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lundi 1 décembre 2025

Dans la série des expériences que montrent très pertinemment les musées scientifiques, il y a celle de la surfusion de l'eau.

 

Considérons de l'eau liquide, à la température ambiante. Si nous la refroidissons, vient un moment, à zéro degré, ou l'on voit l'eau se solidifier, former de la glace.
Inversement, si nous chauffons de la glace que nous sortons d'un congélateur à la température de -20 degrés (par exemple), elle reste solide tant qu'on n'a pas atteint zéro degré... et elle fond alors, se transformant en eau liquide à cette température particulière, qui est la température de fusion.

Mais si nous faisons la première expérience, celle du refroidissement, dans des conditions parfaitement contrôlées, avec de l'eau parfaitement pure, en dehors de toute poussière, sans vibration, alors on observe parfois un phénomène différent de "surfusion" : quand on refroidit l'eau, on parvient à la garder liquide même à des températures inférieures à 0 degré. Cette eau est alors surfondue, et l'expérience est amusante qui consiste à mettre dans l'eau une poussière, un petit cristal de glace, etc. : immédiatement l'ensemble prend en masse, se solidifie. On peut évidemment faire l'expérience avec d'autres composés que l'eau, et l'on trouvera ici fait des liens vers ces très belles expériences, que je recommande à tous mes amis :
https://www.youtube.com/watch?v=e5huXWeTOe8 

https://www.youtube.com/watch?v=LiPvvPJpULE

dimanche 30 novembre 2025

Dans la série des expériences marquantes : la bille et la plume


Il y a des expériences de chimie ou de physique qu'il faut absolument montrer à tous.

L'une d'entre elles montre merveilleusement que, dans le vide, les objets tombent tous de la même façon, quelle que soit leur masse. Bien sûr, on peut s'en douter avec une expérience de pensée qui consiste à lâcher ensemble, d'une certaine hauteur, une haltère et l'haltère jumelle, mais coupée en deux moitiés : les trois objets tombent tous à la même vitesse, la coupure n'ayant pas changé quoi que ce soit... sauf diviser la masse initiale en deux.

Mais cette expérience de pensée est abstraite, et elle ne convainc pas autant que l'expérience réelle qui consiste à mettre, dans un tube en verre, une plume et une bille. Évidemment, quand on retourne le tube, la bille tombe très vite et la plume mets longtemps à arriver à la base. En revanche, si l'on fait le vide dans le tube, cela élimine les frottements de l'air, qui agissaient bien davantage sur la plume que sur la bille. Et, quand on retourne le tube, on voit la plume tomber exactement à la même vitesse que la bille de métal.

Je ne pense pas qu'on puisse oublier une telle expérience : https://www.youtube.com/watch?v=AV-qyDnZx0A ou encore https://www.youtube.com/watch?v=s9Zb3xAgIoY

vendredi 28 novembre 2025

La cuisine note à note est venue après la cuisine moléculaire. Mais après la cuisine note à note ?

Dès le début des années 1980, j'ai milité pour une rénovation des techniques culinaires, proposant de faire venir en cuisine des ustensiles venus des laboratoires (de chimie, de physique, de biologie", et, en 1999, j'ai donné un nom à cette technique culinaire rénovée : cuisine moléculaire (à bien distinguer de la gastronomie moléculaire et physique, qui, elle, est une discipline scientifique). 

 

Puis, en 1994, j'ai eu l'idée  de la "cuisine de synthèse", laquelle a succédé à la cuisine moléculaire, et dont le versant artistique a pour nom "cuisine note à note". 


Mais après ?

 

Dès que j'ai réfléchi à la cuisine note à note, je me suis interrogé sur la suite, et c'est ainsi que, il y a déjà de nombreuses années, j'ai imaginé  que, dans le futur, puisque l'on commence à savoir injecter des idées dans le cerveau d'un rat, on pourrait injecter des goûts, et découpler le goût de la consommation. J'ai nommé cela de la "cuisine cérébrale".



 

Conducteur, mécanicien, chef de projet


C'est un fait que nombre d'étudiants restent mal fixés à propos de la carrière qu'ils feront, alors même qu'ils sont largement engagés dans des études. Comment les aider ?

Très récemment, lors d'un cours à des étudiants de master, j'ai bien mieux compris qu'il fallait distinguer des conducteurs de voitures et des mécaniciens, notamment à propos de physico-chimie.

Et, d'autre part, nous avons bien fait la différence entre un ingénieur "technologique" et un ingénieur chef de projet.

Un cas pour mieux comprendr

Tout est parti d'une expertise que j'ai faite (gratuitement) pour une société qui fabrique des gâteaux au chocolat (notamment) dans l'Ouest de la France : certains de leurs gâteaux avaient une espèce de fleur blanche sur le dessus, et les (petits) industriels n'avaient pas les moyens de comprendre les raisons qui causaient des retours de leurs produits, et une perte de réputation.
L'analyse physico-chimique n'a pas été difficile : il m'a fallu moins de cinq minutes pour identifier qu'il y avait un problème de moisissures, qui se formaient sur des produits contenant beaucoup d'eau et qui étaient emballés sous des films plastique : le problème résultait de la condensation de l'humidité de la pièce de ressuyage, là où on stocke les produits après la cuisson et avant le conditionnement.
Car on sait -quand on a appris la chimie- que des produits chauds refroidis dans une atmosphère humide se chargent d'eau en surface.
Or les micro-organismes prolifèrent quand ils disposent d'eau, de nutriments, de chaleur. Sans ces idées, les industriels imaginaient une foule de causes possibles, tels des changements de la qualité des oeufs, des irrégularités des fours, etc., mais les oeufs sont des oeufs, de composition quasi constante, et le seul changement important dans la production, précédent l'apparition du problème, avait l'agrandissement de la pièce de ressuyage, et sa ventilation insuffisante, qui chargeait l'atmosphère d'humidité.

Nous avions là un cas concret pour aider les étudiants à se déterminer, pour leur carrière.

Chef de projet, tout d'abord, cela consiste surtout à être le chef d'orchestre, d'assurer le planning, de connaître le procédé afin de gérer les flux : pas besoin de savoir établir l'équation de Laplace (qui donne la pression dans une bulle d'air d'une mousse), pas besoin de connaître la formule chimique de l'amylopectine...
Et, en cas de problème, il faut surtout savoir consulter, ce qui d'ailleurs avait été fait par l'industriel évoqué plus haut.
Là, pour la physico-chimie, on est plutôt conducteur, pas mécanicien.

Inversement, si l'on veut être un ingénieur "mécanicien", il y a lieu d'avoir une véritable compétence technique, de dépasser la gestion d'une production. &

Une deuxième leçon à tirer de notre séance avec les étudiants de master, c'est que la considération de la physique ou de la chimie "avec les mains" ne suffit pas, et le meilleur exemple à donner est l'analyse que j'avais initialement faite à propos des soufflés en 1980.
A l'époque, quand j'avais raté un soufflé, le 16 mars, la théorie en vigueur était que les soufflés auraient gonflé parce que les bulles d'air des blancs en neige se seraient dilatées à la chaleur. Mais, avec cette théorie, on est incapable de comprendre pourquoi un soufflé peut ne pas gonfler, car si le soufflé contient des blancs en neige, celles-ci devraient se dilater lors de la cuisson, non ? Ce que j'ai découvert -et cela semble évident a posteriori, c'est que les soufflés gonflent surtout en raison de l'évaporation de l'eau, au fond des ramequins.
Imaginons que nous soyons en face de deux théories concurrentes : laquelle choisir ? Cela ne se fait que de façon quantitative, avec des mesures, des équations, de la théorie donc. D'où l'intérêt de ne pas s'arrêter à de vagues discours sur les notions possibles : il faut aller jusqu'à l'appréciation quantitative des phénomènes. Et, pour cela, il faut un corpus théorique, des compétences de calcul matriciel, de calcul différentiel et intégral, de statistiques, etc.
Finalement, c'est quand on dispose de l'équation qui décrit théoriquement le phénomène que l'on peut identifier les paramètres sur lesquels on pourra jouer pour diriger les évolutions.
Par exemple, si l'on considère l'équation qui donne la vitesse de sédimentation en régime stationnaire (la vitesse d'une particule qui tombe vers le fond d'un liquide, passé les brefs instants initiaux d'accélération), on peut voir que cette vitesse dépend de la taille des particules, de la viscosité du liquide, de la densité relative des particules par rapport au liquide...
Ayant ces paramètres, on est en mesure de décider comment accélérer ou ralentir les sédimentations.

Finalement

 Le mécanicien est celui qui sait retrouver cette équation, et le conducteur de voiture est celui qui apprend à utiliser l'équation qu'il ne démontre pas. Là, avec ces exemples, je suis heureux que les étudiants aient réussi à se situer, à se déterminer. Bien que la connaissance ne soit jamais inutile, bien qu'on ne soit jamais assez savant, il est bon de savoir l'objectif que l'on s'est fixé.

jeudi 27 novembre 2025

La pâtisserie serait plus "précise" que la cuisine ? Certainement pas !


Lors d'un cours de gastronomie moléculaire, il y a plusieurs années, j'ai fini par comprendre que la composante technique de l'art culinaire est en quelque sorte sans intérêt, tant c'est facile : battre un blanc en neige, faire une mayonnaise, sauter une viande, cuire une tarte...

Quel intérêt que de faire ce qu'une machine ferait mieux ? Et c'est bien la question "artistique", celle du "bon", qui est difficile et essentielle.

Sans compter la composante "amour", disons lien social.

Bref, pourquoi certains considèrent-ils qu'apprendre la cuisine est difficile ? Certainement parce que ces trois composantes sont indistinctement mêlées dans l'apprentissage classique de la cuisine, qui n'avait pas appris à les reconnaître...

D'où des confusions : par exemple, quand on passe des heures à faire du sucre filé ou tiré, au lieu de comprendre.  

J'ai aussi trop méconnu la question de l'illettrisme... et l'on me connaît assez pour ne pas penser que j'écrive cela de façon hautaine ou méprisante, mais, au contraire, compatissante. Car oui, les chiffres officiels, qui sont sans doute sous estimés, voient 17 pour cent de Français souffrant d'illettrisme, pour des gens qui ont fait huit ans d'études en France ! Comment lire une recette, dans ces conditions ?

Mais, aussi, il y a ce fait que les recettes ne donnent pas bien, quand elles sont écrites, les "objectifs". Par exemple, dans la confection d'une pâte à chou, un œuf de plus ou de moins fait toute la différence... et cela se détermine à l’œil, car les farines donnent des résultats différents, imprévisibles.

De même, pour une pâte à foncer (les "pâtes à tarte"), la quantité d'eau à ajouter se joue à trois fois rien, comme on peut en faire la démonstration en faisant simplement un pâton à partir de farine et d'eau. Bref, il y a bien des cas, dans les activités du goût, où il faut ajuster à l’œil les proportions des ingrédients, et cela se rencontre souvent quand il est question de pâtes, quand on utilise de la farine...

On arrive à la question du titre

 Raison pour laquelle il est ahurissant que le monde culinaire ait prétendu que c'est pour la pâtisserie qu'il fallait avoir des mesures précises. Je dirais au contraire que c'est pour la pâtisserie qu'il ne faut pas les mesures précises !
 
 Dans un séminaire, nous avions mesuré la "précision" nécessaire pour différentes recettes et nous avions bien montré que cette précision n'était pas la même pour les différentes réalisations.
 
 Par exemple, quand on cuit un mince filet de poisson (cuisine), alors tout se joue en quelques secondes.
 
 A l'inverse, quand on cuit une brioche (pâtisserie), quelques minutes de cuisson de plus ou de moins sont sans importances.
 
 Lors de ce mêmes séminaire, certains, qui étaient confrontés à l'observation que je viens de rapporter (nous avions fait des mesures) m'ont fait observer que cette précision prétendue concernait les proportions, qui auraient été essentielles en pâtisserie, moins en cuisine.
 
 Je crois au contraire que ce n'est pas le cas. Car quand on prépare des pâtes, pensions à des pâtes à choux, à des pâtes à foncer (pour les tartes), et cetera, alors il faut adapter la quantité d'eau à la température, à la nature de la farine, notamment. Et il ferait inconcevable utiliser des proportions fixes, puisque les ingrédients ne le sont pas.
 
 Bref, la pâtisserie n'est pas plus précise que la cuisine. Mais, en passant, observons combien la vidéo est plus utile que l'écrit, pour l'apprentissage de la cuisine : il est très difficile de décrire avec des mots une consistance, alors que l'on voit bien, sur une vidéo, comment la pâte s'écoule ou ne s'écoule pas.
 
 Mais je reviens à ma conclusion : il n'est pas vrai que la pâtisserie sois plus précise que la cuisine.

A propos de coloration en cuisine

Voici que s'achève notre séminaire de gastronomie moléculaire de novembre 2025. Nous avons exploré deux questions : la coloration d'une viande cuite dans un sirop, d'une part, et, d'autre part la coloration des pommes dauphine auxquelles on aurait ajouté un peu de sucre.


Pour la première expérience, il s'agissait donc de cuire un blanc de volaille, clair, dans un sirop, initialement clair également. Ce que je voulais montrer, c'est que la viande brunit avant que le sirop ne brunisse aussi, à une température légèrement supérieure à 140 degrés.
C'était une démonstration de ce que le brunissement de la viande n'est pas une "caramélisation" puisqu'il n'a pas lieu à la même température.

D'autre part, pour les pommes dauphines, qui sont faites de purée de pommes de terre mêlée à de la pâte royale (ce que certains nomment fautivement de la pâte à choux), il y a donc une différence de coloration selon que l'on met ou non du sucre dans la préparation.
Cela est apparu clairement quand nous avons cuit deux petites masses, l'une de préparation pour pomme dauphine non sucrée, et l'autre sucré à raison de 10 ou 20 g de sucre pour 100 g de pâte.

Mais les pommes dauphines ne se limitent pas à ce mélange de pâte royale et le purée de pommes de terre. La préparation est panée à l'anglaise, ce qui signifie qu'elle est trempée alternativement dans de l'œuf battu et dans de la farine.
Et là, la pâte est couverte par la panure et, quand on cuit les deux préparations panées l'une sucrée et l'autre pas, alors la différence de couleur est bien moins bien moins importante que dans la première expérience, sans panure.

Ce que nous avons vu aussi, c'est que la cuisson est longue, plus de 5 ou 6 minutes à 180 degrés pour obtenir un bon contraste entre l'extérieur croustillant et l'intérieur très tendre.

Mais surtout, nous avons observé que les préparations n'ont pas soufflé, contrairement à ce qui est souvent supposé, notamment parce que nous nous fondons sur des pommes des dauphines industrielles, pour lesquelles l'œuf n'est pas simplement de l'œuf battu, mais de l'œuf foisonné, par exemple avec du blanc d'œuf battu en neige. C'est évidemment un moyen pour l'industrie de vendre plus de volume avec moins de matière.

Cela étant, nos pommes dauphines ont été très intéressantes, qu'elle soient ou non sucrées. Dans ce deuxième cas, elles s'apparentaient à de petits beignets.

J'ajoute que, comme pour chaque séminaire, je vais maintenant préparer un compte rendu détaillé, avec les indications techniques, les pesées, les durées, et cetera, mais aussi des interprétations techniques, scientifiques, historiques, terminologiques, et cetera.
Tout ce qui sera écrit là sera référencé, et, d'autre part, le projet de compte-rendu sera envoyé  aux participants avant diffusion, et c'est le compte rendu corrigé, validé, qui sera finalement mis en ligne.

mercredi 26 novembre 2025

Analyser une formule

 
Je reçois aujourd'hui un message amical, assorti d'une question :

Je m'interrogeais sur la problématique suivante : comment fait-on pour analyser la contenance d'arômes dans un produit ? Imaginons une entreprise qui souhaite copier le goût du soda phare de son concurrent, quelles techniques utilise-t-elle pour lister tous les produits présents dedans ? Existe-t-il des techniques plus rigoureuses qu'un nez bien aiguisé ?

Comment fait-on pour analyser la "contenance d'arômes" dans un produit ?

Je crois que la première chose est de bien comprendre la question... et je dis cela d'emblée parce que le mot "arôme" est piégé. Un arôme, en bon français, c'est l'odeur d'un aromate ou d'une plante aromatique. Pas d'une boisson, pas d'un soda, pas d'une viande...

Je vais donc répondre plutôt à la question : comment connaître la composition chimique d'un aliment, et, notamment, sa composition en composés odorants. Dans tous les aliments, mais aussi dans les boissons et dans les sodas, il y a des composés variés, le principal étant l'eau, mais il y a aussi des protéines, des lipides, des glucides...
Connaître la composition d'un produit, cela signifie déterminer ces compositions qui sont principales.
Puis il y a de nombreux composés qui ont des effets sensoriels. Et, là, il est bon de distinguer les composés qui agissent sur des récepteurs visuels (couleur), ceux qui agissent sur les récepteurs olfactifs, sur les récepteurs de la saveur, sur les récepteurs du nerf trijumeau (piquants et frais), etc.

D'ailleurs, il faut observer que les molécules ne sont pas spécifiques de voies sensorielles  : certains composés sont à la fois odorants et sapides, d'autres odorants et frais, etc.

Un exemple ? L'éthanol, ou alcool des vins, bières, spiritueux, est un composé à la fois brûlant, odorant, sapide. Le (-)-menthol, présent dans la menthe, est à la fois odorant (odeur de menthe) et frais. Tout cela étant dit, il y a donc des composés qui sont suffisamment volatils pour arriver jusqu'aux récepteurs olfactifs du nez, soit qu'ils arrivent quand on hume, soit qu'ils passent par les fosses rétronasales, où la bouche communique avec le nez (voie dite "rétronasale"). Ce sont les mêmes composés "odorants", dans les deux cas.

Et les "arômes" sont les odeurs particulières des aromates, dus à des composés odorants.

Les déterminer ? C'est aujourd'hui une analyse classique (je n'ai pas dit que ce soit rapide), qui consiste - par exemple- à enfermer un produit dans un récipient fermé, en présence d'une fibre : les composés odorants libérés par le produit passent dans l'air du récipient, et s'adsorbent (se collent, en quelque sorte) sur la fibre. Puis on "désorbe" ces composés odorants dans un appareil de "chromatographie en phase gazeuse couplé à de la spectrométrie de masse", ce qui signifie que la fibre est placée à l'entrée d'un tube très long (plusieurs dizaines de mètres) et très fin (comme un cheveu) ; à l'aide d'un gaz (par exemple de l'hélium ou de l'hydrogène), on pousse les molécules désorbées dans le tube, de sorte que, en raison de leurs interactions différentes avec des particules qui emplissent le tube, on fait avancer les molécules des divers composés odorants à des vitesses différentes : elles arrivent séparées à la sortie de cette "colonne de chromatographie". A la sortie de la colonne de chromatographie, ces molécules séparées sont envoyées dans le "spectromètre de masse", qui les charge électriquement et les sépare en fonction de leur masse et de leur charge électrique : des séparations, on déduit la nature chimique des composés séparés. Bref, on détermine la composition de l'odeur d'un produit en composés odorants.

Reste que le goût d'un produit, c'est bien plus que son odeur, anténasale (quand on hume) ou rétronasale (quand on mastique, et que les composés odorants remontent vers le nez, en passant par les canaux qui font communiquer le nez et la bouche). Il y a notamment les composés sapides, qui se lient aux récepteurs des papilles. Ces papilles que l'on dit "gustatives", et que l'on ferait mieux de dire "sapictives". Là, ces composés sont principalement en solution, et ils passent de l'eau de l'aliment vers la salive, avant d'atteindre les récepteurs des papilles.

Les analyser ? Des techniques analogues à la première sont utilisables, mais d'autres, aussi. Et puis, il y a les composés qui se lient aux récepteurs du nerf trijumeau, suscitant des fraîcheurs et des piquants. On les trouve soit dans la fraction liquide, soit dans la fraction odorante. D'ailleurs, j'ai omis de dire que, pour comprendre l'effet de chaque composé séparé lors de l'analyse, on peut le faire sentir, à mesure qu'il sort, par un juré, qui attribue un "descripteur".

Tout est-il réglé ? Non, parce que, malgré les extraordinaires performances des appareils d'analyse, il existe des "composés traces", c'est-à-dire des composés présents en très petite quantité, mais qui ont une grande influence sensorielle. Pour ceux là, il faut des étapes préliminaires de concentration, notamment. Et c'est ainsi que, récupérant des tables de compositions, les bons parfumeurs savent reproduire presque n'importe quelle odeur, non pas en utilisant les centaines de composés identifiés, mais en assemblant une dizaine des principaux.

C'est ainsi que j'ai reçu d'un merveilleux professionnel, Roman Kayser, qui travaille pour la Société Givaudan, des reproductions de Haut-Brion 1985, de Gewurtztraminer vendanges tardives, etc. Mais, pour des applications industrielles, un nombre de composés entre 1 et 10 suffit.

J'insiste un peu sur l'état actuel des questions analytiques : sortent, semaine après semaine, dans des revues de sciences et technologies des aliments, des articles qui établissent l'odeur de différents aliments : tout récemment le durian, le riesling stocké pendant 10 ans, des thés, etc. Le flot est interrompu, parce que la technique est maintenant bien maîtrisée.

Pour autant, c'est un vrai savoir faire que de "formuler" les composés odorants, parce qu'il y a des "effets de matrice". Pour les expliquer, prenons l'exemple des molécules d'amylose (présentes dans les féculents) : elles se mettent en hélice autour des composés odorants, de sorte que la libération de composés que l'on aurait formulés ne se fait alors pas librement. Or le décours temporel de la libération des composés odorants est essentielle, comme on le comprend en imaginant un mélange fait de deux composés, la vanilline, qui a une odeur de vanille, et le benzaldéhyde, qui a une odeur d'amande amère. Si on libère les deux composés ensemble, on a une odeur particulière, mais si on libère d'abord la vanilline et plus tard le benzaldéhyde, alors on sent d'abord la vanille puis l'amande amère, mais pas l'odeur du mélange qui était visée.

On voit donc combien les effets de matrice sont essentiels, et c'est bien un savoir faire des formulateurs de compositions odorantes que de parvenir à donner une odeur sur mesure à une préparation particulière.

mardi 25 novembre 2025

Il faut distribuer très largement le texte suivant



Par ces temps de plomb où l'argent tient lieu de valeur morale, par ces temps de confusion de direction de la science et de son exercice bien fait, par ces temps de confusion de la science et de la technologie, il y a lieu de relire le discours prononcé par Albert Einstein pour le soixantième anniversaire de Max Planck :

Le Temple de la Science se présente comme une construction à mille formes. Les hommes qui le fréquentent ainsi que les motivations morales qui y conduisent se révèlent tous différents. L
’un s’adonne à la Science dans le sentiment de bonheur que lui procure cette puissance intellectuelle supérieure. Pour lui la Science se découvre le sport adéquat, la vie débordante d’énergie, la réalisation de toutes les ambitions. Ainsi doit-elle se manifester!
Mais beaucoup d’autres se rencontrent également en ce Temple qui, exclusivement pour une raison utilitaire, n’offrent en contrepartie que leur substance cérébrale! Si un ange de Dieu apparaissait et chassait du Temple tous les hommes qui font partie de ces deux catégories, ce Temple se viderait de façon significative mais on y trouverait encore tout de même des hommes du passé et du présent.
Parmi ceux-là nous trouverions notre Planck. C’est pour cela que nous l’aimons.
Je sais bien que, par notre apparition, nous avons chassé d’un coeur léger beaucoup d’hommes de valeur qui ont édifié le Temple de la Science pour une grande, peut-être pour la plus grande partie. Pour notre ange, la décision à prendre serait bien difficile dans grand nombre de cas.
Mais une constatation s’impose à moi. II n’y aurait eu que des individus comme ceux qui ont été exclus, eh bien le Temple ne se serait pas édifié, tout autant qu’une forêt ne peut se développer si elle n’est constituée que de plantes grimpantes! En réalité ces individus se contentent de n’importe quel théâtre pour leur activité. Les circonstances extérieures décideront de leur carrière d’ingénieur, d’officier, de commerçant ou de scientifique. Mais regardons à nouveau ceux qui ont trouvé grâce aux yeux de l’ange. Ils se révèlent singuliers, peu communicatifs, solitaires et malgré ces points communs se ressemblent moins entre eux que ceux qui ont été expulsés.
Qu’est-ce qui les a conduits au Temple? La réponse n’est pas facile à fournir et ne peut assurément pas s’appliquer uniformément à tous.
Mais d’abord en premier lieu, avec Schopenhauer, je m’imagine qu’une des motivations les plus puissantes qui incitent à une oeuvre artistique ou scientifique, consiste en une volonté d’évasion du quotidien dans sa rigueur cruelle et sa monotonie désespérante, en un besoin d’échapper aux chaînes des désirs propres éternellement instables.
Cela pousse les êtres sensibles à se dégager de leur existence personnelle pour chercher l’univers de la contemplation et de la compréhension objectives.
Cette motivation ressemble à la nostalgie qui attire le citadin loin de son environnement bruyant et compliqué vers les paisibles paysages de la haute montagne, où le regard vagabonde à travers une atmosphère calme et pure, et se perd dans les perspectives reposantes semblant avoir été créées pour l’éternité.
A cette motivation d’ordre négatif s’en associe une autre plus positive. L’homme cherche à se former de quelque manière que ce soit, mais selon sa propre logique, une image du monde simple et claire. Ainsi surmonte-t-il l’univers du vécu parce qu’il s’efforce dans une certaine mesure de le remplacer par cette image. Chacun à sa façon procède de cette manière, qu’il s’agisse d’un peintre, d’un poète, d’un philosophe spéculatif ou d’un physicien.
A cette image et sa réalisation il consacre l’essentiel de sa vie affective pour acquérir ainsi la paix et la force qu’il ne peut pas obtenir dans les limites trop restreintes de l’expérience tourbillonnante et subjective.

Munis de cet éclairage, regardons autour de nous, dans les laboratoires, les universités, les instituts de "recherche" (un mot merveilleux qui est malheureusement dévoyé quand il est utilisé pour confondre, et non pour discerner mieux)... Que voyons-nous ?

lundi 24 novembre 2025

Je veux surtout frayer avec des gens gentils

 

1. Discutant avec un collègue d'un comité éditorial, nous évoquons le cas de ces rapporteurs qui mêlent des jugements de valeurs désobligeants aux critiques fondées qu'ils peuvent faire.

2. Mais, pour expliquer la question, il faut reprendre à la base & expliquer que quand un manuscrit est soumis à une revue, le secrétariat de rédaction confie à un éditeur le soin de chercher deux rapporteurs, qui vont donc lire le manuscrit & en faire une analyse.
Il y a des situations variées, notamment certaines revues veulent simplement une évaluation du manuscrit, mais généralement, les rapporteurs doivent analyser le texte ligne à ligne & identifier toutes les corrections qui devront être faites pour que le texte soit publiable par la revue.

3. C'est là où commence la difficulté car "analyse critique" ne signifie pas critique, mais seulement dépistage factuel d'erreurs de tous ordres : les rapporteurs doivent relever les erreurs, les imprécisions, etc., & cela concerne tout aussi bien le projet scientifique que les fautes d'orthographe.

4. Or la communauté scientifique sait très bien qu'il y a l'écueil de ces rapporteurs qui mêlent des jugements de valeurs à leurs analyses, & cela n'est pas bon : on a le droit de signaler beaucoup d'erreurs, mais on n'a pas le droit de dire que l'article est "mauvais",  & c'est donc la tâche de l'éditeur que de gommer ces phrases qui peuvent être selon les cas méprisantes, désobligeantes, déplacées, hors de propos... sachant de surcroît que, comme je le montrerai dans un autre billet, les rapporteurs ne sont pas parfaits, loin s'en faut.

5. Il y a donc lieu d'être prudent quand on est éditeur d'un article à propos de ce que l'on transmets aux auteurs, & c'est là que notre discussion d'aujourd'hui commence : mon collègue avec qui je discutais me disait que, étant scientifiques, nous ne devons pas avoir à craindre les blessures narcissiques &  que tout cela n'est pas très grave.

6. Je m'oppose absolument à cette idée & non pas seulement pour ce qui me concerne mais surtout pour tous les jeunes scientifiques nous voulons encourager. Ce n'est pas en tapant sur les cornes de l'escargot qu'on lui permettra d'avancer, ce n'est pas en blessant nos amis que nous créerons une communauté soudée, amicale, cohérente...

7. D'autant que les rapporteurs sont loin d'être parfaits, & que, bien souvent, on voit des commentaires fautifs !

8. Mon collègue, à qui je réponds cela, me rétorque que si l'on récuse ces rapporteurs déplaisants, personne n'acceptera plus de faire le travail de rapporteur...
Mais pas du tout : c'est seulement que nous n'aurons plus ces rapporteurs détestables, & ce sera tant mieux !

9. En tout cas, il n'y a pas lieu d'encourager un état d'esprit agressif, dans les évaluations (terme mal choisi) de manuscrits. Au contraire, il faut enseigner (je dis bien "enseigner") à nos collègues à être civils, gentils, indulgents, encourageants...

10. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais moi-même publié un article qui disait en substance que nous avions moins besoin d'évaluations que d'analyse des manuscrits & de conseils à donner aux auteurs pour qu'ils améliorent ces derniers jusqu'au point de les rendre publiables.

11. Et, en disant cela, je ne cède en rien sur la qualité des textes publiés, qui doit être parfaite. Il doit y avoir autant d'aller-retours que nécessaires pour arriver à la publication, & il est hors de question de publier des articles scientifiques insuffisants.

12. Le jugement des textes par les pairs est un bon principe, qu'il faut conserver (en plus du double anonymat ; voir https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/lanalyse-critique-des-manuscrits-et-les-conseils-damelioration-donnes, et améliorer. Pour cela, il faut encourager la gentillesse, l'intelligence, la droiture... & les qualités scientifiques.

Vient de paraître

 

Hervé This, Cuisiner, entre fermeté et tendreté… mais avec tendresse, Nutrition Infos, N°87, octobre-novembre-décembre 2025, pp. 30-32.

Hervé This, Au nom du plat, Charcuterie&Gastronomie, N°509, Décembre 2025, pp. 46-48.

dimanche 23 novembre 2025

Savez-vous vraiment organiser une conférence ?

Un conseil à mes jeunes amis qui organisent des conférences : anticiper tout ce qui ne va pas, tout ce qui peut ne pas aller, tout ce qui n'ira pas.

Je commence par une comparaison avec le remplissage de l'aimant d'un spectroscope de résonance magnétique nucléaire (RMN) avec de l'azote liquide, ce que je fais chaque semaine. Il s'agit de quelque chose de simple : on se procure de l'azote liquide, livré dans un gros bidon, on relie ce dernier par un tuyau souple à une entrée du réservoir d'azote liquide dans la partie de la machine qui sert d'aimant (mais c'est secondaire), et l'on utilise un gaz (qui est du diazote gazeux, dans une bouteille), pour pousser le liquide du bidon vers l'aimant. 

 

Derrière cette description volontairement simplifiée (toujours le gros avant le détail), il y a de nombreuses précisions à donner et c'est la considération de ces dernière qui a permis que, pour la même machine, avec la même type de configuration, ceux qui faisait le remplissage avant moi mettaient 50 minutes et remplissaient deux fois par semaine, tandis que je ne mets plus que 11 minutes en remplissant une fois par semaine... ... ce qui réduit considérablement les risques, en plus de coûter moins cher, et de gagner du temps.

Comment cela est-ce possible ? Quand j'ai dû prendre en charge en la machine, j'ai cherché à comprendre ce que nous faisions et j'ai agit en conséquence.

Par exemple, plus qu'il s'agit de pousser du gaz, on comprend qu'il faille que le circuit soit étanche, sans quoi le gaz fuit et l'on ne pousse rien.
D'où un certain nombre d'actions correctrice qui ont permis d'arriver là où nous en sommes : éviter les fuites à la bonbonne de gaz, entre la bonbonne et le bidon d'azote liquide, à la sortie de ce bidon, à l'entrée dans l'aimant. J'insiste un peu : on voit bien que c'est la compréhension de la chose qui permet de faire mieux.

Mais, il est arrivé tant de catastrophes, pendant nos différents remplissage depuis plusieurs années, que les descriptions précédents sont loin de suffire.
Par exemple, il est arrivé que le bidon de soit pas livré à date.
Il est arrivé que le tuyau en plastique avec lequel le remplissage se fait a éclaté pendant le remplissage. Il est arrivé que la bonbonne de gaz soit vide en cours de remplissage.
Il est arrivé que, malgré nos soins, le système d'étanchéification ne soit pas étanche.
Il est arrivé qu'il y ait un bouchon de glace dans la machine, ce qui bloquait l'entrée de l'azote liquide.

Et j'en passe ! J'en passe, parce que je veux maintenant arriver j'arrive à la conclusion de cette comparaison initiale : il y a quelques années, un jeune ami impétueux de notre groupe de recherche m'a vu faire deux fois ce remplissage et il m'a dit vouloir faire le remplissage suivant. Pourquoi pas, mais en était-il capable ? En l'occurrence, certainement pas, pour celui-là en particulier, notamment parce qu'il avait ce défaut considérable de voir trop court. Et c'est ainsi que, sachant qu'il était incapable de faire l'opération, j'ai voulu lui donner une leçon : je l'ai laissé commencer l'installation, mais à un moment, avant de faire couler l'azote liquide, je lui ai demandé ce qu'il ferait si le tuyau en caoutchouc cassait ? Comme il ne savait pas que le tuyau puisse casser, il n'avait évidemment pas envisagé une action rapide à mettre en oeuvre.
J'en ai rajouté une couche, en lui demandant ce qu'il ferait s'il y avait un bouchon de glace dans la machine, et là encore, il n'avait aucune idée de la chose.
De sorte que je l'ai en quelque sorte renvoyé à ses études, en lui faisant comprendre que, à l'avenir, il ferait mieux d'être moins prétentieux et plus réfléchi.

Mais la vraie conclusion de toute cette affaire, c'est que nous sommes tous un peu comme lui, et que nous devons apprendre à voir plus loin que le bout de notre nez.

Je peux enfin, maintenant, en arriver à la question de l'organisation des séminaires, des conférences.

J'y arrive, parce que, hier, alors que nous organisions une conférence avec quelques amis, nous avons eu une série de catastrophes... comme il y en a toujours. La veille, tout d'abord, l'un des conférenciers m'a signalé par email qu'il avait un problème d'emploi du temps et qu'il ne pourrait pas faire la conférence prévue. Point final. Sans échappatoire.

Je lui ai dit d'abord répondu que nous pouvions changer l'horaire et là encore il n'a pas accepté, puisque, en réalité, je pense qu'il n'avait rien préparé.

Je lui ai également demandé s'il pouvait se faire remplacer, mais bien sûr aucun remplacement était possible puisque c'était une personne tout à fait exceptionnelle ;-).

Comme j'avais une conférence déjà presque prête, je l'ai finie, et nous avons rétabli le programme.

Mais le matin même de la conférence, je reçois un email d'un autre orateur programmé, me disant qu'il y avait un tremblement de terre dans son pays et qu'il n'avait plus d'électricité.

Dans ces cas-là, cela ne sert à rien de se stresser, et la solution la plus évidente était donc de raccourcir la conférence, en oubliant cette intervention.

Mais, prudent, je me suis mis à contacter tous les autres conférenciers, bien qu'ils aient été contacté une semaine plus tôt, et bien m'en a pris, car un troisième conférencier m'a dit avoir un empêchement. Là, nous avons pu chambouler l'organisation pour lui trouver un moment adéquat.

Et finalement, puisque c'était une conférence par internet, nous avons encore eu les habituels problème de connexion, à savoir que le lien qui nous avions distribué à tous pour se connecter n'a pas fonctionné, alors qu'il avait été prévu deux mois plus tôt.

Tout cela étant réglé, la conférence a commencé à l'heure, et ceux qui se sont connectés n'ont rien vu de grave : tout s'est passé apparemment comme il fallait.

Croyez-moi : je sais qu'il se passe tout cela chaque fois ou presque, c'est la raison pour laquelle je prépare les choses à l'avance, la réponse la raison pour laquelle j'envoie des messages, et je renvoie des messages, avec des accusés de réception.

Mais je sais aussi que cela ne suffit pas : comme pour le tuyau en caoutchouc qui peut éclater lors d'un remplissage liquide, il y a donc lieu d'avoir des ceintures et des bretelles, et il l'on peut être sûr que s'appliquera la "loi du petit Wolfgang", qui stipule qu'il y aura une proportion de gens pénible constante, régulière, certaine... et qu'il faut tenir compte de cela dans une organisation, sans quoi on est un médiocre organisateur.

Bien sûr, il est facile de mettre des noms sur un papier et de demander à des personnes une fois si elles acceptent de faire une conférence, mais cela n'est pas "organiser une conférence".

Organiser une conférence, c'est envisager le pire, très positivement, et observer que, quand une conférence que l'on organise ne pose pas de problème, c'est une sorte de miracle qu'il faut célébrer (au crémant d'Alsace, par exemple).

samedi 22 novembre 2025

Continuer à se former quand on est déjà engagé dans la vie professionnelle ?

 
Un correspondant m'interroge : 

Comment à continuer à se former quand on est déjà engagé dans la vie professionnelle ?

La question ne se pose pas seulement à ceux qui arrêtent leurs études au brevet, car il n'y a pas de réelle différence par rapport à ceux qui arrêtent au baccalauréat, ou à la licence, ou au master, où à la thèse, par exemple.

La question est la même pour tous, et pour tous les métiers. D'ailleurs, dans mon énumération précédente, je me suis arrêté à la thèse, mais il faut évidemment poursuivre avec l'activité professionnelle : bien sûr, on peut exercer un métier et vouloir l'exercer toujours de la même façon, mais je ne parviens pas à penser que, dans nombre de cas, cela soit assez amusant pour qu'on y passe une vie.

Certes on peut vouloir s'améliorer progressivement, tel le tailleur de pierre qui devient progressivement mieux capable de doser le coup de maillet, tel le peintre qui maîtrise de mieux en mieux la peinture... Mais même ces métiers où l'habileté nécessite un entraînement constant ne peuvent échapper à un mouvement de transformation.

Par exemple, le peintre ne broie plus ses couleurs, et les produits qu'il achète évoluent... sans compter des évolutions indispensables : le blanc de céruse, épouvantablement toxique, a été heureusement remplacé, interdit, et un peintre qui voudrait l'utiliser ne le pourrait plus et ne le devrais pas.

Un tailleur de pierre ? Dans la mesure où il travaille en communauté, il est comme un laborantin qui expose les autres à ses propres actions, de sorte qu'il a une responsabilité : ne pas dégager des poussières comme jadis, à ne pas mettre en danger ses collègues par des pratiques ancestrales...

Bref, il y a donc la nécessité de connaître les transformations du monde, et c'est cela a minima, la formation continue. Je sais, d'autre part, qu'il existe des personnes qui font leur travail, et cela seulement ; oui, des personnes qui travaillent, qui s'arrêtent à la fin de la journée et reprennent leur travail à l'identique le lendemain... mais que font-ils de cette citation de Brillat-Savarin "L'âme, cause toujours active de perfectibilité" ?

Je ne parviens pas à penser que je puisse admirer les individus routiniers, et je préfère consacrer ce billet à la question méthodologique de la formation continuée : comment faire cette formation ?

Et là , je m'émerveille qu'au 21e siècle, le partage de l'information ne permette plus à des "castes" de préserver leur secret. Cette question des secrets techniques n'est pas ancienne, puisque Joseph Favre, auteur du Dictionnaire universel de cuisine, au 19e siècle, reçut des menaces de ses collègues parce qu'il donnait aux "ménagères" la possibilité d'évaluer le travail de leur cuisinier et d'éviter la valse de l'ance du panier.

Il donnait de la connaissance, alors qu'une caste voulait protéger ses secrets. Et ce que je dit d'hier demeure aujourd'hui, en cuisine notamment, comme je peux en témoigner.

Mais bref, il y a maintenant des possibilités merveilleuses de trouver de l'information... mais il y a la nécessité de savoir ce que vaut cette information à disposition de tous.

Nombre de podcasts culinaires avancent des idées techniques fausses : cela va de la pincée de sel dans les blancs d'oeufs que l'on monte en neige à la réalisation de mayonnaise, et, toutes ces "précisions culinaires" que nous testons depuis des décennies.

De même pour le jardinage, où n'importe qui pourra se rendre compte de la cacophonie : par exemple, à propos de bouturage de rosiers, on s'amusera de voir que certains proposent de l'hormone de bouturage, d'autres préconisent de ne pas en mettre, certains proposent d'enterrer à un oeil, d'autres à deux yeux, certains proposent de planter la tête en bas, d'autres pas, et ainsi de suite quasiment à l'infini.

Comme en cuisine, chacun a sa recette... et personne ne donne de justification à l'exception d'une expérience très idiosyncratique, très limitée, sans référence, avec seulement des arguments d'autorité qui ne valent donc rien.

En réalité il y a lieu de prendre les choses de plus loin et de poser deux questions. Tout d'abord qu'apprendre ? Ensuite où trouver la bonne information ?

La nature de ce qu'on va apprendre est bien difficile à définir, comme je l'avais indiqué dans un billet précédent, sur les lois de la réfraction, mais on pourra quand même observer qu'il n'est peut-être pas nécessaire de refaire un travail de sélection qui a été fait par les inspecteurs de l'éducation nationale et les commissions des programmes : si l'on a arrêté ses études au brevet des collèges, alors on peut avoir l'envie d'apprendre ce qui a été donné à d'autres par la suite, au lycée.

Là, la réponse à la seconde question est vite trouvée : le contenu des référentiels est public, sur le site de l'Education nationale, et la présentation des notions fait l'objet des manuels, qui ont été préparé par des équipes de professeurs qui ont longuement discuté la présentation, la façon didactique de transmettre les notions.

Cette analyse vaut tout aussi bien pour ceux qui sont arrêtés au baccalauréat et qui voudraient poursuivre : ils trouveront en ligne, sur les sites universitaires, les référentiels des licences, des masters, à savoir les informations qu'ils peuvent avoir à cœur d'apprendre, chacun selon leurs envies, leurs goûts, le temps disponible... Dans ces formations continuées, les revues de vulgarisation sont importantes, parce qu'elle présente les notions les plus actuelles, mais assorties des informations nécessaires pour arriver à la compréhension des nouveautés.

Il y a là un travail très important et une grande responsabilité pour ces revues, et c'est la raison pour laquelle j'y ai travaillé pendant si longtemps, avec une volonté politique très ferme, très semblable à celle des philosophes des Lumières qui ont élaboré l'Encyclopédie.

À ce propos de la vulgarisation, il y en a deux sortes : celle qui vise à dire (en substance) "la fusée à décollé" et celle qui explique comment on a réussi à faire décoller une fusée. On comprend que je préfère de beaucoup la seconde manière, car non seulement elle donne les moyens de la preuve, mais de surcroît elle donne des informations complémentaires, qui évitent de nous entraîner à supporter des faits plats et bêtes. Le fait qu'une fusée ait décollé relève surtout de la formation politique que technologique, et ne nous pas beaucoup grandir. D'ailleurs, je ne parviens pas à penser que la vulgarisation soit utile si elle ne donne pas aussi une "compétence", en plus des connaissances. Bien sûr, toute cette réflexion doit être poursuivie !

vendredi 21 novembre 2025

La structure des articles scientifiques

 
C'est amusant de voir qu'aujourd'hui, pour les sciences de la nature, la structure conventionnelle des articles scientifiques est parfois considérée comme un carcan, alors que sa mise au point progressive a été un progrès extraordinaire, une innovation merveilleuse.

Jadis, les articles scientifiques étaient de très longues descriptions d'expériences, avec des mots, des phrases interminables, et chacun devait en quelque sorte inventer la structure de son récit.

Progressivement, on en est arrivé à une structure qui est la suivante : les articles ont un titre ; puis on indique les auteurs, assortis de leur affiliation ; suit un résumé, des mots clés, puis une introduction, une partie qui décrit les matériels et les méthodes, avant d'arriver aux résultats, ces derniers étant ensuite discutés avant que l'on conclue, que l'on imagine des perspectives, et que l'on termine par des références indispensables.

Je propose d'observer que cette structure est rationnelle.

Tout d'abord, il y a le titre, qui est "efficace" : on sait aussitôt ce que l'on pourra trouver, on sait si le sujet est celui qui nous intéresse. Ensuite les indications des auteurs sont importantes, parce qu'elles reconnaissent la paternité d'un travail, qu'elles le remettent dans un contexte d'une oeuvre, qu'elles nous signalent un collègue intéressant, dont nous irons éventuellement lire d'autres articles.

Je ne saurais dénoncer assez énergiquement les revues qui indiquent les auteurs en fin d'article, ce qui force les lecteurs à s'y reporter avant de revenir lire le texte.
Et puis, il y a un peu de mépris, en quelque sorte, à ne pas reconnaitre immédiatement les auteurs d'un travail.

Le résumé en début de document est utile, on s'en aperçoit quotidiennement, car il précise un peu le titre, de façon rapide, et permet d'éviter de se lancer dans des lectures qui nous intéresseraient pas vraiment. Les mots clés aussi, sont importants, car ils permettent les indexations, les rangements dans des bibliothèques, mais leur place est de moindre importance, car ils correspondent maintenant à des objets numériques.

L'introduction est manifestement indispensable en début de texte, parce qu'elle annonce la question, le travail, la structure du texte : ne pas donner ces informations, ce serait comme tirer derrière nous des personnes sans leur expliquer où l'on veut les conduire et pourquoi.
Bref, il y a lieu d'expliquer le contexte, de situer la question étudiée dans un ensemble de connaissances plus vaste, de montrer des relations entre les expériences effectuées et la question posée, et ainsi de suite, mais je n'insiste pas ici, parce que j'ai déjà traité cela ailleurs.

Vient ensuite la partie qui dérit les matériels et les méthodes. Là, c'est tout à fait indispensable, parce qu'un résultat sans la description fine des matériels des méthodes qui y ont conduit ne vaut rien.
Donner un résultat de mesure sans indication de l'incertitude de mesure, par exemple, c'est nul, et notamment parce que l'on ne pourra pas rapporter ce résultat à un autre, à le comparer.

Les résultats : il faut les donner, mais on aurait peut-être intérêt à le faire en deux fois : d'abord exposer rapidement, au premier ordre, les résultats, puis entrer ensuite plus dans les détails. Les discussions ne peuvent venir qu'après, et être séparées des résultats, car ce sont des interprétations, d'un autre ordre que des résultats.

Là, c'est le moment de faire véritablement œuvre scientifique, et ne pas se contenter de dire que l'on retrouve des choses qui ont déjà été observées... sans quoi le travail ne sert pas à grand chose... mais je me suis exprimé à ce propos.

Vient alors le moment de conclure, ce qui se fait mieux si l'on envisage positivement des perspectives. Et l'on termine avec les références qui doivent être nombreuses : chaque fait, chaque idée, chaque résultat qui est donné doit être parfaitement justifié, et part de bonnes références.

Je suis très opposé aux revues qui limitent le nombre des références que l'on peut donner, car si beaucoup de référence s'imposent, elle s'imposent ; et autant les questions de place, de papier à imprimer, étaient importantes naguères, autant elles sont devenues obsolètes aujourd'hui.

Bien sûr, on pourrait s'amuser à changer l'ordre de tout cela mais j'espère avoir montré qu'il y a une grande cohérence, un grand progrès. Il faut dire et redire que l'analyse des publications du passé montre combien notre structuration moderne est utile pour les lecteurs, efficace en terme de communication scientifique.

Je ne dis pas qu'on peut pas faire mieux, mais j'observe quand même que nos amis les plus originaux ont fort à faire avant de trouver mieux. Et s'ils trouvent vraiment mieux, je serai le premier a populariser leurs idées.

Car il y a des tas de questions que l'on peut se poser : à propos de la représentation des molécules, à propos de la communication des résultats d'un spectre...

Au fond, pour chacune de ces questions, il faut de l'intelligence, afin de faciliter la lecture : pour nos amis qui nous lisent, déroulons le tapis rouge.

jeudi 20 novembre 2025

Tel est pris qui croyait prendre... mais on sort par le haut



J'ai souvent dit que la science ne doit servir à rien (on va voir ce que cela signifie) et j'entends un ami, qui m'a écouté, me dire que la science ne sert à rien.

Je suis évidemment offusqué, car, étant de ceux qui sont soucieux de la façon dans l'argent public est dépensé, je ne peux évidemment pas admettre que l'on puisse croire que les sciences de la nature dépensent l'argent du contribuable en pure perte !

C'est donc une mauvaise formulation que j'utilisais, et que je me promets de corriger.

Mais il faut aussi expliquer à mes amis qui m'avaient mal interprétés pourquoi la science est utile, et ce que je voulais dire en ne lui attribuant pas d'objectif... autre que la découverte !

Enfin, nous chercherons une formulation améliorée, qui ne conduira plus à des confusions.

Commençons donc par expliquer ma déclaration.

Et précisons tout d'abord que je ne considère ici que les sciences que je connais, à savoir les sciences de la nature. Ma déclaration se fonde sur le fait que, suivant de nombreux Grands Anciens (Lavoisier, Pasteur, Einstein, etc.), je fais une différence très nette entre les sciences de la nature et les applications de ces sciences.

Ainsi la technologie, qui vise les applications techniques, se soucie non pas de chercher le mécanisme des phénomènes, mais des perfectionnement des techniques. Et les questions posées par la technologie sont inspirés de ce questionnement de la rénovation des techniques.

Pour les sciences de la nature, il en va différemment, puisque l'objectif est de faire des découvertes : de trouver ce que l'on n'imagine même pas !

J'ai expliqué ailleurs, dans des billets relatifs à la stratégie de la recherche scientifique, pourquoi il était difficile de savoir a priori où chercher et, de fait, il ne me semble pas légitime de recourir à des questions technologiques pour faire des découvertes : non seulement l'objectif n'est pas le même, mais, surtout, il n'y a aucune garantie que la recherche dans les champs identifiés par la technologie puisse être couronnée par la découverte !

Au mieux, on aura résolu le problème technologique, mais on n'aura pas fait ce qui relève de la mission des sciences de la nature.

Pour mieux me faire comprendre de mes amis, je prends parfois l'exemple du GPS, dont le fonctionnement repose sur la théorie de la relativité. Le questionnement d'Albert Einstein, quand il était en chemin vers la théorie de la relativité, n'était certainement pas de localiser le possesseur d'un téléphone portable sur le globe terrestre.
De façon bien plus fondamentale, sans imaginer la moindre application a priori, il voulait comprendre les phénomènes de l'inertie, la raison pour laquelle la vitesse de la lumière est maximale, comment les vitesses s'ajoutent...
J'insiste : Einstein ne voulais pas a priori, dans sa dans ses travaux, chercher les applications.
Pourtant, quand les technologue ont eu les moyens (l'électronique, l'informatique) et les idées d'améliorer la technique, ils l'ont fait, en se fondant sur les travaux de la relativité.

Avec cet exemple, on voit bien là les mouvements très différents des sciences de la nature et de la technologie. Les sciences de la nature n'ont aucun intérêt, aucune garantie de succès, dans la technologie, et la technologie d'ailleurs, n'a pas intérêt à passer son temps à faire de la science, sans quoi elle oublierait son objectif qui est le perfectionnement technique.

Cela étant dit, il faut aussi ajouter que les applications techniques ne sont pas les seules applications des sciences de la nature. Savoir que la Terre n'est pas plate est une de ces connaissances qui ont permis à l'humanité de ne plus croire le monde régi par des dieux envoyant la foudre, la tempête ; qui ont permis de lutter contre les superstitions, lesquelles font souvent le lit des tyrannies.

Il n'est pas "inutile", du point de vue de notre humanitude, de savoir que la Terre tourne autour du Soleil, et non l'inverse. Nos connaissances nous font véritablement humains, et les connaissances scientifiques sont en quelque sorte l'honneur de l'esprit humain (comme le disait le mathématicien Jean Dieudonné à propos des mathématiques).

Deux types d'applications, donc... au moins : les applications didactiques, les applications techniques... Mais j'en passe : la rationalité, les méthodes, etc. Et il faut maintenant que j'arrive à la question de dire les sciences. Au fond, au lieu d'être négatif, ne pourrait-on pas simplement dire, positivement, qu'elles cherchent les mécanismes des phénomènes, par une méthode que j'ai décrite ailleurs ? Qu'elles produisent des théories en constante amélioration ? Quel bonheur : du négatif inexact transformé en positif utile à la compréhension. Décidément, je reste sur ce point de vue.

mercredi 19 novembre 2025

L'intérêt de la théorie

 
"De la théorie"... L'expression est parfois dite péjorativement, alors que ce sont bien les considérations théoriques qui permettent au praticien de progresser !

A ce propos, je me souviens des revendications d'élèves d'une grande école d'ingénieurs, qui disaient qu'ils auraient préféré que leurs études soient des stages, puisque c'est là -disaient-ils- qu'ils apprenaient le plus.
Pour répondre métaphoriquement à ce propos, je propose de considérer la confection de sablés : j'espère que l'on me pardonnera d'être si prosaïque, en considérant que je sais au moins ce dont je parle.

Bref, restons au niveau pratique, et cherchons à faire des sablés.

On trouve mille recettes, et d'autant plus que n'importe qui, aujourd'hui, fait un site et y met son "savoir". En matière de cuisine, il y a donc de tout, des amateurs, des étudiants qui valorisent des travaux, des professionnels, des institutions... Et finalement, on est bien perdu... d'autant que le nombre d'erreurs est considérable. A ce propos, on reviendra vers mon analyse des pâtes à foncer pour bien voir combien la cacophonie est assourdissante, avec des manuels... qui ne méritent pas d'être préconisés pour l'enseignement tant ils sont erronés.

Si l'on reste au niveau pratique, comment séparer le bon grain de l'ivraie ? L'expérience ? On ne pourra en faire que quelques unes, alors que la diversité des paramètres est considérable : la quantité de farine, la quantité de beurre, la quantité de sucre, la quantité d'oeuf, l'ordre d'incorporation des ingrédients, leur température, leur qualité, leur emploi, leur travail, leur cuisson...

Manifestement, il y a trop de possibilités pour que les praticiens puissent s'y retrouver... sans théorie ! Or, en l'occurrence, les idées théoriques sont simples : - de l'eau ajoutée à de la farine permet de ponter les protéines et de faire un réseau visco-élastique de "gluten" - l'oeuf coagule à la chaleur - le sucre permet de capter l'eau, jusqu'à défaire le réseau de gluten - le sucre chauffé caramélise, brunit, prend du goût - le beurre chauffé brunit (pensons au beurre noisette), parce que les protéines sont dégradées - et quelques autres.

Muni de ce bagage théorique, on comprend que le travail de la farine avec l'eau, ou l'oeuf (puisque le blanc, c'est 90 pour cent d'eau, et le jaune 50 pour cent) produit ce réseau de gluten qui donne de la fermeté. Inversement, le travail de la farine avec le beurre permet d'éviter la formation de ce réseau, d'où une friabilité supérieure. On comprend que l'ajout de sucre contribue à la friabilité. Et l'on comprend que le chauffage peut donner du goût.

Bref, la théorie donne des possibilités d'actions rationnelles, qui, non seulement, permettent de faire le tri dans les prétentions des praticiens, mais, de surcroît, conduisent à des possibilités de choix. Il en va de même pour les travaux de l'ingénieur.

Certes, on pourrait se limiter à savoir utiliser un appareil d'analyse (spectroscopies UV-visible, infrarouge, de résonance magnétique nucléaire, chromatographies...), mais la capacité théorique permettra de faire meilleur usage de ces équipements.

Ou encore, oui, on peut savoir confectionner une émulsion, en suivant un protocole, mais la connaissance des composés tensioactifs particuliers, des effets de stabilisation ou de déstabilisation (coalescence, déplétion...) permet de mieux faire, de gérer les cas difficiles, de mieux doser.

Au fond, il y a souvent, dans ces questions, à distinguer le conducteur de voiture et le mécanicien. On peut conduire... jusqu'à ce que la voiture tombe en panne, et, là, le mécanicien - celui qui a les connaissances "théoriques", en quelque sorte, s'impose !   Et pour terminer : la technique produit, les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes, la technologie fait usage de ces connaissances pour perfectionner la technique.

Chimie et alimentation

 Ma conférence à la récente conférence Chimie et alimentation

https://vimeopro.com/maisondelachimie/colloque-chimie-et-alimentation-12-fevrier-2025

lundi 17 novembre 2025

Peut-on faire cuire des soufflés en les chauffant seulement posés sur la sole d'un four ?

 Peut-on faire cuire des soufflés en les chauffant seulement posés sur la sole d'un four ?

Dans un billet précédent, j'ai expliqué que les soufflés gonflent principalement par évaporation de l'eau dans la partie inférieure, la vapeur formée poussant les couches vers le haut.

Il n'y a pas lieu d'y revenir : c'est là un fait bien établi, mais on doit ajouter que  la cuisson doit aussi assurer la coagulation de la préparation, afin que le soufflé ne retombe pas immédiatement.

On peut s'y prendre de bien des manières : par exemple faire gonfler en chauffant par le fond puis mettre au micro-ondes, ou bien chauffer par le fond dans un four et chauffer également  par dessus, de sorte que la partie supérieure coagule. On peut même, si l'on s'y prend bien, ne pas chauffer sur une sole de four mais sur le gaz et on voit alors le soufflé gonfler. Je me souviens d'ailleurs avoir fait cela et avoir obtenu la coagulation du reste du soufflé à l'aide d'un chalumeau que je mettais par-dessus.

D'ailleurs, il faut ajouter que dans le soufflé, la vapeur est à environ 100 degré, ce qui permet de coaguler les protéines, de sorte que si l'on s'y prend bien encore, avec des ramequins d'une forme particulière on a seulement besoin de chauffer par le fond.

Bref il y a mille façons de faire mais on gardera en tête les règles essentielles chauffer par le fond produit une vapeur qui pousse les couches par le haut ; avoir fait croûter la surface avant la cuisson permet de retenir mieux cette vapeur et donc d'avoir des soufflés plus gonflés ; si l'on a mis dans la préparation des blancs d'oeufs battus en neige, alors il faut savoir que la neige bien ferme permet d'obtenir des soufflés plus gonflés.

Enfin, je renvoie au compte rendu rédigé des séminaires de gastronomie moléculaire sur plusieurs expérimentations à propos des soufflés.