Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 14 juin 2019
Méfions-nous !
Nous sommes bien d'accord que :
1. l'expérience est intransmissible
2. il faut être très positif
3. critiquer un livre, c'est lui faire de la publicité, ce qui va à l'encontre du but visé.
Pour autant, surtout en ces temps d'écologisme idéologique, je m'en voudrais de ne pas tendre à mes amis quelques idées qu'ils pourront ruminer à leur guise.
Tout d'abord, je vous ai extrait d'un livre de Robert M. Pirsig, le Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes, cette phrase :
"J'en profite pour continuer à poursuivre [...] la rationalité, ce fantôme ennuyeux, complexe et classique de la structure interne".
Oui, le livre est un roman, une fiction, ce qui est commode pour l'auteur, qui pourra toujours dire qu'il n'a pas lui-même dit ce qui est dans la bouche d'un personnage inventé; mais quand même, le roman fait l'apologie de l'anti-rationalité, avec mille arguments qui sont dans le même sens que celui que je dénonce ici.
D'où ma question : à vous de vous déterminer sur cette idée ! Et j'élargis cela à Thoreau, dont le Walden (encore une fiction) a eu pour effet que des individus sont allés vivre dans les bois. Et je ne peux m'empêcher d'évoquer ici Rousseau, personnage que je déteste, parce que le trouve faux (alors que je trouve Diderot si merveilleux !)
Mais encore, à vous de vous faire votre idée ! Pour en revenir à Pirsig, on lit plus loin :
"Le véritable but de la méthode scientifique est de s'assurer qu'on ne s'imagine pas savoir ce qu'en fait on ignore".
Il confond science et analyse ! D'ailleurs, ce passage n'est pas le seul où la confusion est faite.
Décidément, je n'avais pas aimé ce livre, lors d'une première lecture, et je le déteste, lors d'une seconde lecture, parce que, en réalité, il fait partie de ces apologies d'idéologies que je crois très néfastes.
Mais, j'insiste, je vous invite à le lire pour que vous vous fassiez une idée, car je ne suis pas un gourou que l'on doive croire. Et vous m'en direz des nouvelles.
mercredi 12 juin 2019
Qu'est-ce que la cuisine note à note ?
Qu'est-ce que la cuisine note à note ? Pour l'expliquer, je propose de partir d'une comparaison entre la cuisine et la musique.
La musique, d'abord. Il y a deux siècles, tout d'abord, on faisait de la musique avec des instruments (violons, trompettes, flûtes…), qui ont l'intérêt de donner des sons tout faits, propres à chaque instrument : le timbre d'une flûte n'est pas celui d'un violon. Et, à cette époque, on cuisinait avec des fruits, légumes, viandes, poissons… qui ont chacun le goût de ce qu'ils sont.
Puis, il y a un siècle environ, la physique a réussi à analyser les sons : on a compris que tout son peut être décomposé en un « fondamental » et en des « harmoniques », tandis que le timbre des instruments de musique classique découle d'une proportion particulière, évoluent particulièrement dans le temps. Au même moment, la chimie a commencé à analyser les aliments, et l'on a compris, progressivement, que tous les aliments sont faits de « composés » variés : protéines, acides aminés, sucres, lipides, vitamines…
Il y a cinquante ans, la musique a alors évolué davantage, quand l'électronique est apparue ; il fallait alors une pièce pleine d'ordinateurs pour parvenir aux premier sons de synthèse, aux premières musiques de synthèse… qui sont aujourd'hui partout. Un synthétiseur se trouve aujourd'hui dans un magasin de jouet pour environ 20 euros.
Et en cuisine ? En cuisine, j'ai proposé en 1994 que l'on fasse comme pour la musique, à savoir que l'on construise des aliments composé par composé : c'est cela, la cuisine note à note.
La première présentation à la presse s'est faite au Mandarin Oriental de Hong-Kong en 2009, et, depuis, des cuisiniers de plus en plus nombreux, dans le monde entier, travaillent pour produire des plats nouveaux. Je n'ai pas ici la place pour expliquer l'intérêt de ces travaux, mais j'en retiens au moins deux : (1) un art culinaire nouveau se développe ; (2) la cuisine note à note semble utile, en vue de nourrir dix milliards d'humains.
La musique, d'abord. Il y a deux siècles, tout d'abord, on faisait de la musique avec des instruments (violons, trompettes, flûtes…), qui ont l'intérêt de donner des sons tout faits, propres à chaque instrument : le timbre d'une flûte n'est pas celui d'un violon. Et, à cette époque, on cuisinait avec des fruits, légumes, viandes, poissons… qui ont chacun le goût de ce qu'ils sont.
Puis, il y a un siècle environ, la physique a réussi à analyser les sons : on a compris que tout son peut être décomposé en un « fondamental » et en des « harmoniques », tandis que le timbre des instruments de musique classique découle d'une proportion particulière, évoluent particulièrement dans le temps. Au même moment, la chimie a commencé à analyser les aliments, et l'on a compris, progressivement, que tous les aliments sont faits de « composés » variés : protéines, acides aminés, sucres, lipides, vitamines…
Il y a cinquante ans, la musique a alors évolué davantage, quand l'électronique est apparue ; il fallait alors une pièce pleine d'ordinateurs pour parvenir aux premier sons de synthèse, aux premières musiques de synthèse… qui sont aujourd'hui partout. Un synthétiseur se trouve aujourd'hui dans un magasin de jouet pour environ 20 euros.
Et en cuisine ? En cuisine, j'ai proposé en 1994 que l'on fasse comme pour la musique, à savoir que l'on construise des aliments composé par composé : c'est cela, la cuisine note à note.
La première présentation à la presse s'est faite au Mandarin Oriental de Hong-Kong en 2009, et, depuis, des cuisiniers de plus en plus nombreux, dans le monde entier, travaillent pour produire des plats nouveaux. Je n'ai pas ici la place pour expliquer l'intérêt de ces travaux, mais j'en retiens au moins deux : (1) un art culinaire nouveau se développe ; (2) la cuisine note à note semble utile, en vue de nourrir dix milliards d'humains.
mardi 11 juin 2019
De l'enseignement "matriciel" ?
On me connaît : j'ai parfois de grandes crises de ce que je nomme du "réalisme naïf", à propos du fonctionnement du monde, et, notamment, de ce qui est nommé "enseignement".
Tiens, quelques faits qui vous étonneront - j'espère- autant que moi:
1. nos "collègues plus jeunes" (ma nouvelle terminologie pour "étudiants") ont des formations variées, des niveaux variés quand ils arrivent dans nos cursus, et même si nous faisons des "mises à niveau" ;
2. nos collègues plus jeunes ont des objectifs variés (souvent ils n'en ont d'autre que de suivre les cursus que nous organisons, sans savoir ce qu'ils en feront), qui imposent, donc, des formations variées (je rappelle que, pour être "capable" d'avoir une activité pour laquelle nous sommes rétribués, nous devons avoir des connaissances et des compétence spécifiques)
3. nous proposons des enseignements dans des disciplines particulières (avec l'espoir que celles-ci feront des connaissances et des compétences utiles
4. si tous les collègues plus jeunes suivent les mêmes cours, certains perdront leur temps, soit parce qu'ils seront perdus, soit parce qu'ils s'ennuieront, soit parce que les disciplines particulières que nous proposons n'entrent pas bien dans leur projet professionnel
La conclusion s'impose : il faut changer tout cela. Comment ? Je propose de considérer des "enseignements matriciels", avec en colonne les collègues plus jeunes (toujours partir d'eux, toujours !) et en ligne des connaissances et des compétences, éventuellement groupées en "cours" ou en disciplines.
Bien sûr, il y a des indispensables, obligatoires en quelque sorte, mais aussi des choix, des options, en nombre important.
Comment mettre cela en oeuvre alors que le temps des professeurs (je me refuse absolument à utiliser le terme jargonisant d' "enseignant") est compté ? Je crois que si des cours ex cathedra sont utiles pour donner de l'enthousiasme, de la perspective, du recul, sont utiles, il faut des travaux personnels, ce qui implique que les professeurs seront souvent des tuteurs, avec une organisation des tutorats qui doit être intelligemment faite.
Mais c'est là plutôt une question qu'une affirmation !
lundi 10 juin 2019
Répondre à un examinateur
Comment se comporter devant un examinateur ?
Je propose deux cas :
- celui où le candidat sait répondre à la question posée,
- et le cas où il ne sait pas.
1. S'il sait répondre, l'affaire est assez facilement réglée, mais attention à ne pas laisser une perle dans le fumier. Quand on sait répondre, on a intéret à prendre le plus grand soin à bien mettre en valeur la réponse. Par oral, on ira droit au but, sans hésitations. Par écrit, on ne manquera pas de soigner l'écriture, la mise en page, l'orthographe...
2. Si le candidat ne sait pas répondre, tout n'est pas perdu, car il y a toujours cette merveilleuse métaphore du taureau qui fonce quand on agite devant lui un torchon rouge : l'examinateur étant un enseignant, son but est de voir l'apprenant réussir à apprendre. Autrement dit, le candidat doit montrer qu'il a appris, même s'il n'a pas spécifiquement appris le point qui lui est demandé et qu'il ignore.
A savoir aussi : il y a des cas où l 'on veut un ordre de grandeur, et d'autres où l'on cherche une solution exacte. En début de réponse, bien se demander dans quel cas on est.
Plus généralement, il y a des points importants :
- ne pas sauter sur la réponse en coupant la parole à l'examinateur, et ne pas rester silencieux trop longtemps quand la question a été donnée. Dans le premier cas, on montre qu'on n'est pas sûr de soi (surtout si on ne sait pas !), et, dans le second, on risque de faire penser qu'on est imbécile. Il y a un bon dosage à trouver : un temps de réflexion qui montre que l'on sait réfléchir, puis on répète la question posée, calmement, mot à mot, ce qui donne des pistes pour y réfléchir.
- ne pas chercher à bourrer le mou de l'examinateur : rien n'est plus déplaisant que quelqu'un qui ignore la réponse à la question mais, avec beaucoup d'aplomb, cherche à nous faire croire qu'il sait.
- prendre du recul... ce qui conduit parfois à trouver la solution qu'on ignorait.
Et c'est là où ce billet peut (souhaite) être utile. Oui, répétons la question, en nous demandant d'abord - à voix haute- si l'on nous demande une solution formelle (des équations), ou bien un ordre de grandeur, ou bien un résultat numérique juste. Cela, c'est de la stratégie, et ça montre que l'on a du recul sur la question et sur l'examen en général.
Puis il faut soliloquer (voir cela dans d'autres billets), à savoir prendre chaque mot de la question comme on prendrait un fil d'une pelote de laine : on dit le mot, on le considère (toujours à voix haute), et l'on dévide ce que l'on sait à propos de ce mot. Par exemple, supposons que l'on soit interrogé sur la différence de température entre le bas et le haut de la tour Eiffel par un examinateur qui attend des calculs de thermodynamique classique, on peut évoquer les mots "hauteur", "atmosphère", puis penser (toujours à voix haute) que la pression diminue avec l'altitude, évoquer la relation des gaz parfaits, et, surtout, évoquer la thermodynamique classique, laquelle est une science qui considère des équilibres, et qui discute les phénomènes en termes d'énergie, et ainsi de suite : tout ce que nous aurons dit ne suffira pas à répondre la question, mais nous aurons montré que nous ne sommes pas totalement ignorants.
Un exemple ?
Soit la question « Combien de cheveux sur ma tête ? ».
Une mauvaise réponse est un « je ne sais pas », qui n'a que le mérite de l'honnêteté (2/20 ?).
Une autre mauvaise réponse est « dix millions », parce que c'est du bluff idiot.
Le mieux, c'est quand on analyse la question, qu'on la remâche.
Des cheveux sur la tête ? On fait un dessin, on voit que les cheveux sont désordonnées et à des distances variées, donc on fait un modèle simplificateur, en les plaçant aux sommets d'un réseau, carré si possible.
Puis on fait une hypothèse : disons que les cheveux sont espacés de un millimètre, ce qui en fait 100 par centimètres carré. A raison d'une tête de 20 centimètres par 20 centimètres, cela fait 400 centimètres carrés, et l'on triplera pour considérer la nuque et les côtés, soit 1200 centimètres carrés, soit finalement 120000 cheveux.
Là, l'ordre de grandeur est bon, et il faudrait être mal intentionné pour récuser une telle réponse, surtout si elle est énoncée aimablement (autant être poli : cela ne coûte rien).
Évidemment, il est bon de savoir que les meilleurs sont ceux qui savent répondre à toutes les questions... parce qu'ils ont déjà considéré toutes les réponses... d'autant que, s'ils étaient face à une situation nouvelle, ils seraient armés pour répondre, mais puisque tous ne sont pas ainsi, au moins, je serais heureux de contribuer à les aider.
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