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lundi 7 avril 2025

À propos de "résultats négatifs"

 À propos de résultats du négatifs, je trouve cité un scientifique qui déclare que s'il avait publié tous les résultats négatifs obtenus durant la préparation de sa thèse, il aurait eu des milliers d'articles à son actif. 

Ce type de déclarations est idiot parce qu'il est hors de question de publier toutes les petites observations que nous faisons lors de nos expériences. 

D'autre part, la rédaction d'un bon article scientifique prend longtemps et regroupe précisément une foule d'observations disperses. 

C'est le bouquet qui compte et non pas chacune des fleurs.  

En outre, la science ne se confond pas avec la technique elle n'a pas pour vocation d'obtenir des milliers de petits résultats individuels, mais au contraire de produire des synthèses puissantes pour des faits séparés. 

D'ailleurs, l'auteur de la déclaration que je discute dit cela dans un blog, et  je crains qu'il ne confonde un de ces petits billets quotidiens avec un article scientifique.
Plus exactement, ce collègue n'est pas un scientifique, mais quelqu'un qui a passé sa thèse, qui travaille dans l'industrie : il a bien fait,  car il a manqué la belle idée de la science que les scientifiques doivent avoir.

dimanche 6 avril 2025

Petites bouchées

Il y a des travaux fastidieux, avec peu d'intérêt, longs, rebutants en un mot. Pour ceux-là, on aura intérêt de penser que les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses. 

Il y a aussi des travaux passionnants mais qui demandent une quantité de travail considérable, beaucoup de temps, et là encore la même technique s'impose : il faut les faire petit à petit. 

Dans le premier cas, on n'a pas le pression de perdre son temps et dans le deuxième on s'accorde une petite récréation supplémentaire. 

 

Des exemples ?
Je me souviens de ce jour où, à la revue Pour la science, je me suis dit qu'un index s'imposerait. Mais il y avait 10 ans à rattraper ! À raison de 5 minutes par jour le matin, cela a été fait en quelques mois et nous avons disposé d'un outil extraordinaire qu'il a ensuite suffi d'entretenir.
Pour le second cas, il y a ces  énormes traités de chimie organique ou de physico-chimie, environ 1000 pages, et de petits bonbons de quelques pages chaque jour sont délicieux 

Bref les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses surtout quand on y met une très bonne sauce.

samedi 5 avril 2025

La limite de traduction automatique

Je vois aujourd'hui les limites de la traduction automatique, alors que je veux traduire en anglais la phrase "il ne faut pas se comporter en tant que chrétien, mais en chrétien". 

 

Le logiciel, un des meilleurs, traduit en substance " il ne faut pas se comporter en chrétiens, mais en chrétiens",  manquant complètement la nuance amusante donnée par la phrase initiale. 

C'est bien la preuve qu'il y a une subtilité qu'il faudra  expliquer à celles et ceux qui en auront besoin : manifestement, il n'est pas possible de dire la phrase ainsi, en passant, si on veut faire bien comprendre l'idée. 

Et évidemment, il y a également lieu d'y réfléchir encore pour ne pas avaler naïvement une formule, un argument d'autorité, aussi chatoyant qu'il fut. 

Mais plutôt que de discuter la phrase initiale, je préfère me consacrer à la transposition que j'en ai faite : il ne faut pas se comporter en tant que chimiste mais en chimiste. 

De quoi s'agit-il ? 

En tant que chimiste, cela voudrait dire que l'on se montre tel qu'un chimiste, se parant de représentations au lieu d'être vraiment celui que l'on dit être. 

En tant que chimiste, c'est de l'apparence, mais en chimiste, c'est la vérité. 

Qui est intéressé par la chimie vit bien en chimiste, et non pas en tant que chimiste car l'apparence est complètement secondaire si l'intérêt est la chimie plutôt que l'apparence de la chimie. 

Dans toute la discussion, il y a la question difficile de l'origine de la phrase relative aux chrétiens, les jésuites,  dont on sait que c'est une congrégation ambiguë. Ils ont la réputation d'être intelligents, mais également très engagés pour parler par litote. 

Il vaudrait mieux, si l'on cite l'idée, chercher des références différentes, visant la même chose sans cette connotation religieuse peut-être excessivement appuyée.

vendredi 4 avril 2025

Les comptes rendus des séances de l'Acdémie d'agriculture de France

Alors que je mette en forme les comptes rendus de l'Académie d'agriculture de France, j'ai l'occasion de découvrir les propos de mes collègues économistes, agronomes, sociologues, historiens... Plus que les interventions ponctuelles, c'est l'ensemble qui doit s'imposer et permet seul d'avoir des idées juste, car on se souvient que des conclusions tirées avec des prémisses insuffisantes n'ont guère de validité. 

Mais là, il y a donc des collègues de toutes les disciplines intéressées par l'état du monde en matière d'alimentation, d'agriculture, d'environnement. Il y a toutes les sensibilités politiques, sociales,  religieuses... Il y a tous les angles, il y a toutes les disciplines et sans admettre qu'un discours particulier ait particulièrement de pertinence, en dépassant aussi les idiosyncrasies, on voit se dégager des tendances, des perspectives... On voit mieux des travaux à mener, des idées à conserver quand on effectue son propre travail et des engagements à avoir. 

J'ai fois que ces comptes rendus, qui s'imposent comme une responsabilité historique de l'Académie, peuvent servir également le guide pour des travaux futurs et c'est pour cette raison que je passe du temps à les colliger. 

jeudi 3 avril 2025

Le 24 avril, à Strasbourg

 Et voici  https://www.bnu.fr/fr/evenements-culturels/agenda-culturel/demain-la-cuisine-de-synthese

Ah, l'égo !

Relisant des contributions d'un nombre notable de collègues, les unes à la suite des autres, je vois des titres d'intervention, des affiliations et des textes. 

Oubliant les personnalités, je m'aperçois que ce sont les titres et les messages qui m'intéressent mais que je me fiche complètement de savoir la totalité des titres de mes amis :  cela n'a aucun intérêt et je ne le lis même pas.

 Au fond, c'est là une vraie leçon : mettons-nous dans cet état d'esprit de découvrir des matières intéressantes, et oublions les personnes qui les portent, au plus exactement, ayons de la reconnaissance pour les personnes qui portent bien les matières, qui nous éclairent, mais ne perdons pas de temps à ces détails biographiques sans intérêt. 

J'ajoute que pour de tel paragraphes biographiques,  il y a des possibilités de faire mieux que mal : par exemple, l'auteur pourrait avoir comme objectif d'indiquer  en quoi il est compétent pour que nous recevions le message qu'il délivre. Et là, ce sont les fonctions exercées qui comptent,  dans la mesure où elles ont un rapport direct avec le sujet qui est présenté. Par exemple, si l'on écoute un exposé sur la méthodologie d'évaluation toxicologique en Europe, il n'est pas inutile de savoir que la personne qui fait cette exposé connaît bien le sujet dont il parle.

mercredi 2 avril 2025

Les questions de dénominations en science

Intéressant de bien comprendre qu'Antoine Laurent de Lavoisier a non seulement changé le nom des objets qu'il étudiait, mais que, de ce fait, il s'est donné la possibilité d'introduire un formalisme qui prenait le relais des nouvelles dénominations, et les supprimait en quelque sorte. 

Avant Lavoisier, les chimistes nommaient les composés -surtout minéraux- avec des termes très poétiques, tels que vif-argent, sel d’yeux d’écrevisse, lune cornée, et cetera. 

Avec ses amis, Lavoisier voulut dire la présence des "éléments" dans les composés, et c'est ainsi qu'ils ont proposé de parler plutôt de chlorure de fer ou de sulfure de zinc. 

Au moins pour la partie minérale de la chimie puisque la partie organique n'est arrivée qu'après. 

Mais le changement était essentiel : il devint alors possible de se poser la question de savoir combien les composés contenaient des éléments dont ils étaient formés. 

Et c'est ainsi qu'il faut possible, ensuite, d'abréger le nom des éléments pour le remplacer par une ou deux lettres, des "symboles", assortis d'un nombre. 

C'était le début d'un formalisme qui n'était pas un formalisme algébrique  :  le formalisme chimique écrivant la structure des composés, et qui s'ajoutait au premier. 

La chimie est ainsi doublement formelle : 

- par la représentation de ses objets

- par les calculs inhérents à toute science de la  nature. 

dimanche 30 mars 2025

Une excellente copie : quel bonheur !

Alors que je corrige des copies d'un cours de gastronomie moléculaire que j'ai donné à l'université, j'arrive sur une copie tout à fait merveilleuse, d'une étudiante qui a fait un travail remarquable. 

Cette année, le cours avait présenté ce que je nomme la méthode descendante d'analyse des phénomènes, cette méthode qui consiste à partir d'un phénomène macroscopique, puis à en chercher une interprétation microscopique, avant de chercher une interprétation au niveau supra moléculaire, puis au niveau moléculaire. 

Je renvoie pour des explications au cours que je viens de publier à ce propos et je reviens à à ce devoir merveilleux que j'ai corrigé : l'étudiante qui devait faire une mini synthèse s'est livré ) cet exercice, mais en le structurant selon la méthode descendante,  et elle a ainsi produit un texte parfaitement organisé, parfaitement structuré, parfaitement logique et qui montrait de surcroît que l'étudiant avait bien capté l'idée essentielle que je voulais transmettre cette année. 

Inutile de dire que je lui ai donné une note excellente, et méritée

vendredi 28 mars 2025

Pourquoi "perdre du temps" ?

Alors que je sors d'un entretien avec des journalistes, je les laisse avec une question : à leur avis, pourquoi dois-je prendre du temps pour les recevoir ? 

Il s'agit en l'occurrence d'une émission de télévision et cela prend environ une matinée :  une matinée prise sur ma recherche, et une matinée de temps perdu pour mon travail scientifique. Pourquoi ? 


Pourquoi donc accepter de perdre tout ce temps ? 

 Là où j'ai réussi mon coup, c'est que ces journalistes ont hâtivement conclu que j'aimais beaucoup la vulgarisation.. mais ils ne savent pas qu'en réalité, ce n'est pas ce n'est pas là mon objectif et de ce fait, je répète que cette vulgarisation me fait "perdre du temps". 

Ce que ne savent pas ces personnes, c'est que, en 1980, j'ai décidé que mon action politique serait de contribuer à développer les Lumières, à diffuser des connaissances pour lutter contre les tyrannies, dans le véritable esprit de l'Encyclopédie,  de Denis Diderot et de ses amis encyclopédiste. 

Il s'agit de contribuer  à ce que nos concitoyens prennent des décisions éclairées et justes quand lesdites décisions engagent l'ensemble de nos communautés. 

Il s'agit au fond de lutter contre les tyrannies, contre les obscurantismes, il s'agit de dire des choses justes, produites par les travaux scientifiques. Il s'agit de lutter contre les complotistes. Il s'agit de permettre à nos enfants de grandir sans être empêtrés par cette pensée magique qui afflige tous les humains dès la naissance. 

Il s'agit de ne plus croire au aux êtres surnaturels qui auraient peuplé nos rivières, nos sources, nos nuages... 

Il s'agit de dépasser des théories simplistes et fausses telles celle du "phlogistique", qui avait cours avant que Lavoisier ne commence ses études. 

Il s'agit de distinguer les objets avec des mots justes, des mots justes qui permettent de mieux penser le monde, et notre action sur ce dernier. 

Il s'agit de combattre les peurs, il s'agit de combattre les superstitions, il s'agit surtout de bien faire comprendre à tous que les travaux scientifiques sont l'honneur de l'esprit humain. 

Il s'agit de faire comprendre que les sciences ont des applications didactiques, nous permettant de mieux nous situer dans le mondek mais aussi des applications techniques. Le bel exemple est celui du GPS qui n'aurait pas été possible sans la théorie de la relativité générale. 

 

Bref il y a lieu de militer politiquement et j'insiste sur le mot politiquement, pour orienter nos collectivités dans la bonne direction, en résistant à l'argent, au pouvoir, et cetera. 

Le grand physico-chimiste anglais Michael Faraday disait que la science rend aimable. Albert Einstein avait ajouté, dans un texte consacré au "temple de la science ", que la science compte   de tout : des gens honnêtes, des gens malhonnêtes, des gens gentils, des gens méchants, des gens de pouvoir, des gens d'argent, des sportifs, et cetera..  mais il n'y en a quelques-uns qui sont intéressés à la science pour ce qu'elle est vraiment, qui ont un intérêt intrinsèque à la recherche scientifique. 

Michael Faraday était de cela et au fond Albert Einstein aussi. Einstein reconnaissait que Max Planck était de ceux-là, et j'ai la chance de connaître plusieurs personnes qui sont également de ceux-là.  

 

Voilà tout ce que mes amis journalistes ne savaient pas, qu'ils n'ont pas deviné,  qu'ils n'ont pas compris.

mercredi 26 mars 2025

Des dents qui rayent le parquet

Un phénomène amusant : alors que je crée une liste d'articles de gastronomie moléculaire et physique, j'envoie un message circulaire pour proposer aux collègues qui ont fait de tels articles de m'en donner les références afin que je les ajoute à la liste. 

Et presque aussitôt, je reçois toute une liste de textes qui n'ont pas grand-chose à voir avec notre discipline. Beaucoup sont des textes de technologie alimentaire assez classique, plutôt à vocation industrielle. 

Comme je ne sais pas me tenir, décidément, j'écris à mon interlocuteur que certains de ces textes n'ont rien à faire dans cette liste, et je vais jusqu'à lui demander pourquoi il les y a mis :  je suis bien intéressé par la réponse qui va m'arriver.

samedi 22 mars 2025

De l'éthique ? Ou simplement de l'honnêteté ?

Un mauvais article que je lis montre merveilleusement une faute courante dans les rapports bibliographiques ou dans les articles scientifiques : la citation d'auteurs qui ne sont pas les premiers à avoir proposé une idée ou établi un fait. 

Commençons par donner la règle : quand on cite une idée ou quand on rapporte un résultat, il faut faire référence à la personne qui a proposé cette idée ou établi ce résultat pour la première fois. 

Et c'est une faute (pas seulement une erreur) que de faire référence, non pas à ces personnes "primaires", mais à des personnes qui ont cité les personnes primaires, ou à des personnes qui citaient des personnes qui citaient les personnes primaires, etc. 

Notamment, prendre n'importe qu'elle référence où apparaissent l'idée ou le résultat sont un travail paresseux et malhonnête. 

Les institutions scientifiques disent que cela n'est pas "éthique", et elles justifient cela en expliquant que l'on prive  le découvreur de la paternité de sa découverte, qu'on ne le fait pas profiter de son travail, qui, bien cité, conduirait à le faire progresser dans sa carrière, mais j'y voir plus une question d'honnêteté que d'étique. 

De même,  quand on reprend une figure dans un document, il s'agit d'honnêteté au sens légal du terme que d'avoir le droit de reproduire cette figure et de citer évidemment celle où celui à qui elle appartient : cela relève de la loi sur la propriété intellectuelle. 

 

Et là, je sors de la relecture d'un article par une personne qui avait pourtant reçu de ma part le cours où  j'avais expliqué  que chaque phrase devait être assorti d'une référence ( https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/comment-faire-des-syntheses-de-recherche-bibliographique-how ) . Et notre auteur de citer le même article (assez récent, secondaire) 4 fois de suite pour 4 phrases qui s'enchaînent ! Il a contrevenu aux règles de l'honnêteté. 

Et je ne parle là que du tout début du texte car le reste est exactement à l'avenant. 

La référence qui est donnée quatre fois, d'ailleurs, est une référence secondaire et notre auteur n'a pas pris la peine d'aller chercher les références primaires :  c'est le signe manifeste d'un travail bâclé, et qui contrevient aux règles que j'ai donné dans le cours rédigé entièrement que je lui avais transmis. 

D'ailleurs, ce même auteur renvoie toujours à ce même article à propos d'une figure qui pourtant était correctement référencée dans l'article (secondaire) qu'il cite. 

Il y a bien pire dans ce rapport (scientifiquement très faible), mais en tout cas ce document a le mérite de bien montrer comment doivent être les références dans un texte scientifique. De le montrer en négatif bien sûr !

vendredi 21 mars 2025

La pâte à choux, c'est de la "pâte royale"

 

Relisant la Suite des dons de Comus, un livre de cuisine publié par François Marin en 1742, je trouve une recette de "pâte royale" qui correspond en tout point à ce que nous nommons aujourd'hui une pâte à choux. 

Tout y est :  le dessèchement, l'ajout des œufs un par un jusqu'à ce que la consistance commence à devenir trop molle, et cetera. 

Notre pâte à choux serait-elle donc une pâte royale ? Consultant le Glossaire des métiers du goût ( https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout ) je vois qu'un correspondant m'avait donné sans référence, ce qui est évidemment signalé, une origine (au conditionnel !) de cette pâte,  qui aurait été initialement une "pâte à chaud" avant de devenir la pâte à choux. 

Mais je vois aussi que figure dans ce paragraphe de définition une mention de Carême qui aurait amélioré la pâte alors qu'en réalité la recette de François Marin est exactement celle que nous connaissons.

 Je supprime donc cette mention de Carême qui n'a pas lieu d'être mais il reste à régler cette question de l'origine présumé de la pâte au 16e siècle, pour laquelle je n'ai aucune référence. 

 

lundi 17 mars 2025

A propos de mauvaise transmission

Alors que je relis des textes que je consacre à la terminologie culinaire,  je retrouve deux idées essentielles. 
 
Premièrement, il est extraordinairement étonnant qu'aucune référence ne soit jamais donnée dans les livres de cuisine  :  chacun y va de son affirmation, de sa recette, qui fait  table rase de tout ce qui s'est publié par le passé. 
Et c'est ainsi que naissent les plus grandes incohérences, les plus grandes confusions, les plus grandes ignorances, avec, ce qui est pire, la transmission d'informations fausses aux suivants. 
On aurait pu penser que les bons praticiens fassent l'effort d'un peu de rigueur de ce point de vue, même si je leur reconnais évidemment le droit de créer des variations pour les recettes classiques, d'ajouter ou non une pincée de noix muscade dans une purée, d'ajouter ou non une pincée de cannelle dans un appareil à boudin, de changer les proportions des ingrédients pour obtenir plus de fermeté ou au contraire plus de moelleux.... Mais rien !
 
Deuxièmement, en relation avec cette absence de références, il y a la question des justes dénominations, auxquelles le monde culinaire tord le bras de façon éhontée. 
En science, la règle est que le découvreur soit celui qui nomme  (un astre, un élément chimique, un composé, etc.);  en technologie, la règle est que l'inventeur soit celui qui nomme. Et c'est ainsi  je me vois répéter que nous devons nommer les préparations conformément à la première occurrence des dénominations. 
 
Cela signifie, en pratique, aller chercher dans les  livres de cuisine du passé la véritable signification des termes que l'on trouve aujourd'hui : à la Sainte-Ménehould, rémoulade, ravigote, gribiche, et  aussi toutes ces  dominations qui apparaissent plus tardivement : à la reine, à l'espagnole, à l'allemande, à la jacobine, au perdouillet...
 
On ne peut pas comprendre correctement et pratiquer correctement la cuisine sinon l'on confond la moutarde et la rémoulade, si l'on confond la pâte à savarin et la pâte à baba. 
Il ne peut pas y avoir de décision d'autorité par un praticien moderne, fut-il 3 étoiles au guide Michelin, et au contraire, c'est sur ces personnalités que pèse la plus grande responsabilité concernant l'utilisation des dénominations culinaires : nos amis devraient faire l'effort soit de faire les recherches eux-même, soit d'utiliser les résultats des recherches qui sont effectuées par ailleurs. 
 
Et c'est ainsi que je les engage évidemment à se reporter constamment au Glossaire des métiers du goût publié par le Centre international de gastronomie moléculaire et physique Inrae-Agroparistech : là, les dénominations sont données avec des références, et même si certains ouvrages ne sont pas cités, ils ont été lus, consultés, et que l'on a pesé les informations qui s'y trouvaient par rapport à des informations qui se trouvaient dans d'autres livres plus anciens. 
Ne suivons pas des ouvrages comme le Guide culinaire, qui est plein d'erreurs de ce point de vue là, qui confond les farces et les mousselines, les mayonnaises et les rémoulades... alors que même un des auteurs de ce livre a expliqué la différence dans  un autre livre, qu'il écrivait seul ! 
 
Bref, utilisons les bons mots, car il s'agit de la bonne pensée, et de la bonne pratique.

dimanche 16 mars 2025

Tartinabilité

Une question   : 

Je fais des saucisses et je voudrais les rendre tartinables. Comment faire ? 


Mon réponse : 

Souvent, une saucisse après cuisson est formellement un gel : un réseau de protéines fait comme un filet qui piège tout le reste. Et cela n'est que difficilement tartinable, parce que, l'écrasement doit rompre le réseau. 

Une manière de rendre tartinable, c'est :

- soit augmenter la quantité d'eau, pour réduire la proportion de gel,
 
- soit  augmenter la proportion de graisses fondues à la température ambiante ("huile") : c'est la technique qu'utilisent les industries pour faire des "préparations tartinables de type beurre"
 
-soit enfin préparer plutôt un système de type suspension (pensons à une crème anglaise), avec des agrégats dispersés dans un liquide

samedi 15 mars 2025

À propos de questions personnelles

Hier, lors d'une présentation à des étudiants de lycée hôtelier, l'équipe qui me recevait avait organisé une discussion et préparé une série de questions. L'une d'elle était : « êtes-vous plutôt cornichon au vinaigre ou chocolat au lait ? ». 

Je préfère les cornichons au vinaigre au chocolat surtout au lait, mais évidemment j'ai répondu différemment en ajoutant que la question aurait été plus compliquée si l'alternative avait opposé des cornichons à du chocolat noir. Surtout, ne voyant pas l'intérêt de la question, j'ai ajouté que chacun a son propre goût, et ce goût personnel est parfaitement légitime ; le mien au fond n'a aucun intérêt particulier et il n'a aucun intérêt didactique  : à quoi cela servira t-il que les étudiants sachent que j'aime ou non les cornichons au vinaigre ? 

Sur mon site personnel (https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/), il y a ainsi toute une série de réponses à des questions et notamment un groupe de questions personnelles. À quoi bon ? Faut-il vraiment faire étalage d'information qu'il est dans rien aux amis ? 

Évidemment, chaque fois que je suis mis en position de devoir répondre à de  telles questions, je réponds autre chose, et j'essaie de détourner la réponse vers des informations plus intéressantes. 

Ce fut d'ailleurs le cas pour un livre tout entier qui a finalement paru sous le nom sous le titre de Construisons un repas : il s'agissait initialement d'entretiens avec une journaliste, qui  avait voulu "incarner" la science ; mais  j'avais complètement réécrit le manuscrit en donnant de la généralité, comme je le propose ici. 

D'ailleurs, je n'oublie pas qu'il y a vraiment très longtemps, après une interview à la radio, un ami d'un de mes fils, alors encore très jeune, avait fait cette remarque : ton père parle de lui. Et cela m'avait choqué car le moi est haïssable  : ma personne n'est pas intéressante et il n'y a que ce que je fais qui peut éventuellement l'être,  ou, plus exactement qui doit le devenir de plus en plus chaque seconde 


vendredi 14 mars 2025

Jean Jacques et les textes à charge

Alors que je relis un texte du chimiste Jean Jacques consacré à Archibald Scott Couper, je m'aperçois que notre homme avait tendance à prendre des contre-pieds. Il avait notamment rédigé un livre pour montrer que le chimiste Marcelin Berthelot n'était en réalité pas aussi grand qu'il le prétendait, un livre à charge certainement, mais fondé sur des recherches historiques assurées. 

En revanche, dans sa volonté de descendre Berthelot de son piédestal, il avait oublié quelques éloges qui auraient donné plus de force à sa démonstration. 

Là, je retrouve un de ses articles publié aux Comptes rendu de l'Académie des sciences à propos d'Archibald Scott Couper, qui aurait été injustement oublié au profit d'August Kékulé, lequel publia quelques semaines auparavant Couper, et cela parce que Würtz, le patron de Cooper, n'aurais pas transmis suffisamment vite le manuscrit de ce dernier à l'Académie des sciences. 

Là encore virgule Jean-Jacques n'a pas entièrement tort mais il n'a pas entièrement raison parce que les notions débattues à l'époque avaient des interprétations difficiles, et que Kekule et Couper n'ont pas publié exactement la  même chose. 

D'autre part, on peut aussi imaginer que Kekule ait pu être retardé un peu par les contingences. 

Et puis surtout, il y aurait eu lieu de plus fouiller la démonstration, car les notions chimiques de l'époque n'était pas celles d'aujourd'hui et les représentations étaient également différentes.
On sortait à peine du congrès mondial des chimistes qui avait eu lieu en 1860 et au cours duquel avait été semée la graine qui avait permis plus tard de mieux comprendre la notion de molécule. Acette époque, on confondait particules, molécules, atomes : tout cela était très petit et on avait bien des difficultés à imaginer des molécules d'aujourd'hui.
Certes, il y avait eu Le Bel et van t'Hoff, qui avaient proposé la tétralence du carbone, mais la communauté des chimistes était loin d'être convaincue :  jusque après le début du 20e siècle, certains esprits pourtant grands n'admettaient toujours pas l'hypothèse moléculaire et plutôt que de les critiquer, il y a lieu de bien comprendre pourquoi ils hésitaient. 

Au fond, Jean-Jacques, qui savait beaucoup de choses, qui avait beaucoup lu , n'a pas suffisamment pris la peine de bien fouiller les matières qu'il explorait, de bien se les expliquer à lui-même avant de les expliquer aux autres et c'est la raison pour laquelle il a été si peu suivi je crois 

Il y a là une leçon : dans nos démonstrations, nous ne pouvons pas faire l'économie d'explications et surtout quand les matières sont encore confuses pour nous.
Nous ne parviendrons pas à convaincre quiconque si nos idées ne sont pas déjà entièrement claires pour nous-même. Nous ne pouvons pas expliquer les points d'histoire des sciences si nous ne comprenons pas parfaitement comment les choses ont évolué à l'époque que nous discutons sans quoi ferons des textes plein d'arguments d'autorité et qui ne convainquent pas.

jeudi 13 mars 2025

Présenter la science : ce ne peux pas se limiter à un long discours

Un interview d'un  pianiste me fait comprendre que de longues "têtes parlantes" (un discours, fut-il en dialogue) devient un peu  ennuyeux quand il est long, même quand on apprend beaucoup. 

En l'occurrence, je comprends aussi que la séquence aurait gagné à être davantage illustrée, musicalement. 

Cela me rappelle l'enregistrement d'une très belle présentation du pianiste Andras Schiff, qui expliquait les œuvres qu'il jouait, avec une composante musicale bien plus abondante que dans le cas que je viens de voir à l'instant : https://www.google.com/search?q=andras+schiff+conferece&client=ubuntu&hs=vjz&sca_esv=25add6e16aa71730&channel=fs&udm=7&biw=1150&bih=666&sxsrf=AHTn8zrko4KWEPPIoMKUZWNcyRljFmhU3Q%3A1741681938124&ei=EvXPZ82eB5mrkdUPrMaG2A4&ved=0ahUKEwjN7-7pzoGMAxWZVaQEHSyjAesQ4dUDCBA&uact=5&oq=andras+schiff+conferece&gs_lp=EhZnd3Mtd2l6LW1vZGVsZXNzLXZpZGVvIhdhbmRyYXMgc2NoaWZmIGNvbmZlcmVjZTIHECEYoAEYCjIHECEYoAEYCkjED1C7AliLDnACeACQAQCYAWCgAcYFqgEBObgBA8gBAPgBAZgCC6ACywbCAggQABgTGAcYHsICBxAAGIAEGBPCAgYQABgTGB7CAggQABgTGAoYHsICBRAAGIAEwgIGEAAYFhgewgIIEAAYFhgKGB7CAgUQABjvBcICCBAAGIAEGKIEwgIEECEYFcICBRAhGKABmAMAiAYBkgcEMTAuMaAH0iI&sclient=gws-wiz-modeless-video#fpstate=ive&vld=cid:53d806cd,vid:ViZu8ATTqc8,st:0

 

J'en prends de la graine : une conférence ne peut pas se limiter à un long discours !

Si ce dernier repose sur un powerpoint, c'est un peu mieux, mais encore insuffisant, et voilà pourquoi j'ai toujours ajouté quelques expériences à mon discours.

 Mais je comprends que ces dernières illustrations sont souvent un peu extrinsèques,  et que, sur la véritable partie de mon travail, j'aurais pu faire mieux en montrant la science en train de se faire. 

Comment ? Supposons que je considère un spectre de résonance magnétique nucléaire, par exemple. Alors j'aurais pu filmer l'acquisition, de la préparation de l'échantillon jusqu'à la production du spectre. 

Puis, j'aurais pu analyser le spectre publiquement, en faisant les nécessaires calculs devant tous. 

Bien sûr, il y a dans cette affaire une re-création  : il faut "patouiller", certes, mais pas trop. Donc avoir répété à l'avance, pour montrer quelque chose de plus abouti. En tout cas, je vais m'y essayer 

Au fond, il y aurait lieu de choisir un cas où la totalité des étapes de la recherche scientifique sont présentés, de l'identification du phénomène jusqu'à la réfutation d'une prévision théorique.

Chez les Compagnons

Alors que les Compagnons de la Cayenne de Paris (Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis)  viennent de m'inviter pour que leur parle de cuisine, je sors rafraîchi de les avoir rencontrés parce que, leur parlant après la présentation, j'ai vu des personnes assez jeunes, très enthousiastes de leur métier et du travail qu'ils font. 

Il y avait des cuisiniers, des pâtissiers, des graveurs sur pierre, et cetera et tous étaient intéressés d'apprendre, non seulement d'apprendre des points précis, mais aussi de la méthode. Et en tout cas, deux d'entre eux m'ont bien dit que c'est aussi bien l'état d'esprit que je proposais que les résultats particuliers que je montrais qu'ils retiraient de ma présentation. 

C'est beaucoup plus que ce que j'espérais, notamment quand je me souviens d'une présentation analogue que j'avais faite dans le même endroit, il y a de cela 30 ans. À cette époque, dans le groupe, il y avait certes des gens également intéressés par leur métier mais il y avait aussi des cuisiniers tout à fait réfractaires à la manière nouvelle d'aborder la cuisine, de l'explorer, d'en proposer des modifications... 

En un mot, j'ai trouvé les compagnons d'aujourd'hui plus éclairés que les compagnons de jadis et d'ailleurs, durant ma présentation, il y a eu nombre de questions très intéressantes par des personnes très intéressées. 

Et cela est rafraîchissant  ! J'aime beaucoup cette idée de se retrouver le soir pour travailler, pour apprendre, découvrir, échanger. 

D'ailleurs, la présentation a été suivie d'une sorte de buffet où plusieurs d'entre eux avaient apporté le résultat de leur travail, une terrine, un potage, et cetera,  et les discussions ont continué autour de la table, debout. Souvent des discussions un peu "profondes" et pas ce vernis mondain et ennuyeux que l'on rencontre trop souvent lors de cocktail. Oui, des discussions passionnantes, parce qu'il s'agissait du métier !

mercredi 12 mars 2025

Conférence, le 24 avril à Strasbourg

A venir : 

Strasbourg,  jeudi 24 avril, 15h30, Bibliothèque Nationale et Universitaire,
place de la République


Un message de l'Académie d'Alsace : 

 

"C’est un événement de fierté pour notre académie : notre confrère Hervé This, physico-
chimiste à AgroParisTech, théoricien de la cuisine moléculaire, recevra le 9 avril à
l’Université de Copenhague, des mains du roi du Danemark, le prestigieux Prix Sonning,
décerné tous les ans depuis 1950 à une figure européenne majeure (de Churchill à Arthur
Koestler ou Simone de Beauvoir, de Dario Fo à Renzo Piano ou Lars von Trier, sans
oublier un autre Alsacien, Albert Schweitzer). Hervé This viendra parler de ses recherches
sur l’alimentation de demain qui lui ont valu ce prix.


Entrée libre, mais inscription sur un lien que la BNU nous donnera bientôt.


Cette conférence ouvre un cycle de rencontres régulières à la BNU, à partir de la rentrée
prochaine

Méthode et stratégie

Depuis plusieurs années, j'utilise le mot stratégie pour la planification de mes travaux scientifiques, et je le discute dans le contexte de la recherche scientifique : je m'interroge sur la manière de pratiquer efficacement, intelligemment, ma recherche. 

Je ne me souviens pas pourquoi j'utilise ce terme à connotation militaire,  sauf peut-être que j'avais été intéressé par le passé par la différence entre stratégie et tactique. 

Toutefois la connotation militaire me paraît aujourd'hui déplacée je me propose de revenir au mot "méthode" : un mot qui a ses lettres de noblesse puisqu'il y a eu un fameux discours de René Descartes, à son propos. Un mot dont l'étymologie est parfaitement juste, puisqu'il s'agit de choisir un chemin.

Partons donc pour méthode, mais comment ferions-nous maintenant la distinction entre stratégie et tactique ? Commençons par observer que la méthode est une planification, et que c'est ensuite qu'il faudra la mettre en oeuvre. 

La tactique est l'"Art d'utiliser les meilleurs moyens pour atteindre un certain objectif; ensemble de ces moyens. " Le mot est emprunté au grec taktikos : « qui concerne l'arrangement, spécialement l'organisation ou l'alignement d'une troupe; propre ou habile à faire manœuvrer des troupes, habile tacticien ». 

Encore une connotation militaire, au fait, que voulons-nous dire vraiment ? La métaphore -fut-elle militaire- n'est pas une réponse à la question, et il va falloir chercher un peu !