Ce matin, une demande :
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 2 décembre 2023
Porc à l'ananas
dimanche 13 août 2023
Comment faire une gelée d'ananas ?
Comment faire une gelée d'ananas ?
La question se pose à tous ceux qui veulent varier la nature des fruits dans les bavarois ou les aspics. Bien sûr, on peut mettre des pommes, des poires, des fraises, des abricots... Mais puisque l'ananas est un des grands fruits dont nous disposons, on en vient rapidement à vouloir faire une gelée d'ananas... et là, patatras ! Quand on met du jus d'ananas frais (bien plus intéressant que du jus chauffé) avec de la gélatine, la gelée ne prend pas, qu'elle soit ou non mêlée de crème fouettée, de sucre... Par hasard, les cuisiniers ont observé que la gelée prend si le jus a été chauffé, mais alors le goût est bien différent, et la fraîcheur de l'ananas est perdue.
D'où la question : comment faire une gelée d'ananas ? Cette question a traversé les décennies, les siècles, et elle n'a pas eu de solution, parce que la technique n'était pas à même de lui en donner. Comment en aurait-elle eu ?
C'est à ce stade de blocage que les sciences de la nature s'imposent absolument, pour une saine technologie. Les sciences ont montré que certains végétaux contiennent des enzymes nommées collagénases, ou protéases, qui dégradent les protéines. Or la gélatine qui structure classiquement les gelées est précisément une protéine, de sorte que les enzymes dégradent les protéines qui devraient gélifier.
La science a identifié que les enzymes sont inactivées par la chaleur : c 'est un fait que les protéases chauffées perdent leur capacité catalytique, et cela explique pourquoi on peut réaliser des gelées d'ananas à partir des jus d'ananas chauffé
Comment faire des gelées à partir de jus non chauffé ? L'application de hautes pression est une première solution, car ces pressions dénaturent les protéines, et notamment les enzymes.
Mais analysons, si les protéases attaquent les protéines gélifiantes, pourquoi ne pas remplacer les protéines gélifiantes par d'autres composés qui ne seraient pas sensibles aux protéases ? L'exploration du monde a conduit à l'identification de bien d'autres polymères gélifiants que les protéines : alginates, carraguénanes...
De ce fait, on parvient très bien à faire gélifier à partir de ces composés non classiques, non traditionnels pour le monde occidental. La conclusion est claire : de l'innovation est possible quand les sciences quantitatives, les sciences de la nature, sont utilisées.
samedi 1 juin 2019
A propos de gelées qui ne prennent pas
Commençons par une expérience, à savoir mixer de l'ananas frais, puis y dissoudre de la gélatine. On met le liquide gélatiné dans un moule, et l'on attend : le gel prend.
Là, il faut expliquer sans attendre que le jus d'ananas, c'est majoritairement de l'eau; disons de l'eau qui a du goût. Et la gélatine, c'est une matière faite de protéines partiellement dégradées par leur extraction à partir du tissu collagénique.
Du collagène à la gélatine
Mais partons donc de ce dernier : il entoure les cellules animales. Plus en détail, il est fait de "fibres", à savoir des triples hélices de "collagène", chaque hélice étant un enchaînement de "maillons", ces maillons étant des résidus d'acides aminés.
Quand on chauffe du tissu végétal (viande, poisson, pattes de poule, pied de veau...), le tissu collagénique se désorganise, les triples hélices se séparent les unes des autres, et les brins des triples hélices se séparent, tandis que les brins libérés perdent des segments, sont partiellement coupés.
Bref, il y a finalement dans le liquide de cuisson une série de protéines ou de protéines dégradées, mais aussi des "peptides" (des segments détachés des protéines) ou des acides aminés libres. Tout cela est en solution dans le liquide. C'est la "gélatine".
Puis, quand le liquide refroidit, les protéines se ré-associent par leurs extrémités, par trois, ce qui forment un "réseau", une sorte d’échafaudage où sont piégées les molécules d'eau et les molécules qui étaient dissoutes dans l'eau. C'est la prise en gel.
A partir de l'ananas frais
Cela étant, quand la gelée est faite à partir de jus d'ananas qui n'a pas été chauffé, notamment quand on lui a ajouté un peu d'eau où de la gélatine a été dissoute, alors la gelée prend... mais elle se défait ensuite! Et c'est cela qui alerte souvent cuisinières et cuisiniers... et qui justifie ce billet.
Pourquoi cet échec ? Parce que le jus d'ananas frais n'est pas que de l'eau avec du gout : il contient lui-même des protéines, mais des protéines d'une autre sorte, à savoir des protéases, c'est-à-dire des protéines qui coupent les autres protéines. Et les protéases coupent donc les protéines de gélatine du réseau, de sorte que ce réseau est dégradé : le système redevient liquide.
La solution?
La solution, pour éviter ce désastre culinaire ? Une première solution consiste à chauffer le jus d'ananas, parce que, alors, les protéases sont "dénaturées", à savoir qu'elles perdent leur capacité de couper les autres protéines. Certes, le goût du jus perd un peu en fraîcheur, mais un chauffage rapide fait l'affaire.
Sinon, on peut faire le gel avec autre chose que de la gélatine, tel l'agar-agar, qui n'est pas une protéine mais un "polysaccharide" (un "sucre"), lequel n'est pas attaqué par les protéases.
Vous trouverez des indications supplémentaires sur le site de Pierre Gagnaire (https://www.pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve) et dans mon livre
Et quels autres végétaux ou parties de végétaux ?
L'ananas n'est pas le seul végétal à contenir des protéases gênantes pour la gélification. Il y a aussi la papaye, la figue, le kiwi, le cassis... et sans doute bien d'autres tissus végétaux. Lesquels ?
dimanche 10 décembre 2017
Comment faire une gelée d'ananas ?
Comment faire une gelée d'ananas ?
La question se pose à tous ceux qui veulent varier la nature des fruits dans les bavarois ou les aspics. Bien sûr, on peut mettre des pommes, des poires, des fraises, des abricots... Mais puisque l'ananas est un des grands fruits dont nous disposons, on en vient rapidement à vouloir faire une gelée d'ananas... et là, patatras ! Quand on met du jus d'ananas frais (bien plus intéressant que du jus chauffé) avec de la gélatine, la gelée ne prend pas, qu'elle soit ou non mêlée de crème fouettée, de sucre...
Par hasard, les cuisiniers ont observé que la gelée prend si le jus a été chauffé, mais alors le goût est bien différent, et la fraîcheur de l'ananas est perdue. D'où la question : comment faire une gelée d'ananas ?
Cette question a traversé les décennies, les siècles, et elle n'a pas eu de solution, parce que la technique n'était pas à même de lui en donner. Comment en aurait-elle eu ?
C'est à ce stade de blocage que les sciences de la nature s'imposent absolument, pour une saine technologie. Les sciences ont montré que certains végétaux contiennent des enzymes nommées collagénases, ou protéases, qui dégradent les protéines. Or la gélatine qui structure classiquement les gelées est précisément une protéine, de sorte que les enzymes dégradent les protéines qui devraient gélifier.
La science a identifié que les enzymes sont inactivées par la chaleur : c'est un fait que les protéases chauffées perdent leur capacité catalytique, et cela explique pourquoi on peut réaliser des gelées d'ananas à partir des jus d'ananas chauffé
Comment faire des gelées à partir de jus non chauffé ? L'application de hautes pression est une première solution, car ces pressions dénaturent les protéines, et notamment les enzymes. Mais analysons, si les protéases attaquent les protéines gélifiantes, pourquoi ne pas remplacer les protéines gélifiantes par d'autres composés qui ne seraient pas sensibles aux protéases ? L'exploration du monde a conduit à l'identification de bien d'autres polymères gélifiants que les protéines : alginates, carraghénanes... De ce fait, on parvient très bien à faire gélifier à partir de ces composés non classiques, non traditionnels pour le monde occidental.
La conclusion est claire : de l'innovation est possible quand les sciences quantitatives, les sciences de la nature, sont utilisées.