jeudi 17 avril 2025

De la difficulté de dépasser la théorie régnante

Lorsque j'ai rédigé mon discours réception du prix Sonning, j'ai discuté la question des soufflés, et l'ignorance très grande où nous étions initialement à leur propos, quand j'ai commencé ses travaux. Comment se fait-il que nous ayons mis si longtemps à découvrir quelque chose de si simple, à savoir que les soufflés gonflent parce que l'eau s'évapore ? 

Étions-nous stupides ? Pour moi, j'avais l'excuse de la jeunesse, de l'inexpérience scientifique, mais Nicholas Kurti, lui, avait déjà au moins 70 ans et il était un physicien reconnu internationalement pour sa découverte de la désaimantation adiabatique nucléaire. On ne peut guère supposer qu'il était scientifiquement naïf, d'autant qu'il s'agissait d'une question de physique. 

En 1969, Nicholas avait publié dans un article, dans la revue de la Royal Institution, où il déplorait que l'on sache mieux la température à l'intérieur du soleil qu'à l'intérieur d'un soufflé. Et il avait d'ailleurs mesuré cette température, observant d'ailleurs dans la courbe de la température en fonction du temps, vers 60 °C,  une légère ondulation qui l'avait intrigué et qu'il  ne parvenait pas à s'expliquer. 

Mais il est amusant d'observer qu'il ne parlait pas de mécanisme à l'époque. Au fond, Nicholas avait fait l'erreur d'admettre la théorie qui avait alors cours, selon laquelle les bulles d'air du blanc en neige utilisé dans l'appareil se seraient dilaté à la chaleur.  

Pour moi, c'est par la bande que je suis arrivé à réviser cette théorie, et notamment parce que je voyais des avis contradictoires sur la fermeté des blancs, certains chefs triplement étoilés recommandant de les battre très fermes, et d'autres chefs, également triplement étoilés, conseillant  de ne pas serrer trop les blancs. 

C'est cela que j'ai comparé initialement dans mon article pour la revue de chime Angewandte Chemie. Mais, devant rédiger une partie de discussion pour mon article, et ne me contentant pas de mots pour interpréter les phénomènes, je fus conduit à calculer le gonflement (à l'aide de la loi des gaz parfait), de sorte que  je vis la contradiction entre les 30 % prédits par le calcul et les 200 % obtenus par l'expérience. 

Le second déclic fut la pesée d'un soufflé avant et après la cuisson et l'observation de 10 g qui disparaissaenit pour 100 g de préparation de soufflé. 
Ces 10 g, manifestement ne pouvaient être que de l'eau, et c'est ainsi que j'ai ensuite vu les bulles de vapeur se former et reconnu le véritable mécanisme : les soufflés  gonflent parce que l'eau s'évapore à la base du soufflé, au fond du ramequin et cela n'a rien à voir avec les blancs d'oeufs battus en neige. 

Finalement, je comprends que nous étions éblouis, au sens littéral, par la théorie d'alors et que nous avons été sauvés   :
- premièrement par l'emploi d'une saine méthode scientifique, notamment en ce qui concerne la rédaction des publications ;
- deuxièmement par par le calcul,
- troisièmement par la mesure. 

De de fait, aujourd'hui je vois bien combien l'enseignement aux étudiants de la méthode scientifique, avec cette nécessité de toujours réfuter des théories, est salvateur.


mercredi 16 avril 2025

Et la toxicité ? Elle s'évapore avec la mauvaise foi ?

 Revenant de Copenhague, je reste étonné que les personnes  que j'ai rencontrées engagées dans des travaux de fermentation, quand je les interrogeais sur des toxicités éventuelles de leurs productions, étaient incapables de me répondre...  parce qu'en réalité ces personnes ne s'était pas interrogées et  n'avaient pas fait de bibliographie. 

Les questions essentielles que je posais étaient : 

Quand on fait une fermentation, quels composés nutritionnels initialement présents ont-ils disparus ? Et en quels composés ont-ils été transformés (avec éventuellement des valeurs nutritionnelles ou antinutritionnelles) ? 

Quels composés nutritionnels sont-ils apparus ? 

Quand on fait une fermentation, quels composés toxiques initialement présent sont-ils détruits ? 

S'ils sont détruits, en quels composés sont-ils transformés (sous entendu : avec quelle toxicité éventuelle pour les nouveaux composés) ? 

Quels composés toxiques sont-ils formés ? 

 

Dans de nombreux cas, j'ai vu des fermentations qui n'étaient pas traditionnelles, de sorte que les produits formés devraient être considérés  comme nouveaux, selon la réglementation des novel food, qui impose notamment un examen des toxicités. 

Avec tout cela, je ne parle pas de la naïveté de celles et ceux qui croient aux bienfaits de la fermentation, dans une vague un peu New Age qui se gargarise de kombucha et de kéfir. 

Je sais que l'État français a récemment lancé un grand plan de recherche "ferments du futur", avec un financement considérable, et je vois là l'influence des biologistes mais aussi une forme de démagogie qui veut croire  aux "méthodes douces", naturelles, oubliant que la ciguë est parfaitement naturelles, par exemple. 

Il y a une immense naïveté à ignorer que l'acide acétylsalicylique est bien plus efficace que l'acide acide salicylique, dans l'aspirine, et que l'éthilvanilline à un goût de vanille bien plus puissant que la vanille. 

Je ne suis d'ailleurs pas de ceux qui opposent biologie et chimie, et, pragmatiquement, je me dis qu'il vaut mieux faire de la biosynthèse quand elle est efficace, et de la synthèse moléculaire quand elle l'est avantage. D'ailleurs, parfois, c'est une simple extraction qui s'impose comme par exemple par simple pressage des peaux d'agrumes pour la production du limonène.

Mais je reviens aux questions de toxicité : mes interlocuteurs, avec beaucoup de prétention, croient pouvoir répondre résoudre des problèmes alimentaires très difficiles. 

Et c'est ainsi que j'ai mangé des raviolis fait de peaux de pommes de terre, et pleins de glycoalcaloïdes toxiques puisque ces derniers résistent à des températures de 285 degrés. Le cuisinier-américain qui a servi cela l'avait nommé bolognaise, mais croyez-moi, je ne change pas sa préparation contre des spaghettis à la bolognaise classiques. D'autant que je tiens à la vie ! 

Ce n'est pas la première fois que je vois des cuisiniers faire des choses dangereuses : par le passé, j'ai vu de la lavande, qui est pourtant à perturbateur endocrinien, dans du chocolat ;  j'ai vu des haricots crus, qui contiennent pourtant des lectines hématoagglutinantes, j'ai vu des infusions de tomates grappes, j'ai vu des concentrations de méthylchavicol... 

Cela est d'une naïveté navrante, un manque de professionnalisme terrible et en réalité, il faut s'étonner qu'il n'y ait pas plus d'accidents. 

M'interrogeant sur cette question, je crois comprendre que, heureusement, nos concitoyens, selon des réflexes humains biologiquement bien ancrés, mangent plus ou moins de tout. Certes, ils doivent davantage diversifier leur la alimentation, mais le fait que ne nous lassions de manger tout toujours la même chose nous permet d'éviter de le faire et si nous sommes en quelque sorte empoisonnés par un cuisinier un jour, nous ne nous exposerons pas de nouveau le lendemain au même composé toxique. 

Reste quand même qu'il vaut mieux éviter les composés plus dangereux, n'est-ce pas ?

mardi 15 avril 2025

Le goût de brioche

 

Connaissez-vous le sotolon ? C'est un petit furanone qui, à concentration notable, à une odeur extrêmement puissante de curry, de noix, et qui a une odeur de brioche quand il est plus dilué. 

Lorsque les levures meurent, par exemple dans les tonneaux de vin jaune, ce vin du Jura qu'on laisse vieillir sous un gros voile de micro-organismes, le goût de jaune est notamment dû au sotolon. Dans les tonneaux, il y a un gradient de sotolon du bas, où les levures sont mortes, vers  le haut. 

Dans le champagne aussi, du sotolon appraît, quand on le prépare, la bouteille la tête en bas, tournant la bouteille, d'un quart de tour chaque jour pour faire venir les levures déposées vers le boulot, ce que l'on dégorge.
Ce goût de brioche est notamment dû au sotolon. 

Et évidemment, on trouve le sotolon dans la brioche ou dans le Kugelhopf. En effet, ces pâtisseries se font par pétrissage de la pâte enlevurée  : la fermentation conduit au gonflement de la pâte, mais ce gonflement s'arrête bientôt, signe que les levures sont soit mortes soit en manque de substrat. On rabat alors la pâte et on la met dans un moule pour la laisser lever une seconde fois avant de cuire.
Mais pourquoi ne pas rabattre encore et encore afin d'obtenir plus de sotolon ? Faites l'expérience et vous vous verrez que le goût obtenu est absolument merveilleux. 

Mais, de retour de Copenhague où j'ai vu des fermentations dans tous les restaurants, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi nos amis ne mettent pas directement du sotolon dans leur pâte à brioche : c'est si simple, si efficace, si rapide...

lundi 14 avril 2025

Un grand merci à tous

De retour d'une semaine à Copenhague, où j'ai eu l'honneur de me voir attribuer le prix Sonning, j'ai le plaisir d'adresser de très vif remerciements à toutes celles et tous ceux qui m'ont accueilli.  

A commencer par le Recteur David Dreyer Lassen, qui a pris la suite de Henryk C. Wegener, sous la direction duquel le comité Sonning s'était initialement réuni pour décider de l'attribution du prix.

Le prix Sonning relève de la Fondation Sonning, avec un conseil d'administration de collègues de l'Université de Copenhague et de personnalités extérieures. Il est sous la direction du recteur.

 Les membres du Comité sont : 

    Rector Henrik C. Wegener (chair)
    Prorector for Research David Dreyer Lassen
    Associate Professor Gitte Buch-Hansen, Faculty of Theology
    Dean, professor, PhD Jacob Graff Nielsen, Faculty of Law
    Professor Hans H. Wandall, Faculty of Health and Medical Sciences
    Professor Mette Sandbye, Faculty of Humanities
    Professor Hanne Andersen, Faculty of Science
    Professor Dorte Sindbjerg Martinsen, Faculty of Social Sciences

Et les membres de la Fondation Sonning sont :

    Rector Henrik C. Wegener
    University Director Søren Munk Skydsgaard
    Ex. Permanent Secretary Uffe Toudal Pedersen
    Appointed by the Ministry of Higher Education and Science
    Peter Lodahl
    Appointed by the Ministry of Culture
    Professor MSO Tine Damsholt, the Saxo-Institute
    Professor Michael Fjeldsøe, Department of Arts and Cultural Studies
    HK joint union representative Ingrid Kryhlmand
 

J'ai eu le grand plaisir de rencontrer beaucoup d'entre eux, lors de diverses manifestations organisées par Lucas Emil Zukunft, du Cabinet du Recteur, et qui s'est dépensé sans compter pour que tout soit une réussite. 

 

Il y a eu des conférences, des visites, et notamment  dans les restaurants L'Alchemist, et Noma, respectivement dirigés par mes amis Rasmus Munk et René Redzépi. 

Il y a eu une conférence faite à Spora, la société qui gère la recherche du restaurant l'Alchemist,  où j'ai eu le plaisir de rencontrer toute une série de chef danois ainsi qu'une partie de l'équipe de L'Alchemist. D'ailleurs, le dîner là-bas a été absolument merveilleux et je suis bien d'accord avec le critique gastronomique Ole Troelsen, que c'est une expérience inoubliable. 

D'ailleurs, c'est Rasmus Monk qui, après la remise du prix Sonning, pour le banquet qui a suivi, a proposé des bouchées tirées de sa carte. Il a collaboré, pour les réaliser, avec des étudiants de l'Université de Copenhague, et plus exactement du département de Food Science. 

Et j'en viens donc à remercier toutes celles et tous ceux, dans ce département, qui m'ont permis de le découvrir avant que je fasse à leur attention une conférence dans leurs merveilleux locaux de l'ancien Institut vétérinaire, entièrement rénové. 

Je pense en particulier à  : 

Nanna Viereck
Nele Hogsbro
Nena Sue Thomassen
Jens Risbo, à qui j'adresse des remerciements tout particuliers, puisqu'il a fait ma présentation pendant la cérémonie du prix
Karsten Olsen
Sanne Sansolios
Dennis Sandris Nielsen
Michael Bom Frost
Nikolai Baastrup Nordsborg
Lise Arleth


J'ai également des remerciements appuyé à faire à l'ambassadeur Christophe Parisot et à toute son équipe, qui a notamment organisé une conférence que j'ai faite à l'Institut français, adossé au lycée Prinz Philip de Copenhague. Remerciements au  proviseur et aux collègues qui ont organisé ma visite.

Et j'oublie beaucoup de mes nouveaux amis, mais ma reconnaissance est entière, pour toutes et tous.

vendredi 11 avril 2025

For the Sonning prize :


 And here is my speech : 

 

Address for the Sonning Prize Ceremony

Hervé This

Copenhagen, 9 April 2025



Dear Colleagues, Ladies and Gentlemen



It goes without saying that I am deeply honoured to receive the Sonning Prize 2025.

The legacy of past recipients of the Prize is truly outstanding: Sir Winston Churchill, Bertrand Russell, Karl Popper, Ingmar Bergman, Günter Grass, the Danish icons Jørn Utzon and Lars von Trier... I am proud to be the third French recipient, after the Nobel laureate Albert Schweitzer, also an Alsatian, and Simone de Beauvoir.

In the spirit of acknowledging our shared heritage, I intentionally left out the remarkable Niels Bohr from the list of distinguished Danes, because he and I share something special: we are scientists—Bohr, a physicist, and I, a chemist.

One might ask: what is the relationship between molecular and physical gastronomy, which is a part of chemistry, and culture? The answer is simple: molecular and physical gastronomy bridges science, which is culture, and cooking, which is also culture.



I repeat that I am deeply honoured, but I am also greatly concerned about food security. By 2050, the global population may exceed 10 billion, raising a crucial question: What will they have to eat? This issue extends beyond food security and food safety. We must nourish both the body and the mind, for humans are not merely stomachs—we are cultural beings.

Exactly two centuries ago, the French lawyer Jean-Anthelme Brillat-Savarin became renowned for his reflections on the art of eating. In his book The Physiology of Taste, he wrote, that while animals feed, only humans know how to eat, meaning that they are able to appreciate the cultural signification of food. I would argue that this is not an inherent truth, but rather an aspiration. Whether young and old, we must learn how to eat.

To become truly humans, we must elevate food from the stomach to the mind. Achieving this requires the contributions of all disciplines. Indeed gastronomy encompasses history, geography, philosophy, economics, literature, and, of course, the culinary art. It also draws from the natural sciences—biology, physics, and, notably, chemistry.

Another famous gastronome, Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière, rightly observed that “the cackled pieces seem better”. Eating culturally means discussing what we eat, celebrating the culinary artistry of the cook, and appreciating the time, intelligence and effort devoted to preparing dishes.

Culture, language, words… The importance of words was well recognized by the French chemist Antoine-Laurent de Lavoisier, who revolutionized chemistry with a new nomenclature: one cannot improve science without improving language, and vice versa.

It is not widely known, but Lavoisier studied meat broth, anticipating the field of molecular and physical gastronomy. He wrote: ‘We cannot help but be surprised, whenever we ask ourselves questions about the objects we are most familiar with, to see how vague and uncertain our ideas often are, and how important it is, therefore, to fix them with experiments and facts”. And what could be more familiar than the culinary activity, which sustains us several times a day?”



So let us now turn to cooking. It has certainly a technical component, but what’s the point of performing tasks like peeling carrots or whipping eggs, which can be done by machines? The true interest of cooking lies not in mere technique, but in its artistic nature: cooks, at home, in restaurants or in industrial food companies, are expected to create food that has to be good, that is to say beautiful to eat. As there is still resistance to this idea, I insist: the goal is not only to make food visually appealing. Rather it is to make it beautiful in taste and in thought.

Yet even this does not fully capture the essence of cooking. The most technically and artistically accomplished dish is worth nothing if it is thrown in the face of the guests. The dishes should say "I love you"—intrinsically, through their construction, through their flavor. This is the true culinary challenge: to create dishes that express "I love you". A high level of culture!



At first glance, natural sciences may seem distant from this discussion. However, why should not they contribute to other fields, spark new questions, and collaborate with other disciplines to explore this fundamental notion of "I love you"?

Now, moving from sciences in general to molecular and physical gastronomy in particular, it is a science that holds intrinsic value, independent of its applications. This value is evident in the fundamental, and mechanistic questions it raises. Consider for instance the vast literature on tea or coffee, comprising millions of scientific studies. Yet not a single article examines the mechanisms by which compounds in tea leaves or in coffee grounds transfer into water. Similarly, 47% of classic French sauces involve wine in the cooking process, yet no scientific study has explored the chemical reactions that occur when wine is thermally processed in the presence of other compounds, such as those found in meat broths.

It was precisely to address such gaps in scientific knowledge that the English physicist Nicholas Kurti and I created molecular and physical gastronomy in 1988.

The objective was and remains to investigate the mechanisms underlying the phenomena that occur during cooking, employing the same method used by all natural sciences: experiments and mathematical analysis.

At the time, knowledge in this field was rudimentary. One need only recall that it was once believed that soufflés and similar dishes swelled due to the expansion of air bubbles. One of my earliest discoveries demonstrated that the swelling was actually caused by the evaporation of water. This realization made it possible for soufflés to rise without even beating the egg whites. I will never forget a seminar I gave decades ago, where I presented a soufflé that puffed up despite the egg whites remaining unwhipped. Behind me, a chef and a culinary instructor watched the oven in disbelief, muttering, “But it’s not possible, it’s not possible!” What once seemed impossible is now evident: thanks to molecular and physical gastronomy, culinary techniques have evolved, and so has the way they are taught. The scientific approach has not only helped innovative chefs worldwide to elevate the pleasure of eating to a new level—where creativity and art intertwine—but has also sparked innovation in laboratories around the globe, profoundly influencing food culture.



This brings us to the invaluable act of teaching—the transmission of culture to younger generations. In the past, cooking was learned through repetition. Today, technical aspects are taught in technology classes, grounded in the analysis of molecular and physical gastronomy. Even in primary schools, scientific activities around cooking have reached millions of children in France, and have even extended to the favelas of Rio de Janeiro in Brazil—what a joy!

Of course, there are also technical applications, as we recognized that cooking could not remain in the outdated state we observed in the 80’s. What I have termed ‘molecular cooking’ refers to the modernization of culinary techniques, using tools from chemistry, physics, and biology laboratories. While this renovation is ongoing, significant progress has been made. Today, alternative gelling agents, new cooking methods at low temperature, are widespread across the world. However I will not be satisfied until chefs can work seated, in a quiet environment, free from excessive heat or stress.

This is why we must move to the next step, one that is even more fruitful: synthetic cooking, whose artistic form is known as note by note cuisine. Rather than relying on traditional ingredients like fruits, vegetables, meat, fish or eggs, this approach focuses on the individuals compounds or fractions of these ingredients: water, cellulose, pectins, lipids, and so on.

Just as synthetic music creates sounds beyond the reach of classical instruments, synthetic cooking allows for the creation of new textures and flavours—unimaginable and unprecedented. 3D food printers will play a key role in advancing this culinary frontier.

Just like molecular cooking, note by note cuisine is not about catering to the wealthy. Our goal is to nourish everyone, enabling people to eat with a clear conscience while making the most of the available resources. As we strive to reduce food waste and losses in the effort to feed humanity by 2050, note by note cuisine becomes increasingly vital, posing new scientific challenges for molecular and physical gastronomy and other sciences.



Finally, I reiterate that, of course I am deeply honoured to receive the Sonning Prize, and I must express my heartfelt gratitude to everyone who played a role in the decision made by the Sonning Committee. I am particularly grateful to my colleague Karl Anker Jørgensen, a chemist at Aarhus University, as well as to Professor Marie-Louise Nosch of the University of Copenhagen, Steffen Brandt, Erik Frandsen, and Birgitte Nauntofte, chair of the Aarhus University Board.

I view awards, decorations, and other public recognition as opportunities to make a further meaningful impact. I hope the Sonning Prize will encourage my colleagues worldwide to explore the many fascinating phenomena that can be observed in kitchens. I also hope it will help the public understand that food must evolve, not only because our lifestyles have changed, but also due to the growing concerns around food security, food safety, sustainability and climate change.

All of society is involved, and it is necessary to change mentalities and ideas, from primary schools to professional bodies.

It is not only sound knowledge that should be shared, but also methods, an important word, particularly close to my heart as it refers to a famous discourse by René Descartes, who contributed to the creation of modern science and thought.

Whether we speak of technique, of technology, of teaching or of science, we have to discuss first the goal, then the method, as in Greek methodon means “choosing the way”.

For food, the ultimate goal is Culture. And we need to continue the work of the Enlightenment, which did not conclude with the publication of Diderot and D'Alembert's Encyclopédie. The Age of Enlightenment is far from over. Like the thinkers of the 18th century, we must step out our laboratories to combat magical thinking, disseminate knowledge and skill, and resist ignorance, dogma and tyranny.

Of course, in order to transmit a clearer picture of the world, we need to expand the kingdom of knowledge, through sciences. In this quest, in the laboratory or elsewhere, I have for myself this question that I don't dare ask others: since we are what we do, what is my agenda?



Celebrate Chemistry, Celebrate Culture, and thank you very much for your attention

 

 


 



mardi 8 avril 2025

À propos de ponctuation

 La ponctuation, une vétille ? Pas sûr !


Des collègues qui prétendent  savoir écrire repassent sur des textes que j'ai corrigés, et ils suppriment des virgules avant des mais ou des car, ajoutent des virgules après des Or, des Donc ou des Demain en début de phrase.  Et, d'ailleurs, ils commencent des phrase par des Mais ou de Car. Et et je parle pas des points d'exclamation après plusieurs phrases successives et de leur usage plus que répété des points de suspension

Oui, je sais que certains écrivains de talent sont capables de faire tout cela, mais ceux-là savent les règles, et ils les enfreignent pour de belles  raisons artistiques. 

L'écriture, au fond, c'est comme la cuisine :  de l'amour, de l'art, de la technique, mais on ne fera jamais une belle œuvre si la technique n'est pas maîtrisée : pensons à un pianiste qui ferait des fausses notes, pensons à un peintre ferait des coulures... 

Pour la littérature, il en va de même, et il y a des règles qui ont leur logique, à ne pas méconnaître. Par exemple, car ou mais permettent de relier deux propositions dans une même phrase.  Il est donc... naïf de les mettre après un point, en début de phrase : on séparerait les deux propositions que l'on veut réunir. 

D'autre part, le code de la ponctuation réclame une virgule avant ces mots.

 Les points d'exclamation : ils soulignent une idée particulière mais à souligner toutes les idées, aucune n'est plus particulière. 

Pour la virgule après Donc, Demain, par exemple, il y a une règle de ponctuation qui stipule que les compléments réduits à un mot ne sont pas suivis d'une virgule ; c'est une règle un peu arbitraire et il y a moins à s'offusquer de celles et ceux qui ne la respectent pas (par ignorance). 

Surtout, ce billet me sert à dire à mes amis qu'il existe un Code typographique de l'Imprimerie nationale, qui indique mille choses importantes pour la rédaction des textes tel que l'usage des italiques, l'emploi des capitales, et cetera. Et qu'il existe, d'autre part,  un Code de la ponctuation, moins connu, mais qui mérite d'être lu au moins une fois. 

Quand on aura maîtrisé tout cela, toute cette technique un peu conventionnelle, alors on pourra se mêler de peindre un beau tableau, de faire une jolie musique  ; on pourra se focaliser véritablement sur le fond, d'abord et sur la forme mais sans oublier aucun des deux. 

lundi 7 avril 2025

À propos de "résultats négatifs"

 À propos de résultats du négatifs, je trouve cité un scientifique qui déclare que s'il avait publié tous les résultats négatifs obtenus durant la préparation de sa thèse, il aurait eu des milliers d'articles à son actif. 

Ce type de déclarations est idiot parce qu'il est hors de question de publier toutes les petites observations que nous faisons lors de nos expériences. 

D'autre part, la rédaction d'un bon article scientifique prend longtemps et regroupe précisément une foule d'observations disperses. 

C'est le bouquet qui compte et non pas chacune des fleurs.  

En outre, la science ne se confond pas avec la technique elle n'a pas pour vocation d'obtenir des milliers de petits résultats individuels, mais au contraire de produire des synthèses puissantes pour des faits séparés. 

D'ailleurs, l'auteur de la déclaration que je discute dit cela dans un blog, et  je crains qu'il ne confonde un de ces petits billets quotidiens avec un article scientifique.
Plus exactement, ce collègue n'est pas un scientifique, mais quelqu'un qui a passé sa thèse, qui travaille dans l'industrie : il a bien fait,  car il a manqué la belle idée de la science que les scientifiques doivent avoir.

dimanche 6 avril 2025

Petites bouchées

Il y a des travaux fastidieux, avec peu d'intérêt, longs, rebutants en un mot. Pour ceux-là, on aura intérêt de penser que les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses. 

Il y a aussi des travaux passionnants mais qui demandent une quantité de travail considérable, beaucoup de temps, et là encore la même technique s'impose : il faut les faire petit à petit. 

Dans le premier cas, on n'a pas le pression de perdre son temps et dans le deuxième on s'accorde une petite récréation supplémentaire. 

 

Des exemples ?
Je me souviens de ce jour où, à la revue Pour la science, je me suis dit qu'un index s'imposerait. Mais il y avait 10 ans à rattraper ! À raison de 5 minutes par jour le matin, cela a été fait en quelques mois et nous avons disposé d'un outil extraordinaire qu'il a ensuite suffi d'entretenir.
Pour le second cas, il y a ces  énormes traités de chimie organique ou de physico-chimie, environ 1000 pages, et de petits bonbons de quelques pages chaque jour sont délicieux 

Bref les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses surtout quand on y met une très bonne sauce.

samedi 5 avril 2025

La limite de traduction automatique

Je vois aujourd'hui les limites de la traduction automatique, alors que je veux traduire en anglais la phrase "il ne faut pas se comporter en tant que chrétien, mais en chrétien". 

 

Le logiciel, un des meilleurs, traduit en substance " il ne faut pas se comporter en chrétiens, mais en chrétiens",  manquant complètement la nuance amusante donnée par la phrase initiale. 

C'est bien la preuve qu'il y a une subtilité qu'il faudra  expliquer à celles et ceux qui en auront besoin : manifestement, il n'est pas possible de dire la phrase ainsi, en passant, si on veut faire bien comprendre l'idée. 

Et évidemment, il y a également lieu d'y réfléchir encore pour ne pas avaler naïvement une formule, un argument d'autorité, aussi chatoyant qu'il fut. 

Mais plutôt que de discuter la phrase initiale, je préfère me consacrer à la transposition que j'en ai faite : il ne faut pas se comporter en tant que chimiste mais en chimiste. 

De quoi s'agit-il ? 

En tant que chimiste, cela voudrait dire que l'on se montre tel qu'un chimiste, se parant de représentations au lieu d'être vraiment celui que l'on dit être. 

En tant que chimiste, c'est de l'apparence, mais en chimiste, c'est la vérité. 

Qui est intéressé par la chimie vit bien en chimiste, et non pas en tant que chimiste car l'apparence est complètement secondaire si l'intérêt est la chimie plutôt que l'apparence de la chimie. 

Dans toute la discussion, il y a la question difficile de l'origine de la phrase relative aux chrétiens, les jésuites,  dont on sait que c'est une congrégation ambiguë. Ils ont la réputation d'être intelligents, mais également très engagés pour parler par litote. 

Il vaudrait mieux, si l'on cite l'idée, chercher des références différentes, visant la même chose sans cette connotation religieuse peut-être excessivement appuyée.

Le programme de la semaine du 7 avril 2025

 L'université de Copenhague organise une semaine d'événements à Copenhague, la semaine du 7 avril 2025. Voici ceux qui sont publics

Contact : lez@adm.ku.dk


Monday, April 7 th

10:40 Arrival in Copenhagen UCPH – Airport of
Copenhagen

14:00-16:30
Presentation and lecture at Spora food research centre, a part of Alchemist Restaurant
Spora, Refshalevej 153C, 1432 København K

 

Tuesday, April 8 th

16:00-17:15 Conference at Prins Henriks Skole, the French High School 1958 Frederiksberg
in Copenhagen. Rolighedsvej 39
The conference will be held in French.


Wednesday, April 9 th

 
12:30-13:00 Receival by Rector of the University of Copenhagen and get-together with the Sonning Committee, Rector David Dreyer Lassen, chairman of the University Merete Eldrup and Karl Anker Jørgensen.
Krystalgade 25, 1172 Købenahvn K

13:00-15:30 Sonning Prize Ceremony

Welcome by Rector
Celebratory lecture by associate professor Jens Risbo
Performance by pianist Kristoffer Hyldig
Receiving of the Sonning Prize
Acceptance speech by Hervé This
Performance by pianist
Reception with food presented by Alchemist and by students from the University of Copenhagen, University of Aarhus and Danish Technical University


Thursday, April 10 th

 
Visit to Department of Food Science (UCPH FOOD), 9:30-11:15
9:30 Welcoming Hervé This Rolighedsvej 26
Deputy head of department for research and innovation Nanna Viereck, Nele Høgsbro (SCIENCE) and Nena Sue Thomassen (KU)

9:33-9:50 Section for Ingredient and Dairy Technology (IDT), Molecular Food Science
4 th floor Rolighedsvej 30,C410
Associate professor Jens Risbo

9:52-10:17 Section for Design and Consumer Behavior (DCB), Gastrolab and Gastro Science Lab Ground floor R30
Associate professor Karsten Olsen and Coordinator Sanne
Sansolios together with the days users

10:20-10:40
Section for Food Microbiology, Gut Health, and Fermentation, (MICRO), Food Fermentation
Ground floor, Copenhagen Plant
 Science Center
Professor Dennis Sandris Nielsen, NMR lab

10:45-11:07
DCB, Sensory labs
Future Consumer Labs 5 th floor R30
Associate professor Michael Bom Frøst


Visit to Department of Nutrition & Exercise (UCPH NEXS) and Restaurant Noma,

11:45-14:45
11:45-12.15 Visit at the Department of Nutrition & Exercise Rolighedsvej 26

12:15-12:30 Taxi to Noma 

Refshalevej 96

12:30-14:00 Visit at Noma and lunch with Réné Redzepi Réne Redzepi, Mark Emil
Hermansen (Noma), Head of department, Nikolai Baastrup Nordsborg



15:00-16:30 TALK at SCIENCE: Frederiksberg Campus
Grønnegårdsvej 7, room SIDE 4 AF 5
Intro by Lise Arleth, Associate Dean for Research, The Faculty of SCIENCE (5 min.)

Presentation by Sonning Prize winner Hervé This (40 min.)
“Recent results of molecular and physical gastronomy and applications”

Q&A (15 min.)
Networking with Sonning Prize winner Hervé This (16:00-16:30) – with a glass of wine and petit fours (outside in case of sun – inside in case of rain)


Friday, April 11 th

11:30-14:00
Visit to Hotel og Resturantskolen (The Culinary School of Denmark), Vigerslev Allé 18
2500 Valby

11:30 Lunch with the students and teachers. Served by Matt Orlando, Head Chef at Air Restaurant in Singapore Hotel og Restaurantskolen

12:30-14:00
Lecture and presentation Lecture and presentation for students and teachers at the culinary school



vendredi 4 avril 2025

Les comptes rendus des séances de l'Acdémie d'agriculture de France

Alors que je mette en forme les comptes rendus de l'Académie d'agriculture de France, j'ai l'occasion de découvrir les propos de mes collègues économistes, agronomes, sociologues, historiens... Plus que les interventions ponctuelles, c'est l'ensemble qui doit s'imposer et permet seul d'avoir des idées juste, car on se souvient que des conclusions tirées avec des prémisses insuffisantes n'ont guère de validité. 

Mais là, il y a donc des collègues de toutes les disciplines intéressées par l'état du monde en matière d'alimentation, d'agriculture, d'environnement. Il y a toutes les sensibilités politiques, sociales,  religieuses... Il y a tous les angles, il y a toutes les disciplines et sans admettre qu'un discours particulier ait particulièrement de pertinence, en dépassant aussi les idiosyncrasies, on voit se dégager des tendances, des perspectives... On voit mieux des travaux à mener, des idées à conserver quand on effectue son propre travail et des engagements à avoir. 

J'ai fois que ces comptes rendus, qui s'imposent comme une responsabilité historique de l'Académie, peuvent servir également le guide pour des travaux futurs et c'est pour cette raison que je passe du temps à les colliger. 

jeudi 3 avril 2025

Le 24 avril, à Strasbourg

 Et voici  https://www.bnu.fr/fr/evenements-culturels/agenda-culturel/demain-la-cuisine-de-synthese

Ah, l'égo !

Relisant des contributions d'un nombre notable de collègues, les unes à la suite des autres, je vois des titres d'intervention, des affiliations et des textes. 

Oubliant les personnalités, je m'aperçois que ce sont les titres et les messages qui m'intéressent mais que je me fiche complètement de savoir la totalité des titres de mes amis :  cela n'a aucun intérêt et je ne le lis même pas.

 Au fond, c'est là une vraie leçon : mettons-nous dans cet état d'esprit de découvrir des matières intéressantes, et oublions les personnes qui les portent, au plus exactement, ayons de la reconnaissance pour les personnes qui portent bien les matières, qui nous éclairent, mais ne perdons pas de temps à ces détails biographiques sans intérêt. 

J'ajoute que pour de tel paragraphes biographiques,  il y a des possibilités de faire mieux que mal : par exemple, l'auteur pourrait avoir comme objectif d'indiquer  en quoi il est compétent pour que nous recevions le message qu'il délivre. Et là, ce sont les fonctions exercées qui comptent,  dans la mesure où elles ont un rapport direct avec le sujet qui est présenté. Par exemple, si l'on écoute un exposé sur la méthodologie d'évaluation toxicologique en Europe, il n'est pas inutile de savoir que la personne qui fait cette exposé connaît bien le sujet dont il parle.

mercredi 2 avril 2025

Les questions de dénominations en science

Intéressant de bien comprendre qu'Antoine Laurent de Lavoisier a non seulement changé le nom des objets qu'il étudiait, mais que, de ce fait, il s'est donné la possibilité d'introduire un formalisme qui prenait le relais des nouvelles dénominations, et les supprimait en quelque sorte. 

Avant Lavoisier, les chimistes nommaient les composés -surtout minéraux- avec des termes très poétiques, tels que vif-argent, sel d’yeux d’écrevisse, lune cornée, et cetera. 

Avec ses amis, Lavoisier voulut dire la présence des "éléments" dans les composés, et c'est ainsi qu'ils ont proposé de parler plutôt de chlorure de fer ou de sulfure de zinc. 

Au moins pour la partie minérale de la chimie puisque la partie organique n'est arrivée qu'après. 

Mais le changement était essentiel : il devint alors possible de se poser la question de savoir combien les composés contenaient des éléments dont ils étaient formés. 

Et c'est ainsi qu'il faut possible, ensuite, d'abréger le nom des éléments pour le remplacer par une ou deux lettres, des "symboles", assortis d'un nombre. 

C'était le début d'un formalisme qui n'était pas un formalisme algébrique  :  le formalisme chimique écrivant la structure des composés, et qui s'ajoutait au premier. 

La chimie est ainsi doublement formelle : 

- par la représentation de ses objets

- par les calculs inhérents à toute science de la  nature. 

mardi 1 avril 2025

Une soutenance étonnante

Hier, dans une soutenance orale que j'organisais à l'université, j'ai demandé au groupe d'étudiants qui avaient assisté à une présentation orale d'un de leurs camarades s'ils avaient des questions, et je me suis étonné : ils n'en avaient pas. 

J'ai donc moi-même interrogé l'étudiant qui venait de faire la soutenance et qui avait proféré des incongruités scientifiques : je lui ai demandé d'afficher des diapositives particulières où j'avais relevé des erreurs, et c'est alors que quelques étudiants ont dit "Ah, mais moi aussi j'avais des questions à ce propos". Pourquoi ne les ont-ils donc pas posées  initialement ? 

Comme je connais ce phénomène classique, je comprends maintenant qu'il vaudra mieux interroger les questions en leur montrant les diapositives problématiques.

lundi 31 mars 2025

Quand mangerons-nous enfin un bon cassoulet ?

Je m'aperçois que je n'ai pas discuté la question rationnelle du cassoulet et que d'autre part, j'en mange beaucoup de mauvais. Souvent l'analyse du mauvais révèle le bon a contrario. Le cassoulet est  mauvais quand les haricots sont encore durs, ou quand ils sont complètement détaits. Souvent un cassoulet est mauvais quand le confit est sec et fibreux, ou quand la saucisse n'a pas de goût, qu'elle est mal faite, mal cuite. Souvent un cassoulet est mauvais quand son assaisonnement est insuffisant. 

Comment alors obtenir des haricots bien cuits, un conflit tendre, une saucisse qui se tient, et un bon assaisonnement ? 

Par le passé, on a tout cuit ensemble, haricots et viande : on mettait le cassoulet à cuire le matin, et il mijotait, plus ou moins régulièrement, jusqu'à soir, où on e consommait. On cuisait tout  à la fois, haricots, viandes ;  tout cela mijoté dans la "cassole" avec une croûte qui se formait par-dessus et que l'on enfonçait sept fois, disait-on. 

Mais aujourd'hui, on peut faire mieux notamment à condition de ne pas vouloir reproduire des conditions qui conduisent à des résultats médiocres. Pourquoi, en effet, ne pas cuire séparément le conflit, la saucisse, l'ail, l'oignon et les haricots ? 

Comme souvent, on a intérêt à faire revenir les oignons avec de la graisse, et il y aura peu d'intérêt d'ajouter l'ail a ce stade. 

En revanche, pour avoir des gousses d'ail très tendres, on pourra les faire bouillir à part, dans un peu d'eau à couvert, afin de les avoir très tendres ; évidemment on conservera cette eau pour la cuisson des haricits. Ainsi les oignons et une partie de l'ail, on pourra donc ajouter des haricots, et cuire ces derniers jusqu'à l'à-point de cuisson. 

Entre-temps, se posera la question du confit et des saucisses. Pour le confit, soit on achètera celui-ci  de belle qualité et on se limitera à le réchauffer dans les haricots, soit on le produira soit même, mais à très basse température et pendant très longtemps, afin qu'il ait une parfaite tendreté mais également une belle jutosité. 

Pour la saucisse, de même, on choisira un fournisseur qui saura faire la bonne proportion de maigre et de gras, et un hachage de bonne taille. On la fera sauter  à part, pour lui donner du goût, et on l'ajoutera, de même, en fin de cuisson. 

Et on n'oubliera pas de l'ail à nouveau, en fin de cuisson : celui-là sera divisé très finement. 

Pour l'assaisonnement, on n'oubliera pas le laurier, mais peut-être aussi du thym, du romarin, force de poivre... Et évidemment on aura salé correctement.  

Avec tout cela, il est bien certain que notre cassoulet aura beaucoup de qualité... mais les sept peaux ? On pourra passer sous le grill en toute fin de travail, en évitant évitant un noircissement qui donnerait de l'âcreté.

dimanche 30 mars 2025

Une excellente copie : quel bonheur !

Alors que je corrige des copies d'un cours de gastronomie moléculaire que j'ai donné à l'université, j'arrive sur une copie tout à fait merveilleuse, d'une étudiante qui a fait un travail remarquable. 

Cette année, le cours avait présenté ce que je nomme la méthode descendante d'analyse des phénomènes, cette méthode qui consiste à partir d'un phénomène macroscopique, puis à en chercher une interprétation microscopique, avant de chercher une interprétation au niveau supra moléculaire, puis au niveau moléculaire. 

Je renvoie pour des explications au cours que je viens de publier à ce propos et je reviens à à ce devoir merveilleux que j'ai corrigé : l'étudiante qui devait faire une mini synthèse s'est livré ) cet exercice, mais en le structurant selon la méthode descendante,  et elle a ainsi produit un texte parfaitement organisé, parfaitement structuré, parfaitement logique et qui montrait de surcroît que l'étudiant avait bien capté l'idée essentielle que je voulais transmettre cette année. 

Inutile de dire que je lui ai donné une note excellente, et méritée

samedi 29 mars 2025

Acides aminés, peptides, polypeptides, protéines, dont le gluten

Je reçois des questions : 

 

Si j'ai compris juste:

- peptides: de 2 à 10 acides aminés en chaînes, dans n'importe quel ordre, éventuellement plusieurs fois le même

- polypeptides: de 11 à ?, idem pour le reste

- protéines: à partir de 100, idem pour le reste

- gluten: composé de protéines de types gliadines (monomères) et gluténines (polymères)


Ma réponse est que cela n'est pas juste, et je vais donc expliquer pourquoi. 


1. Tout d'abord, il n'y a pas d'acides aminés dans les peptides, ni dans les polypeptides, ni dans les protéines. 

En effet, supposons que nous disposions de deux molécules d'acides aminés, identiques ou non, la réaction de "condensation" de ces deux molécules peut se faire de diverses façon, mais si elle forme une "liaison peptidique", engendrant un peptide, alors il y a des atomes qui sont perdus, de sorte que la molécule finale de peptide ne contient plus que des "résidus d'acides aminés", et pas des molécules d'acides aminés. 

J'ajoute que, quand on cherche une définition de chimie, rien ne vaut le Gold Book de l'Union internationale de chimie et des applications de la chimie : https://goldbook.iupac.org/. 

On y trouve : 

Peptides:  Amides derived from two or more amino carboxylic acid molecules (the same or different) by formation of a covalent bond from the carbonyl carbon of one to the nitrogen atom of another with formal loss of water. The term is usually applied to structures formed from α-amino acids, but it includes those derived from any amino carboxylic acid.
https://goldbook.iupac.org/terms/view/P04479


 

2.  Pour les polypeptides, la consultation de la même source indique :

Polypeptide :  Peptides containing ten or more amino acid residues.

C'est donc 10 la limite, pas 11.


3. Pour les protéines :

Naturally occurring and synthetic polypeptides having molecular weights greater than about 10000 (the limit is not precise).

Cette fois, la notion importante est l'origine "naturelle", et les masses molaires supérieures environ à 10 000.


4. Pour le gluten, il y a un piège avec le mot "monomère", parce que, en biologie, cela désigne autre chose qu'en chimie.

Pour la chimie, un polymère est un composé dont les molécules sont des répétitions de résidus identiques ou différents, liés chimiquement. Mais pour la biologie, il y a des protéines faites de plusieurs brins associés, et ces brins sont nommés monomères, alors que, chimiquement, ces brins sont des polymères : la biologie ferait bien de changer sa terminologie.

Et pour avoir plus d'informations récentes sur le gluten, rien ne vaut une consultation de bases de données scientifiques, la recherche de publications récentes, telles que

Peter R. Shewry and  Peter S. Bel. 2024. What do we really understand about wheat gluten structure and functionality?, Journal of Cereal Science 117 (2024) 103895.



vendredi 28 mars 2025

Pourquoi "perdre du temps" ?

Alors que je sors d'un entretien avec des journalistes, je les laisse avec une question : à leur avis, pourquoi dois-je prendre du temps pour les recevoir ? 

Il s'agit en l'occurrence d'une émission de télévision et cela prend environ une matinée :  une matinée prise sur ma recherche, et une matinée de temps perdu pour mon travail scientifique. Pourquoi ? 


Pourquoi donc accepter de perdre tout ce temps ? 

 Là où j'ai réussi mon coup, c'est que ces journalistes ont hâtivement conclu que j'aimais beaucoup la vulgarisation.. mais ils ne savent pas qu'en réalité, ce n'est pas ce n'est pas là mon objectif et de ce fait, je répète que cette vulgarisation me fait "perdre du temps". 

Ce que ne savent pas ces personnes, c'est que, en 1980, j'ai décidé que mon action politique serait de contribuer à développer les Lumières, à diffuser des connaissances pour lutter contre les tyrannies, dans le véritable esprit de l'Encyclopédie,  de Denis Diderot et de ses amis encyclopédiste. 

Il s'agit de contribuer  à ce que nos concitoyens prennent des décisions éclairées et justes quand lesdites décisions engagent l'ensemble de nos communautés. 

Il s'agit au fond de lutter contre les tyrannies, contre les obscurantismes, il s'agit de dire des choses justes, produites par les travaux scientifiques. Il s'agit de lutter contre les complotistes. Il s'agit de permettre à nos enfants de grandir sans être empêtrés par cette pensée magique qui afflige tous les humains dès la naissance. 

Il s'agit de ne plus croire au aux êtres surnaturels qui auraient peuplé nos rivières, nos sources, nos nuages... 

Il s'agit de dépasser des théories simplistes et fausses telles celle du "phlogistique", qui avait cours avant que Lavoisier ne commence ses études. 

Il s'agit de distinguer les objets avec des mots justes, des mots justes qui permettent de mieux penser le monde, et notre action sur ce dernier. 

Il s'agit de combattre les peurs, il s'agit de combattre les superstitions, il s'agit surtout de bien faire comprendre à tous que les travaux scientifiques sont l'honneur de l'esprit humain. 

Il s'agit de faire comprendre que les sciences ont des applications didactiques, nous permettant de mieux nous situer dans le mondek mais aussi des applications techniques. Le bel exemple est celui du GPS qui n'aurait pas été possible sans la théorie de la relativité générale. 

 

Bref il y a lieu de militer politiquement et j'insiste sur le mot politiquement, pour orienter nos collectivités dans la bonne direction, en résistant à l'argent, au pouvoir, et cetera. 

Le grand physico-chimiste anglais Michael Faraday disait que la science rend aimable. Albert Einstein avait ajouté, dans un texte consacré au "temple de la science ", que la science compte   de tout : des gens honnêtes, des gens malhonnêtes, des gens gentils, des gens méchants, des gens de pouvoir, des gens d'argent, des sportifs, et cetera..  mais il n'y en a quelques-uns qui sont intéressés à la science pour ce qu'elle est vraiment, qui ont un intérêt intrinsèque à la recherche scientifique. 

Michael Faraday était de cela et au fond Albert Einstein aussi. Einstein reconnaissait que Max Planck était de ceux-là, et j'ai la chance de connaître plusieurs personnes qui sont également de ceux-là.  

 

Voilà tout ce que mes amis journalistes ne savaient pas, qu'ils n'ont pas deviné,  qu'ils n'ont pas compris.

jeudi 27 mars 2025

Vive la chimie

Une journaliste intelligente, qui m'interroge à propos du prix Sonning que je vais recevoir bientôt, me demande pourquoi mes emails comporte cette mention "vive la chimie (cette science qui ne se confond pas avec ses applications) bien plus qu'hier et bien moins que demain"

On pourrait avoir l'impression que si j'écris cela à l'attention de mes interlocuteurs, parce que je veux leur communiquer cette idée. C'est en partie vrai...

Mais c'est aussi une manière d'entretenir cette flamme précieuse que j'ai dans mon cœur. 

Oui, je fais de la chimie, du matin au soir, tous les jours de l'année sans relâche ;  j'aime beaucoup la chimie, passionnément la chimie, et c'est la raison pour laquelle je travaille ainsi. 

Mais il y a lieu de prendre un peu de temps pour savourer la chimie que nous faisons et avoir cette phrase devant les yeux, la "tendre" à mes amis, c'est d'avoir l'occasion d'en parler :  la preuve ! 

Des inconnus qui m'aborderaient sauraient que s'ils me parlent de chimie, ils ne seront pas rejetés et que, au contraire, je suis tout prêt à partager avec eux des moments de chimie. 

Qu'il s'agisse de la chimie science, de recherche scientifique ou qu'il s'agisse des résultats de la chimie, et il peut s'agir alors d'enseignement ou d'application. 

Dans la phrase qui se met automatiquement dans la signature de mes emails, je dis bien que la chimie ne se confond pas avec ses applications  :il y a de la chimie, d'une part, et des applications de la chimie, de l'autre. 

Ce n'est pas que je néglige les applications de la chimie, mais je veux dire simplement que ce n'est pas la même chose. Je veux aider mes amis à comprendre que ce n'est pas la même chose et notamment, que s'il n'y a pas de science (la chimie), il n'y aura que difficilement des applications. 

La science est si puissante que ses applications sont immédiates et nombreuses. Et ce ne sont pas aux chimistes à chercher les applications, mais à ceux qui s'intéressent aux applications. 

 

Il y a encore beaucoup plus, derrière cette phrase de ma signature automatique, mais ce serait trop long de développer dans un tel billet et je vous laisse imaginer ce qu'il peut y avoir derrière que je n'ai pas décrit.


mercredi 26 mars 2025

Des dents qui rayent le parquet

Un phénomène amusant : alors que je crée une liste d'articles de gastronomie moléculaire et physique, j'envoie un message circulaire pour proposer aux collègues qui ont fait de tels articles de m'en donner les références afin que je les ajoute à la liste. 

Et presque aussitôt, je reçois toute une liste de textes qui n'ont pas grand-chose à voir avec notre discipline. Beaucoup sont des textes de technologie alimentaire assez classique, plutôt à vocation industrielle. 

Comme je ne sais pas me tenir, décidément, j'écris à mon interlocuteur que certains de ces textes n'ont rien à faire dans cette liste, et je vais jusqu'à lui demander pourquoi il les y a mis :  je suis bien intéressé par la réponse qui va m'arriver.

L'albumine ? Si vous entendez cela au singulier, c'est que votre interlocuteur est en retard d'un siècle !

J'entends à la fois un collègue et un cuisinier parler de "l'albumine", et autant je suis indulgent pour le cuisinier, autant je considère que mon collègue a tort, gravement, parce que s'il dit quelque chose de faux, il y a l'autorité qui accompagne sa profession qui vient enteriner une erreur. 
 
Expliquons cela en commençant par rappeler que le mot albumine a été introduit en français par François Quesnay, au 18e siècle. 
On désignait à l'époque la matière coagulante du blanc d'oeuf, par exemple, et il est vrai que si on laisse un blanc d'œuf sécher, l'eau du blanc d'oeuf s'évapore et il reste une feuille jaune et craquante qui est faite de ce qu'on nommait initialement (il y a plus d'un siècle) de l'albumine. 
 
Cette matière, quand elle est chauffée avec de l'eau est responsable de la coagulation. Et, à l'époque, les chimistes la caractérisaient en observant qu'elle putréfiait en formant de l'ammoniac : on sait aujourd'hui que, effectivement, cette matière contient de l'azote. 
Les chimistes, également, observaient que cette matière conduisait à un changement de couleur du sirop de violette, cette infusion de fleurs de violette dans l'eau qui a une couleur bleu violet et qui change de couleur en présence d'un composé basique : le sirop de violette est l'ancêtre de nos indicateurs colorés de laboratoire. 
 
Mais c'est là de l'histoire ancienne  : plus d'un siècle. Progressivement, on a découvert de l' "albumine" dans les végétaux, notamment les légumineuses : ce fut un tsunami intellectuel parce que l'on retrouvait la même matière dans le végétal et l'animal, qui semblaient être des règnes séparés. 
 
Puis on a découvert que ces albumines étaient en réalité des mélanges de nombreux composés distincts et c'est pour cette raison qu'en 1910, soit plus d'un siècle dans le passé, on a décidé que l'on nommerait ces composés des protéines. Et on en connaît de nombreuses sortes. Certaines protéines sont solubles dans l'eau et leurs molécules sont globulaires, comme un fil replié en pelote : ce sont les albumines. 
 
Oui, aujourd'hui le mot albumine désigne une catégorie de protéines et non plus ni une matière particulière, ni une protéine particulière. 
 
Certes il existe de l'ovalbumine,  pour une des albumines qui se trouve dans le blanc d'oeuf, ou de la sérum albumine pour des protéines de la catégorie des albumines qui se trouvent dans le sang. 
 
Mais il y a bien d'autres albumines, et je n'ai pas épuisé avec ces deux exemples la totalité d'entre elles. 
 
Parler aujourd'hui de l'albumine au singulier, c'est donc retarder de plus d'un siècle. 
 
Cela me semble grave que les cuisiniers utilisent des notions ainsi périmées parce que pensant mal ils ne pourront pas faire bien,  mais ce me semble encore plus grave qu'un collègue propage de telles erreurs. 
 
Disons-le pour terminer de façon positive :  la chimie a fini par découvrir qu'il existe de très nombreuses protéines différentes et certaines, certaines seulement, sont des albumines. La catégorie des albumines est une catégorie particulière de protéines. 

Est-ce clair ? Pour me faire des commentaires : icmg@agroparistech.fr

mardi 25 mars 2025

La vertu est sa propre récompense

 

Alors que je fais un travail pour une institution académique, le responsable du groupe m'envoie des remerciements publics. Et, aussitôt, je lui réponds en le remerciant pour cela, mais je   fais de même à son égard, puisque, au fond, lui aussi se dévoue pour notre institution académique. 

Mais passées de civilités, les témoignages d'amitié, je m'interroge... car faut-il me remercier de faire des choses que j'ai envie de faire ? 

Puisque il n'y a ni argent, ni pouvoir, ni réputation, ni rien à gagner, si je fais un travail, c'est parce que je considère moi-même qui doit être fait, que ce travail m'intéresse, m'importe et non pas parce que j'attends des remerciements ou des félicitations.
D'ailleurs, si la personne avec qui je correspondait fait le travail qu'elle fait, alors, là encore, il n'y a pas lieu d'envoyer des félicitations ni des remerciements. Mais pourquoi pas des témoignages d'amitié, bien sûr ? 

Autrement dit, j'y reviens, nous faisons échange civilités et d'amitiés, et cela est bien agréable mais jamais plus qu'à cette occasion je n'ai compris le sens de cette phrase merveilleuse selon laquelle la vertu est sa propre récompense. 

J'ajoute aussitôt que, en l'occurrence, le mot vertu est très usurpé,  puisqu'il s'agit simplement, très égoïstement, de faire un travail que j'ai envie de faire, que je juge utile et important. Si d'autres le reconnaissent comme utile, tant mieux, mais croyez-moi : je suis épouvantablement égoïste, en quelque sorte.

lundi 24 mars 2025

Des conseils à mes jeunes amis qui font des présentations orales

Sortant d'une soutenance orale, j'ai vu de nouveau les erreurs les plus classiques qui sont faites et qui révèlent un manque de méthode, lequel conduit à la fois à des erreurs et à une énergie gaspillée, beaucoup de temps perdu pour rien.

Commençons par dire qu'il ne faut absolument pas utiliser des masques, car ces derniers prennent du temps à faire, alors qu'ils introduisent des éléments insignifiants. Dans une présentation scientifique, c'est le sens qui compte et il n'y a pas lieu de faire des images comme cela se ferait dans un cadre artistique ; ne confondons pas les genres. 

D'autre part, simplifions la mise en page en ne conservant qu'une seule police de caractère et, surtout, en évitant d'écrire sur les diapositives des textes que personne n'aura le temps de lire et qui vont considérablement allonger la présentation... et faire dépasser le temps imparti. 

Surtout réduisons toutes les diapositives à un titre et à une image.
Pour le titre je n'ai pas besoin d'insister et pour l'image cela peut-être une photo, un graphe, un spectre, etc. Il peut y avoir quelques indications techniques, par exemple des conditions expérimentales, à côté de l'image, mais il ne doit pas y avoir de texte : le commentaire se limitera à expliquer l'image.

Les diapositives doivent tout être numérotées car c'est ainsi que l'on pourra ensuite organiser la discussion. 

Il doit y avoir des références, si possible en petits caractères et en pied de page. Et évidemment, le diaporama doit terminer par une liste de références. 

Ainsi, une présentation de 10 minutes se fait en 10 diapositives, une présentation de 20 minutes en 20 diapositives et cela ne prendra guère plus qu'une heure à produire. 

Je n'ai jamais vu, depuis que je suis dans la position de professeur,  de présentation orale d'étudiants qui puisse échapper aux quelques règles que je viens de donner et je m'étonne que nos amis  n'utilisent pas le document que j'ai donné ici : https://seafile.agroparistech.fr/f/279bd7998243480694b0/?dl=1

Qu'est-ce qu'une tarte à la Bourdaloue ?

 Aujourd'hui, de nombreux pâtissiers croient que la "tarte à la Bourdaloue" est une tarte aux poires... mais c'est une erreur. 

Pour bien comprendre il faut savoir que Bourdaloue était un prédicateur célèbre, dont les sermons faisaient courir le Tout-Paris. Il avait un chapeau avec un cordon tout autour et c'est donc le cordon qui a imposé la dénomination culinaire "à la Bourdaloue" : il faut un ruban de pâte. 

Or c'est ce qu'ont toutes nos tartes actuelles : toutes sont à la Bourdaloue ! 

Là, il faut aller doucement, et d'abord pour signaler que, jadis, on ne parlait pas de "tartes", mais de  tartelettes : le mot "tarte" est un anglicisme qui s'est introduit plus tard. 

Ces  tartelettes étaient faites d'un disque de pâte sur lequel il y avait la garniture, par exemple des fruits, et notamment des poires.
On devrait donc parler de tartelette aux poires pour un disque - quel que soit sa taille - sur lequel il y a des poires. 

Mais s'il y a un rebord en pâte, alors c'est une tartelette à la Bourdaloue,  et il n'est pas nécessaire d'avoir un cordon pâte par-dessus. Et ce n'est pas nécessairement aux poires (sauf pour les tartes aux poires, bien sûr).

Bref, nous ne savons pas très bien ce que nous disons quand nous parlons et tout cela mérite une révision pour bien comprendre. Il n'est pas nécessaire d'avoir des bords sur les tartelettes, les tartes sont des anglicismes, et la Bourdaloue n'est que la présence du cordon de pâte.

dimanche 23 mars 2025

Du sel ou du jus de citron dans les blancs en neige ?

C'est amusant de voir comment, bien souvent, nous nous focalisons sur des détails, au lieu de considérer le "premier ordre", le plus important. 

Ainsi, à propos de blanc que l'on bat en neige. Un ami me demande si le sel ou le jus de citron sont utiles "pour le blanc en neige". Pour le blanc en neige : que veut-il dire ? Pour la bonne réalisation d'un blanc en neige ? Pour l'obtention de plus de mousse ? Pour la tenue ? Pour éviter le grainage ? 

Renseignement pris, je m'aperçois qu'il n'avait guère d'idée claire, à ce propos, et il me répond "pour le volume". 

Là, je suis en mesure de lui dire que nos expériences n'ont pas montré de différence de volume, ni avec le sel ni avec le jus de citron... et pour cause : au premier ordre, la question de faire un blanc en neige revient à celle d'accumuler des bulles d'air dans un liquide. Le volume final est limité par la quantité d'eau présente... et c'est cette analyse qui m'a permis de battre le record du monde du plus gros volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc, soit plus de 40 litres, parce que j'ajoutais de l'eau chaque fois que le blanc était bien ferme. 

Avec le sel, la quantité d'eau ne change pas. Avec le jus de citron, elle ne change notablement que si l'on ajoute beaucoup de jus de citron. Dans les deux cas, on se moque en réalité un peu de l'état des protéines, car ce n'est pas le facteur limitant. 

Mon ami, à cette réponse, change de questionnement, et m'interroge sur la tenue des blancs en neige. Et je lui demande pourquoi, sachant que la tenue est en réalité assez bonne. Il me cite alors la confection de meringues... mais il ignore alors l'expérience qui consiste à diviser un blanc en neige en deux moitiés, à ajouter du sucre dans une seule des moitiés, et à battre autant, à nouveau, les deux moitiés : on voit que les bulles du blanc sucré sont bien plus petites que les bulles de l'autre moitié, non sucrée, et donc la tenue est bien supérieure avec du sucre, sans qu'il soit besoin d'invoquer l'effet du sel, ou du jus de citron, ou du cuivre. A nouveau, la leçon est : regardons les choses au premier ordre !

samedi 22 mars 2025

De l'éthique ? Ou simplement de l'honnêteté ?

Un mauvais article que je lis montre merveilleusement une faute courante dans les rapports bibliographiques ou dans les articles scientifiques : la citation d'auteurs qui ne sont pas les premiers à avoir proposé une idée ou établi un fait. 

Commençons par donner la règle : quand on cite une idée ou quand on rapporte un résultat, il faut faire référence à la personne qui a proposé cette idée ou établi ce résultat pour la première fois. 

Et c'est une faute (pas seulement une erreur) que de faire référence, non pas à ces personnes "primaires", mais à des personnes qui ont cité les personnes primaires, ou à des personnes qui citaient des personnes qui citaient les personnes primaires, etc. 

Notamment, prendre n'importe qu'elle référence où apparaissent l'idée ou le résultat sont un travail paresseux et malhonnête. 

Les institutions scientifiques disent que cela n'est pas "éthique", et elles justifient cela en expliquant que l'on prive  le découvreur de la paternité de sa découverte, qu'on ne le fait pas profiter de son travail, qui, bien cité, conduirait à le faire progresser dans sa carrière, mais j'y voir plus une question d'honnêteté que d'étique. 

De même,  quand on reprend une figure dans un document, il s'agit d'honnêteté au sens légal du terme que d'avoir le droit de reproduire cette figure et de citer évidemment celle où celui à qui elle appartient : cela relève de la loi sur la propriété intellectuelle. 

 

Et là, je sors de la relecture d'un article par une personne qui avait pourtant reçu de ma part le cours où  j'avais expliqué  que chaque phrase devait être assorti d'une référence ( https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/comment-faire-des-syntheses-de-recherche-bibliographique-how ) . Et notre auteur de citer le même article (assez récent, secondaire) 4 fois de suite pour 4 phrases qui s'enchaînent ! Il a contrevenu aux règles de l'honnêteté. 

Et je ne parle là que du tout début du texte car le reste est exactement à l'avenant. 

La référence qui est donnée quatre fois, d'ailleurs, est une référence secondaire et notre auteur n'a pas pris la peine d'aller chercher les références primaires :  c'est le signe manifeste d'un travail bâclé, et qui contrevient aux règles que j'ai donné dans le cours rédigé entièrement que je lui avais transmis. 

D'ailleurs, ce même auteur renvoie toujours à ce même article à propos d'une figure qui pourtant était correctement référencée dans l'article (secondaire) qu'il cite. 

Il y a bien pire dans ce rapport (scientifiquement très faible), mais en tout cas ce document a le mérite de bien montrer comment doivent être les références dans un texte scientifique. De le montrer en négatif bien sûr !

vendredi 21 mars 2025

La pâte à choux, c'est de la "pâte royale"

 

Relisant la Suite des dons de Comus, un livre de cuisine publié par François Marin en 1742, je trouve une recette de "pâte royale" qui correspond en tout point à ce que nous nommons aujourd'hui une pâte à choux. 

Tout y est :  le dessèchement, l'ajout des œufs un par un jusqu'à ce que la consistance commence à devenir trop molle, et cetera. 

Notre pâte à choux serait-elle donc une pâte royale ? Consultant le Glossaire des métiers du goût ( https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout ) je vois qu'un correspondant m'avait donné sans référence, ce qui est évidemment signalé, une origine (au conditionnel !) de cette pâte,  qui aurait été initialement une "pâte à chaud" avant de devenir la pâte à choux. 

Mais je vois aussi que figure dans ce paragraphe de définition une mention de Carême qui aurait amélioré la pâte alors qu'en réalité la recette de François Marin est exactement celle que nous connaissons.

 Je supprime donc cette mention de Carême qui n'a pas lieu d'être mais il reste à régler cette question de l'origine présumé de la pâte au 16e siècle, pour laquelle je n'ai aucune référence. 

 

jeudi 20 mars 2025

Hydrolyse, Sublimation

On m'interroge à propos de sublimation et d'hydrolyse et je me propose de répondre ici en prenant mon temps pour que les choses soient bien claires. 

Pour cette réponse, la méthode sera de partir du macroscopique, ce que l'on voit à l'oiel nu, pour aller au microscopique  puis au supra moléculaire  avant d'arriver au moléculaire.

 

Commençons par la sublimation. 

Un exemple est celui que l'on observe quand on met un morceau de viande dans un sac imperméable et  fermé, dans un congélateur, pendant très longtemps. 

La viande semble sécher un peu mais au fond guère car quand on la décongèle, on retrouve la viande presque comme on l'avait mise. Un peu plus dure, toutefois, et, ce qui est intéressant à observer, c'est l'apparition de glace dans le sac. Comment cette glace est-elle apparue ? 

Dans la viande congelée, la microscopie aurait montré que l'eau de la viande forme des cristaux de glace, mais, en outre, un "super microscope" aurait peut-être montré une couche d'eau liquide autour de ces cristaux : une couche de molécules ?

En tout cas,  il semble donc que l'eau est passé de l'état de glace dans la viande à l'état de glace à l'extérieur de la viande. 

Le niveau "supramoléculaire", maintenant, c'est celui des associations de molécules et le niveau moléculaire correspond aux "réactions" entre molécules, aux changements des molécules lors de réarrangements de leurs atomes. 
Sans attendre, disons qu'il n'y a pas de transformation moléculaire  dans la sublimation : les molécules finales sont les mêmes que les molécules finales ; ces dernières  n'ont pas  été brisées, ne se sont pas associées en nouvelles molécules par des réactions. Il n'y a pas eu de réactions  "chimiques". 

C'est  au niveau supramoléculaire, des "regroupements de molécules" par des "interactions faibles" qu'il s'est passé quelque chose. Pour expliquer cela, commençons par considérer de l'eau liquide : un super-microscope montrerait qu'elle est faite d'objets très petits (que l'on nomme des molécules d'eau), qui bougent en tous sens, qui grouillent, à des vitesses qui dépendent de la température : dans l'eau liquide, les molécules peuvent bouger beaucoup, mais quand on refroidit de l'eau, alors les molécules ralentissent, se collent les unes aux autres, s'associent, s'empilent régulièrement (pensons à des tas d'oranges, à des cubes),  formant des cristaux de glace. Les molécules vibrent encore sur place, mais ne peuvent plus changer de position. C'est cela, la glace. 

D'ailleurs j'ajoute aussitôt que l'expérience initiale de viande congelée pourrait se faire avec un glaçon que l'on mettrait dans un sac  : là encore on verrait de la glace arriver dans le sac en dehors du glaçon. C'est toujours cela le phénomène de la sublimation. 

Comment cela a-t-il eu lieu ? En réalité, dans les molécules d'eau à la surface de la glace, il y en a de plus ou moins rapides, et les plus rapides peuvent s'échapper ;  comme elles arrivent alors dans un milieu (l'air) où la température est inférieure à la température de congélations, elles ralentissent... et forment  des cristaux de glace. 

Au fond, cela ressemble à ce que l'on observe quand on chauffe de l'eau dans une casserole : les plus rapides des molécules s'échappent de l'eau liquide, arrivent dans l'air, lequel est froid, de sorte que les molécules d'eau s'associent à nouveau, formant des gouttelettes d'eau. En réalité, la fumée au-dessus d'une casserole où l'on chauffe de l'eau est faite de goutte d'eau, et ce sont des gouttes que l'on voit, pas les molécules individuelles du gaz nommé vapeur.

Mais c'est là un autre phénomène que je ne veux pas discuter maintenant. La sublimation, c'est le mouvement des molécules d'eau, à partir de l'état solide (la glace), jusque dans l'état gazeux (l'air du sac), puis de nouveau à l'état  de  glace (celle du sac, à l'extérieur de la viande).

 

Passons maintenant au phénomène de l'hydrolyse 

 

L'hydrolyse, contrairement à la sublimation, ne concerne pas les associations de molécules, mais leurs réactions. Dans l'hydrolyse, les molécules en fin de transformation, sont différentes des molécules initiales. L'hydrolyse est une réaction (chimique). 

J'insiste un peu pour faire comprendre : si l'on part d'une molécule, quelle qu'elle soit, elle est faite d'atomes, liés par des "liaisons chimiques". 

Par exemple, si l'on casse une molécules (par exemple en chauffait très fort : pensons à la préparation du caramel), alors on obtient de nouvelles molécules, les atomes de la molécules initiales s'était liés de façons différentes. En l'occurrence, il s'agirait là d'une dissociation. Mais on peut aussi imaginer que des molécules de deux sortes différentes réagissent et s'associent : ce serait, par exemple, une condensation. Bref, il y a des réactions différentes, et les hydrolyses sont des fragmentations particulières, avec l'intervention de molécules d'eau, qui apportent des atomes d'hydrogène et d'oxygène. 

Insistons : hydro pour eau, lyse pour division. Et une molécule d'eau est faite d'un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogène. Toutes les molécules d'eau sont identiques : toutes ont un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogène. 

 

Mais arrivons, comme nous l'avons annoncé en début de billet, à la méthode : d'abord un exemple macroscopique, en l'occurrence, nous examinons la cuisson des nouilles dans de l'eau. 

Supposons que nous partions de nouilles dont toutes les molécules sont des molécules d'amylose. 

L'amylose est un des deux composés de ces petits grains blancs qui constituent la fécule ou l'amidon. Ces grains sont faits de couches concentriques de deux sortes de molécules, qui ont pour nom amylose et amylopectine. Autrement dit, un grain d'amidon est fait de molécules d'amylose et de molécules d'amylopectine. 

Pour mieux nous représenter les choses, pensons que les molécules d'amylose sont comme des "fils", et les molécules d'amylopectine comme des arbres (ramifiés). 

Concentrons-nous pour simplifier sur les molécules d'amylose. On peut les comparer à des fils, comme je viens de le faire, mais on pourrait aussi dire que ce sont des chaînes, linéaires, parce qu'elles sont  formées par la répétition d'un même motif : des atomes organisés en "anneaux", lesquels sont nommés "résidus de D-glucose". 

Ne nous focalisons pas sur la difficulté de ce nom, et prenons-la seulement pour désigner les anneaux. 

Si nous chauffons les nouilles dans l'eau, si nous "cuisons", alors il se passe un phénomène que nous ne voyons pas à l'oeil nu, mais qui est bien réel pourtant et que l'on peut mettre en évidence en utilisant un réactif nommé liqueur de Feheling :  la liqueur de Feheling est un liquide bleu qui a la propriété de devenir rouge quand il est en présence de molécules de D-glucose. 

Or, avant la cuisson, la liqueur de Fehling bleu reste bleu e quand on la met dans la casserole  avec les nouilles et l'eau. Mais après la cuisson, elle devient rouge... ce qui est le signe que les molécules d'amylose ont été dégradées, et ont libéré du D-glucose dans l'eau : des anneaux ont été détachés des chaînes, et cette réaction est une "hydrolyse", parce qu'il a fallu une réaction des chaînes d'amylose et des molécules d'eau. 

Dans la réaction, les molécules d'eau ont  apporté des atomes d'oxygène et des atomes d'hydrogène, qui se sont répartis entre le bout des chaines coupées et les résidus de D-glucose ; recevant des atomes, les résidus de D-glucose se sont transformés en molécules de D-glucose. 

Il y a de nombreuses hydrolyses en cuisine, avec des "polysaccharides", comme précédemment, mais aussi  quand des protéines sont chauffées : là aussi, dans certaines conditions, les molécules de protéines peuvent perdre de leurs anneaux : des "résidus d'acides aminés" se transforment en molécules d'acides aminés, qui viennent dans l'eau environnante. 


Un autre exemple celui de l'hydrolyse des triglycérides. 

Cette fois-ci,  nous partirons des matières grasses alimentaires,  qui ne sont pas faites d'acides gras comme on le dit trop souvent (ce qui est une grave erreur), mais de molécules de triglycérides. 

Ces molécules de triglycérides sont comme des pieuvres à trois tentacules souples. Le corps des pieuvres est-ce qu'on nomme un résidu de glycérol, et chacun des tentacules souples est ce que l'on nomme un résidu d'acides gras. 

Là encore, j'insiste qui pour dire qu'il n'y a pas de molécules de glycérol dans une molécule de triglycéride ;  il n'y a qu'un groupe d'atomes qui ressemble à celui du glycérol... mais il en manque point. De même pour les acides gras :  ils ne sont pas présents dans la molécule de triglycérides, mais il y a des groupes d'atomes qui ressemblent à ceux des molécules d'acides gras et il manque des atomes pour faire les molécules acides gras. 

Quand on s'y prend bien, on peut faire l'hydrolyse des triglycérides c'est-à-dire une réaction chimique où l'eau va intervenir (le préfixe hydro du mot hydrolyse), pour apporter des atomes qui vont s'ajouter aux atomes des résidus de glycérol, lequels partiront sous la forme de molécules de glycérol, et l'eau apporte aussi des atomes aux résidus d'acides gras pour former des molécules acides gras. L'hydrolyse d'une molécule de triglycéride forme une molécule de glycérol et trois molécules d'acide gras. 

Certes, je comprends qu'il faudrait des images pour encore mieux fixer les idées, mais déjà, si on lit tout ce qui précède lentement, en cherchant à bien comprendre chaque mot, on devrait y arriver !


A propos du gonflement des feuilletages

Une fois de plus, un séminaire de gastronomie moléculaire nous donne des résultats inattendus. 

Nous voulions savoir si une pâte feuilletée après cuisson avait une épaisseur qui dépendait de l'épaisseur avant cuisson. Autrement dit, par exemple, la même pâte feuilletée qui aurait fait 2 cm d'épaisseur avant la cuisson ou bien qui aurait été aplatie pour ne faire plus qu'un centimètre d'épaisseur aurait-elle un gonflement différent, et notamment supérieur, quand elle est initialement plus épaisse ? 

L'expérience est facile à faire : on prépare une pâte feuilletée et on la découpe en deux parties : une partie est laissée en l'état, et la deuxième partie est abaissée à une épaisseur deux fois plus petite que pour la première moitié. Puis  cuit ensemble  les deux moitiés, et on observe le gonflement des deux pâtes. 

Hier,  notre expérience était un peu plus compliquée puisque nous avons fait 4 épaisseurs, avec plusieurs échantillons pour chaque cas mais la surprise a été que finalement, toutes les pâtes avaient la même épaisseur après cuisson. 

Comment interpréter cela ? 

 

Je sais déjà que le nombre de feuillets est le même dans tous les échantillons mais, bien sûr pour les pâtes qui ont été amincie initialement, l'épaisseur des feuillets est plus petite.

 Je sais aussi que c'est l'eau qui, s'évaporant, fait gonfler les pâtes feuilletées, mais  la quantité d'eau est évidemment plus faible quand les pâtes ont été fortement amincies. Inversement elles doivent soulever des couches moins épaisses. 

Il y a également eu ce phénomène que nous avons vu lors de l'expérience :  les pâtes les plus amincies gonflaient le plus en début de cuisson, parce que la chaleur atteignait plus rapidement leur coeur, et elles ont cessé de gonfler assez rapidement, alors que les autres continuaient de gonflé. Comme  pour les pâte à choux, il y a une phase de gonflement initial qui s'arrête ensuite quand la structure est rigidifiée... ou bien quand l'eau est entièrement évaporée, mais j'ignore à ce stade comment répondre, et il faudra des expériences complémentaires. 

Pour interpréter, je dois également observer que dans les pâtes les plus épaisses, la cuisson a laissé une partie insuffisamment cuite à cœur : il y avait une sorte de mine qui compte même manifestement beaucoup d'eau et la question se pose maintenant de savoir si c'est tôt aurait pu faire gonfler encore plus les pâtes. 

Bref, ces analyses nous conduisent à imaginer des hypothèses que nous devons tester ultérieurement et pour être bien clair, il apparaît que nous aurions dû cuire toutes nos pâtes plus que les 40 minutes que nous avons utilisées, parce que c'est ainsi que nous aurions vu correctement si le gonflement des pâtes les plus épaisses était atteint à son maximum ou si nous aurions pu avoir davantage de gonflement. 

Une conclusion supplémentaire : en bouche, nous avons bien vu la différence entre les pâtes cuites à partir de pâtons très amincis et les autres : les premiers avaient des couches de pâtes beaucoup plus minces et cela se sentait en bouche : c'était beaucoup plus aérien.

lundi 17 mars 2025

A propos de mauvaise transmission

Alors que je relis des textes que je consacre à la terminologie culinaire,  je retrouve deux idées essentielles. 
 
Premièrement, il est extraordinairement étonnant qu'aucune référence ne soit jamais donnée dans les livres de cuisine  :  chacun y va de son affirmation, de sa recette, qui fait  table rase de tout ce qui s'est publié par le passé. 
Et c'est ainsi que naissent les plus grandes incohérences, les plus grandes confusions, les plus grandes ignorances, avec, ce qui est pire, la transmission d'informations fausses aux suivants. 
On aurait pu penser que les bons praticiens fassent l'effort d'un peu de rigueur de ce point de vue, même si je leur reconnais évidemment le droit de créer des variations pour les recettes classiques, d'ajouter ou non une pincée de noix muscade dans une purée, d'ajouter ou non une pincée de cannelle dans un appareil à boudin, de changer les proportions des ingrédients pour obtenir plus de fermeté ou au contraire plus de moelleux.... Mais rien !
 
Deuxièmement, en relation avec cette absence de références, il y a la question des justes dénominations, auxquelles le monde culinaire tord le bras de façon éhontée. 
En science, la règle est que le découvreur soit celui qui nomme  (un astre, un élément chimique, un composé, etc.);  en technologie, la règle est que l'inventeur soit celui qui nomme. Et c'est ainsi  je me vois répéter que nous devons nommer les préparations conformément à la première occurrence des dénominations. 
 
Cela signifie, en pratique, aller chercher dans les  livres de cuisine du passé la véritable signification des termes que l'on trouve aujourd'hui : à la Sainte-Ménehould, rémoulade, ravigote, gribiche, et  aussi toutes ces  dominations qui apparaissent plus tardivement : à la reine, à l'espagnole, à l'allemande, à la jacobine, au perdouillet...
 
On ne peut pas comprendre correctement et pratiquer correctement la cuisine sinon l'on confond la moutarde et la rémoulade, si l'on confond la pâte à savarin et la pâte à baba. 
Il ne peut pas y avoir de décision d'autorité par un praticien moderne, fut-il 3 étoiles au guide Michelin, et au contraire, c'est sur ces personnalités que pèse la plus grande responsabilité concernant l'utilisation des dénominations culinaires : nos amis devraient faire l'effort soit de faire les recherches eux-même, soit d'utiliser les résultats des recherches qui sont effectuées par ailleurs. 
 
Et c'est ainsi que je les engage évidemment à se reporter constamment au Glossaire des métiers du goût publié par le Centre international de gastronomie moléculaire et physique Inrae-Agroparistech : là, les dénominations sont données avec des références, et même si certains ouvrages ne sont pas cités, ils ont été lus, consultés, et que l'on a pesé les informations qui s'y trouvaient par rapport à des informations qui se trouvaient dans d'autres livres plus anciens. 
Ne suivons pas des ouvrages comme le Guide culinaire, qui est plein d'erreurs de ce point de vue là, qui confond les farces et les mousselines, les mayonnaises et les rémoulades... alors que même un des auteurs de ce livre a expliqué la différence dans  un autre livre, qu'il écrivait seul ! 
 
Bref, utilisons les bons mots, car il s'agit de la bonne pensée, et de la bonne pratique.