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jeudi 25 février 2016

Professer ou enseigner

On se souvient que, dans des billets précédents, j'ai proposé de revenir sur le mot « enseignement », auquel je propose de remplacer "apprentissage". Non pas apprentissage au sens légal de ces périodes d'alternance, mais apprentissage au sens de Johann Wolfgang Goethe, celui du jeune Werther, la connotation romantique en moins (ou pas, mais cela est une autre affaire).
Bref, je soutiens que la vraie question de l'éducation est moins d'enseigner pour les professeurs que d'apprendre pour les étudiants. Ce renouvellement de la question éducative pose donc la question des enseignants et des professeurs. Quelle différence ?
Dans un autre billet, j'ai discuté la question des "enseignants", terme un peu barbare qui fut introduit pour des raisons idéologiques. Pourquoi le terme  est-il barbare ? Pensons à "apprenants", "soignants", et pourquoi pas "recherchants", tant qu'on y est à parler comme des cochons. Pourquoi le mot est-il idéologique ? Parce qu'il fut introduit pour ne faire qu'un corps, qui aurait gommé les différences  entre les instituteurs,  les professeurs des écoles, les maîtres, mais aussi les maîtres de conférences, les professeurs d'université. Une sorte d'utopie égalitariste idiote, qui prétend que les mots suffisent à nier les faits.
Ici, au contraire de ce mouvement de nivellement, je propose de bien distinguer, car il est juste d'observer que  c'est la distinction qui permet l'analyse fine, et l'efficacité : quel travail ferait un ébéniste qui confondrait marteau et tournevis, cheville et mortaise ? Si les termes techniques se sont multipliés, dans les métiers, c'est parce que  les divers objets ont des fonctions tout  à fait spécifiques. Et même si l'être humain n'est pas un ustensile (ce que dit justement Confucius), nous voyons bien qu'il y a des différences de compétences. Les diplômes reconnaissent ces dernières, et les diverses dénominations visaient, et visent encore, à mieux comprendre qui fait  quoi, notamment dans l'éducation.

Voyons donc en quoi des professeurs ne sont pas seulement des enseignants. Professer, c'est étymologiquement "dire devant", c'est-à-dire exposer des valeurs, alors que l'enseignant se contente d'essayer de transmettre des données techniques. Surtout au XXIe siècle, alors que  nous disposons d'Internet et de cours en ligne à foison, il est devenu complètement obsolète de chercher à transmettre des données techniques, que, de toute façon, nous ne pouvons pas transmettre, et que seuls les étudiants peuvent obtenir.
Nous ne pouvons faire qu'une chose : donner aux étudiants l'envie d'apprendre. Cette envie se replace dans un cadre, un cadre de valeurs, et professer devient une manière de faire un acte de foi. Pas un acte de foi religieuse, bien sûr, mais un acte de foi quand même : en sciences de la nature, nous avons foi dans l'hypothèse selon laquelle le monde est écrit en langage mathématique. C'est là  une vraie valeur, et un émerveillement permanent de voir que les équations collent si bien au réel. Mais il y a aussi  l'extraordinaire capacité prédictive des théories, et ce bonheur de repousser chaque jour les frontières de l'inconnu.
Bref, professer, c'est notamment faire état d'un émerveillement.

Dans un autre billet, je discutais d'ailleurs la question de l'enchantement ou de désenchantement du monde et je montrais que  la science, au lieu de désenchanter le monde, l'enchantait bien plus que tout autre activité humaine. Cet enchantement est sans doute le fondement du travail du professeur. Il y a quelques années, je proposais de structurer les cours en : données, méthodes, notions et concepts, anecdotes, et valeur. Aujourd'hui, je crains de m'être un peu trompé  : j'avais pris les choses à l'envers, et je crois plutôt qu'il faut d'abord exposer des valeurs, c'est-à-dire les motifs, les raisons, pour ensuite être convaincu qu'il devient intéressant de s'intéresser aux concept, notions, méthodes, et, finalement, aux données. Au fond, puisque les étudiants 2.0 n'ont plus besoin des enseignants, il reste un besoin de professeurs, et, si l'on regarde bien, si l'on écoute ceux qui ont eu de bons professeurs, on entend toujours la même chose, à savoir qu'ils leur sont reconnaissants de leur avoir transmis des valeurs.
Pour ce qui me concerne, ces valeurs sont inscrites sur le mur de mon laboratoire, mais elles sont aussi données en ligne dans de de nouveaux documents,  et je crois que je ne peux rougir d'aucune d'entre elles. Je ne crois pas inutile de les transmettre, et peut-être même de les discuter, car si nous sommes honnêtes, économique et intellectuellement, alors aucune question n'est gênante. 

Par exemple, ce matin, un correspondant m'interrogeait sur la cuisine note à note, sur la cuisine moléculaire, sur la gastronomie moléculaire. Dans ses questions, il y en avait  sur les OGM et les relations avec la gastronomie moléculaire. Je lui ai répondu que je ne répondrai pas à sa question, car c'est le seul moyen de perdre des amis et de ne convaincre personne. Ce matin donc, il me disait si la question était gênante, il pouvait  la laisser tomber. Au contraire ! Il faut qu'il garde la réponse que je lui ai faite, car cette dernière n'est pas une absence de réponse ; c'est, au contraire, la vraie réponse qu'il fallait donner ! Je ne suis absolument pas gêné par sa question, et j'ai répondu comme je devais le faire : aussi intelligemment que possible. D'ailleurs, pour mieux expliquer ma position, et pour expliquer pourquoi ma réponse était "pédagogique", je  propose de rappeler que mes enfants, tout jeunes, étaient toujours  furieux que je réponde "le cassis" quand ils me demandaient si je préférais la fraise ou la groseille. Je maintiens que c'était la meilleure réponse à donner. La question qu'ils posaient n'était pas gênante... mais elle était inappropriée.
Et je termine  ce billet sur cette observation : et si certaines questions étaient déplacées ? Et comment catégoriser ces questions déplacées ?

jeudi 10 décembre 2015

Professeur, quel beau métier !


Quand on en vient à  admirer assez naïvement des choses admirables, on s'expose à la moquerie... mais devons-nous vraiment nous préoccuper des pisse vinaigre ?
Cette question a deux objectifs : d'une  part, me donner l'occasion de promouvoir cette devise merveilleuse : « le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture » ; d'autre part, faire état -sans naïveté : le terme "naïvement" trouvait une place rhétorique- d'une évidence... oubliée, à savoir que, oui, le métier de professeur est admirable.

Ce billet, lui, veut surtout rappeler ce qui est en réalité une évidence, à savoir que les professeurs se préoccupent de les étudiants. Une certaine lutte des classes idiote oppose les deux camps : les étudiants qui rechigneraient à faire leurs devoirs, à passer du temps sur les matières « arides »  ; les professeurs qui considéreraient que les étudiants sont paresseux.
Cette vision du monde ne me va pas, tout comme ne me va pas l'opposition encore prétendue mais soutenue par certains selon laquelle, pour les industriels, les chercheurs seraient des êtres abscons, enfermés dans leur tour d'ivoire et quasi inutiles,  tandis que, pour les scientifiques, les industriels seraient des individus cupides,  terre à terre et pas toujours honnêtes. D'ailleurs, on comprend qu'avec l'évocation de la lutte des classes, je déteste  la prétendue opposition entre travailleurs et patrons.
Je suppose que je n'ai pas besoin d'expliquer beaucoup ce qu'est cette prétendue lutte. En revanche, je veux dire  ici que les faits sont bien diffférents : s'il y a effectivement des patrons détestables, il y en a aussi d'honnêtes, qui se charge de la responsabilité d'une entreprise parce qu'ils se soucient d'emploi, du bien être de leurs collègues. D'ailleurs, de l'autre côté, il faut  dire que s'il y a des travailleurs honnêtes, courageux, travailleurs, il y en a aussi de paresseux, profiteurs...
Mais on me connaît : je ne veux voir que le meilleur, et, pour les deux groupes, ce sont ceux qui se soucient du bien d'autre qui m'intéressent : les patrons qui visent l'emploi, le bien être des autres, et les travailleurs travailleurs, ceux qui font bien leur travail, honnêtement, selon les termes du contrat qu'ils n'ont pas manqué de signer avec l'entreprise qui les emploie.
De même, en remontant la chaîne que nous avions descendue, il y a des scientifiques enfermés  dans leur tour d'ivoire... mais il y a aussi les autres, qui sont nombreux. Et s'il y a des industriels obtus, il y en a aussi qui sont merveilleux, et qui savent qu'il faut associer la recherche scientifique et la  technologie pour  aboutir  l'innovation, laquelle  profite aux deux parties.

Enfin, pour remonter au véritable sujet de ce blog, ce qui m'intéresse, c'est de constater qu'il y a des étudians intéressés par les sujets qui leur sont proposés, sujets qui sont d'ailleurs tout à fait merveilleux :  les sciences chimiques, en particulier, sont inouïes,  remarquables, admirables, merveilleuse… Je n'ai pas assez d'adjectifs pour dire tout le bien je pense de ces matières.
Et parmi les professeurs, il y en a effectivement qui se contentent d'avoir un métier, pour qui les étudiants sont sans importance, mais il y a aussi tous ceux qui se décarcassent pour les étudiants dont ils ont la responsabilité. Observons que je n'ai pas dit « la charge ».
Oui, il faut dire aux étudiants que certains professeurs sont admirables, et que, par vision politique, ils acceptent des salaires bas, car ils considèrent que la mission d'enseigner vaut des sacrifies : ne s'agit-il pas, en effet, de prévoir le monde de demain ? Ne s'agit-il pas de favoriser des compétences et des comportements qui mettront un peu d'harmonie dans notre monde ?
# A partir du moment où on cesse de voir le monde par le prisme idiot de la lutte des classes, tout devient plus simple, les rapports sont apaisés, les objectifs sont plus clairs pour chacun, les intentions aussi.
C'est pour cette raison que j'en reviens maintenant à ce que j'avais nommé le contrat d'enseignement. Quand il est rédigé, il ne faut pas le laisser moisir sans le considérer, au contraire. Je propose qu'il fasse l'objet d'une discussion préliminaire, voire d'une rédaction commune par les professeurs et les étudiants. Il ne s'agit pas d'une espèce de formalité, mais du socle sur lequel doivent s'ériger  les activités conjointes des étudiants et des professeurs.
Récemment encore, alors que nous avions pris soin de préparer un document soigneux, je sais qu'il a été lu  trop vite, et que certains étudiants n'ont pas pu profiter pleinement du système d'apprentissage que nous avions prévu pour eux. Nous aurions dû y passer plus de temps, et peut-être même interroger les étudiants (sans évaluation, bien sûr) pour nous assurer  qu'ils avaient bien capté les informations essentielles que nous voulions transmettre. Il en va de la réussite du projet d'enseignement que nous avons en commun.  Certes, cela prendra un peu de temps d'enseignement, mais l'expérience prouve que nous ne pouvons pas en faire l'économie.
Finalement on aura observé que, dans ce billet, j'utilise le mot de "professeur", et non pas d'"enseignant". On se reportera à un autre billet pour voir pourquoi le mot d'"enseignant" me déplaît. En substance, quand même, il y a le fait que je répète que l'enseignement est mpoins important aue l'apprentissage, et qu'il ne s'agit pas pour les enseignants d'enseigner, mais il s'agit pour les étudiants d'apprendre.
A quoi bon le changement de mots ? Professer, c'est soutenir des thèses, « dire  devant » : le professeur a un discours, et ce discours ne se réduit pas à des informations techniques, mais à un mode de vie, et l'on voit d'ailleurs, dans l'histoire des sciences, que les grands professeurs ont toujours été des individus qui se préoccupaient d'un cadre qui conduisait les étudiants à mieux apprendre,  à apprendre en connaissance de cause, à apprendre par un apprentissage qui avait du  sens, qui dépassait les simples connaissances, à apprendre  en comprenant pourquoi ils apprenaient, de sorte que, motivés d'eux-mêmes, ils se dirigeaient plus facilemen vers l'objectif qu'ils s'étaient eux-mêmes donné.
# Il y a donc tout un état d'esprit à organiser,  et  le contrat d'enseigment n'est qu'une partie infime de ce cadre que nous devons créer avant de commencer à discuter techniquement des diverses matières.

Mais c'est un bon début... et c'est notamment avec un tel début que le métier de professeur est merveilleux !

dimanche 27 septembre 2015

A propos des mots de l'enseignement et de l'apprentissage

Il va quand même falloir s'interroger sur les mots de l'enseignement et de ce que je nomme l'apprentissage pour désigner le travail de ceux qui apprennent.


Le mot "enseignant" est miné ! 

On a insuffisamment pris garde au fait que  l'emploi du mot "enseignant" était idéologique : nous avions initialement les instituteurs, les professeurs des écoles, de collèges et de lycée, licenciés ou agrégés, les maîtres de conférences, les professeurs d’université, mais le mot « enseignant » vise à ne faire qu'un seul corps.
Quand on prend le mot avec un peu de fraîcheur, on s'aperçoit qu'il est bien  lourd (un participe présent), ce qui n'est pas particulièrement grave, sauf si l'on considère comme Condillac et Lavoisier (une autre pointure que les petits marquis) que la pensée, c'est la langue. A langue lourde, pensée lourde ; à langue subtile, pensée intelligente.

D'autre part, c'est un fait que l'introduction du mot "enseignant" a mis dans un même sac des compétences différentes… alors qu'il y a de vraies différences, qui ne se gomment pas, même d'une loi : un instituteur n'est pas un professeur d'université, et sans prétendre que l'un vaut plus que l'autre, en termes d'"humanité", on doit observer que les différences portent à la fois sur les connaissances et sur les compétences, scientifiques et pédagogiques.
Regardons les choses en face, par exemple pour les professeurs de l'enseignement du second degré (mais le raisonnement vaut pour tous les types de professeurs) : à un moment de leur vie, certains ont décidé de passer des jours et des nuits à préparer l'agrégation, à obtenir des connaissances et des compétences (scientifiques et pédagogiques) spécifiques, qu'ils n'avaient pas et que leurs camarades n'avaient pas non plus (pour savoir quelque chose, il faut l'avoir appris), et cette "capacité" a été reconnue par la réussite à un concours. Les autres, ceux qui  n'ont pas travaillé pour préparer l'agrégation,  ont préféré utiliser leur temps à faire des activités qui ne leur donnaient pas ces compétences et connaissances. C'est leur choix, mais il y a finalement le résultat : les agrégés ont des connaissances et des compétences que les autres n'ont pas, et il n'y a pas d'égalité entre agrégés et non agrégés !
Certes les individus doivent avoir une seconde (et pourquoi pas une troisième, etc.) chance, d'une part, parce qu'il serait injuste que l'impossibilité (pour des raisons familiales, financières, etc.) d'avoir des connaissances et des compétences à un moment donné de l'existence soit une porte définitivement fermée, et, d'autre part, parce que le diplômé qui cesserait d'avancer irait sans doute moins loin que le non diplômé qui continuerait régulièrement son chemin. Il faut donc reconnaître le travail de chacun tout au long d'une carrière... Toutefois, entre un individu qui a passé l'agrégation et a continué à travailler avec la même énergie, et un individu qui n'a pas préparé l'agrégation et a continué sur sa lancée, il y a nécessairement des différences, à l'arrivée. Bref, il y a des différences de connaissances et de compétences entre les professeurs ; c'est un fait.

Le raisonnement  vaut pour tous les « enseignants », et si l'on comprend que des démagogues veuillent flatter ceux qui n'ont pas travaillé autant que ceux qui ont travaillé (les démagogues cherchent à avoir l'approbation du plus grand nombre ; or  ceux qui n'ont pas été sélectionnés par des examens difficiles sont plus nombreux que les autres), ce n'est pas un mot - "enseignant"- qui gommera les différences de connaissances ou de compétences.
Finalement, je conclus -c'est peu original- que les mots ont des sens qu'il importe de trouver, et que l'on gagnera en intelligence, en compréhension, à séparer les catégories générales (enseignants) en catégories particulières dont on reconnaîtra les caractéristiques.


Il faut dire la vérité aux étudiants 

J'insiste un peu, parce que nous avons un devoir d'… enseignant à dire cela aux étudiants : entre un devoir bien fait et un devoir bâclé, il y a une différence que l'on perçoit immédiatement. Tout ne se vaut pas, et je ne me résoudrai pas à bien noter une copie mal faite.  Enfin, il  faut dire aux étudiants que le temps perdu par certains ne se rattrape que très difficilement, voire exceptionnellement : celui ou celle qui arrive en mastère sans des connaissances scientifiques de base (l'intégration, le calcul matriciel, la connaissance de la thermodynamique...) ne peut les obtenir en une année, avant son diplôme.
D'ailleurs, pour les « étudiants », la même question que pour les "enseignants" se pose. Quelle est la différence entre écoliers, élèves, collégiens, lycéens, étudiants, apprenants, disciples même ?


La vraie question : qui paye ? Qu'apprend-on ? 

Plutôt qu'opposer ceux qui apprennent et ceux qui enseignent, je propose de penser aussi, dans cette discussion, à ceux qui payent les études, à savoir souvent les parents.
Et comment sera nommée l'activité qui réunit les deux premiers groupes, avec le troisième groupe en soutien des apprenants ? Enseignement ? Apprentissage ? Comment seront nommés les travaux ? Exercices ? Leçons ? Devoirs ? Stages ? Cours ?
La question s'impose, car le contrat qui réunit les trois parties est aujourd'hui  bien trop implicite, et donc discutable. La simplicité voudrait que l'on mette d'un côté les apprenants et de l'autre les enseignants, ce qui réglerait la question, mais des billets précédents ont bien montré que tout n'est pas simple, et que si les enseignants veulent enseigner, ce désir peut être  contrarié si les apprenants n'ont pas envie d'apprendre.
Apprendre ou étudier ? Et apprendre quoi ?  Classiquement on distingue  les connaissances et les compétences : une connaissance, c'est ce que l'on sait ; une compétence est ce que l'on sait faire. Toutefois ces deux catégories n'épuisent pas la question de l'enseignement, car les apprenants, face à un enseignant, obtiennent bien plus que  connaissances et compétences. Ils découvrent une façon de vivre, une culture, de la méthode, des valeurs, des anecdotes… De sorte que la discussion doit tenir compte de l'ensemble de ces éléments « pédagogiques » (le mot est mal choisi, car il s'applique à des enfants, alors que l'on est adulte à 18 ans).
Bref, il y a lieu de s'interroger sur les mots, et le seul recours juste est l'étymologie. En effet, puisque chacun met son acception idiosyncratique dans les mots, nous ne pouvons nous fonder sur la démocratie pour décider de l'acception de ces derniers : il y en aura autant que de communautés, et la majorité n'a pas nécessairement raison.
Il nous faut donc plonger dans un dictionnaire… mais avant de le faire, une dernière question : ces discussions méthodologiques sont-elles  une perte de temps ? Je ne crois pas :  l'emploi des mots s'apparente pour l'esprit à  l'emploi d'outils, et c'est un fait que,  pour enfoncer des clous, un tournevis ne vaut pas un marteau. Souvent, ceux qui rejettent les discussions terminologiques sont des paresseux ou des négligents, qui soit n'ont pas la capacité de comprendre, soit n'ont pas l'envie de prendre du temps à chercher à perfectionner  leur esprit, soit ont  une volonté idéologique de gommer les différences, ou, au contraire, de les accentuer. Le bon usage des mots est essentiel pour l'exercice d'une pensée claire, pour penser par soi-même : Sapere aude, aies le courage de penser par toi-même, conseillaient les philosophes des Lumières, les Encyclopédistes qui, à l'époque, devaient lutter contre un clergé étouffant (l'Inquisition!) et une monarchie incompétente, qui passait son temps à des vétilles coûteuses à l'ensemble du corps social.

Recourons à l'étymologie ! 

Bref, cherchons le sens des mots :
- écolier : signifie d'abord "Étudiant d'une université", puis "Enfant qui fréquente l'école primaire (ou école du premier degré)."  Le mot est dérivé  du latin classique schola,  « loisir studieux ; leçon; lieu où l'on enseigne » et  au bas latin « corporation, compagnie », au grec σ χ ο λ η ́ (proprement « arrêt de travail ») « loisir consacré à l'étude; leçon ; groupe de personnes qui reçoivent cet enseignement ».
- étudiant : c'est celui ou celle qui fait des études dans un établissement d'enseignement supérieur. Le mot "étudiant" dérive du verbe "étudier" : "Appliquer son esprit à l'acquisition le plus souvent par la lecture de connaissances dans différents domaines". En 1155, le verbe "étudier" signifiait  « chercher à acquérir une connaissance » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 3341 : Mult sout e mult estudia). Il est dérivé du latin studere « s'appliquer à », de studium « application, zèle; application à l'étude, étude ».
 - collégien : "Élève d'un collège". Le mot "collège", lui, signifie aujourd'hui "Établissement d'enseignement du second degré", mais il signifiait jadis "Corps de personnes revêtues d'une même dignité ou chargées d'une même fonction". Le mot "collège" vient du latin collegium « ensemble, corps (de magistrats, de prêtres) » qui au Moyen Âge désigne diverses communautés de laïcs ou de religieux.
- lycéen : "Élève d'un lycée. Anciennement, établissement d'enseignement secondaire créé par l'État en 1802, destiné à recevoir des élèvres masculins payants ou boursiers de l'État, pourvu le plus souvent d'un internat et quelquefois de classes du cycle élémentaire". En 1721, le lycée était le «lieu où s'assemblent les gens de lettres», puis à partir de 1790, le  «lieu consacré à l'instruction». Le mot "lycée" vient du nom du Lycée,  «gymnase situé au nord-est d'Athènes où enseignait Aristote».
 - professeur : "Personne qui enseigne une discipline, une technique, un art".  Etymologiquement, professer signifie  «avouer publiquement» (GUEVARRE, Epistres dorées, IV, trad. J. de Barraud, 128b d'apr. H. VAGANAY ds Rom. Forsch. t.32, p.136). Plus récemment, le professeur est "Celui, celle qui établit quelqu'un dans la connaissance, la science de quelque chose".
- instituteur : "Celui, celle qui institue quelque chose". Le mot vient d'institutor,  « celui qui dispose, administre » attesté en bas latin au sens de « maître »,  formé sur institutum, « plan établi », « décision ».
- maître de conférences :  "maître" vient du latin magister «chef, directeur, celui qui enseigne»,  qui a supplanté comme nom commun le latin classique dominus. D'autre part,  "conférence" est emprunté au latin médiéval conferentia « confrontation; réunion », du latin conferre « rapprocher », en particulier « mettre en commun des propos », « comparer ».
 - préparateur :  emprunté au latin praeparare «ménager d'avance, apprêter d'avance».
 - tuteur : le mot vient du latin tutor,  « défenseur, protecteur, gardien".
- enseignement : vient du latin vulgaire insignare, ou du latin classique insignire « signaler, désigner ».
 - apprentissage : vient du latin  apprehendere, « prendre, saisir »,  d'où en bas latin le sens « saisir par l'esprit, apprendre, étudier ».
 - leçon : vient du latin lectionem, accusatif de lectio « cueillette ; lecture, texte; choix ».
- devoir : "Tâche écrite, de dimension limitée, variant suivant les matières, imposée à des élèves ou à des étudiants en cours de scolarité". Vient de debere, "être redevable"
- exercice : Action ou moyen d'exercer ou de s'exercer. Vient du latin classique exercere « mettre en mouvement; tourmenter, former par des exercices; exercer (une profession) ».
- cours : Écoulement continu d'une eau courante. Enseignement suivi dans une discipline précise ; l'une des leçons de cet enseignement. Vient de cursus, "chemin".

A propos des mots de l'enseignement et de l'apprentissage

Il va quand même falloir s'interroger sur les mots de l'enseignement et de ce que je nomme l'apprentissage pour désigner le travail de ceux qui apprennent.


Le mot "enseignant" est miné ! 

On a insuffisamment pris garde au fait que  l'emploi du mot "enseignant" était idéologique : nous avions initialement les instituteurs, les professeurs des écoles, de collèges et de lycée, licenciés ou agrégés, les maîtres de conférences, les professeurs d’université, mais le mot « enseignant » vise à ne faire qu'un seul corps.
Quand on prend le mot avec un peu de fraîcheur, on s'aperçoit qu'il est bien  lourd (un participe présent), ce qui n'est pas particulièrement grave, sauf si l'on considère comme Condillac et Lavoisier (une autre pointure que les petits marquis) que la pensée, c'est la langue. A langue lourde, pensée lourde ; à langue subtile, pensée intelligente.

D'autre part, c'est un fait que l'introduction du mot "enseignant" a mis dans un même sac des compétences différentes… alors qu'il y a de vraies différences, qui ne se gomment pas, même d'une loi : un instituteur n'est pas un professeur d'université, et sans prétendre que l'un vaut plus que l'autre, en termes d'"humanité", on doit observer que les différences portent à la fois sur les connaissances et sur les compétences, scientifiques et pédagogiques.
Regardons les choses en face, par exemple pour les professeurs de l'enseignement du second degré (mais le raisonnement vaut pour tous les types de professeurs) : à un moment de leur vie, certains ont décidé de passer des jours et des nuits à préparer l'agrégation, à obtenir des connaissances et des compétences (scientifiques et pédagogiques) spécifiques, qu'ils n'avaient pas et que leurs camarades n'avaient pas non plus (pour savoir quelque chose, il faut l'avoir appris), et cette "capacité" a été reconnue par la réussite à un concours. Les autres, ceux qui  n'ont pas travaillé pour préparer l'agrégation,  ont préféré utiliser leur temps à faire des activités qui ne leur donnaient pas ces compétences et connaissances. C'est leur choix, mais il y a finalement le résultat : les agrégés ont des connaissances et des compétences que les autres n'ont pas, et il n'y a pas d'égalité entre agrégés et non agrégés !
Certes les individus doivent avoir une seconde (et pourquoi pas une troisième, etc.) chance, d'une part, parce qu'il serait injuste que l'impossibilité (pour des raisons familiales, financières, etc.) d'avoir des connaissances et des compétences à un moment donné de l'existence soit une porte définitivement fermée, et, d'autre part, parce que le diplômé qui cesserait d'avancer irait sans doute moins loin que le non diplômé qui continuerait régulièrement son chemin. Il faut donc reconnaître le travail de chacun tout au long d'une carrière... Toutefois, entre un individu qui a passé l'agrégation et a continué à travailler avec la même énergie, et un individu qui n'a pas préparé l'agrégation et a continué sur sa lancée, il y a nécessairement des différences, à l'arrivée. Bref, il y a des différences de connaissances et de compétences entre les professeurs ; c'est un fait.

Le raisonnement  vaut pour tous les « enseignants », et si l'on comprend que des démagogues veuillent flatter ceux qui n'ont pas travaillé autant que ceux qui ont travaillé (les démagogues cherchent à avoir l'approbation du plus grand nombre ; or  ceux qui n'ont pas été sélectionnés par des examens difficiles sont plus nombreux que les autres), ce n'est pas un mot - "enseignant"- qui gommera les différences de connaissances ou de compétences.
Finalement, je conclus -c'est peu original- que les mots ont des sens qu'il importe de trouver, et que l'on gagnera en intelligence, en compréhension, à séparer les catégories générales (enseignants) en catégories particulières dont on reconnaîtra les caractéristiques.


Il faut dire la vérité aux étudiants 

J'insiste un peu, parce que nous avons un devoir d'… enseignant à dire cela aux étudiants : entre un devoir bien fait et un devoir bâclé, il y a une différence que l'on perçoit immédiatement. Tout ne se vaut pas, et je ne me résoudrai pas à bien noter une copie mal faite.  Enfin, il  faut dire aux étudiants que le temps perdu par certains ne se rattrape que très difficilement, voire exceptionnellement : celui ou celle qui arrive en mastère sans des connaissances scientifiques de base (l'intégration, le calcul matriciel, la connaissance de la thermodynamique...) ne peut les obtenir en une année, avant son diplôme.
D'ailleurs, pour les « étudiants », la même question que pour les "enseignants" se pose. Quelle est la différence entre écoliers, élèves, collégiens, lycéens, étudiants, apprenants, disciples même ?


La vraie question : qui paye ? Qu'apprend-on ? 

Plutôt qu'opposer ceux qui apprennent et ceux qui enseignent, je propose de penser aussi, dans cette discussion, à ceux qui payent les études, à savoir souvent les parents.
Et comment sera nommée l'activité qui réunit les deux premiers groupes, avec le troisième groupe en soutien des apprenants ? Enseignement ? Apprentissage ? Comment seront nommés les travaux ? Exercices ? Leçons ? Devoirs ? Stages ? Cours ?
La question s'impose, car le contrat qui réunit les trois parties est aujourd'hui  bien trop implicite, et donc discutable. La simplicité voudrait que l'on mette d'un côté les apprenants et de l'autre les enseignants, ce qui réglerait la question, mais des billets précédents ont bien montré que tout n'est pas simple, et que si les enseignants veulent enseigner, ce désir peut être  contrarié si les apprenants n'ont pas envie d'apprendre.
Apprendre ou étudier ? Et apprendre quoi ?  Classiquement on distingue  les connaissances et les compétences : une connaissance, c'est ce que l'on sait ; une compétence est ce que l'on sait faire. Toutefois ces deux catégories n'épuisent pas la question de l'enseignement, car les apprenants, face à un enseignant, obtiennent bien plus que  connaissances et compétences. Ils découvrent une façon de vivre, une culture, de la méthode, des valeurs, des anecdotes… De sorte que la discussion doit tenir compte de l'ensemble de ces éléments « pédagogiques » (le mot est mal choisi, car il s'applique à des enfants, alors que l'on est adulte à 18 ans).
Bref, il y a lieu de s'interroger sur les mots, et le seul recours juste est l'étymologie. En effet, puisque chacun met son acception idiosyncratique dans les mots, nous ne pouvons nous fonder sur la démocratie pour décider de l'acception de ces derniers : il y en aura autant que de communautés, et la majorité n'a pas nécessairement raison.
Il nous faut donc plonger dans un dictionnaire… mais avant de le faire, une dernière question : ces discussions méthodologiques sont-elles  une perte de temps ? Je ne crois pas :  l'emploi des mots s'apparente pour l'esprit à  l'emploi d'outils, et c'est un fait que,  pour enfoncer des clous, un tournevis ne vaut pas un marteau. Souvent, ceux qui rejettent les discussions terminologiques sont des paresseux ou des négligents, qui soit n'ont pas la capacité de comprendre, soit n'ont pas l'envie de prendre du temps à chercher à perfectionner  leur esprit, soit ont  une volonté idéologique de gommer les différences, ou, au contraire, de les accentuer. Le bon usage des mots est essentiel pour l'exercice d'une pensée claire, pour penser par soi-même : Sapere aude, aies le courage de penser par toi-même, conseillaient les philosophes des Lumières, les Encyclopédistes qui, à l'époque, devaient lutter contre un clergé étouffant (l'Inquisition!) et une monarchie incompétente, qui passait son temps à des vétilles coûteuses à l'ensemble du corps social.

Recourons à l'étymologie ! 

Bref, cherchons le sens des mots :
- écolier : signifie d'abord "Étudiant d'une université", puis "Enfant qui fréquente l'école primaire (ou école du premier degré)."  Le mot est dérivé  du latin classique schola,  « loisir studieux ; leçon; lieu où l'on enseigne » et  au bas latin « corporation, compagnie », au grec σ χ ο λ η ́ (proprement « arrêt de travail ») « loisir consacré à l'étude; leçon ; groupe de personnes qui reçoivent cet enseignement ».
- étudiant : c'est celui ou celle qui fait des études dans un établissement d'enseignement supérieur. Le mot "étudiant" dérive du verbe "étudier" : "Appliquer son esprit à l'acquisition le plus souvent par la lecture de connaissances dans différents domaines". En 1155, le verbe "étudier" signifiait  « chercher à acquérir une connaissance » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 3341 : Mult sout e mult estudia). Il est dérivé du latin studere « s'appliquer à », de studium « application, zèle; application à l'étude, étude ».
 - collégien : "Élève d'un collège". Le mot "collège", lui, signifie aujourd'hui "Établissement d'enseignement du second degré", mais il signifiait jadis "Corps de personnes revêtues d'une même dignité ou chargées d'une même fonction". Le mot "collège" vient du latin collegium « ensemble, corps (de magistrats, de prêtres) » qui au Moyen Âge désigne diverses communautés de laïcs ou de religieux.
- lycéen : "Élève d'un lycée. Anciennement, établissement d'enseignement secondaire créé par l'État en 1802, destiné à recevoir des élèvres masculins payants ou boursiers de l'État, pourvu le plus souvent d'un internat et quelquefois de classes du cycle élémentaire". En 1721, le lycée était le «lieu où s'assemblent les gens de lettres», puis à partir de 1790, le  «lieu consacré à l'instruction». Le mot "lycée" vient du nom du Lycée,  «gymnase situé au nord-est d'Athènes où enseignait Aristote».
 - professeur : "Personne qui enseigne une discipline, une technique, un art".  Etymologiquement, professer signifie  «avouer publiquement» (GUEVARRE, Epistres dorées, IV, trad. J. de Barraud, 128b d'apr. H. VAGANAY ds Rom. Forsch. t.32, p.136). Plus récemment, le professeur est "Celui, celle qui établit quelqu'un dans la connaissance, la science de quelque chose".
- instituteur : "Celui, celle qui institue quelque chose". Le mot vient d'institutor,  « celui qui dispose, administre » attesté en bas latin au sens de « maître »,  formé sur institutum, « plan établi », « décision ».
- maître de conférences :  "maître" vient du latin magister «chef, directeur, celui qui enseigne»,  qui a supplanté comme nom commun le latin classique dominus. D'autre part,  "conférence" est emprunté au latin médiéval conferentia « confrontation; réunion », du latin conferre « rapprocher », en particulier « mettre en commun des propos », « comparer ».
 - préparateur :  emprunté au latin praeparare «ménager d'avance, apprêter d'avance».
 - tuteur : le mot vient du latin tutor,  « défenseur, protecteur, gardien".
- enseignement : vient du latin vulgaire insignare, ou du latin classique insignire « signaler, désigner ».
 - apprentissage : vient du latin  apprehendere, « prendre, saisir »,  d'où en bas latin le sens « saisir par l'esprit, apprendre, étudier ».
 - leçon : vient du latin lectionem, accusatif de lectio « cueillette ; lecture, texte; choix ».
- devoir : "Tâche écrite, de dimension limitée, variant suivant les matières, imposée à des élèves ou à des étudiants en cours de scolarité". Vient de debere, "être redevable"
- exercice : Action ou moyen d'exercer ou de s'exercer. Vient du latin classique exercere « mettre en mouvement; tourmenter, former par des exercices; exercer (une profession) ».
- cours : Écoulement continu d'une eau courante. Enseignement suivi dans une discipline précise ; l'une des leçons de cet enseignement. Vient de cursus, "chemin".