actuelle, nous connaissons l'impact énorme de la consommation de viande sur l'environnement et il parait difficilement envisageable de nourrir une population de 7 milliards d'individus avec de la viande rouge.
     Je ne vous apprend rien en vous disant que l'entomophagie est pour beaucoup, moi y compris, une solution d'avenir. Des protéines de qualités en grand nombre et qui necessitent peu d'eau, de nourriture et d'energie, insensibles à la douleur (sans système nerveux) faciles à stocker et presentant peu de risques sanitaires. A ma grande surprise, si beaucoup d'associations se créent pour promouvoir l'entomophagie, je n'ai pas vu de travaux visant à transformer ces proteines. je ne pense pas que les gens soient pret à abandonner leurs habitudes alimentaires pour manger des insectes sous leurs formes originales.
     Ma question est donc : La cuisine note à note peut elle nous permettre d'utiliser des protéines provenant d'insectes, de leur donner différents gout et textures (si possible le plus proche possible de la viande) à moindre cout et avec un impact environnemental faible.

Je comprend que votre temps est précieux, veuillez m'excuser d'en abuser.

Avec toutes mes salutations,

Bien cordialement,

Et ma réponse :
Cher Monsieur
merci de votre message amical. Il arrive alors que je suis en train de programmer une séance publique de l'Académie d'agriculture de France sur les insectes dans l'alimentation humaine. Oui, il n'est absolument pas difficile d'utiliser des protéines de ces bestioles pour de la cuisine note à note. Pour la cuisine, une protéine qui coagule (ovalbumine, sérum albumine, etc.), c'est une protéine qui coagule, et une protéine qui ne coagule pas (collagène, par exemple) est souvent un agent gélifiant, quelle que soit l'origine.
Cela étant, il y a la question de savoir s'il vaut mieux cultiver des plantes qui apporteront des protéines végétales, ou d'élever des insectes pour le même but.
La solution : le nerf de la guerre!

bien à vous

Lisons Emile Meyerson

Dans son livre La déduction relativiste (1925), Meyerson fustige ainsi le règne des lois instauré par le positivisme :
 « Ce que rêvait Comte, c'était en effet une véritable organisation, comme la comprennent les partisans de l'autorité ; les croyances du public en matière de science et, plus encore, le travail de recherche des savants eux-mêmes, devaient être strictement réglés et surveillés par un corps constitué, composé d'hommes jugés compétents et armés de toutes les rigueurs du bras séculier. Cette réglementation devait, bien entendu, comme c'est le cas, partout et toujours, de toute réglementation, consister principalement en interdictions, et Comte a tracé d'avance le programme de quelques-unes d'entre ces dernières. Défense de se livrer à des investigations autres que « positives », c'est-à-dire ayant pour objet la recherche d'une loi ; défense de toute tentative visant à pénétrer des problèmes que l'homme, manifestement, n'avait aucun intérêt à connaître et qui, d'ailleurs, pour cette raison même, devaient rester entièrement impénétrables à son esprit, tels que, par exemple, la constitution chimique des astres […]. »
Vive Emile Meyerson (façon de parler, puisqu'il est mort en 1933) !