lundi 26 novembre 2012

La démocratie commence par le respect des lois

COMMUNIQUE DE PRESSE
26 NOV 2012

AFBV :
 LA DESTRUCTION DE LA CARGAISON DE SOJA GENETIQUEMENT MODIFIE
 EST UN COUP BAS PORTE CONTRE L’ELEVAGE FRANCAIS

Des faucheurs volontaires se sont une nouvelle fois mis hors la loi en détruisant dans le port de Lorient une cargaison de soja génétiquement modifié (GM) destiné à nourrir nos animaux d’élevage. Cette destruction a été justifiée sous le prétexte que l’étude récente de GE Seralini aurait prouvé que les OGM seraient nuisibles pour la santé. Pour l’ Association Française des Biotechnologies Végétales (AFBV), cet acte de destruction est inacceptable.

D’une part cette étude, dont les résultats ont été invalidés par de très nombreuses agences d ‘évaluation, ne portait pas sur du soja mais sur un maïs. Or, sur le soja GM, il existe déjà une étude de toxicité sur le long terme qui démontre qu’il n’existe pas de risques pour la santé.
De plus cette action délictueuse contribue à désinformer les consommateurs sur les risques sanitaires des soja GM autorisés en leur transmettant de fausses informations susceptibles de les inquiéter, à tort, sur la qualité de leur alimentation.

Pour l’AFBV, cette action de destruction volontaire d’une denrée agricole essentielle pour la qualité de l’alimentation animale est un coup bas porté contre l’élevage français.


Qui sommes-nous ?
L'AFBV est une ONG créée en juin 2009, strictement indépendante, réunissant des personnes de divers horizons dont le but est d'informer sur la réalité des biotechnologies végétales  en s'appuyant  sur des travaux reconnus par la communauté scientifique et sur l'expertise de ses membres. Elle est présidée par Marc Fellous, Professeur de génétique humaine, ancien Président de la Commission du Génie Biomoléculaire et s'appuie sur un Comité scientifique présidé par Georges Pelletier, Directeur de Recherche émérite INRA, membre de l'Académie des Sciences et membre de l’Académie d’Agriculture.
Elle est parrainée par des personnalités comme Axel Kahn (généticien, Président Université Paris Descartes), Jean-Marie Lehn (prix Nobel de chimie), Maurice Tubiana (Académie des Sciences et Président honoraire de l’Académie de Médecine), François Gros (Secrétaire perpétuel honoraire Académie des Sciences, ancien Directeur Institut Pasteur), Claude Allègre (ancien Directeur Institut physique du globe, ancien Ministre Education et Recherche, Académie des Sciences), Dominique Lecourt (professeur philosophie des Sciences Université D.Diderot), Pierre Joliot ( biologiste, professeur honoraire Collège de France, Académie des Sciences et National Academy of Sciences américaine), Etienne-Emile Baulieu (professeur honoraire au Collège de France, ancien Président de l’Académie des Sciences)
Elle est soutenue par des personnalités européennes comme Marc Van Montagu, créateur de la première plante transgénique en Europe et Ingo Potrykus,professeur émérite en sciences végétales au Swiss Federal Institute of Technology, Président de «Humanitarian Golden Rice Board»
Parmi ses adhérents, l'AFBV compte 44 chercheurs de la Recherche publique dont 21 Directeurs de Recherche (INRA, CNRS, CIRAD, IRD, INSERM), 20 Académiciens (Sciences, Médecine,  Agriculture, Technologies, Pharmacie,Vétérinaire), d'anciens Directeurs d'Instituts (Institut Pasteur, INRA, CIRAD), des professeurs, des chercheurs et cadres de la Recherche privée et du secteur public, de nombreux agronomes, de nombreux agriculteurs souvent responsables d’organisations professionnelles agricoles mais aussi des personnes issues de la société civile.

Courriel : AFBV@orange.fr
Site Internet : www.biotechnologies-vegetales.com

vendredi 23 novembre 2012

Le travail d'un chimiste peut-il être "alambiqué" ? L'analyse de la question conduit à une autre réponse que celle à  laquelle s'attend celui qui voit dans "alambiqué" des complications a priori inutiles. Alambiqué ? Pour le chimiste, est alambiqué ce qui est passé par l'alambic, ce qui a été distillé ! On se souvient que la "quintessence", le cinquième élément, était l'éthanol, l'alcool séparé des boissons sucrées fermentées par la distillation. Oui, il n'est pas interdit de réfléchir. Jean-Anthelme Brillat-Savarin (qui n'était pas scientifique mais juriste, avec une volonté de s'habiller en "professeur") dit ainsi, dans la Physiologie du goût : "

J'ai autrefois entendu, l'Institut, un discours fort gracieux sur le danger du néologisme et sur la nécessité de s'en tenir notre langue telle qu'elle a été fixée par les auteurs du bon siècle. Comme chimiste, je passai cette oeuvre la cornue ; il n'en resta que ceci : Nous avons si bien fait qu'il n'y a pas moyen de mieux faire, ni de faire autrement. Or, j'ai vu assez pour savoir que chaque génération en dit autant, et que la génération suivante ne manque jamais de s'en moquer. D'ailleurs, comment les mots ne changeraient-ils pas quand les mœurs et les idées prouvent des modifications continuelles ? Si nous faisons les mêmes choses que les anciens, nous ne les faisons pas de la même manière, et il est des pages entières, dans quelques livres français, qu'on ne pourrait traduire ni en latin ni en grec. Toutes les langues ont eu leur naissance, leur apogée, leur déclin ; et aucune de celles qui ont brillé depuis Sésostris jusqu'à  Philippe-Auguste, n'existe plus que dans les monuments. La langue française aura le même sort et, en l'an 2825, on ne me lira qu'à  l'aide d'un dictionnaire, si toutefois on me lit...".

La citation est excessivement longue, pour ne citer que le mot "cornue", qui vaut "alambic". On voit toutefois que notre bon gastronome l'emploie non pas péjorativement, mais, au contraire, pour ne livrer que le meilleur de sa pensée. Le travail d'un chimiste serait alambiqué ? Quel honneur !

dimanche 18 novembre 2012

Heureux agriculteurs

Alain, Propos sur le bonheur, XLVIII :

Le travail est la meilleure et la pire des choses ; la meilleure, s'il est libre, la pire, s'il est serf. J'appelle libre au premier degré le travail réglé par le travailleur lui-même, d'après son savoir propre et selon l'expérience, comme d'un menuisier qui fait une pore. Mais il y a de la différence si la porte qu'il fait est pour son propre usage, car c'est alors une expérience qui a de l'avenir ; il pourra voir le bois à l'épreuve, et son oeil se réjouira d'une fente qu'il avait prévue. IL ne faut point oublier cette fonction d'intelligence qui fait des passions si elle ne fait des portes. Un homme est heureux dès qu'il reprend des yeux les traces de son travail et les continue, sans autre maitre que la chose, dont les leçons sont toujours bien reçues. Encore mieux si l'on construit le bateau sur lequel on naviguera ; il y a une reconnaissance à chaque coup de barre, et les moindres soins sont retrouvés. On voit quelquefois dans les banlieues des ouvriers qui se font une maison peu à peu, selon les matériaux qu'ils se procurent et selon le loisir ; un palais ne donne pas tant de bonheur ; encore le vrai bonheur du prince est-il de faire bâtir selon ses plans ; mais heureux par dessous tout celui qui sent la trace de son coup de marteau sur le loquet de la porte. La peine alors fait justement le plaisir ; et tout homme préférera un travail difficile, où il invente et se trompe à son gré, à un travail tout uni, mais selon les ordres. Le pire travail est celui que le chef vient troubler ou interrompre. La plus malheureuse des créatures est la bonne à tout faire, quand on la détourne de ses couteaux pour la mettre au parquet, mais les plus énergiques d'entre elles conquièrent l'empire sur leurs travaux, et ainsi se font un bonheur.
L'agriculture est donc le plus agréable des travaux, dès que l'on cultive son propre champ.

vendredi 16 novembre 2012

Hier, de la cuisine note à note

Chers Amis,

Décidément, la cuisine note à note mérite notre plus grand soin.

Je réponds ci dessous à un ami-correspondant :



Bonjour M This,
Très intéressante cette présentation de bouchées note à note hier soir.
Avant de formuler des remarques personnelles, je tiens à vous remercier, vous et les cuisiniers présents, pour ce travail formidable et cette belle soirée ! J'ai eu l'agréable sensation de participer à une aventure nouvelle !
Oui, très intéressantes réalisation des cuisiniers. Les mets note à note progressent, gagnent progressivement en goût. 
Ce sont les cuisiniers qu'il faut remercier ! 
Et oui, il est certain que vous avez participé à quelque chose de très nouveau ! La graine du futur a été semée. 

Les bases étant posées, voici mes remarques (amicales bien sûr) :
Pas de problème, discutons ! 

Première remarque
Je trouve dommage que les cuisiniers aient reproduit des choses qui existent déjà. Cromesquis. Côte d'agneau. Mille feuilles. Ile flottante. J'aurais préféré gouter quelque chose  qui n'existe pas ! Mais nul doute que les choses viendront avec le temps.
En ces matières, les réactions sont très variées. Il y a ceux qui trouvaient dommage que les composés présentés le soient dans des récipients en plastique, ceux qui trouvaient cela judicieux, ceux qui veulent du nouveau en apparence comme en fond, d'autres qui préfèrent que les chefs aient "acclimatés" les nouveautés. 
Dont acte : je n'ai pas à me prononcer sur des questions de goût. 
Cela dit, toute ce que vous avez goûté n'a -malgré les noms- jamais été produit auparavant : vous avez goûté du nouveau ! 

Seconde remarque
Vous avez une vision définitivement éclairée des choses, notamment sur le progrès et la modernité. Mais dans ce cas pourquoi avoir sorti un livre ? Ne trouvez-vous pas  cela terriblement XIXe siècle ? :)
Pourquoi pas un site internet par exemple ? Moderne, accessible par un grand nombre,  disponible partout, collaboratif, pourvu de l'hypertexte (navigation géniale) etc. ?
Personnellement, je me méfie des mots "progrès" ou "modernités", mais pourquoi un livre ? Parce que je fais feu de tous bois : il y a un livre, des billets de blogs, des podcasts sur le site d'AgroParisTech, des conférences, des émissions de télévision, de radio, des articles... Tout ! 
Un site internet ? Il existe depuis le Cours de gastronomie moléculaire 2012, et vous le trouverez à http://www.agroparistech.fr/forums/categories/la-cuisine-note-%C3%A0-note
N'hésitez pas à y mettre des commentaires ! 

Si cela intéressait certains cuisiniers et/ou chimistes, nous pourrions créer une base de données avec des remarques des deux clans sur chaque composé.
Vous verrez que cela existe déjà. 
A noter que la cuisine note à note étant de la cuisine, les chimistes n'ont rien à en dire, sauf qu'ils aiment ou qu'ils n'aiment pas... ce qui n'a pas de portée générale, et donc dont on se moque. 

Dernière remarque
Comment se traduit le terme "Cuisine Note à Note" en anglais ?
Serait-ce faux de l'appeler aussi "Cuisine des Composés" ? (cuisine décomposée)
La cuisine note à note en anglais, c'est "note by note cuisine", ou "note by note cooking", selon que vous évoquez une style ou une pratique. 
Le jeu de mot est amusant, en français, mais il est très fautif dans la vraie idée : il ne s'agit pas de décomposer, mais de composer ! 



Encore des commentaires

Un ami-correspondant m'envoie un texte d'Ali-Bab (Henri Babinsky), qui mérite d'être discuté. Ci dessous, je donne le texte et des commentaires.


Etat actuel de la gastronomie
Le texte date de 1928. 

[…] Tout en m’efforçant d’éviter de louanger les temps passés, travers dans lequel on tombe facilement, il me semble franchement qu’au point de vue gastronomique, comme à beaucoup d’autres, nous sommes en train de traverser une crise.
Oui, il y a toujours le vieux mythe de l'âge d'or, qui traine. 
Une crise ? Le mot pourrait être prononcé aujourd'hui... et je crois que, pour certains de nous, tout va toujours mal. Pour d'autres, dont je suis, il y a bien peu de changements... et tout va donc toujours (plutôt) bien : la Terre ne s'est pas arrêtée de tourner.

L’élevage, les procédés modernes de culture, la préparation des conserves ont certainement augmenté la quantité de nourriture disponible ; 
Oui, et c'est ainsi que les pays industrialisés ont aujourd'hui à suffisance ! L'amélioration de la production d'un côté, et les progrès dans la conservation, de l'autre, ont été essentiels !

le développement des moyens de transport, l’emploi du froid ont permis de répandre cette nourriture partout ; 
 Partout et toute l'année

et la famine, cet horrible fléau, est désormais impossible dans les pays civilisés, à moins d’un cataclysme. 
 Ici, une idée importante : nous sommes la première génération à ne pas avoir connu de famine (1928, c'est avant la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle il y a eu du rationnement).

Mais si, au point de vue général, ces conditions nouvelles de la vie ont incontestablement une influence heureuse, en est-il de même au point de vue purement gastronomique ?
On a effectivement le droit de poser la question.

Aujourd’hui les éleveurs, en gavant les animaux, produisent couramment des viandes trop grasses ;
 Méfions-nous des généralisations. Tous les éleveurs ? Gaver un boeuf ? 

 la culture intensive modifie le plus souvent dans un sens défavorable la qualité des produits du sol. 
 Et pourquoi, défavorable ? Et pourquoi la culture intensive nuirait-il à  la qualité ? Et d'abord, qu'est-ce que la "qualité" ? 

Il nous suffira de citer comme exemple la pomme de terre que l’on ne peut plus avoir parfaite qu’en la cultivant exprès et sans la forcer, dans des terrains sablonneux, comme on le faisait autrefois. 
 Il y a de remarquables pommes de terre, tomates, oignons, etc. parce que la sélection variétale a fait d'immense progrès, et que l'agronomie a considérablement progressé.

Les châssis et les serres fournissent en toute saison des légumes et des fruits merveilleux d’aspect, mais dépourvu de saveur ; on n’est pas encore parvenu à remplacer le soleil. 
 Oui, il faut de l'énergie (solaire, par exemple) pour faire des fruits de haut goût... mais on est parfaitement parvenu à remplacer le soleil. La question, c'est une question d'argent : combien veut-on consacrer à éclairer les plantes ? Où les cultive-t-on ? Combien veut-on payer les denrées alimentaires ?
On n'en aura jamais que pour son argent ! 

L’industrie des conserves provoque l’accaparement des produits alimentaires naturels, frais, au moment où ils sont le meilleur marché ; 
 Allons allons... Soyons un peu raisonnable. On aura des produits frais si on les paye.

les chemins de fer drainent de partout ce qu’il y a de meilleur, au profit de consommateurs souvent incapables de l’apprécier et ils en privent les habitants des pays producteurs, parmi lesquels se recrutaient autrefois les gourmets les plus raffinés. 
 Et là encore : cela devient lancinant, ce "tout fout le camp ma bonne dame" !
De toute façon, les citoyens (mot que je préfère à "consommateur") habitent aujourd'hui dans des villes... parce qu'ils jugent préférable de faire ainsi.

On cueille les fruits avant leur maturité pour pouvoir les transporter loin, de sorte que peu de personnes sont actuellement à même de manger des fruits vraiment à point ; 
 Non, on cueille ce que l'on veut. On mange des fruits à point si on accepte de les consommer rapidement, parce que c'est cela la question : si on achète à point, on ne pourra pas conserver. Or nous sommes souvent bien paresseux.

on n’a plus de lait à la campagne ; 
 Mais si. Faites donc un petit effort (d'optimisme, notamment)

il devient difficile de se procurer du poisson au bord de mer ; 
 Allons, soyons sérieux ! N'importe qui, avec une ligne dans un port, trouve du mulet. Et n'importe quelle ligne trainée derrière un petit bateau rapporte de merveilleux maquereaux tout frais !

il est presque impossible d’obtenir un bon bifteck dans un pays d’élevage ; en un mot nous vivons un peu comme dans le manoir à l’envers
 Ca continue... Décidément, la carricature fait perdre toute crédibilité...

La falsification des aliments, très ancienne à la vérité puisque les Romains s’en plaignaient déjà, mais qui se pratiquait jadis sur une échelle relativement petite, constitue aujourd’hui, par suite des progrès de la chimie, une branche de l’industrie ; 
 Oui, la falsification, la sophistication, le frelatage, la fraude, la malhonnêteté sont de tous temps. Du temps des Romains comme du temps d'aujourd'hui. La malhonnêteté est -elle plus répandue aujourd'hui ? Pourquoi le serait-elle ? Et je préfère l'usage de conservateurs bien ciblés à celui de sulfure de mercure dans le pissala ! Quand à la pratique de la cuisson sur le feu, qui charge de benzopyrènes les viandes, elle est bien pire que toutes les chimies de la terre!  

les procédés à employer pour atteindre ce but sont discutés dans des congrès officiels et leurs auteurs, au lieu d’être pendus sont décorés !
 Et c'est juste  ! D'ailleurs, ceux qui ne veulent pas des produits de l'industrie alimentaire ne sont pas obligés de les acheter. Moi, je préfère un monde où l'espérance de vie augmente d'un trimestre tous les ans ! !

Il devient incontestablement difficile de bien manger ; 
 Non, il suffit de cuisiner, d'apprendre à cuisiner, de comprendre ce qu'est "cuisiner".

cependant la chose est encore possible, mais plus que jamais indispensable de s’occuper soi-même de sa nourriture. 
 Non, rien n'a changé ; oui, c'est possible (voir plus haut). 

En province, dans certains milieux où l’on ne se désintéresse pas de la question, on sait encore faire bonne chère. On pense à la cuisine ; on discute d’avance les menus ; on s’adresse pour chaque produit à des fournisseurs que l’on connait et qui savent eux-mêmes à qui ils ont affaire ; enfin, la préparation de tous les plats est l’objet des soins les plus minutieux.
 Mais mon bon monsieur, en ville aussi, on peut être gourmand ! En ville aussi, on peut discuter des menus, chercher de bons fournisseurs, apporter du soin à la production culinaire !

Mais à Paris, où l’on vit trop vite, où l’on est toujours pressé, peu de gens consentent à consacrer quelques moments à ces questions ; 
 Une généralisation, idiote, donc. 

aussi l’art culinaire y est manifestement en décadence. 
 Mais oui, mais oui... Tout fout le camp, on a compris !

Pourtant il semble que bien manger devrait intéresser tout le monde, car personne n’oserait soutenir qu’il soit différent de consommer des aliments bien ou mal préparés. 
 Et pourquoi cela intéresserait-il "tout le monde" ? N'a-t-on pas le droit de faire autrement ?
La gastronomie s’adresse à toutes les classes de la société et il n’est nullement nécessaire d’avoir de la fortune pour bien se nourrir. 
 Là, d'accord. 

Le repas le plus simple, quelque modeste qu’il soit, peut être meilleur qu’un repas très couteux, et l’on aura toujours bien mangé si ce qu’on a mangé était de bonne qualité et bien préparé.
 Parfaitement d'accord.

Malheureusement, ce qu’on recherche avant tout aujourd’hui c’est paraître. 
 Qui cherche cela ? "On" ?

Le modeste bourgeois d’autrefois, recevant des amis à sa table, ne leur donnait pas plus de trois plats, simples mais soignés, préparés sous la direction effective et jalouse de la maitresse de maison. 
 Bof : parmi les bourgeois, il y avait des prétentieux, des modestes, des honnêtes, des malhonnêtes... Donc non !
Quant au mythe de la "bonne maîtresse de maison", ne soyons pas naïf !

Le bourgeois de nos jours se croirait déshonoré s’il ne présentait pas à ses convives des menus somptueux, au moins en apparence, qu’il est hors d’état de faire exécuter chez lui.
 Encore une ânerie.

Aussi commande-t-il ses repas priés au dehors, chez des entrepreneurs qui les lui envoient tout prêts, avec des domestiques d’occasion pour les servir.
 Et ca continue.

Les aigrefins peuvent donner à dîner dans des appartements vides, loués à l’heure pour la circonstance ; 
 De tous temps. Jadis, naguère, aujourd'hui : pas de changement.

des agences leur fournissent à forfait la nourriture, la boisson, la vaisselle, le linge et s’ils le désirent, elles leur procurent même, moyennant un petit supplément, quelques invités décoratifs et décorés destinés à impressionner le gogo naïf, auquel le mirage d’un intérieur familial cossu inspire toute confiance. Paraître, tout est là !
 Là encore. 

Quant aux parvenus, ils rivalisent de faux luxe. 
 Cela n'a jamais changé, depuis les débuts de l'humanité. 
Au fait, c'est quoi le "vrai luxe" ?

Pour avoir l’air de ne pas regarder la dépense, ils font bourrer tous leurs plats de truffes et de foie gras, de sorte que tout finit par avoir le même goût, et bien des dîners, dans des maisons où l’on devrait pouvoir manger convenablement, deviennent aussi odieux que des repas de table d’hôte auxquels, d’autre part, ils ressemblent souvent par l’assemblage hétéroclite des invités.
 Oui, cela se nomme du gongorisme, en peinture. Et cela a toujours existé. 

L’une des industries les plus florissantes aujourd’hui est celle de la confection de mets à emporter. 
 Mais, pourquoi cela serait-il mal ?

Partout on vend des plats tout faits et nombre de femmes ont une tendance fâcheuse à se désintéresser de leur intérieur. 
 Et alors ? Veut-on les cloitrer ?

Les unes ont  l’excuse des nécessités de la vie, qui les obligent à travailler dehors ; d’autres courent les magasins et les five o’clock à la recherche du bonheur. 
 N'ont-elles pas le droit ?

L’idéal pour tous les étages, ce qui permettrait de supprimer les cuisines, en attendant la fameuse pilule synthétique entrevue par certains savants.
 La pilule nutritive est un fantasme, que j'ai dénoncé en bien d'autres endroits. Cessons d'agiter ce spectre idiot. 

En ce qui concerne les établissements publics, on voit se multiplier des gargotes à prix fixes ; 
 Et aussi de bons restaurants à prix fixes. Il y a du progrès, donc.

les bons restaurant se transforment ou ferment successivement leurs portes et je serais véritablement embarrassé pour citer à Paris plus de quatre ou cinq maisons où l’on soit assuré d’être toujours bien traité à tous les égards.
 Non, tout va bien, merci. Et je tiens à votre disposition bien plus de quatre ou cinq maisons !
En supposant que son pessimisme soit justifié, il y aurait donc un indéniable progrès !

L’internationalisme mal compris se développe d’une façon inquiétante, et ses progrès, déplorables à bien des points de vue, sont désastreux au point de vue gastronomique ; 
 Allons, encore de l'inquiétude, du désastre...

si l’on n’y prend garde, ils auront bientôt amené à un même niveau peu élevé la cuisine de tous les pays.
 Or, ce que l'on voit, c'est que, au contraire, des pays naguère culinairement faibles ont considérablement progressé. Tout va bien, donc ! 

Au commencement du siècle dernier, un grand maitre d’ l’université était tout fier de pouvoir dire : «  Aujourd’hui, à cette heure, tous les élèves des toutes les classes de seconde de tous les lycées de France font le même thème grec ».
 Le grec a disparu. Ite missa est

 Les syndicats internationaux d’aubergistes qui nourrissent les voyageurs des deux hémisphères soumis à leur régime, paraphrasant le mot du ministre, peuvent dire : « Du far-West à l’extrême orient, du pôle nord au pôle sud, depuis le 1er janvier jusqu’à la saint sylvestre tous nos clients font les mêmes repas ».
 Ce n'est pas neuf. Il y a des modes en cuisine. 
D'autre part, cela a été un fantasme de croire que des cuisines rapides vendraient la même chose dans tous les pays : la volonté de faire plaisir à leurs clients a contraint les enseignes à varier les offres. Je ne dis pas que tous les plats proposés soient merveilleusement intéressants... mais il n'y a pas de drame ! Le vrai drame, ce sont les "marchands de peur" !


Et, en effet, que ce soit en bateau, en chemin de fer ou dans les hôtels, partout ces malheureux sont condamnés à la même invraisemblance barbue sauce hollandaise, au même aloyau braisé jardinière à la même inévitable poularde.
 Les pauvres ! Condamnés à de la barbue sauce hollandaise. Alors qu'une partie du monde meurt de faim ? C'est quand même terrible !

Quand on pense que ces gens paraissant à peu près équilibrés, dont une partie voyagent soi-disant par plaisir, consentent à absorber tous les jours de pareilles atrocités, c’est à désespérer du genre humain.
 Et si, au lieu de courir le monde, ils restaient chez eux et cuisinaient ?

Je veux croire cependant que ce n’est qu’une crise que nous traversons et j’espère sinon un réveil général du gout ce qui serait trop beau au moins un soulèvement des estomacs comme au temps de Lycurgue.
 Oui, cela a eu lieu. 

En attendant cette révolution pacifique, que les gastronomes ne se découragent pas, leurs efforts ne seront pas stériles. 
 On a compris que tout cela est de la rhétorique un peu faible, pour une littérature médiocre.

Orientés avec méthode, ces efforts persévérants finiront par faire de l’art culinaire purement expérimental tel qu’il est aujourd’hui une science exacte. 

En précisant dans des formules rigoureuses les connaissances que l’on possède, on fait plus  que perpétuer des recettes, on accumule des matériaux d’où se dégageront un jour les lois de la gastronomie, qui seront la base indestructibles de la science du bon.
La "science du bon" ? Au fait, le bon, c'est quoi ? Je propose de penser qu'il n'existe pas. Ce qui est bon, c'est que j'aime. Aucun intérêt général !

On va trouver que j'hésite, mais c'est seulement que la réflexion et les circonstances conduisent à ne pas rester braqué

Chers Amis,

Vous vous souvenez sans doute que j'avais une hésitation à propos de la question : que nommer "chimie" ?
Ce qui me semblait clair (et je n'ai pas changé d'idée de ce point de vue), c'est que le mot "chimie" s'appliquait naguère à des activités indifférenciées, entre la technique et la science, entre la philosophie naturelle (comprendre le fonctionnement du monde, lire le livre de la nature) et l'ésotérisme (le Grand Oeuvre...).
Puis, à mesure que les sciences ont évolué, on en est venu à distinguer la technique (techne = faire), la technologie (étudier la technique, sous entendu en vue de l'améliorer) et la science.
Pour la chimie, il y a donc une activité technique, une activité technologique, une activité scientifique.

Mais si une activité humaine est déterminée par son objectif et sa méthode, on comprend que le même mot "chimie" ne puisse indistinctement désigner à la fois l'activité technique (le raffinage du pétrole, la confection de bougies...) et l'activité de recherche des mécanismes des réarrangements d'atomes.
Du coup, j'étais arrivé à la conclusion (que je maintiens) selon laquelle il fallait des mots différents pour la composante technique, la composante technologique, et la composante scientifique de l'activité qui considère les molécules et leurs transformations.

L'alternative que j'avais proposée est : faut-il conserver le mot "chimie" pour désigner la composante scientifique, ou bien faut-il le conserver pour la composante technique, de production de composés ?

Naguère, il me semblait préférable de nommer "chimie" la science des réarrangements d'atomes (ce que certains disent être "la science des transformations de la matière", mais je crois que leur libellé est moins bon que le mien). On aurait alors nommé différemment la production technique de composés.

Ensuite, j'ai douté, parce que j'ai vu de plus en plus de technique chimique s'imposer. D'autre part, il y avait le mot "physique", qui désigne la science de la nature (phusis, en grec). De ce fait, il semble qu'une science des transformations moléculaires, qu'une science des réarrangements d'atomes, se doit absolument de calculer. Produire des composés nouveaux, c'est très bien, mais l'étude des mécanismes de ces transformations ne vaut rien sans des calculs, qui, seuls, expliquent les transformations sans verser dans de la poésie.
Autrement dit, puisque la science des réarrangements d'atomes ne diffère pas, par nature, des autres branches de l'étude de la nature, j'ai cru un moment qu'il n'avait pas de raison pour laquelle nous devrions avoir un autre nom que "physique".
Certes, il ne s'agit pas de la même perspective que celle de nos collègues qui, méprisant la constitution particulière, moléculaire ou atomique, des systèmes, cherchent des lois universelles. Les scientifiques des réarrangements d'atomes, eux, savent que la matière est d'abord... faite de matière, de molécules et d'atomes. En revanche, ces scientifiques que sont ceux qui placent beaucoup d'importance dans les molécules et atomes n'ont pas pour mission de produire des composés nouveaux. Comment nommer leur activité ?

Alors ? Alors il faut encore réfléchir, pour aboutir à des propositions nouvelles, qui donneront un nom de science à la science, un nom de technique à la technique. Si je n'ai pas trouvé le nom pour la technique, il me semble finalement que le mot "chimie" doive rester à la science.