Affichage des articles dont le libellé est applications. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est applications. Afficher tous les articles

lundi 11 février 2019

Ce que je n'ai pas réussi à faire

Oui, je crois avoir réussi mon coup, en ce que le public sait maintenant qu'il y a des molécules dans les aliments : cela fait partie des enseignements de l'école, d'une part, et les chefs qui passent à la télévision sont sensibilisés, d'autre part. Bien sûr, il y a encore des confusions entre "naturel" et "artificiel" ou "synthétique", mais on y arrivera, surtout si l'école nous y aide, et ce sera pour le bien de tous, c'est-à-dire de chacun et de la collectivité.

En revanche, je n'ai pas réussi à bien faire passer la différence entre la  chimie, qui est une science de la nature, et ses applications... que l'on retrouve trop souvent sous le nom indu, usurpé, de "industries chimiques". Non, il n'y a pas d'industries chimiques, parce qu'une industrie n'est pas une science. Il y a éventuellement des industries qui font usage de la chimie, mais on tomberait dans la faute du partitif en nommant cela "industries chimiques". Et cette confusion est néfaste pour tous, pour la chimie, d'une part, et pour les industries, donc le public qui peut y travailler. 


Pourquoi n'ai-je pas réussi ? 

Pour mille raisons, mais notamment parce que la communauté des chimistes n'a pas encore accepté l'idée que l'on doive nommer différemment la science chimique (la "chimie", donc) et ses applications. Pis encore, il y a eu des tentatives de rapprochement. Louables, certes, du  point de vue de la communauté des personnes intéressées par les transformations moléculaires, mais nuisibles, puisque cela entérinait la confusion.
C'est au point que moi-même ai longtemps hésité à nommer "chimie" notre science ou ses applications, ayant quand même compris que l'on ne pouvait pas donner le même nom à deux activités différentes, ce qui est la moindre des choses : un tournevis n'est pas un marteau, n'est-ce pas ?
Je réponds en passant à une remarque courante : oui, ce sont les mêmes molécules dans un laboratoire de recherche scientifique et dans une usine, mais l'intention fait toute la différence : l'étude d'un phénomène, ce n'est pas l'utilisation de ce phénomène. Il y a toute la différence du monde, et, comme je sais que beaucoup ne la comprenne pas, j'explique sur un exemple :
- quand je cuisine, je produis des aliments
- quand j'étudie la cuisine, je produis de la connaissance.
Si j'étudie, je ne fais pas d'aliment. Mais si je cuisine, je ne fais pas de connaissance.
Là, c'est clair ?

Bref, il y a lieu  lutter encore beaucoup contre des forces antagonistes ou des inerties. Les forces antagonistes ? Il y en a hélas beaucoup, entre ceux qui, par idéologie, refusent les avancées scientifiques, voyant encore là le mythe de Prométhée : pour eux, la chimie est une façon de donner le feu aux hommes, et cela peut faire des catastrophes (incendies, etc.). Il y a aussi ceux qui combattent le "capital" qui est personnifié en l'occurrence par l'industrie... qu'ils disent "chimique". Il y a ceux qui ignorent ce qu'est la chimie, et en ont peur. Il y a ceux qui voient dans la chimie la cause des pollutions, oubliant que c'est principalement la surpopulation mondiale qui est à l'origine de cela. Il y a ceux qui...

Tout cela s'apparente à un combat des vaillants guerriers réunis au Valhalla, dans la mythologie alsacienne, pour lutter contre les géants qui veulent détruire le monde créé par les dieux, libérant le loup géant qui tuera Wotan. Si l'on cesse de combattre, ce sera la fin, de sorte que, éternellement, nous devrons lutter. Lutter contre les peurs, lutter contre les malhonnêtetés intellectuelles, lutter contre les "méchants", les paresseux, les autoritaires, les escrocs, lutter contre la pensée magique, lutter contre les idéologies qui ne s'affichent pas.

Bref, luttons sans relâche contre le Ragnarok

lundi 23 juillet 2018

Les Ateliers Science & Cuisine


La gatronomie moléculaire est une activité de recherche scientifique, et, comme toute autre discipline scientifique, elle vise la recherche des mécanismes des phénomènes, et, plus spécifiquement, la recherche des mécanismes des phénomènes que l'on observe en cuisine.

Comme toute autre discipline scientifique, la gastronomie moléculaire a des applications de deux types :
- des applications techniques, via la technologie
- des applications éducatives.
C'est dans ce second cadre que nous avons introduit initialement les "Ateliers expérimentaux du goût", pour le Premier Degré (écoles), et les "Ateliers science & cuisine", pour le Second Degré (collèges, lycées). Les fiches,  à la disposition des enseignants, sont préparées au sein du Groupe de gastronomie moléculaire, avec Marie Claude Feore et Laure Fort.

Evidemment, ces fiches sont sur le site de l'Education nationale, et, plus précisément, sur le site de l'Académie de Paris :



https://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_80293/ateliers-science-cuisine

vendredi 2 janvier 2015

Science pure/applications de la science

Un extrait de Dialogues avec moi-même, du physicien Pierre Auger (Albin Michel, p. 108) :

"Ayant vécu un demi siècle - et quel demi siècle ! - dans les laboratoires, [Jean Perrin] voulait faire connaître aux jeunes la ferveur et l'enthousiasme qui accompagnent l'effort des hommes de  sciences, de science pure, pour utiliser la terminologie courante, mais erronée, séparant  la science pure de la science appliquée.
S : Il n'y a  pas de science appliquée, disait Pasteur, il y a la science et les applications de la science. Autrement dit, il y a la recherche scientifique et les technologies qui découlent des découvertes que la recherche effectue. Cela ne veut pas dire que ceux qui appliquent la science, les ingénieurs principalement, ne sont pas des chercheurs et même ne réalisent pas des découvertes dans certaines circonstances, mais dans l'ensemble ils cherchent non pas à "comprendre" mais à "utiliser" les phénomènes de la nature mis à jour par les hommes de sciences. 
C : C'est pour cela que l'on parle parfois de recherche "désintéressée", en voulant exprimer par là que certains travaux sont orientés vers un but purement intellectuel -comprendre- alors que les chercheurs des sciences appliquées visent  un résultat "intéressé", c'est-à-dire à signification économique."

Pierre Auger était un des artisans du CERN, et je m'aperçois que son écriture révèle un baroquisme intéressant. Toutefois, je vois des tas de commentaires à faire :
1. je suis content qu'il cite Pasteur, à propos de la faute de la "science appliquée" : c'est une faute à combattre sans cesse.
2. mettre les technologies comme découlant de la science, c'est une erreur que j'ai faite, et que je propose d'éviter : il y a des technologies qui ne sont pas subordonnées à la science, et que j'ai nommées "technologie locale" (Science, technologie, technique : quelles relations ?, Editions Quae/Belin, Paris, 2010)
3. Le mot "chercheur" est flou, dans cet extrait : je propose que l'on nomme chercheur toute personne qui fait une recherche, historique, artistique, scientifique, technologique...
4. certains proposent le mot "ingénierie", à côté de technologie, et c'est à considérer attentivement, mais ma religion n'est pas faite, ici
5. Auger utilise très mal la ponctuation, et fait des fautes de français ("dans un but", etc.), de sorte qu'il faut reprendre la question du langage selon Condillac : les mots et la pensée vont-ils entièrement de pair ?
6. La question de la science pure/les applications  de la science ne règle pas tout : on peut faire de la science de surface, qui sera de la science de détail, à l'opposé d'une science de rupture, et l'analyse de cela doit guider la stratégie scientifique.
J'appelle de mes.... voeux (nous sommes le 1er janvier) une bonne analyse, collective, de cette question, afin d'aider les scientifiques dans leur  travail quotidien.