Je vous présente les protéines, donc. Et je commence en m'apercevant qu'il y a des abus de langage qui conduisent à des incompréhensions. Par exemple, alors que je demande à des personnes qui s'occupent d'une tante âgée de lui faire manger des protéines, je vois que ces personnes ne comprennent pas que je veux dire par là qu'il faut préparer des viandes, des poissons, etc. Et c'est le "etc." qui est ambigu, parce que, en réalité, les protéines se trouvent effectivement dans des viandes, des poissons, les oeufs, du lait, des fromages, mais aussi dans des produits dérivés de ces ingrédients ; on en trouve aussi dans les légumineuses, mais également dans la farine... En revanche, il y en a très peu dans les fruits les légumes.
Avec la cuisine note à note, le problème de bien comprendre ce que sont les protéines se pose à nouveau, car, quand on parle d'un dirac exemple, qui est fait de protéines et d'eau, nos amis n'imaginent pas ce que sont les protéines qu'il faut mêler à l'eau.
Commençons donc par présenter expérimentalement ces composé, par exemple en partant d'un blanc d'oeuf que l'on sèche (dans un bol, à four très doux) : on récupère un solide jaune, qui, divisé, forme une poudre blanche.
Avec les viandes ou les poissons, une deuxième expérience permet d'extraire des protéines d'une autre sorte : la gélatine. Ainsi, si l'on cuit longuement des tissus animaux (muscles, tendons, peau, os...), alors on récupère un bouillon qui gélifie quand il refroidit. C'est d'ailleurs ainsi que l'on obtenait la gélatine jadis, à partir du pied de veau. La gelée très ferme qui est obtenue, peut être séchée, formant une poudre ou des feuilles selon la manière dont on s'y prend pour les préparer. La gélatine est également une protéine, mais d'un type différent des protéines musculaires.
Plus généralement, il y a de nombreux procédés pour extraire les protéines des tissus animaux ou des tissus végétaux comme ceux des légumineuses, plantes qui produisent plus que d'autres des protéines. Dans tous les cas, après extraction, on récupère le plus souvent des poudres blanche quand elles sont raffinées, et c'est ainsi que l'on peut obtenir aujourd'hui -cela s'achète à la tonne- des protéines de viande, de poisson, de lait, de pois, d'oeuf, de soja, de chanvre, etc.
A l'emploi, maintenant
Si l'on ajoute de l'eau à ces poudres, on obtient des solides mous.Par exemple, si on met 10 pour cent de protéines de blanc d'oeuf avec 90 pour cent d'eau que l'on chauffe, alors on obtient ce solide mou qu'est le blanc d' œuf cuit sur le plat. Si l'on mêle jusqu'à 20 ou 30 pour cent de protéines avec de l'eau, alors on obtient en cuisant la consistance d'un steak, et si l'on augmente encore la proportion de protéines, alors on peut avoir quelque chose de vraiment très dur.
Il faut quand même ajouter que toutes les protéines ne coagulent pas. Ou du moins pas comme les protéines du blanc d'oeuf que nous venons d'évoquer. Par exemple, si l'on met de la gélatine dans l'eau et que l'on chauffe, on obtient alors un liquide, et pas un solide mou. En revanche, au refroidissement, alors ce liquide prend en gelée, formant un solide mou comme le blanc œuf cuit sur le plat. Autre exemple : celui du lait, dont toutes les protéines ne coagule pas comme celles du blanc d'oeuf. Il y a d'une part les protéines sériques qui forment la peau coagulées que l'on voit sur du lait cru que l'on cuit, mais les autres protéines, les "caséines", ne coagulent que dans les circonstances différentes : par l'ajout d'un acide ou de présure, et, cette fois, la coagulation se nomme caillage, et ce sont les fromages que l'on obtient, lesquels sont également des solides mous.
Et d'un point de vue moléculaire
Les chimistes, ceux qui pratiquent cette science qu'est la chimie, se sont demandés depuis longtemps quelle était la constitution de cette matière qu'est celle des protéines. Et c'est ainsi que, au terme d'une longue histoire, on a découvert que les protéines sont des "polymères", c'est-à-dire de très grosses (par rapport à la molécule d'eau, par exemple) molécules, comme des fils, ou plus précisément des chaînes d'arpenteur dont les maillons sont des "résidus d'acides aminés".
Certaines protéines ont des molécules repliées sur elles-mêmes comme des pelotes (protéines dites globulaires), tandis que d'autres sont étendues, par exemple les molécules de collagène, qui fait le tissu collagénique des cellules musculaires.
Et là, il y a des phénomènes merveilleux, mais je ne peux pas entrer dans les détails : vive la chimie !
J'oubliais : notre organisme, fait de divers tissus musculaires, est principalement composé d'eau et de protéines, dont la proportion atteint environ 25 pour cent.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 16 avril 2019
lundi 8 avril 2019
Pourquoi les diverses graisses ne fondent pas à la même température
Les question ne cessent d'arriver par email, mais je ne suis pas toujours parfaitement libre pour y répondre. Heureusement, vient le week-end, où je peux rattraper mon retard. Et, cette semaine, une question sur les graisses :
Pourquoi les graisses ne fondent-elles pas toutes à la même température ?
La question est d'autant plus intéressante que les publicités qui nous submergent ne cessent d'induire le public en erreur : contrairement à ce qu'elles mentionnent, il n'y a pas d'acides gras dans les matières grasses, huiles ou graisses végétales ! Ou, plus exactement, quand il y en a (jusqu'à environ 5 % dans les pire cas), c'est le signe que la matière grasse n'est pas bien raffinée, ou bien qu'elle a été dégradée.
Mais commençons par expliquer ce dont il s'agit, en partant d'une huile bien raffinée.
C'est alors un liquide transparent, quasi incolore, fait de molécules qui sont quasiment toutes des "triglycérides", à savoir des assemblages d'atomes de carbone, d'atomes d'hydrogène et d'atomes d'oxygène.
Plus précisément, pour la molécule d'un "triglycéride saturé", trois atomes de carbone liés sont ensuite chacun liés à un atome d'oxygène, qui est lui-même lié à un autre atome de carbone qui est, d'une part, lié à un atome d'oxygène, et, d'autre part, lié à un chaîne d'atomes de carbone qui sont chacun liés à deux atomes d'hydrogène, sauf à l'extrémité de la chaîne, le dernier atome de carbone est lié à trois atomes d'hydrogène, et non deux.
Ces molécules sont très nombreuses : dans une bouteille d'huile, il y en a environ cent millions de milliards de milliards.
Mais la description que je viens de donner est simpliste, parce que, en réalité, il y a des triglycérides variés : au lieu d'avoir cent millions de milliards de milliards de molécule d'une seule sorte, il y a des millions de milliards de molécules d'environ 400 millions de sortes différentes. Toutes ont en commun cette structure particulière, avec trois atomes de carbone auxquelles sont liées les structures présentées précédemment. Et comme on peut synthétiser chimiquement ces molécules à l'aide d'un composé nommé glycérol et de composés nommées acides gras, ou glycérides, on nomme triglycéride les molécules des matières grasses. D'ailleurs, on peut également dégrader les triglycérides en glycérol et acides gras, par exemple.
Le glycérol ? C'est le "sucre" le plus simple, avec, donc, trois atomes de carbone qui sont chacun liés à un atome d'oxygène liée à un atome d'hydrogène, et aussi à des atomes d'hydrogène, de sorte que le total de la liaison de chaque atome de carbone avec des atomes voisins soit de quatre.
Quant aux acides gras, ils sont tous faits d'un atome de carbone qui est lié à un atome d'oxygène, à un autre atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène, et à un enchaînement d'atomes de carbones qui ne sont liés, eux, qu'à des atomes d'hydrogène.
Mais il faut le répéter : les matières grasses alimentaires ne contiennent que très peu de glycérol et d'acides gras, et elles sont majoritairement faites de molécules de triglycérides. C'est un abus de langage dommageable que de dire qu'il y a des acides gras dans les matières grasses alimentaires. Et c'est cet abuse de langage qui impose de parler d'acides gras libres, pour les acides gras qui existent réellement, dans des matières grasses de mauvaise qualité.
Tout cela étant expliqué, nous pouvons maintenant nous préoccuper de la fonte des graisses solides, ou, inversement, de la solidification des matières grasses liquides.
L'expérience fondatrice est facile à faire : il suffit de mettre une bouteille d'huile dans un congélateur : quand l'huile est refroidie à la température du congélateur, elle est alors solide, blanche et opaque. En effet, les molécules sont des objets qui bougent, s'agitent, vibrent... d'autant plus rapidement qu'ils ont plus d'énergie, ce qui revient à dire d'autant plus que leur température est élevée. Et c'est ainsi que, quand on refroidit, les molécules ralentissent, et viennent s'empiler les unes sur les autres, formant des "cristaux" dont l'assemblage devient blanc comme la neige (qui est faite de cristaux, par empilement des molécules d'eau).
A ce stade, manque encore une information : les molécules de triglycérides s'attirent très légèrement, avec une force qui dépend de leur constitution moléculaire particulière.
Et c'est ainsi, par exemple, que si l'on ne considère que des matières grasses "saturées", comme celles que nous avons décrites précédemment, l'empilement se fait à température plus basse pour les petits triglycérides. En effet, imaginons deux groupes de triglycérides à la même température : un groupe avec des petites molécules, et un groupe avec des molécules plus grosses (plus d'atomes de carbone dans les "résidus d'acides gras"). Comme l'énergie d'une molécule correspond à son mouvement, la vitesse des petites molécules est supérieure. Cela signifie que leur mouvement vaincra plus facilement les forces d'attraction entre les molécules, et que ces petites molécules figeront plus difficilement.
Ce qui est dit de la taille des molécules de triglycérides n'épuise pas le sujet : pour l'instant, nous n'avons évoqué que les triglycérides "saturés", et pas les triglycérides "insaturés", pour lesquels les chaînes d'atomes de carbone sont moins flexibles pour des raisons que nous n'expliquerons pas ici. De ce fait, les empilements sont plus difficiles, et il faut donc refroidir davantage pour arriver à les empiler en solides. De fait, l'huile d'olive, qui contient beaucoup de ces triglycérides insaturés, fige à plus basse température que la matière grasse d'origine animale, qui contient des triglycérides saturés.
Hopla!
Et si voulez en savoir plus :
E.W. Hammond, in Encyclopedia of Food Sciences and Nutrition (Second Edition), 2003.
H.D. Belitz, W. Grosch, P. Schieberle, Food Chemistry, Springer Verlag.
Hervé This, Mon histoire de cuisine, Editions Belin.
Pourquoi les graisses ne fondent-elles pas toutes à la même température ?
La question est d'autant plus intéressante que les publicités qui nous submergent ne cessent d'induire le public en erreur : contrairement à ce qu'elles mentionnent, il n'y a pas d'acides gras dans les matières grasses, huiles ou graisses végétales ! Ou, plus exactement, quand il y en a (jusqu'à environ 5 % dans les pire cas), c'est le signe que la matière grasse n'est pas bien raffinée, ou bien qu'elle a été dégradée.
Mais commençons par expliquer ce dont il s'agit, en partant d'une huile bien raffinée.
C'est alors un liquide transparent, quasi incolore, fait de molécules qui sont quasiment toutes des "triglycérides", à savoir des assemblages d'atomes de carbone, d'atomes d'hydrogène et d'atomes d'oxygène.
Plus précisément, pour la molécule d'un "triglycéride saturé", trois atomes de carbone liés sont ensuite chacun liés à un atome d'oxygène, qui est lui-même lié à un autre atome de carbone qui est, d'une part, lié à un atome d'oxygène, et, d'autre part, lié à un chaîne d'atomes de carbone qui sont chacun liés à deux atomes d'hydrogène, sauf à l'extrémité de la chaîne, le dernier atome de carbone est lié à trois atomes d'hydrogène, et non deux.
Ces molécules sont très nombreuses : dans une bouteille d'huile, il y en a environ cent millions de milliards de milliards.
Mais la description que je viens de donner est simpliste, parce que, en réalité, il y a des triglycérides variés : au lieu d'avoir cent millions de milliards de milliards de molécule d'une seule sorte, il y a des millions de milliards de molécules d'environ 400 millions de sortes différentes. Toutes ont en commun cette structure particulière, avec trois atomes de carbone auxquelles sont liées les structures présentées précédemment. Et comme on peut synthétiser chimiquement ces molécules à l'aide d'un composé nommé glycérol et de composés nommées acides gras, ou glycérides, on nomme triglycéride les molécules des matières grasses. D'ailleurs, on peut également dégrader les triglycérides en glycérol et acides gras, par exemple.
Le glycérol ? C'est le "sucre" le plus simple, avec, donc, trois atomes de carbone qui sont chacun liés à un atome d'oxygène liée à un atome d'hydrogène, et aussi à des atomes d'hydrogène, de sorte que le total de la liaison de chaque atome de carbone avec des atomes voisins soit de quatre.
Quant aux acides gras, ils sont tous faits d'un atome de carbone qui est lié à un atome d'oxygène, à un autre atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène, et à un enchaînement d'atomes de carbones qui ne sont liés, eux, qu'à des atomes d'hydrogène.
Mais il faut le répéter : les matières grasses alimentaires ne contiennent que très peu de glycérol et d'acides gras, et elles sont majoritairement faites de molécules de triglycérides. C'est un abus de langage dommageable que de dire qu'il y a des acides gras dans les matières grasses alimentaires. Et c'est cet abuse de langage qui impose de parler d'acides gras libres, pour les acides gras qui existent réellement, dans des matières grasses de mauvaise qualité.
Tout cela étant expliqué, nous pouvons maintenant nous préoccuper de la fonte des graisses solides, ou, inversement, de la solidification des matières grasses liquides.
L'expérience fondatrice est facile à faire : il suffit de mettre une bouteille d'huile dans un congélateur : quand l'huile est refroidie à la température du congélateur, elle est alors solide, blanche et opaque. En effet, les molécules sont des objets qui bougent, s'agitent, vibrent... d'autant plus rapidement qu'ils ont plus d'énergie, ce qui revient à dire d'autant plus que leur température est élevée. Et c'est ainsi que, quand on refroidit, les molécules ralentissent, et viennent s'empiler les unes sur les autres, formant des "cristaux" dont l'assemblage devient blanc comme la neige (qui est faite de cristaux, par empilement des molécules d'eau).
A ce stade, manque encore une information : les molécules de triglycérides s'attirent très légèrement, avec une force qui dépend de leur constitution moléculaire particulière.
Et c'est ainsi, par exemple, que si l'on ne considère que des matières grasses "saturées", comme celles que nous avons décrites précédemment, l'empilement se fait à température plus basse pour les petits triglycérides. En effet, imaginons deux groupes de triglycérides à la même température : un groupe avec des petites molécules, et un groupe avec des molécules plus grosses (plus d'atomes de carbone dans les "résidus d'acides gras"). Comme l'énergie d'une molécule correspond à son mouvement, la vitesse des petites molécules est supérieure. Cela signifie que leur mouvement vaincra plus facilement les forces d'attraction entre les molécules, et que ces petites molécules figeront plus difficilement.
Ce qui est dit de la taille des molécules de triglycérides n'épuise pas le sujet : pour l'instant, nous n'avons évoqué que les triglycérides "saturés", et pas les triglycérides "insaturés", pour lesquels les chaînes d'atomes de carbone sont moins flexibles pour des raisons que nous n'expliquerons pas ici. De ce fait, les empilements sont plus difficiles, et il faut donc refroidir davantage pour arriver à les empiler en solides. De fait, l'huile d'olive, qui contient beaucoup de ces triglycérides insaturés, fige à plus basse température que la matière grasse d'origine animale, qui contient des triglycérides saturés.
Hopla!
Et si voulez en savoir plus :
E.W. Hammond, in Encyclopedia of Food Sciences and Nutrition (Second Edition), 2003.
H.D. Belitz, W. Grosch, P. Schieberle, Food Chemistry, Springer Verlag.
Hervé This, Mon histoire de cuisine, Editions Belin.
dimanche 7 avril 2019
Le goût des pâtés lorrains
On m'interroge sur le pâté lorrain, et son goût, parce que j'avais évoqué la question. L'histoire (vraie) est la suivante, et la conclusion invite à des travaux supplémentaires, comme on va le voir.
Le pâté lorrain, ou vosgien, tout comme la tourte alsacienne, sont des souvenirs d'enfance. Enfant je me vois le dimanche, un peu avant midi, revenant de chez le pâtissier, où j'avais été chercher un pâté pour la famille. Le pâté était chaud sorti du four, et j'avais cette odeur extraordinaire. Et je sens encore le goût de ce pâté particulier que nous servait en entrée ma grand-mère.
Bref, ce pâté lorrain est merveilleux. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il faut savoir que c'est un fond de pâte brisée, sur lequel vient une farce mi veau mi port, le tout couvert d'un feuilletage. La farce, elle, est faite au couteau, et la viande est marinée avec du vin d'Alsace blanc, un peu d'oignons, d'ail, de noix muscade, de cumin, de cannelle, de gingembre, du persil, sel et poivre. Bien sûr, il y a des cheminées dans la partie supérieure, afin que la vapeur formée puissent s'échapper sans faire éclater le feuilletage. Souvent, on y met une rondelle de feuilletage, pour agrémenter, et une carte roulée y demeure pendant la cuisson, afin que l'ouverture ne se referme pas.
Pendant des années, le dimanche soir, j'ai refait ce pâté pour ma famille, changeant les proportions des ingrédients, les durées de marinade, la température de cuisson... mais je n'avais jamais le goût du pâté de mon enfance, et c'est ainsi que j'avais fini par croire que l'ingrédient essentiel qui manquait était... ma grand mère !
Jusqu'à ce jour où un de mes amis pâtissiers m'a servi un pâté lorrain où j'ai retrouvé le goût perdu ! Passé le moment de la dégustation, je l'ai entrepris sur sa recette, afin de savoir enfin quel ingrédient mystérieux manquait dans la mienne. Et tout était pareil : la pâte, les viandes, la marinades, les aromates... Tout, même la température de cuisson, et j'étais bien perplexe. Je récapitulais devant lui le protocole, et terminais par "Et on cuit donc environ 30 minutes à 180 °C". "Ah non, me dit-il : moi, je cuis plus d'une heure".
Cette différence expliquait-elle la différence de goût ? Par hasard, à cette même époque, je fus invité à parrainer une promotion du lycées hôtelier de Metz, et j'eus l'occasion de collaborer avec un enseignant meilleur ouvrier de France en charcuterie, qui accepta de préparer plusieurs pâtés identiques qui furent cuits pendant des temps différents : 30 minutes, 45 minutes, 1 heure, 1 heure et 15 minutes... Et le goût particulier du pâté lorrain n'apparaît environ qu'après une heure de cuisson. La chose est maintenant assûrée, mais une question se pose : pourquoi cette longue cuisson fait-elle apparaître ce goût particulier ?
A ce jour, je n'en ai aucune idée !
Le pâté lorrain, ou vosgien, tout comme la tourte alsacienne, sont des souvenirs d'enfance. Enfant je me vois le dimanche, un peu avant midi, revenant de chez le pâtissier, où j'avais été chercher un pâté pour la famille. Le pâté était chaud sorti du four, et j'avais cette odeur extraordinaire. Et je sens encore le goût de ce pâté particulier que nous servait en entrée ma grand-mère.
Bref, ce pâté lorrain est merveilleux. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il faut savoir que c'est un fond de pâte brisée, sur lequel vient une farce mi veau mi port, le tout couvert d'un feuilletage. La farce, elle, est faite au couteau, et la viande est marinée avec du vin d'Alsace blanc, un peu d'oignons, d'ail, de noix muscade, de cumin, de cannelle, de gingembre, du persil, sel et poivre. Bien sûr, il y a des cheminées dans la partie supérieure, afin que la vapeur formée puissent s'échapper sans faire éclater le feuilletage. Souvent, on y met une rondelle de feuilletage, pour agrémenter, et une carte roulée y demeure pendant la cuisson, afin que l'ouverture ne se referme pas.
Pendant des années, le dimanche soir, j'ai refait ce pâté pour ma famille, changeant les proportions des ingrédients, les durées de marinade, la température de cuisson... mais je n'avais jamais le goût du pâté de mon enfance, et c'est ainsi que j'avais fini par croire que l'ingrédient essentiel qui manquait était... ma grand mère !
Jusqu'à ce jour où un de mes amis pâtissiers m'a servi un pâté lorrain où j'ai retrouvé le goût perdu ! Passé le moment de la dégustation, je l'ai entrepris sur sa recette, afin de savoir enfin quel ingrédient mystérieux manquait dans la mienne. Et tout était pareil : la pâte, les viandes, la marinades, les aromates... Tout, même la température de cuisson, et j'étais bien perplexe. Je récapitulais devant lui le protocole, et terminais par "Et on cuit donc environ 30 minutes à 180 °C". "Ah non, me dit-il : moi, je cuis plus d'une heure".
Cette différence expliquait-elle la différence de goût ? Par hasard, à cette même époque, je fus invité à parrainer une promotion du lycées hôtelier de Metz, et j'eus l'occasion de collaborer avec un enseignant meilleur ouvrier de France en charcuterie, qui accepta de préparer plusieurs pâtés identiques qui furent cuits pendant des temps différents : 30 minutes, 45 minutes, 1 heure, 1 heure et 15 minutes... Et le goût particulier du pâté lorrain n'apparaît environ qu'après une heure de cuisson. La chose est maintenant assûrée, mais une question se pose : pourquoi cette longue cuisson fait-elle apparaître ce goût particulier ?
A ce jour, je n'en ai aucune idée !
Question de crème pâtissière et de crème d'amandes
Ce matin, une question par Twitter :
Pour une crème pâtissière, on blanchit les oeufs avec le sucre, mais pour une crème d'amande, on blanchit le beurre avec le sucre en premier avant d’incorporer les oeufs. Je me demandais pourquoi on ne blanchit pas toujours les oeufs avec le sucre ? ordre = texture?
Commençons par donner le lien vers le Glossaire des métiers du goût, pour bien être sûr de savoir de quoi l'on parle : http://www2.agroparistech.fr/Glossaire-Lettre-C.html
Je complète cela avec les recettes du Pâtisserie moderne, de Darenne et Duval :
Crème d'amandes fine : piler ou broyer 500 g d'amandes émondées et séchées avec 500 g de sucre, ajouter 500 g de beurre et 8 oeufs entiers ; travailler au mélangeur pour la faire monter et la rendre plus légère.
Crème d'amandes ordinaire : 250 g sucre, 6 oeufs et 4 jaunes, 200 g farine, 1 L lait ; cuire et mélanger à froid avec 150 g d'amandes en poudre fine, quelques gouttes d'essence d'amandes amères.
Crème pâtissière : 500 g sucre en poudre travaillé dans une terrine avec 12 jaunes d'oeufs ; ajouter ensuite 100 g farine, vanille, un grain de sel, 1 L de lait bouillant ; faire donner un bouillon sur le feu en remuant avec une spatule pour éviter d'attacher.
Cela étant, dans un Larousse, je trouve pour la crème pâtissière : Cuire fécule et la moitié du sucre avec du lait, vanille. A part, battre jaunes d'oeufs et reste du sucre. Arroser avec lait en fouettant. Cuire, refroidir, introduire le beurre en fouettant.
On observe une différence essentielle entre les deux crèmes (telles que données dans ce livre !) : la cuisson pour la pâtissière, mais pas pour la crème d'amandes ! Et cela s'accompagne évidemment d'une cuisson des oeufs.
Mais nous risquons de nous perdre dans les variations des recettes, les idiosyncrasies des pâtissiers, chacun donnant sa version. Il vaut mieux rester à des principes simples, à savoir qu'une des questions est d'obtenir un foisonnement.
Commençons avec la crème anglaise, que l'on fait avec jaunes et sucres, que l'on bat : le blanchiment correspond à l'introduction d'une myriade de bulles d'air dans l'eau des jaunes (le sucre se dissout dans cette eau), qui forment donc un système assez stable pour résister à la cuisson avec le lait, comme je l'ai établi lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire : un test sensoriel a clairement établi la différence, avec un moelleux bien supérieur des crèmes anglaises où le "ruban" (le foisonnement initial) avait été fait.
Pour une crème pâtissière, je n'ai pas fait l'expérience, mais je prends le pari que l'ajout de farine ou de fécule ne changera rien à l'affaire.
D'autre part, pour les crèmes aux amandes, il y a la crème fine, qui contient du beurre... et là, on gagne à savoir que le beurre peut être foisonné, quand on lui ajoute un liquide, mais que l'on peut aussi y disperser un liquide, sans faire de mousse.Tout dépend donc de ce que l'on veut obtenir.
Plus exactement, les principes sont :
- du jaune battu peut foisonner (faire une mousse), et le sucre contribue à la faire tenir
- du beurre où l'on bat un liquide (du lait, du café...) fait un système de type émulsion eau dans huile, plus lisse, plus "crémeux"
- si l'on chauffe du beurre avec un liquide, on obtient une émulsion, qui, si elle est ensuite foisonnée tout en refroidissant, conduit à du "beurre chantilly", très foisonné, comme une crème Chantilly
- la poudre d'amandes apporte un peu d'eau, de la matière grasse, des particules solides
Et je conclus qu'il est temps de ne plus suivre des recettes mais de comprendre ce que l'on fait, pour décider des propriétés des préparations que l'on souhaite obtenir : en me souvenant des principes ci dessus, je peux faire des combinatoires variées, obtenir des textures variées.
Pour une crème pâtissière, on blanchit les oeufs avec le sucre, mais pour une crème d'amande, on blanchit le beurre avec le sucre en premier avant d’incorporer les oeufs. Je me demandais pourquoi on ne blanchit pas toujours les oeufs avec le sucre ? ordre = texture?
Commençons par donner le lien vers le Glossaire des métiers du goût, pour bien être sûr de savoir de quoi l'on parle : http://www2.agroparistech.fr/Glossaire-Lettre-C.html
Je complète cela avec les recettes du Pâtisserie moderne, de Darenne et Duval :
Crème d'amandes fine : piler ou broyer 500 g d'amandes émondées et séchées avec 500 g de sucre, ajouter 500 g de beurre et 8 oeufs entiers ; travailler au mélangeur pour la faire monter et la rendre plus légère.
Crème d'amandes ordinaire : 250 g sucre, 6 oeufs et 4 jaunes, 200 g farine, 1 L lait ; cuire et mélanger à froid avec 150 g d'amandes en poudre fine, quelques gouttes d'essence d'amandes amères.
Crème pâtissière : 500 g sucre en poudre travaillé dans une terrine avec 12 jaunes d'oeufs ; ajouter ensuite 100 g farine, vanille, un grain de sel, 1 L de lait bouillant ; faire donner un bouillon sur le feu en remuant avec une spatule pour éviter d'attacher.
Cela étant, dans un Larousse, je trouve pour la crème pâtissière : Cuire fécule et la moitié du sucre avec du lait, vanille. A part, battre jaunes d'oeufs et reste du sucre. Arroser avec lait en fouettant. Cuire, refroidir, introduire le beurre en fouettant.
On observe une différence essentielle entre les deux crèmes (telles que données dans ce livre !) : la cuisson pour la pâtissière, mais pas pour la crème d'amandes ! Et cela s'accompagne évidemment d'une cuisson des oeufs.
Mais nous risquons de nous perdre dans les variations des recettes, les idiosyncrasies des pâtissiers, chacun donnant sa version. Il vaut mieux rester à des principes simples, à savoir qu'une des questions est d'obtenir un foisonnement.
Commençons avec la crème anglaise, que l'on fait avec jaunes et sucres, que l'on bat : le blanchiment correspond à l'introduction d'une myriade de bulles d'air dans l'eau des jaunes (le sucre se dissout dans cette eau), qui forment donc un système assez stable pour résister à la cuisson avec le lait, comme je l'ai établi lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire : un test sensoriel a clairement établi la différence, avec un moelleux bien supérieur des crèmes anglaises où le "ruban" (le foisonnement initial) avait été fait.
Pour une crème pâtissière, je n'ai pas fait l'expérience, mais je prends le pari que l'ajout de farine ou de fécule ne changera rien à l'affaire.
D'autre part, pour les crèmes aux amandes, il y a la crème fine, qui contient du beurre... et là, on gagne à savoir que le beurre peut être foisonné, quand on lui ajoute un liquide, mais que l'on peut aussi y disperser un liquide, sans faire de mousse.Tout dépend donc de ce que l'on veut obtenir.
Plus exactement, les principes sont :
- du jaune battu peut foisonner (faire une mousse), et le sucre contribue à la faire tenir
- du beurre où l'on bat un liquide (du lait, du café...) fait un système de type émulsion eau dans huile, plus lisse, plus "crémeux"
- si l'on chauffe du beurre avec un liquide, on obtient une émulsion, qui, si elle est ensuite foisonnée tout en refroidissant, conduit à du "beurre chantilly", très foisonné, comme une crème Chantilly
- la poudre d'amandes apporte un peu d'eau, de la matière grasse, des particules solides
Et je conclus qu'il est temps de ne plus suivre des recettes mais de comprendre ce que l'on fait, pour décider des propriétés des préparations que l'on souhaite obtenir : en me souvenant des principes ci dessus, je peux faire des combinatoires variées, obtenir des textures variées.
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