Oui, il s'agit bien, ici, de l'image d'une émulsion au microscope optique. Plus précisément, il s'agit d'une sauce mayonnaise en début de constitution. On est parti d'un jaune d'œuf et de vinaigre, pas de moutarde sans quoi on ferait plutôt une rémoulade et non pas une mayonnaise, on a ajouté du sel et du poivre, puis de l'huile en fouettant. Le fouet a divisé les gouttelettes répétitivement, et c'est ainsi que l'on voit sur cette image, majoritairement, des goutteletes d'huile dispersées dans une phase aqueuse. Cette phase aqueuse, c'est de l'eau où sont dissoute des molécules de composés variées, l'eau provenant du jaune d'œuf puisque 50 % du jaune d'œuf, c'est de l'eau, et du vinaigre puisque environ 90 % du vinaigre c'est de l'eau
Ce système physique est nommé émulsion parce qu'il s'agit d'une dispersion de gouttelettes d'un liquide dans un autre liquide avec lequel le premier n'est pas miscible, avec lequel il ne se mélange pas.
Et c'est exact que l'huile ne se mélange pas à l'eau, ni aux solutions aqueuses telles que serait de l'eau salée ou du vinaigre.
Regardant mieux l'image, on voit donc de grosses formes rondes et un peu transparentes : ce sont des gouttelettes d'huile, qui sont de tailles très variées, les plus grosses mesurant environ un dixième de millimètre et les plus petites pouvant être environ 1000 fois plus petite.
Mais il y a aussi trois formes rondes noires et, là, ce sont des bulles d'air. Non pas des bulles d'air qui étaient présentes dans la mayonnaise, mais des bulles qui ont été introduites quand on a étalé l'émulsion sur la plaque de microscope.
Je ne dis pas qu'il y a pas d'air dans une mayonnaise, mais je dis qu'il y en a très peu et c'est à ce titre que même si, stricto sensu l'image représente une émulsion un peu foisonnée, il n'y a pas lieu d'être trop pointilleux et il faut reconnaître qu'au premier ordre, nous voyons bien une phase continue et une phase dispersée, faite de gouttelettes d'huile. C'est donc bien une émulsion.
Plus généralement, il y a lieu de conserver cette idée générale que c'est une erreur d'entrer les détails avant d'avoir fait l'essentiel.
Si l'on regarde une feuille de papier rectangulaire, elle est... rectangulaire. Pourtant, si on regarde les bords de la feuille à la loupe, on voit bien qu'il y a des très petites irrégularités. Mais en vrai ce serait une erreur de ne pas considérer que, au premier ordre, la feuille est rectangulaire.
Cette méthode de bien voir le gros avant le détail, et, en tout cas, de séparer les ordres de grandeur, de regarder par ordres de grandeurs successifs, doit être enseignée aux étudiants parce qu'ils sont souvent perdus dans les différents ordres de grandeur, et c'est à ce titre que j'avais introduit la méthode descendante d'analyse des systèmes physico-chimiques que j'ai publiée dans l'International Journal of Molecular and Physical Gastronomy : https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy/international-journal-of-molecular-and-physical-gastronomy/3-educational-practices/3.2.-developments-practices-and-policy/3.2.2.-courses/descending-approach
Je la recommande à tous les étudiants qui me font l'honneur de faire confiance.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 6 octobre 2025
Derrière l'image d'une émulsion
mardi 30 septembre 2025
Blanc, blanc, blanc
Un chef m'interroge sur la question du blanc en cuisine : comment l'obtenir ?
mardi 27 mai 2025
Cinq pour cent de phase continue dans les émulsions
Oui, il faut environ 5 de phase continue pour former une dispersion telle qu'une émulsion.
Les dispersions colloïdales sont fréquences en cuisine : ce sont les mousses, les suspensions, les émulsions... Dans tous ces cas, il y a une phase dispersée dans une phase continue. Une phase continue, cela signifie que l'on peut aller du haut en bas, de droite à gauche et d'avant en arrière en restant toujours dans la même phase : cette phase peut-être un gaz, un liquide, un solide.
Les phases dispersées, elles, sont... dispersées, c'est-à-dire discontinue. Par exemple, dans une émulsion, il y a des gouttelettes d'huile dispersées dans une solution aqueuse ou l'inverse.
Pour commencer, pensons que les structures dispersées sont comme des sphères dans une boîte, ou des oranges sur un étal de marchand des quatre saisons. Avec des sphères qui seraient toutes de la même taille, la détermination de l'empilement le plus compact est un vieux problème mathématique et l'on sait calculer qu'il faut un minimum d'environ 30 pour cent de phase continue, entre les sphères. C'est ce que l'on nomle l'empilement compact.
Mais pour des émulsions telles que la mayonnaise, par exemple, d'une part les gouttelettes d'huile ne sont pas des sphères, et, d'autre part elles ne sont pas toutes de la même taille.
Or on comprend facilement que l'on puisse mettre plus de sphères s'il y en a de grosses et de petites : avec les grosses, faisons un empilement compact, puis plaçons les petites dans les espaces laissés par les grosses sphères. Mathématiquement, si l'on dispose de sphères de toutes les tailles voulues on peut emplir l'espace entièrement : c'est le problème de la baderne d'Apollonius, du nom d'un mathématicien de la Grèce antique.
De même, avec des objets dispersés qui peuvent se déformer on comprend, en caricaturant, que s'ils forment des cubes, l'empilement est complet.
Toutefois en pratique, on comprend qu'il faille une certaine épaisseur de phase continue entre des sphères voisines ou même entre des sphères déformées. Par exemple, si deux gouttes d'huile venaient au contact, elles fusionneraient. Au minimum, il faut une couche de molécule qui sépare les gouttes d'huile. Ce serait très instable. Pensons à environ 5 pour cent de phase continue.
Cela a des conséquences culinaires, et notamment pour des sauces émulsionnées chaudes, pour lesquelles la solution aqueuse s'évapore progressivement, quand elles restent sur le coin du fourneau avant le service : une cause de ratage des hollandaises, béarnaises, par exemple (certes, ce sont plutôt des suspensions que des émulsions, mais il faut quand même que la matière grasse y soit émulsionnée).
samedi 10 mai 2025
A propos de "vinaigrette"
Je reçois un message :
C'est quoi le principe de la tenue de la vinaigrette ?
car je cherche toujours les proportions parfaite pour qu'elle tienne bien ferme
moutarde ancienne
eau
vinaigre
huile olive
huile d'arachide
Je vais commencer par discuter le mot vinaigrette, avant de répondre à la question.
Qu'est-ce que la vinaigrette ?
Nous
sommes bien d’accord : la dénomination des mets doit revenir à ceux qui
l’on initialement utilisée, n'est-ce pas ? C'est, en effet, une
question d'éthique, que de reconnaître la paternité des inventions, des
idées, des découvertes.
De ce fait, pour savoir ce qu’est une vinaigrette, il faut donc remonter dans le temps.
Commençons au Larousse gastronomique,
qui dit simplement, et sans référence, que la vinaigrette est une
émulsion d’un corps gras et d’un produit acide. Définition idiote,
puisque l'on pourrait faire une émulsion de jus de citron (acide) et
d'huile : sans le mot "vinaigre" présent, ce n'est manifestement pas une
vinaigrette ! D'ailleurs le Larousse gastronomique confond tout,
puisqu’il admet aussi bien de la crème et du jus de citron, que du
vinaigre et de l’huile. Décidément, oublions un texte aussi peu
éclairant.
Le Guide culinaire ? Ce n’est guère mieux,
puisqu’il confond la « Ravigote (ou Vinaigrette) », pour une sauce qui
réunit de l’huile, du vinaigre, des câpres, du persil, cerfeuil,
estragon et ciboulettes, oignon, sel et poivre.
Oui, la présence des
herbes fait la ravigote, et le seul mérite que l’on puisse reconnaître
ici, c’est de ne pas avoir confondu avec la rémoulade, qui, elle,
contient de la moutarde.
Remontons donc dans le temps, pour voir si
nous trouvons mieux que ce livre que je n’aime pas, parce qu’il a donné
l’apparence d’un livre savant, en entérinant des définitions fautives.
Au
19e siècle, le cuisinier Urbain Dubois, par exemple, écrit ainsi : «
Vinaigrette : Délayez dans une terrine, une cuillerée de moutarde, avec
de l'huile et du vinaigre; ajoutez sel et poivre, oignon, échalote,
persil, cerfeuil et estragon hachés; ajoutez quelques câpres entières. »
Pas terrible : cela, c’est une rémoulade en ravigote !
Allons, montons plus loin encore, avec le Ménagier de Paris, publié vers 1393… qui dit ainsi que la vinaigrette est une « sauce faite d'huile, de vinaigre et de divers condiments » (Ménagier de Paris, II, p. 108).
Voici
qui est plus clair… à cela près que l’on trouve aussi « Prenez la
menue-haste d’un porc, laquelle soit bien lavé et eschaudée, puis rostie
comme à demy sur le greil : puis minciez par morceaux, puis les metez
en un pot de terre, du sain et des oignons coupés par rouelles, et
mettez le pot sur le charbon, et hochiez souvent. Et quand tout sera
bien frit ou cuit, si y mettez du boullon de beuf, et faites tout
boulir, puis broiez pain halé, gingembre, graine, saffran, etc., et
deffaites de vin et de vinaigre, et taites tout bouilir, et dit être
brune. »
En traduisant, il s’agit de prendre de la viande de porc
rôtie, avec de la graisse, des oignons ; on cuit, on ajoute du bouillon,
puis du pain grillé, des épices, et du vin et du vinaigre, avant de
faire bouillir : rien à voir avec ce que nous disons aujourd’hui être
une vinaigrette.
Cette recette est-elle une particularité exceptionnelle ? Non, car c’est presque la même que celle du Viandier,
de Guillaume Tirel. C’est si l’on peut dire la véritable recette ! Et
notre vague mélange moderne de vinaigre et d’huile, parfois agrémenté de
moutarde, n’est qu’une piètre préparation… qui mérite d'être améliorée.
Comment cela tient-il ?
Partons
de la recette qui a été donnée par mon correspondant, et qui est donc
plutôt une rémoulade, puisqu'il y a de la moutarde et de la matière
grasse.
La moutarde est faite de graines, donc de tissus
végétaux, qui contiennent notamment des phospholipides et des protéines,
de sorte que la broyer finement avec de l'huile permet la dispersion de
l'huile sous la forme de gouttelettes, ce qui est une "émulsion".
Plus
on mélange énergiquement, plus les gouttelettes sont petites, et plus
l'émulsion est stable. Simultanément, la couleur s'éclaircit, comme on
le voit en faisant l'expérience de préparer une mayonnaise (jaune
d'oeuf, vinaigre et huile) à la fourchette, puis en passant un coup de
mixer plongeant dedans : à l'endroit mixé, la sauce est bien plus ferme,
et bien plus blanche.
Plus ferme : cela signifie d'autre
part que les gouttelettes d'huile bougent plus difficilement... et donc
que la sauce est stabilisée.
samedi 1 février 2025
À propos de mayonnaise qui rate
Il y a quelques jours, lors d'une formation, j'ai proposé aux participants de faire des mayonnaises.
Ils
étaient répartis en plusieurs groupes à propos de cette sauce qui, on le
rappelle ne comporte pas de moutarde sous peine de devenir une
rémoulade. Je devrais plutôt dire sous peine de régresser à l'état de
rémoulade, puisque la rémoulade est une sauce très ancienne, remontant au
moins au 14e siècle, et qui se fait à partir de moutarde et de matière
grasse. Dans la rémoulade, l'eau de la moutarde devient la phase
continue d'une émulsion avec l'huile dispersée dedans sous la forme de
gouttelettes.
Au tournant du 18e siècle, la mayonnaise est
apparue comme une sauce faite seulement de jaune d'œuf, de vinaigre et
d'huile, la moutarde ayant été retirée. L'apparition de la sauce est
mystérieuse, on en a pas de trace claire, mais en tout cas le grand
Marie-Antoine Carême s'empara de cette sauce au goût merveilleusement
délicat pour en faire, avec des dérivés, un ingrédient essentiel de ses
pièces de banquet.
C'est donc la mayonnaise à laquelle nous nous intéressions et il est exact que la mayonnaise tourne plus facilement que la rémoulade. Tout tient à la dispersion des gouttes d'huile dans la phase aqueuse apportée par le jaune d'œuf (qui est composé de 50 % d'eau) et du vinaigre (qui est fait de plus de 90 % d'eau). Le jaune d'œuf apporte protéines et phospholipides qui peuvent entourer des gouttes d'huile et permettre l'émulsion.
Mais cette sauce est bien plus délicate et elle peut tourner, notamment quand on ajoute trop d'huile en début de préparation, ou quand on ne fouette pas suffisamment, ou encore quand on ajoute l'huile trop vite en cours de préparation et qu'on ne disperse pas assez.
Pour autant, je peux témoigner que je fais sans difficulté des mayonnaise à la fourchette en 47 secondes seulement, et sans moutarde ; et je dis bien des mayonnaises, pas des rémoulades.
Ce qui a été intéressant, lors de notre formation, c'est de voir que de nombre de nos participants ont raté leur mayonnaise. À la réflexion, je crois que ce sont les ustensiles qu'ils utilisaient qui étaient inappropriés : il y avait des espèces de petits fouets à main en plastique, à grosses branches, qui dispersaient très insuffisamment l'huile dans la phase aqueuse.
Et cela
m'intéressera bien de répéter l'opération, peut-être d'ailleurs dans un
séminaire de gastronomie moléculaire.
mardi 12 décembre 2023
Beurre nantais ? Beurre blanc ? Non, sauce blanche !
Ce matin, une question à propos de "beurre nantais"
Bonjour Monsieur This,
Je suis nantais d'origine et adepte de la sauce au beurre blanc (parfois appelée beurre nantais).
Je m'adresse à vous car je pense que vous êtes à même d'expliquer le pourquoi du comment quant à la réussite ou le ratage de cette sauce. Je la rate plus souvent (à mon grand désespoir) que je ne la réussis ! Et j'aimerais ne pas la rater pour les fêtes de Noël...
Après moult essais et recherches sur internet, je ne trouve pas d'explications scientifiques poussées.
Chacun a son explication ou son astuce mais sans trop pouvoir la justifier :
- couper menu les échalotes ??
- réduire très lentement le mélange échalotes + vinaigre + vin ??
- ajouter systématiquement du vin au vinaigre ( pb d'acidité ? acidité du vin moins importante que celle du vinaigre ? )
- laisser refroidir complètement la réduction d'échalotes avant d'incorporer le beurre ??
- ajouter de la crème avant d'incorporer le beurre ??
- ajouter un filet d'eau froide ??
- incorporer le beurre froid ou très froid ( il y a apparemment un consensus là dessus) ?? en petits morceaux ??
- mélanger le beurre sans jamais cesser de fouetter délicatement en formant des 8 et à feux doux ??
- beurre clarifié ??
- difficile de la réchauffer au bain-marie ??
Quelles sont dans toutes ces manipulations, les vrais gestes à faire et surtout pour quelles raisons je suis un?
Je vous ai connu par le biais de vos articles très intéressants dans la revue Pour la Science ( et gastronomie)
J'ai une formation scientifique ( baccalauréat C). J'aimerais comprendre le ou les phénomènes physico-chimiques inhérents à l'élaboration du beurre blanc.
Je crois avoir compris que le beurre est une émulsion inversée "eau dans huile" .
Est-ce qu'une question de température (froid au départ, pas trop chaud ensuite mais quels seraient alors les seuils à ne pas dépasser) et/ou d'acidité (vinaigre, vin), ou bien autre chose encore ?
En résumé, que se passe-t-il chimiquement pour que cette sauce au beurre blanc soit si instable ?
Je suis tombé sur ce podcast, certes intéressant, mais ne fournissant pas suffisamment d'explications ( il est question du beurre blanc des minutes 10 à 18) :
https://www.franceinter.fr/vie-quotidienne/le-beurre-blanc
J'espère que vous comprendrez mon interrogation et que vous pourrez y répondre malgré votre temps précieux.
Merci d'avance.
Bien gastronomiquement.
Et voici ma réponse
Merci pour votre message.
La première des choses que je fais, quand je discute d'une recette, c'est de savoir vraiment ce dont je parle... et cela m'a conduit à faire, chaque semaine, une recherche historique que je publie dans les Nouvelles gastronomiques... avec de nombreuses surprises !
Et pour le "beurre blanc" : https://nouvellesgastronomiques.com/beurre-blanc-non-sauce-blanche/.
Voici en clair :
Beurre blanc ? Non : sauce blanche
Hervé This s’interroge sur l’appellation de cette sauce que tout le monde connaît… Le beurre blanc ? Ces billets terminologiques ont déjà plusieurs fois signalé des attributions erronées de termes, et il vient d’en trouver un nouveau…
Wikipédia signalait que, en 1890, au restaurant La Buvette de la Marine, dans le hameau de La Chebuette, lieu-dit de la commune de Saint-Julien-de-Concelles, situé sur les bords de la Loire, à quelques kilomètres en amont de Nantes, une certaine Clémence Lefeuvre aurait inventé le beurre blanc, pour le marier avec les poissons de Loire. On dit même que cela aurait résulté d’un ratage d’une béarnaise… mais c’est être bien ignorant de l’histoire de la cuisine que de propager cette idée, car on trouve déjà une sauce tout à fait analogue dans l’auteur du 17e siècle (deux siècles et demi avant cette cuisinière nantaise!) qui signe seulement de ses initiales « L.S.R », peut-être pour « le sieur Robert ».
Plus précisément, LSR, en 1643, propose de faire une « sauce blanche » avec beurre, bouillon, sel, poivre, qu’il sert sur du brochet, et qui insiste pour dire que l’émulsion doit être bien faite, sans « tourner en huile ».
Bref, Clémence Lefeuvre n’a rien inventé… d’autant que l’on retrouve encore cette « sauce blanche » chez Pierre François La Varenne : « faites une sauce avec du beurre bien frais, peu de vinaigre, sel, muscade, & un jaune d’oeuf pour lier la sauce. » Là, il détourne la sauce blanche de LSR, puisqu’il lie aux œufs. Massialot, en 1705, détourne encore davantage en proposant une sauce faite de persil, sel, poivre blanc, jaunes d’oeufs, filet de vinaigre, un peu de bouillon :cette fois, c’est une suspension, une sauce qui doit son épaisseur à la coagulation des jaunes d’oeufs plutôt qu’à l’émulsion du beurre fondu dans le bouillon dans le vinaigre.
A noter que tout cela se retrouve ensuite dans le "Glossaire des métiers du goût" : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout
(il me faut parfois un peu de temps pour rectifier le glossaire)
Cela étant, si votre recette consiste à faire revenir des échalotes avec du vinaigre et du vin, puis à ajouter de la crème et du beurre, alors je ne l'ai jamais ratée, considérant les principes sains suivants :
1. "Il faut au moins 5 % d'eau pour faire tenir une émulsion".
2. "Il faut des composés tensioactifs (protéines par exemple) pour assurer la dispersion stabilisée des gouttes de matière grasse dans l'eau".
Ici, l'eau vient du vinaigre, du vin, de la crème, du beurre... mais elle s'évapore, et c'est souvent la cause du ratage.
Couper menu les échalotes ? C'est seulement une question de goût, mais il est vrai que plus vous coupez finement, plus vous libérez le contenu des cellules.
Réduire lentement le mélange échalotes+vinaigre+vin ? A ma connaissance, personne n'a encore comparé la réduction lente ou rapide, analytiquement en tout cas. Une expérience à faire... assortie d'un test triangulaire, comme je l'explique dans l'avant dernier numéro de Pour la Science
Ajouter du vin au vinaigre ? Je crois que la question de l'acidité est très secondaire. C'est la présence d'eau qui compte.
Laisser refroidir les échalotes ? Aucun intérêt."Il faut au moins 5 % d'eau pour faire tenir une émulsion".
Ajouter de la crème ? La crème apporte de l'eau, ce qui permet de mettre ensuite plus de beurre. Elle apporte aussi des tensioactifs, et cela est important (voir plus loin).
Ajouter un filet d'eau froide : certainement, quand on met beaucoup de beurre, on risque de dépasser les 95 % fatidiques, et, tout comme on met du jus de citron ou du vinaigre dans une mayonnaise qui épaissit, un filet d'eau fait son office... mais dommage, car l'eau n'a pas de goût : pourquoi pas vin, vinaigre, jus de citron, thé, jus de légume, fond, jus de fruit, etc. ?
Le beurre froid, en morceaux : aucun intérêt, car il finit toujours par fondre et s'émulsionner.
Beurre clarifié : apporte moins d'eau, et le petit lait a un goût différent, donc une question de choix artistique (gustatif). Mais attention : pour un sauce sans crème, le petit lait devient essentiel, par les protéines qu'il apporte.
Réchauffer au bain marie ? Moi je réchauffe autant que je veux, et à plein feu, sans me fatiguer à faire un bain marie.
Bref rien de plus simple :
- le beurre fond, et fait "huile"
- il libère du petit lait (de l'eau et des protéines) quand il n'est pas clarifié
- et il faut 5% d'eau pour faire tenir l'émulsion, qui est d'ailleurs une émulsion de type huile dans eau.
Non, le beurre n'est pas une émulsion eau dans huile, comme cela est prétendu et fautivement enseigné jusque dans les écoles d'ingénieurs agronomes : voir à ce sujet mon livre Mon histoire de cuisine (fait pour des personnes comme vous), ou bien le Handbook of Molecular Gastronomy.
Les températures ? Peu importe... mais attention que plus on chauffe et plus l'eau s'évapore : pensons à nos 5%.
Instabilité de la sauce ? Les tensioactifs proviennent de la crème, du beurre... mais si l'on broie les échalotes, on peut aussi en extraire de ces dernières.
Car une émulsion, c'est de l'eau (phase continue), des gouttes d'huile, des tensioactifs pour les couvrir et les disperser.
Dans la crème et le beurre, il y a des tas de protéines, parfaitement tensioactives. Mais dans le beurre clarifié, elles ne sont pas présentes, d'où l'intérêt de la crème. A noter qu'on peut aussi ajouter des tensioactifs insipides : un quart de feuilles de gélatine, ou n'importe quel tissu végétal ou animal broyé finement (même du gazon), qui libérera des phospholipides et des protéines.
Bien cordialement, joyeuses fêtes
mardi 5 septembre 2023
On m'interroge à propos d'une "émulsion vanille"
On m'interroge à propos d'une émulsion vanille : de quoi s'agirait-il ?
Je suis bien en peine de répondre... parce que je peux confectionner des milliards d'émulsions différentes, à la vanille.
Commençons simplement... pour lever une ambiguïté, ou, plus exactement, une confusion qui traîne dans beaucoup trop de cuisine : une émulsion, c'est une émulsion, et pas une mousse !
Oui, car une mousse, c'est la dispersion de bulles de gaz dans un liquide, tandis qu'une émulsion, c'est la dispersion de matière grasse liquide dans une solution aqueuse également liquide ; ou l'inverse, à savoir une dispersion de gouttelettes d'une solution aqueuse dans une matière grasse liquide.
Pour faire cette dispersion, dans tous les cas, il faut des composer dits tensioactifs, qui vont entourer les gouttelettes dispersées.
Un exemple ? Partons de blanc d'oeuf, qui est fait de molécules d'eau parmi lesquels sont dispersées des protéines du blanc d'oeuf. Ces protéines sont comme des pelotes et, quand les fouettes, elles se déroulent et elles font des fils.
Si l'on ajoute de l'huile tandis que l'on fouette du blanc d'oeuf, alors il y a certainement des bulles d'air qui s'introduisent dans le liquide, lequel mousse, foisonne, mais l'huile est simultanément émulsionnée, dispersée sous forme de gouttelettes dans le blanc d'oeuf, de sorte que l'on obtient un double système émulsion et mousse.
Si l'on ajoute beaucoup d'huile, la mousse va disparaître et il ne restera que l'émulsion, comme une crème, comme une mayonnaise, avec des gouttelettes de matière grasse dispersées dans l'eau. La préparation est très lisse, elle est blanche, elle n'a aucun goût... et c'est donc la possibilité de lui en donner !
Par exemple, si vous partez d'huile neutre, sans goût, que vous dans du blanc d'oeuf en fouettant, que vous obtenez donc cette émulsion que j'ai nommé un "geoffroy", vous pourrez ensuite ajouter du sucre, qui ira se dissoudre dans l'eau du blanc d'oeuf, et de la vanille qui ira parfumer le résultat : on aura donc fait ici un Geoffroy sucré à la vanille.
J'en profite pour dire que si vous passez ce produit au four à micro-ondes, les protéines du blanc d'oeuf vont assurer la coagulation et vous récupérez une sorte de flan sucré, avec un goût de vanille : c'est ce que j'ai nommé un gibbs, quand je l'ai inventé il y a fort longtemps.
On peut donc faire des geoffroy, on peut faire des gibbs, on peut faire ce que l'on veut à condition de comprendre ce que l'on fait.
lundi 24 juillet 2023
Pardon d'être lancinant, mais c'est ainsi que j'y arriverai !
Pourquoi cette confusion persistante ? Pourquoi continue-t-on à trouver dans des revues culinaires, cette confusion entre émulsions et mousses ? Pourquoi certains cuisiniers, parfois étoilés, continuent-ils d'utiliser le verbe “émulsionner” pour décrire l'opération qui consiste à foisonner, afin de produire une mousse ?
Certes, ils utilisent le même mixer plongeant pour faire les deux systèmes, émulsions et mousses, mais cela n'est-il pas une erreur ?
Dans un cas, on veut seulement cisailler les gouttes d'huile, alors que, dans l'autre, on veut introduire des bulles de gaz dans un liquide.
Les deux systèmes d'émulsions et de mousses sont des cousins, certes, mais que l'on obtient bien différemment, sous peine de bien mal travailler. Après tout, les suspensions sont également des cousins, et on les produit bien différemment, non ?
Et j'ajoute enfin que nombre d'échecs, en cuisine, découlent de ce que l'on utilise le même outil (le fouet) pour les deux opérations, sans bien comprendre que ce fouet doit être manié bien différemment en vue d'obtenir les deux systèmes. Reste qu'il y a confusion... et confusion !
Une sauce mayonnaise n'a rien d'une mousse de blanc d'oeuf battu en neige, et cela fait toujours bizarre d'entendre les maîtres d'hôtel annoncer des « émulsions de fraises », quand arrive le dessert. Pourquoi la confusion ? Certes, nos cuisiniers modernes sont les héritiers d'une erreur centenaire : cela fait environ un siècle que des manuels minables ont répété l'erreur (je l'ai pistée dès 1901).
Pour autant, n'est-il pas temps de changer ? Les professionnels, et surtout les professionnels étoilés, n'ont-ils pas un devoir vis à vis des jeunes ? N'est-ce pas à eux (ils se tapent parfois très fort sur la poitrine) d'être les premiers à apprendre le sens juste des mots, et de transmettre correctement les informations ?
Ne nous lamentons pas, et contentons-nous d'être actifs. Ne manquons pas une occasion de dire qu'une émulsions est une dispersion est de matières grasses dans une solution aqueuse (la matière grasse, liquide, est divisée sous la forme de gouttelettes trop petites pour être vues à l'oeil nu), alors qu'une mousse est une dispersion de bulles d'air, souvent trop petites pour être vues à l'oeil nu.
Deux systèmes différents, avec des consistances différentes ; la cuisine aura considérablement progressé, quand sachant dire les bons mots, elles saura effectuer les bonnes opérations, et, aussi, utiliser les bons outils pour obtenir des résultats précis, voulus.
samedi 20 mai 2023
Du n'importe quoi
« Comme dans la sauce hollandaise, l’huile, corps gras et fluide, se fixe aux jaunes d’oeufs qui servent de liaison et de support, mais à la condition que cette association s’effectue lentement sous l’action d’un brassage vigoureux qui développe la température de la masse et l’aère ».
Et non : dans une mayonnaise ou dans une hollandaise, l'huile ne se "fixe" pas aux jaunes d'oeufs, et ces derniers ne servent pas de liaison ni de support. Ils se limitent à apporter des composés tensioactifs, pour la mayonnaise, et des protéines qui coagulent dans la béarnaise.
Le "brassage" n'a pas de sens : il faut surtout diviser l'huile en gouttelettes, et il n'est pas question ni de température ni de foisonnement.
mardi 24 janvier 2023
Une émulsion ? Non, une mousse !!!!!
Il y a un débat sur Twitter, parce que j'ai dénoncé les appellations fautives de "pâté en croûte" ou de "pâté croûte" (on doit parler plus justement de "pâté froid"), tout comme la confusion de terrine de campagne et de pâté de campagne, par exemple.
Il y a pourtant des idées simples : un pâté, c'est dans une pâte, tandis qu'une terrine est cuite dans un récipient qui est nommé terrine, en terre.
Voilà donc quelque chose de tout simple, de très juste, et qui a le mérite, de surcroît, ne pas prononcer des absurdités, de ne pas confondre le tournevis avec le marteau.
Mais c'est quelque chose que j'ai déjà souvent expliqué. Aujourd'hui je fais ce billet, parce que, la semaine dernière encore, un serveur m'a soutenu que ce qu'il me mettait dans l'assiette était une "émulsion", alors qu'il s'agissait d'une mousse.
Pourtant, les mots mousse et émulsion ne sont pas d'abord des mots culinaires, mais des mots venus de la pharmacie et de la chimie, voire de la physique. Leur définition est universelle... et connu même des enfants au moins pour les mousses : quand on agite l'eau du bain avec du savon, on obtient une mousse.
De fait, dans mon assiette, il y avait des bulles parfaitement visibles dans un liquide, et il s'agissait donc d'une mousse, un point c'est tout.
Le serveur, lui, sans doute mandaté par le cuisinier qui faisait également la confusion, m'a annoncé une émulsion, c'est-à-dire un système physico-chimique très différent de la mousse, puisque constitué de gouttelettes de matière grasse dispersées dans un liquide aqueux.
Le prototype culinaire de l'émulsion, cest la mayonnaise, mais il y a également des sauces émulsionnées, tel les béarnaises, hollandaise, et cetera.
Résumons. Une mousse : c'est un système aérien, parfois diaphane, fait d'un gaz dans un liquide. Une émulsion : une matière grasse liquide dans un liquide aqueux. Ce n'est quand même pas difficile de faire la différence et de parler correctement, non ?
En réalité, je crois qu'il y a à la fois de l'ignorance, de la paresse ou du snobisme derrière l'utilisation du mot émulsion à la place du mot mousse : j'ai d'ailleurs déjà entendu des maîtres d'hôtel me dire que dire émulsion, c'était plus flatteur que de dire mousse. Ah bon ?
J'ai aussi entendu dire qu'il y avait une confusion possible entre la mousse, dispersion de bulles d'air dans un liquide, et les mousses de poisson, par exemple, où il y a de la crème fouettée mêlée à de la chair broyée. Mais est-ce une vraie raison pour nommer marteau un tournevis, chat un chien, casserole une araignée, écumoire une louche ?
Je maintiens absolument que les mots vont de pair avec la pensée et que quelqu'un qui dit les mauvais mots pense mal.
J'interprète aussi, dans l'épisode récent, que le jeune serveur avait été missionné par le chef... qui faisait lui-même la confusion.
Et j'ai tracé l'origine de cette faute, de cette confusion, à des erreurs enseignées par l'Education nationale au début du 20e siècle (elle s'est corrigée, depuis, notamment avec ma contribution, mais, aussi, avec celle de nombreux inspecteurs, professeurs...). D'ailleurs, j'en veux beaucoup aux auteurs du Guide culinaire qui, avec une immense autorité, ont été à l'origine de la confusion. et pas seulement de celle des mousses et des émulsions mais de bien d'autres !
Pour moi qui ai comme valeur la bonté et la droiture, pour moi qui cherche à aider mes amis et moi-même à grandir, tout ce qui peut nous rabaisser me paraît honteux, insupportable, et c'est la raison pour laquelle je cherche non seulement à faire utiliser des terminologies appropriées, avec lesquelles on pourra cuisiner mieux, mais aussi à conduire la profession à s'interroger collectivement sur la transmission, l'enseignement.
Oui, je suis resté un enfant tout à fait scandalisé par les mauvais professeurs, par les professeurs paresseux, par les professeurs méchants... et, a contrario, j'ai un immense respect, une immense admiration, une immense reconnaissance pour les professeurs qui ont su dépasser les fautes qu'il faisaient eux-mêmes grâce à du travail effectué en vue de me faire grandir.
Je crois que toute personne qui a la responsabilité de guides des collègues plus jeunes, des enfants, des adolescent, des étudiants, devrait a minima chercher à éviter des transmissions pourries.
Plus positivement, j'invite tous mes amis à contribuer au Glossaire des métiers du goût (https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire), car il distribuera une information juste et référencée.
J'insiste sur le référencée, car cela est absent des livres de cuisine alors que c'est un minimum que l'on puisse justifier des connaissances que l'on transmet, n'est-ce pas ? C'est une essentielle question de confiance.
samedi 1 octobre 2022
La question des représentations 1/3
Le problème de la représentation est terrible, se rencontre constamment, et pas seulement en sciences de la nature, bien sûr.
Mais, dans nos cours de physique-chimie, et notamment de physico-chimie des systèmes dispersés, nous faisons usage de représentations. Par exemple, pour une sauce mayonnaise, certains représentent un fond bleu avec des disques jaunes, correspondant respectivement à une phase aqueuse et à des gouttelettes d'huile. A la surface de ces dernières, ils font figurer des formes qui sont censées représenter des composés tensioactifs.
De telles représentations méritent d'être largement interprétées, sans quoi notre naïveté nous conduit dans le décor.
Par exemple la phase aqueuse de la figure considérée précédemment est en réalité une solution aqueuse avec des solutés, une acidité mesurée par un pH, une force ionique...
On comprend bien qu'un sirop ne se comporte pas comme une saumure, et que ces deux systèmes ne se comportent pas comme une eau de pluie, par exemple.
Mais il y a aussi le fait que cette solution est dynamique : on ne doit pas oublier que les molécules d'eau sont agitées de mouvement incessants et rapides, à des vitesses de plusieurs centaines de mètres par seconde. Cette agitation moléculaire a des conséquences considérables pour les petits objets qui seraient suspendus dans l'eau : c'est notamment le mouvement brownien.
Pour les gouttelettes d'huile, il y a d'abord la question de la taille, et notamment de la taille relative par rapport à celle des molécules d'eau... car, dans la figure précédente, on a représenté des milieux eau et huile continus, sans faire état des molécules constituantes. Il y a au moins lieu de tenir compte des propriétés résultant de la nature particulière de ces composés constituant les deux phases, et l'on sait bien d'ailleurs que la viscosité de l'huile n'est pas celle de l'eau par exemple.
Mais il y a aussi la question la température, car, selon cette dernière, les triglycérides peuvent ou non cristalliser, de sorte qu'il n'est pas absolument certain que, dans les conditions que l'on considère, l'huile soit entièrement liquide (je rappelle que les physico-chimistes nomment "huile" toute phase non aqueuse).
Les tensioactifs ? Quand ils sont représentés comme nous venons de le voir, on interprète souvent qu'il s'agit de composés ayant une partie hydrophobe et une partie hydrophile, comme pour des phospholipides, par exemple.
Mais il existe en réalité des tensioactifs très variées, et ceux qui ont des charges électriques (comme pour un groupe phosphate d'un phospholipide) ne se comportent pas comme ceux qui sont neutres électriquement.
D'ailleurs, dans des sauces comme la mayonnaise, l'abaissement de l'énergie de surface est plutôt du à des protéines qu'a des tensioactifs de type phospholipides.
De sorte qu'il vaut mieux imaginer un schéma très différent où ce sont principalement les protéines qui sont efficaces pour la métastabilisation de l'émulsion.
Bref, regarder une image, dans un cours ou un article scientifique, ce n'est pas se contenter de regarder comme le ferait un enfant avec un livre à lui destiné, mais de s'interroger sur chaque élément de la représentation, d'imaginer les phénomènes qui ne sont pas montrés par cette image simpliste et statique.
Bref, à propos de représentation scientifique, il y a lieu de continuer à creuser, à creuser, à creuser encore... et, en disant ces mots, comment oublier cette merveilleuse fable de Jean de la Fontaine, à propos du laboureur et de ses enfants ?
samedi 4 septembre 2021
A propos de mixer : le prix s'oublie et la qualité reste
Il faut bien avouer que le prix s'oublie et que la qualité reste ! Et c'est particulièrement vrai pour les ustensiles culinaires !
Ayant à trouver un nouveau mixer plongeant, pour une maison qui n'est pas la mienne, je suis allé dans deux grandes surfaces voisines, où... je n'ai eu que ce que je méritais.
Pour la première, je cherchais donc un appareil pour faire mes bisques, par exemple : il faut alors un couteau qui ne casse pas quand il tombe sur une pince de langoustines, et qu'il soit possible de nettoyer sans trop de difficultés. Surtout, comme on sait la fragilité de certains plastiques, j'ai bien regardé comme les pieds des différents modèles s'inséraient dans le corps de l'appareil, qui contient le moteur... et je n'ai rien trouvé de satisfaisant. Il a fallu que je me rabatte sur un moulin à légumes... pour lequel j'ai longuement hésité.
Et, finalement... le récipient en verre supérieur a cassé presque à la première utilisation, quand j'ai mis un liquide chaud dedans !
Puis, comme j'avais besoin d'un produit équivalent, je me suis rabattu sur le mixer plongeant le moins cher... dont le corps s'est détaché du pied après quelques jours : une camelote ! Bien sûr, on peut faire marcher la garantie... mais c'est chaque fois fois du temps, des tracas...
A l'opposé, j'ai chez moi un Micromix de Robot Coupe depuis des années, et il est mis à rude épreuve... mais il est d'une robustesse extraordinaire... puisqu'il continue de bien fonctionner. Le corps est en métal, ainsi que le pied ; le système de liaison est sans défaut, le nettoyage est facile, puisque l'on peut détacher le couteau, et même si je ne l'utilise que pour couper finement, sans l'employer pour foisonner, il me rend parfaitement service.
Oui, il est plus cher que les camelotes du supermarché, mais on comprend que les Tontons Flingueurs avaient raison !
Un détail : il est livré avec deux outils, à savoir un couteau et une pale verticale plate, pour... Pour quoi faire, au juste ?
Dans nombre de cas, ces appareils permettent de faire des émulsions, qu'il ne faut pas confondre avec des mousses (certains, qui ignorent que le mot désigne un déchet, disent "écume"). Je répète qu'une émulsion, c'est la dispersion de matière grasse fondue dans une "solution aqueuse". Par exemple, une mayonnaise est une émulsion, puisque l'huile est dispersée par le fouet dans l'eau apportée par le jaune d'oeuf et le vinaigre. Par exemple, un beurre blanc est une émulsion, puisque la matière grasse du beurre, fondu, vient se disperser dans l'eau apportée par le vinaigre, ou jus de citron, et par le petit lait du beurre. Par exemple, du chocolat à croquer chauffé dans de l'eau (du thé, par exemple) fait une émulsion de chocolat (dont on peut ensuite faire un "chocolat chantilly").
Voila pour les émulsions. Les mousses, c'est quand on introduit un gaz (le plus souvent de l'air) : avec un fouet, avec un siphon, ou avec un appareil comme ce Micromix dont je vous parlais, quand on y met la pale verticale, et que l'on n'enfonce pas trop.
En réalité, cette pale verticale permet de faire tout aussi bien des émulsions que des mousses, mais évidement, il ne faut pas confondre les deux résultats ! Hélas, je me suis encore vu servir dans un restaurant une "émulsion de citron", disait le maître d'hôtel, et qui était une mousse de citron. Je ne crois pas que le monde culinaire y gagne à confondre marteau et tournevis, chat et chien, bleu et rouge... Il faut les bons mots pour les bons objets, pour faire de la bonne technique.
Mais pour conclure :
1. Le prix s'oublie et la qualité reste : je conclus (pour moi) que je ne ferai plus les bêtises évoquées plus haut.
2. Se pose maintenant la passionnante question suivante : ayant un bon outil, à quoi l'utiliserons-nous ? Et notamment, sur la question du principe, quelles préparations nouvelles ferons-nous ? On sait que des mixers ont révolutionné la préparation des quenelles, par exemple : mes amis cuisiniers me disent que naguère, on les faisait au tamis et à la corne !
3. Comment la technique permet-elle de transformer un art tel que l'art culinaire ? Voilà encore une question passionnante, qu'il faudrait bien étudier, en vue de préparer le futur.
mercredi 21 juillet 2021
Monter une mayonnaise
Quand on fait de la mayonnaise, on part de jaune d'œuf, de vinaigre, sel, poivre, et l'on ajoute de l'huile en fouettant.
Je ne reviens pas sur le fait que l'utilisation de moutarde conduit à la confection d'une rémoulade et non plus d'une mayonnaise, car je veux arriver au fait : monter une mayonnaise provoque-t-il une augmentation de volume ?
La réponse et oui, puisque, parti d'un petit volume d'oeuf et de vinaigre, on ajoute de l'huile. Le vague espoir de mauvaise foi de certains cuisiniers est que l'on ajouterait également de l'air, et qu'une mayonnaise bien monté serait foisonnée, c'est-à-dire pas aussi grasse que nos bourrelets ne le supportent.
Désolé : l'observation au microscope est absolument sans appel. Non, il n'y a pas de bulles d'air dans les mayonnaise, mais seulement des gouttelettes d'huile tassées les unes contre les autres dans la phase aqueuse faite du mélange de jaune d' œuf et de vinaigre.
On ne dira jamais assez qu'une mayonnaise c'est de l'huile, d'abord de l'huile, encore de l'huile. De l'huile déguisée en sauce ! D'ailleurs, si la mayonnaise retombe, alors on voit bien l'huile surnager, et personne ne mangerait cela ! C'est seulement parce que l'huile a été incorporée sous forme d'une sauce onctueuse que l'on se permet de manger de la mayonnaise, mais c'est quand même de l'huile, et pas de l'air.
Pour conclure, monter une mayonnaise, c'est augmenter son volume en dispersion de l'huile dans une phase aqueuse et le fort volume que l'on obtient est un volume d'huile, essentiellement. Un peu d'eau, pas d'air. De l'huile, de l'huile !
lundi 3 août 2020
Des questions d'émulsions
Tout cela étant dit, nous pouvons maintenant examiner la question que je reçois aujourd'hui par email :
Bonjour Monsieur,
Où puis-je trouver la réponse aux questions suivantes :
1. Je fais une vinaigrette allégée en utilisant 50% d’huile, 50% d’eau, du vinaigre, du sel/poivre et une cuillère de fécule de maïs.
2. Par quel procédé physico-chimique l’émulsion est-elle réalisée ?
3. J’imagine que l’amidon de la fécule de maïs entre en jeu, mais comment ? est-ce que le sel joue également un rôle ?
Où puis-je trouver une réponse documentée à ce type de question ? Dans l’un de vos ouvrages ? blog ? Une autre source ?
Par avance, merci INFINIMENT pour votre réponse,
Bien à vous.
Dès le début de la question, je m'étonne que l'huile soit disposée en premier, car si l'on fouette un liquide dedans, on risque de ne pas faire une émulsion huile dans eau, mais plutôt eau dans huile : je suppose que mon interlocutrice a donné les ingrédients dans un ordre qui n'était pas celui de la recette, et qu'elle a plutôt commencé par l'eau, le vinaigre, le sel et le poivre, puis la fécule de maïs, avant d'émulsionner l'huile.
Et dans cette hypothèse, on peut imaginer que la fécule de maïs ait été ajoutée dans l'eau chauffée, de sorte qu'elle s'est empesée, ce qui a conduit à une phase aqueuse très visqueuse, où l'huile a pu être émulsionnée grâce aux divers composés tensioactifs qui trainent dans tous les ingrédients, notamment la fécule. Ou alors des particules de fécule auraient dispersé les gouttelettes ? Manifestement, il me faut des précisions sur la recette... et un microscope pour explorer ce système.
Pour la question 2, le procédé est l'agitation, qui divise l'huile en gouttelettes.
Pour la question 3, j'ai répondu plus haut, mais non, le sel ne joue probablement pas de rôle... alors que le poivre pourraient apporter des composés ou des particules utiles.
Mais j'attends des précisions sur la recette, afin de mieux analyser.
vendredi 17 janvier 2020
L'osso bucco
Aujourd'hui c'est à propos d'osso bucco que l'on m'interroge mais je risque de me répéter un peu, car la question essentielle de l'osso bucco, c'est de bien attendrir la viande. Or j'ai déjà largement discuté de cette question de l'attendrissement des viandes à la cuisson, et notamment de l'emploi des basses températures.
En pratique, c'est simple : il suffit de cuire longuement à basse température pour que la viande, qui contient souvent de tissu collagénique abondant, puisse se défaire progressivement, libérant le collagène dégradé qui contribue à faire l'onctuosité du jus de cuisson.
D'ailleurs, dans ce dernier, les tomates sont "fondues" : cela signifie qu'elles se sont complètement défaites, surtout si on les a bien mondé et épéminé, ce qui ne demande qu'un passe de dix à vingt secondes dans de l'eau bouillante.
Mais, à propos d'osso bucco, il faut évoquer le quignon de pain grillé que mettent ceux qui ne font pas revenir la viande initialement, en la singeant, c'est-à-dire en saupoudrant de farine, qui permet ensuite de lier la sauce.
Et il y le zeste de citron ! Tout tient dans cette observation qui est que l'on obtient des effets d'inflammation amusants quand on presse la peau d'un citron, d'une orange ou d'un pamplemousse devant une bougie. C'est que ce liquide contient notamment un composé nommé limonène et bien d'autres composés odorants qui donnent le goût particulier que l'on a quand on utilise des zestes de citron. Naguère, je me suis étonné que ces composés odorants puissent être présents dans la sauce, faite d'eau... car ils ne sont quasiment pas soluble dans l'eau. Mais il y a d'une part le fait qu'ils ne sont pas complètement insolubles : la très petite quantité qui passe dans l'eau suffit à donner beaucoup de goût. Et, surtout, le fait qu'ils peuvent se dissoudre dans la matière grasse émulsionnée dans la sauce : tout cela fait un goût merveilleux !
jeudi 16 janvier 2020
Réussir les brandades de morue
On m'interroge ce matin à propos de brandade de morue.
La question s'apparente à celle qui portait sur les terrines, car il y a encore de la chair -ici de poisson, là d'animal terrestre- qui est travaillée et cuite, avec ajout de matières grasse.
Mais il y a des différences importante, et notamment le fait que, pour la brandade de morue, la chair n'est pas hachée, mais seulement cuite longtemps, avec le fait que le poisson contient très peu de tissu collagénique, contrairement à la viande, de sorte que les fibres musculaires se séparent facilement les unes des autres.
Enfin il y a pas le fait que si les terrines peuvent être grasses, en raison de la gorge de porc (par exemple) que l'on utilise, la brandade, elle, comporte parfois une quantité d'huile considérable.
Reprenons les choses pratiquement
Nous partons de poisson, et ce poisson est chauffé avec un peu de lait, de sorte que les fibres musculaires, tuyaux très fin juxtaposé en faisceaux par peu du collagène, se séparent progressivement les unes des autres. C'est cela, le poisson qui s'émiette quand on le travaille dans la casserole avec une cuillère en bois.
L'ail ? Il est là pour donner du goût, mais il est vrai qu'il apporte également de quoi "émulsionner" l'huile, comme quand on fait un aïoli, à partir d'olive que l'on disperse dans l'ail pilé. D'ailleurs, le fait de beaucoup travailler la brandade en ajoutant l'huile permet de faire exactement comme pour une mayonnaise, à savoir que le filet d'huile est divisé en gouttelettes qui se dispersent dans ce que l'on nomme la phase aqueuse du plat, l'eau ayant été apportée soit par le lait, soit par le poisson puisque les fibres musculaires contiennent de l'eau, soit par l'ail.
Oui, les brandade de morue sont des systèmes émulsionnés, un peu comme des mayonnaises où les gouttes d'huile sont dispersées dans l'eau par le fouet.
Et l'on comprend à la fois les conditions de réussite et les raisons des échecs.
Pour réussir, il faut bien disperser l'huile, ce qui impose un travail mécanique notable : l'émulsion ne se fait pas en claquant des doigts.
On comprend que l'on puisse échouer quand les conditions d'une émulsion ne sont pas réunies, c'est-à-dire :
- soit quand on a pas assez travaillé l'huile, donc,
- mais aussi quand on a pas assez d'émulsifiant, ce qui signifie en pratique que l'on a pas assez travaillé le poisson pour libérer les protéines qui vont émulsionner l'huile,
- soit quand il y a trop peu d'eau, parce que c'est une bonne règle pratique de toujours penser que dans une émulsion, il faut un minimum de 5 pour cent d'eau par rapport à l'huile.
PS. Bien sûr, on peut ajouter de la pomme de terre, si l'on veut ! Et l'on peut frire des croquettes de brandade, notamment après les avoir passé dans de l'oeuf battu
samedi 16 novembre 2019
Des questions
Ce matin, des questions techniques :
1. Comment incorporer des oeufs dans du beurre pommade afin d'obtenir une masse homogène, sans grumeaux de beurre ?
2. Est-ce que le fait de clarifier le beurre avant de l'émulsionner avec du sucre, permet d'obtenir un mélange qui ne se sépare pas au frigidaire par la suite ?
Pour la première question, il y donc lieu de disperser des oeufs, à savoir une solution aqueuse, dans du beurre, lequel a une structure qui change avec la température. Certes, si la température est basse, la proportion de matière grasse sous la forme solide est élevée, et il y a peu de graisse en phase liquide. Dans la structure solide, l'eau du beurre (un peu moins de 20 pour cent) est dispersées, et le malaxage du beurre avec l'oeuf ajoute des "poches" aqueuses dans le solide.
Mais quand la température augmente, alors la fraction de solide est réduite, et l'on s'approche d'une phase huile, où l'"eau" de l'oeuf se disperse facilement. Et plus on bat, plus les poches d'eau sont petites et dispersées, comme dans une émulsion de bon aloi (ici, une dispersion d'eau dans la matière grasse, contrairement à une mayonnaise, qui est une émulsion de matière grasse dans l'eau).
Bref, j'aurais tendance à réponse qu'il suffit de battre suffisamment, dans un beurre pas trop froid.
Pour la seconde question, je ne sais vraiment pas, car l'oeuf apporte de l'eau, en plus de l'eau présente dans le beurre... et, d'autre part, je n'ai jamais observé la séparation du mélange au réfrigérateur, comme cela est indiqué.
vendredi 24 mai 2019
La lécithine ?
Et je rappelle :

samedi 22 septembre 2018
Cela fait plusieurs fois de suite que, dans des restaurants, le maître d'hôtel m'annonce en dessert une émulsion. De fraise, de tomate, de mangue, de citron…
Chaque fois, je remets la personne à sa place… parce que, interrogeant mon interlocuteur, je vois qu'il veut dire « mousse ». Jusqu'à de grands chefs qui font la confusion, ce qui ne légitime pas l'acception fautive qu'ils font : même si le président de la république nommait « chat » un animal à quatre pattes qui aboie, je le reprendrais pour lui dire qu'il se trompe, et qu'il doit dire chien.
Pourtant, c'est tout simple : comme indiqué au début de cette chronique, une mousse, c'est un système liquide où sont dispersées des bulles d'air, petites ou grosses, visibles à l'oeil nu ou non ; en revanche, une émulsion, c'est un système liquide où sont dispersées des gouttelettes d'huile, petites ou grosses, visibles à l'oeil nu ou non.
Ainsi, un blanc en neige est une mousse, mais une mayonnaise est une émulsion. Un liquide que l'on éjecte d'un siphon est une mousse, mais un aïolli est une émulsion. Bien sûr, il y a des cas plus compliqués, comme la crème fouettée, mais le plus souvent, il suffit de se repérer à ce qui est dispersé : bulles de gaz ou gouttes de matière grasse ?
Pour la crème fouettée, reprenons doucement. On part du lait, qui est une émulsion, puisqu'il y a des gouttelettes de matière grasse dispersées dans l'eau du lait. Le mot « émulsion », d'ailleurs, vient du latin emulgere, qui signifie « traire ». Quand le lait repose, les gouttelettes de matière grasse monte à la surface du liquide, et l'on a la crème, encore faite de gouttes de matière grasse dans de l'eau. Puis, quand on fouette la crème, on la « foisonne », ce qui signifie qu'on la fait mousser. La crème fouettée, la crème chantilly, sont des émulsions foisonnées.
Et là, récemment, on m'a interrogé : l'appareil à génoise est-il une mousse, ou bien une émulsion ? Partons de la recette, qui se fait avec de l'oeuf (beaucoup d'eau) et du sucre, lequel se dissout dans l'eau de l'oeuf. Si l'on fouette, le mélange prend du volume et blanchit: pas de doute, c'est parce que d'innombrables bulles d'air sont dispersées dans le liquide. L'affaire est classée : l'appareil à génoise est une mousse, pas une émulsion !
samedi 1 septembre 2018
De l'eau dans le beurre
Mais répétons-nous pour que tous aient facilement les informations. La question, c'est celle de l'eau et du beurre. Mais présentons les protagonistes.
Le beurre
Le beurre, c'est du beurre, et l'on comprend mieux sa constitution quand on part du lait. Le lait, c'est de l'eau avec, dedans, des composés variés dissous, et des gouttes de matière grasse dispersées. C'est donc une "émulsion".
Comme la matière grasse est moins dense que l'eau et, a fortiori, que l'eau où sont dissous des composés (on parle de "solution aqueuse"), les gouttelettes de matière grasse montent s'accumuler en surface quand le lait repose. Et c'est ainsi que la crème est une émulsion, comme le lait, mais plus concentrée en gouttelettes de matière grasse.
Si l'on bat la crème, alors les gouttelettes de matière grasse fusionnent, formant un réseau de graisse dans lequel l'eau et ses composés dissous reste un peu dispersée : c'est le beurre, dont la formation s'accompagne de la libération d'une partie de l'eau, et cette partie aqueuse qui n'est pas dans le beurre est le babeurre.
Une précision pour terminer : selon la loi, qui veut éviter que des fabricants ne vendent pour du beurre qu'une matière contenant trop peu de matière grasse, le beurre ne peut pas contenir plus de 18 pour cent d'eau (environ un cinquième, donc)... mais je dis cela pour vous laisser pressentir la suite.
L'"eau"
Bien sûr, l'eau, c'est l'eau : une matière dont toutes les molécules sont identiques, dont toutes les molécules sont faites d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. L'eau est liquide, parce que les molécules bougent en tous sens, comme des billes agitées, et l'on comprend que si l'on incline le récipient, les billes qui bougent puissent passer par dessus le bord. Enfin l'eau à la température ambiante est inodore, insipide, incolore, et bien sûr liquide, donc.
Les solutions aqueuses sont de l'eau où d'autres composés sont dissous. Par exemple, si l'on dissout du sel dans l'eau, ou du sucre, on obtient respectivement des solutions salées ou sucrées. Mais il y a d'infinies façons de faire des solutions aqueuses, et c'est ainsi que le vin, le thé, le café, les infusions, les bouillons (de viande, de légumes), les jus de fruits, les fumets, les essences, et jusqu'aux glaces et demi glaces sont des solutions aqueuses. Plus ou moins concentrées, mais toujours des solutions aqueuses.
Et les deux ensemble
Partons maintenant de beurre, et battons-le en ajoutant une solution aqueuse, tel du café : on voit le café s'intégrer au beurre... et voilà pourquoi j'évoquais la législation. Lors de la production, on peut mettre dans le beurre bien plus que 18 pour cent d'eau ou de solutions aqueuses. Combien ? Je suis allé jusqu'à plus de deux fois la masse de beurre en solution aqueuse intégrée progressivement, en battant.
Bien sûr, la matière produite est bien plus molle, mais elle a l'avantage que l'on peut lui donner beaucoup de goût. Je vous recommande l'ajout de jus de citron, d'orange, une infusion de verveine, du persil broyé avec de l'ail... Et, en version sucrée, du jus d'abricot, de framboise, etc.
Mais il y a une autre façon de faire, à savoir de partir du beurre, de produire du beurre clarifié, sans eau, donc.
Partons du beurre clarifié, que nous ajoutons à un liquide, en chauffant : par exemple, nous avons un bouillon concentré, et nous ajoutons le beurre clarifié en fouettant comme pour une mayonnaise. On obtient une émulsion, préparation qui a la consistance d'une mayonnaise, et qui est faite de gouttelettes d'eau dispersées dans du beurre.
Mais on peut aussi partir du beurre clarifié refroidi, où l 'on ajoute l'"eau" en battant comme pour la "crème au beurre" précédente. Et on a cette fois un système physique différent. On dit que l'on a dans le premier cas une émulsion de type huile dans eau, et dans le second une émulsion de type eau dans l'huile.
Une précision utile : ici, puisqu'il est question d'émulsion, il n'y a pas de bulle d'air, pas de mousse, pas de foisonnement. Je répète qu'une émulsion, c'est le lait, la crème, la mayonnaise... alors que la mousse, c'est... la mousse, à savoir des bulles d'air dispersées dans une matière, liquide ou solide. Et pas de place pour de prétendues "espumas" : les mousses se nomment des mousses, en français.
Pour terminer
Oui, pas d'air dans les émulsions... mais on peut faire des émulsions foisonnées, et c'est ainsi que je vous propose mon "beurre chantilly". Ce n'est pas de la crème chantilly avec du beurre, non. C'est une préparation qui a la consistance d'une chantilly, et que l'on obtient de la façon suivante :
- on part d'une solution aqueuse, dans une casserole (parfois, il faut avoir dissous de la gélatine)
- on ajoute du beurre en chauffant et en fouettant
- on pose la casserole sur des glaçons ou dans de l'eau froide et l'on fouette pour foisonner, comme pour une chantilly
Et hop, on obtient une préparation comme une chantilly, mais au goût de la solution aqueuse : par exemple, du jus de citron, d'orange, etc.
C'est cela, le beurre chantilly, que j'ai inventé vers 1995.