jeudi 2 mai 2024

Le diable est cache derrière chaque geste expérimental, et aussi derrière chaque calcul


En science, il y a un maître mot qui est « validation ». Dans un billet précédent, j'ai déjà expliqué que jamais ce mot n'avait été prononcé devant moi quand j'étais étudiant, et que je le déplore. Mais, surtout, il faut que j'explique ici pourquoi il me semble essentiel de répéter et de répéter encore ce mot aux étudiants en science et en technologie. 

Dans mon livre intitulé « La sagesse du chimiste », j'ai ainsi discuté la question du simple usage d'un thermomètre : j'ai déjà vu des thermomètres qui marquaient 90 degrés dans l'eau bouillante, alors qu'il s'agissait d'outils professionnels. Ce n'était pas en haut d'une montagne, mais à Bourges, où l'élévation n'est pas suffisante pour changer la température d'ébullition de l'eau d'une si grande quantité. 

Dans un tel cas, caricatural, c'est évidemment le thermomètre qui est faux... mais la fausseté d'un appareil de mesure est quelque chose de constitutif, de permanent, et une mesure ne peut se faire que si l'on a une idée de combien notre instrument de mesure est faux. 

Qu'il s'agisse de thermomètre ou d'appareil de résonance magnétique nucléaire, la question est la même. Il s'agit toujours de vérifier d'abord que nos appareils ne donneront pas des résultats incohérents. C'est pour cette raison que la pratique des calibrations est essentielle et constitue une bonne pratique de laboratoire. 

Plus généralement, chaque geste que nous faisons, dans un laboratoire notamment, est la possibilité de faire des erreurs, erreurs de mesure ou autres. Par exemple, l'emploi de composés et leur mélange, dans un laboratoire de chimie, peut conduire à des réactions dangereuses. Chaque geste comporte une part de danger, matériel ou intellectuel, et il faut absolument éviter les risques, matériels ou intellectuels. De même que nous devons regarder à gauche à droite avant de traverser une rue, nous devons nous interroger sur les pratiques expérimentales que nous mettons en œuvre. Bien sûr, les risques matériels sont graves, mais les risques intellectuels le sont aussi, car dans cette entreprise scientifique qui consiste en réalité à repousser les limites de l'inconnu, d'agrandir le royaume du connu, il n'y a de chances de succès que si nos travaux sont bien conduits. 

Pour les calculs, c'est exactement la même chose, et le risque est ici d'obtenir des résultats faux. Faux, comme les mesures de température. Je trouve amusant d'imaginer des représentations du diable chaque fois que je fais un geste expérimental, chaque fois que je fais un calcul.

mercredi 1 mai 2024

Comme le poète, le physico-chimiste doit être maître des métaphores

La métaphore ? Elle est essentielle en littérature, et l'on ne saurait donner meilleur conseil que de lire ou de relire le merveilleux Traité des littératures médiévales germaniques de l'écrivain argentin Jorge Luis Borges, pour bien comprendre, comment, avec le rythme, les métaphores sont le socle de la poésie. 

Toutefois la question posée ici est plutôt de savoir pourquoi les métaphores sont également essentielles pour la recherche scientifique. 

On ne répétera jamais assez que les sciences de la nature explorent les phénomènes par des mesures quantitatives, avant de regrouper ces mesures en lois, à partir desquelles on cherche des mécanismes quantitativement compatibles avec les lois trouvées. Ces mécanismes, ce sont des descriptions des équations par des mots. 

Par exemple, quand le physicien observe un faisceau cathodique dévié par un aimant, il commence par calculer la déviation, puis il observe la forme analytique de la trajectoire des électrons, et il en vient finalement à dire que les électrodes du système (une ampoule en verre scellé où l'on a fait le vide et entre les extrémités desquelles ont a placé des morceau de métal) sont due à des électrons qui se propagent, tels de petites billes, de petits boulets de canon, avec une force qui agit sur eux par une force analogue à celle qui avait été vue pour des aimants macroscopiques. Une autre description théorique consiste à voir, dans les particules subatomiques, des ondes : les électrons se comportent comme des vagues, comme des rides à la surface de l'eau. 

"Tel", "comme"… : on est là dans la métaphore, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la mécanique quantique a paru initialement bien étrange. Les particules étaient-elles des ondes ou de petites billes ? Il a fallu d'autres métaphores pour comprendre : par exemple, un verre cylindrique regardé par la tranche apparaît sous la forme d'un rectangle, alors que, regardé par son axe, il apparaît comme un disque. "Sous la forme", "comme"… On est dans la métaphore Pour comprendre, nous avons besoin de ces métaphores, qui, en quelque sorte sont l'expression sensible des équations qui constituent nos théories. Les mots et les métaphore sont la possibilité de discuter les mécanismes des phénomènes. Or la science introduit de nouveaux mots, quand ceux que l'on avait ne suffisaient pas. 

Par exemple, le physico-chimiste anglais Michael Faraday obtint un résidu incolore et odorant quand il distilla la houille, et il nomma benzène ce produit qui était alors inconnu. Par exemple, la découverte de l'électricité imposa une foule de nouveaux mots pour décrire les particularités du monde que l'on ne connaissait pas : électrode, cathode, anode, électrolyse. Plus récemment, les physiciens des particules ont dû inventer des mots : bosons, quarks, hadrons... 

Et voilà pourquoi le grand Antoine Laurent de Lavoisier avait bien raison de dire que l'on ne peut améliorer la science sans améliorer le langage et vice versa. Le langage, c'est les mots, qui peuvent déjà être des métaphores, notamment quand ils sont des onomatopées, mais ce sont aussi des métaphores plus explicites : les électrons sont comme des boulets de canon. 

On le voit, finalement, si la science fait usage des mots, et pas seulement des équations, alors son usage doit être aussi parfait que possible, de sorte que le scientifique n'est pas loin du poète.

mardi 30 avril 2024

Le moi est haïssable


Le moi est haïssable : pourquoi cette phrase sur les murs de mon laboratoire ? Parce que la science est un exercice de rigueur, mais aussi de créativité. 

Après que les phénomènes ont été caractérisés quantitativement, ce qui a produit des nombres, après que les nombres ont été réunis en lois, vient l'étape inductive de la recherche des mécanismes fondés sur ces lois. Induction : cela signifie qu'il faut faire un effort merveilleux d'introduire quelque chose de nouveau dans l'affaire. La déduction ne suffit pas, elle n'est pas créatrice. 

Or qui dit "création" dit aussi créateur, et, souvent, ego : il faut peut-être des individus suffisamment sûrs d'eux pour oser proposer quelque chose qui n'existait pas, comme les artistes ! Et la présence de personnalités puissantes dans la communauté complique évidemment la vie de ladite communauté, scientifique, donc. 

Dans un autre billet, j'ai discuté la question des controverses, qui est tout à fait liée à celle ci. Le moi est haïssable : la phrase est de Blaise Pascal, qui l'a dite dans le contexte de la religion. Évidemment, que vaut notre petit moi face à Dieu ? La religion prône l'humilité, de sorte qu'il n'est pas étonnant que Blaise Pascal ait prononcé la phrase. T

outefois, en science de la nature, il est vrai que si notre moi est important, pour parvenir à proposer des mécanismes, des théories, ce moi est bien détestable quand vient l'évaluation des théories proposées, car nous ne pouvons nous substituer à la nature, et les théories en concurrence sont in fine jugées à l'aune de leur adéquation au réel, à leur bonne ou meilleure description des phénomènes. Là, on se fiche de qui a produit ces théories, et c'est en se sens que le moi est haïssable, dans la mesure où il entraverait nos progrès vers la recherche non pas de la vérité, mais vers la recherche de théories sans cesse meilleures.

Tout changer à chaque instant, pour du mieux.

 
Dans la série : "les phrases qui sont affichées sur le mur du laboratoire où travaille le Groupe de gastronomie moléculaire", il y a celle qui fait le titre de ce billet. 

J'espère que cette phrase qui est affichée sur le mur de mon bureau figure aussi au Sénat, à l'Assemblée nationale, dans le bureaux des ministres : c'est une mauvaise politique que de courir après l’urgence, et il vaut bien mieux construire des structures qui conduisent à l'amélioration, des "cercles vertueux", même. 

Toutefois les phrases que je me dis ne visent pas le vaste monde, mais seulement l’exercice de la recherche scientifique. 

En quoi cette phrase particulière concerne-t-elle notre travail ? Bien évidemment, elle s'applique aux théories (scientifiques) que nous produisons et qui sont toujours insuffisantes par principe : une théorie, c'est un modèle réduit de la réalité, et le but des sciences est de réfuter les théories existantes, en vue de les améliorer. Il y a aussi nos analyses, nos expériences, et là, une discussion s'impose, car il n'est peut être pas judicieux d'aller chercher de la précision à l'infini. Il faut produire des données suffisantes pour établir les lois, chercher les mécanismes des phénomènes, réfuter les théories en testant leurs conséquences… mais cela ne signifie pas de chercher bêtement des améliorations de nos mesures à l'infini. 

Derrière toute expérience, il doit y avoir un objectif, et c'est cet objectif qui détermine la précision dont nous avons besoin. Cela étant, la phrase ressemble à celle de Michel Eugène Chevreul selon laquelle il faut tendre avec efforts vers la perfection sans y prétendre, et l'on se reportera donc à la discussion de cette phrase, dans un autre billet.

dimanche 28 avril 2024

Il n'est pas vrai que la tête guide la main : la tête et la main sont indissociables.


Derrière toutes ces discussions, il y a évidemment la question des métiers dits manuels et des métiers dits intellectuels, comme si l'on pouvait réduire un métier à l'emploi de ses mains ou de sa tête ! 

La tête guide la main ? Cette phrase est écrite sur une poutre du Musée du compagnonnage, à Tours, et je l'avais affichée sur mon mur. Elle est aujourd'hui barrée. 

Pourquoi évoquer la tête et la main, dans un laboratoire de chimie ? Parce que, dans un tel lieu, il est de la plus haute importance que les expériences soient faites avec le plus grand soin : le bris de récipients qui contiendraient des acides ou des solvants toxiques exposerait le personnel du laboratoire à des dangers parfois terribles. Il faut absolument que nous fassions nos expériences avec calme, précision, concentration. Voilà pourquoi il ne doit y avoir aucun bruit dans un laboratoire de chimie. Aucun bruit de verre, notamment, car un verre heurté peut se briser, et conduire à des catastrophes. 

Toutefois, un jour, alors que des Compagnons du Tour de France sont venus me rendre visite au laboratoire, ils ont vu cette phrase sur mon mur, m'ont interrogé sur sa présence, et, à leur stupéfaction, le commentaire de la phrase que j'ai fait devant eux m'a conduit, devant eux, à barrer la phrase, car j'ai compris qu'elle était fausse. 

Commençons par à analyser pourquoi il n'est pas vrai que la tête guide la main. Imaginons que nous voulions prendre un verre posé devant nous. Il faut d'abord que la tête donne l'ordre au bras de s'étendre et à la main de se diriger vers le verre : la tête guide la main. Toutefois il faut sans cesse corriger le mouvement du bras, ce qui impose à l'oeil de déterminer la position de la main et du verre. Les informations de l'oeil vont à la tête. Évidemment, on pourrait considérer que l'oeil fait partie de la tête, mais à ce moment-là, la main aussi, et ce serait le corps qui guide le corps, ce qui serait une tautologie. 

Mais continuons l'analyse. Les doigts approchent du verre, et la tête leur dit de se refermer. Si les doigts qui se referment ne disent pas à la tête la pression exercée, alors la tête ne pourra pas modifier cette pression et éviter le bris du verre. C'est d'ailleurs quelque chose qu'ont bien compris les constructeurs de robots : il faut sans cesse un échange entre la tête, la main, l'oeil, le pied, que sais-je ? 

Avec sa Lettre sur les aveugles, Diderot avait très bien analysé que nous ne pouvons penser sans les sens, et que, de ce fait, la question de la tête et de la main est mal posée. Il n'y a pas la tête d'un côté et la main de l'autre ; il y a l'être, avec tête et mains… et voilà pourquoi j'ai barré cette phrase, que je ne crois pas juste.

samedi 27 avril 2024

Quelques idées pour aider à se supporter quand on se voit dans un miroir

 Quelques idées pour aider à se supporter quand on se voit dans un miroir
Sur le mur de mon bureau, il y a des phrases écrites, et mes visiteurs m'interrogent souvent sur leur présence et leur signification. Leur présence ? Ces phrases sont d'abord pour moi : je ne dois pas oublier de mettre en pratique les conseils qu'elles me donnent. Leur signification ? Je l'expliquerai dans des billets suivants. Ici, je me limite à les donner. Quand elles ne sont pas assorties d'un nom d'auteur, c'est que je me dis les choses moi-même :

 # IL FAUT S’AMUSER A FAIRE DES CHOSES PASSIONNANTES # Nous sommes ce que nous faisons : quel est ton agenda ? 

# Une colonne vertébrale ! 

# Tout fait d'expérience gagne à être considéré comme l'émanation de généralités que nous devons inventer (abstraire et généraliser) 

# Quels sont les mécanismes ? (La science en général) 

# Les mathématiques nous sauvent toujours : « que nul ne séjourne ici s’il n’est géomètre » (Platon) 

# Ne pas oublier de donner du bonheur. 

# Tu fais quelque chose ? Quelle est ta méthode ? Fais le, et, en plus, fais-en la théorisation.

 # Surtout ne pas manquer le moindre symptôme

 # Je ne sais pas, mais je cherche ! 

De quoi s’agit-il ? (Henri Cartier-Bresson, mais peut-être aussi le Maréchal Foch) 

# Puisque tout est toujours perfectible, que vais-je améliorer aujourd’hui ? 

# « Dois-je croire au probable ? » 

# A rapprocher de :« En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité ». (Abélard) Et de : 

# "Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir". (Poincaré) Combien ? (la science en général) 

# D’r Schaffe het sussi Wurzel un Frucht 

# Ni dieu ni maître (la devise des anarchistes) # Tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait 

# La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets ! (Jean Claude Risset) 

# Se mettre un pas en arrière de soi même 

# Le summum de l’intelligence, c’est la bonté (et la droiture) (Jorge Luis Borgès) 

# Regarder avec les yeux de l’esprit # Vérifier ce que l’on nous dit 

# Ne pas généraliser hâtivement # Avoir des collaborations 

# Entretenir des correspondances # Avoir toujours sur vous un calepin pour noter les idées 

# Ne pas participer à des controverses (Michael Faraday et Isaac Watts) # Penser avec humour des sujets sérieux (un sourire de la pensée) 

# « Comme chimiste, je passai cette oeuvre à la cornue ; il n'en resta que ceci : » 

 ; se dissoudre dans, infuser, macérer, décoction, cristalliser, distiller, sublimer, purifier, alambiquer (Jean-Anthelme Brillat-Savarin) 

« Et c’est ainsi que les sciences chimiques sont belles » (d’après Alexandre Vialatte)

 # Morgen Stund het Gold a Mund (proverbe alsacien)

 # Y penser toujours (Louis Pasteur)

 # Ne pas confondre les faits et les interprétations

 # Quand les lois sont mauvaises, il faut les changer 

# Ne pas faire de lois qui punissent les bons élèves, et ne pas faire des lois pour punir les mauvais si  on ne les applique pas. (conseil aux prétentieux qui font des lois) 

# Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant (Cicéron) 

# Dieu vomit les tièdes (La Bible) 

# Il n’est pas vrai que « La tête guide la main », ce qui est prétendu par une  poutre du Musée du compagnonnage, à Tours : la tête et la main sont # indissociables 

# Les calculs !!!! 

# Tout changer à chaque instant (vers du mieux !) 

# Chercher des cercles vertueux # Comme le poète, le chimiste et le physicien doivent maîtriser les métaphores 

# Le moi est haïssable (Blaise Pascal) 

# Quels mécanismes ? 

# N’oublions pas que nos études (scientifiques) doivent être JOVIALES 

# L’enthousiasme est une maladie qui se gagne (Voltaire) 

# Clarifions (Mehr Licht) (Goethe)

 # Tu viens avec une question, mais quelle est la réponse (utilise la méthode du soliloque)

 # Pardon, je suis insuffisant, mais je me soigne 

# Comment faire d’un petit mal un grand bien ? 

# Le diable est caché derrière chaque geste expérimental, et derrière chaque calcul 

# Les questions sont des promesses de réponse (faut-il tenir ces promesses). Vive les questions étincelles 

# La méditation est si douce et l’expérience si fatigante que je ne suis point étonné que celui qui pense soit rarement celui qui expérimente (Diderot) 

# Comment pourrais-je gouverner autruy, moi qui ne me gouverne pas moi- même (François Rabelais) 

# Prouvons le mouvement en marchant ! 

# Comment passer du bon au très bon ? Comment donner à nos travaux un supplément d’esprit ? 

# Il faut des TABLEAUX : les cases vides sont une invitation à les remplir, donc à travailler! 

# Si le résultat d'une expérience est ce que l'on attendait, on a fait une mesure ; sinon, on a fait une découverte! (Franck Westheimer) 

# Quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris. (Marcel Fétyzon) 

# Il n'est pas nécessaire d'être lugubre pour être sérieux (le paraître n'est pas l'être).

 # Il faut tendre avec efforts vers la perfection sans y prétendre. (Michel-Eugène Chevreul) 

# Tu vois une régularité du monde ? Il devient urgent de s'interroger sur sa cause. 

# Une idée dans un tiroir n'est pas une idée

vendredi 26 avril 2024

Si le résultat d'une expérience est ce que l'on attendait, on a fait une mesure ; sinon, on a (peut-être) fait une découverte

 Cette phrase est du chimiste Frank Westheimer (https://en.wikipedia.org/wiki/Frank_Westheimer). 

Je ne suis pas certain que le « peut-être » soit de lui, et, d'autre part, je n'ai pas l'origine de la citation, qui m'a été donnée par mon ami Jean-Marie Lehn. Mais la phrase a beaucoup d'intérêt scientifique, parce qu'elle résonne avec toutes les parties du travail scientifique. 

Par exemple, quand on fait une expérience pour tester une conséquence d'une théorie, on espère que la conséquence théorique sera contredite par l'expérience absolument que l'on réfute la théorie, sans quoi on ne fait pas progresser la science. On espère donc que l'expérience ne donnera pas le résultat attendu (voir le Cours de gastronomie moléculaire N°1, Editions Quae/Belin). 

Là où l'on pourrait discuter la chose, c'est que, si précisément on est dans cet esprit très scientifique qui est d'attendre la réfutation, de la souhaiter, alors la réfutation est attendue… mais c'est là une finasserie. 

Toutefois le passage de la réfutation à la découverte n'est généralement pas rapide. Par exemple, la "catastrophe ultraviolette", à savoir que l'émission de lumière par un corps chauffé (pensons au fer à cheval dans la forge) n'était pas conforme à la théorie d'avant la mécanique quantique, n'a pas immédiatement conduit à la découverte de cette dernière, par Max Planck ! Il a fallu beaucoup de travail pour passer de la contradiction entre l'expérience et la théorie, à une théorie nouvelle. 

Oui, hélas, l'expérience qui ne donne pas le résultat attendu ne donne pas immédiatement la découverte. Une expérience qui ne donne pas le résultat attendu nous dit seulement que la théorie en cours ne prévoit pas bien le phénomène, et qu'il y a quelque chose à chercher. Mais cela, nous le savions par principe ! 

J'insiste : par principe, nous devons absolument savoir, ne jamais oublier, qu'aucune théorie n'est juste. Toutes les théories sont des descriptions insuffisantes de la réalité, que nous nous évertuons à améliorer. 

Tout cela étant dit, la phrase de Westheimer est merveilleuse, comme toutes les phrases qui ont l'apparence du vrai pour nous, pour toutes ces phrases qui nous prennent dans le sens du poil, mais il vaut mieux y penser un peu et s'apercevoir que même si nous continuons à les apprécier, nous avons mieux à faire que les gober béatement. Réfutons !