A propos de gelée d'ananas, de papaye, de figue, de kiwi, de cassis, on me fait observer que je me suis insuffisamment expliqué, et voici mieux (j'espère).
Commençons par une expérience, à savoir mixer de l'ananas frais, puis y dissoudre de la gélatine. On met le liquide gélatiné dans un moule, et l'on attend : le gel prend.
Là, il faut expliquer sans attendre que le jus d'ananas, c'est majoritairement de l'eau; disons de l'eau qui a du goût. Et la gélatine, c'est une matière faite de protéines partiellement dégradées par leur extraction à partir du tissu collagénique.
Du collagène à la gélatine
Mais partons donc de ce dernier : il entoure les cellules animales. Plus en détail, il est fait de "fibres", à savoir des triples hélices de "collagène", chaque hélice étant un enchaînement de "maillons", ces maillons étant des résidus d'acides aminés.
Quand on chauffe du tissu végétal (viande, poisson, pattes de poule, pied de veau...), le tissu collagénique se désorganise, les triples hélices se séparent les unes des autres, et les brins des triples hélices se séparent, tandis que les brins libérés perdent des segments, sont partiellement coupés.
Bref, il y a finalement dans le liquide de cuisson une série de protéines ou de protéines dégradées, mais aussi des "peptides" (des segments détachés des protéines) ou des acides aminés libres. Tout cela est en solution dans le liquide. C'est la "gélatine".
Puis, quand le liquide refroidit, les protéines se ré-associent par leurs extrémités, par trois, ce qui forment un "réseau", une sorte d’échafaudage où sont piégées les molécules d'eau et les molécules qui étaient dissoutes dans l'eau. C'est la prise en gel.
A partir de l'ananas frais
Cela étant, quand la gelée est faite à partir de jus d'ananas qui n'a pas été chauffé, notamment quand on lui a ajouté un peu d'eau où de la gélatine a été dissoute, alors la gelée prend... mais elle se défait ensuite! Et c'est cela qui alerte souvent cuisinières et cuisiniers... et qui justifie ce billet.
Pourquoi cet échec ? Parce que le jus d'ananas frais n'est pas que de l'eau avec du gout : il contient lui-même des protéines, mais des protéines d'une autre sorte, à savoir des protéases, c'est-à-dire des protéines qui coupent les autres protéines. Et les protéases coupent donc les protéines de gélatine du réseau, de sorte que ce réseau est dégradé : le système redevient liquide.
La solution?
La solution, pour éviter ce désastre culinaire ? Une première solution consiste à chauffer le jus d'ananas, parce que, alors, les protéases sont "dénaturées", à savoir qu'elles perdent leur capacité de couper les autres protéines. Certes, le goût du jus perd un peu en fraîcheur, mais un chauffage rapide fait l'affaire.
Sinon, on peut faire le gel avec autre chose que de la gélatine, tel l'agar-agar, qui n'est pas une protéine mais un "polysaccharide" (un "sucre"), lequel n'est pas attaqué par les protéases.
Vous trouverez des indications supplémentaires sur le site de Pierre Gagnaire (https://www.pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve) et dans mon livre
Et quels autres végétaux ou parties de végétaux ?
L'ananas n'est pas le seul végétal à contenir des protéases gênantes pour la gélification. Il y a aussi la papaye, la figue, le kiwi, le cassis... et sans doute bien d'autres tissus végétaux. Lesquels ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
Affichage des articles dont le libellé est kiwi. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est kiwi. Afficher tous les articles
samedi 1 juin 2019
Inscription à :
Articles (Atom)