dimanche 26 mai 2024

Luttons pour donner des idées justes !


Certaines idées très fausses ne cessent de courir, polluant nos discussions, contaminant notre vie en collectivité, faussant les décisions de nos communautés. Il y a des fantasmes, des croyances, des opinions, des lubies…, mais les plus fausses de ces idées fausses sont celles sur lesquelles on érige des raisonnements. 

Par exemple, les « carrés ronds » : sont-ils rouges ? Bleus ? Graves ? Aigus ? Sucrés ? Salés ? Bien sûr, on a le droit de s'amuser à imaginer des choses, mais il semble essentiel de bien se rappeler alors que ce sont des imaginations, des fictions. La question, d'ailleurs, n'est pas neuve, puisque l'on se moque depuis le Moyen Âge de théologiens qui discutaient à l'infini pour savoir combien d'anges pouvaient tenir sur la pointe d'une épingle. Si les anges n'existent pas, ce n'est pas la peine de faire de tels calculs idiots, d'y passer tant de temps. 

En sciences de la nature, l'une de ces idées fausses est celle des « technosciences », selon laquelle il n'y aurait pas de différence entre les sciences de la nature et… on ne sais pas très bien (ça dépend des auteurs, qui agitent parfois leur plume de façon bien inconsidérée) si « techno » se rapporte à la technique ou à la technologie. En gros, l'idée est essentiellement politique (au mauvais sens du terme, celui de la politique politicienne, le pouvoir avant le bien collectif), et elle tend à faire croire (ce qui n'est pas juste, ni vrai) que les sciences de la nature se sont alliées à l'industrie, se détournant de leur objet qui est la découverte de connaissances « pures », pour se mettre à la solde de ladite industrie. 

Évidemment, dans un tel discours, l'industrie est toujours quelque chose d'affreux par principe, et la notion (je le redis : c'est un fantasme, pas un objet qui existe) de technoscience est une notion qui relève d'une pensée politicienne… mais je me reprends, car je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une pensée, mais plutôt d'une compulsion insuffisamment questionnée. 

Tout cela étant dit, cette idée fausse de la prétendue technoscience (rien qu'écrire le mot m'arrache la plume) a des avatars, qui sont parfois portés par des amis qui n'y voient pas grand mal, puisque le déguisement qui habille alors ces erreurs (pour ne pas dire « des fautes ») ne permet plus de les reconnaître aussi facilement. 

Un de ces avatars est le suivant : « la science est politique : on trouve ce que l'on cherche ». Il y a là deux phrases qui méritent d'être discutées, avant que nous fassions la synthèse. La science serait politique ? Bien sûr ! La science est politique ? Il y a deux mots essentiels : « science », « politique ». Précisons tout d'abord que nous ne considérerons ici que les sciences de la nature, et je renvoie vers de nombreux billets précédents pour voir ce que c'est, car l'expérience me prouve que beaucoup de ceux qui prononcent le mot « science », même dans l'acception sciences de la nature, ne savent souvent pas de quoi ils parlent. Pour faire simple, rappelons seulement que les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes à l'aide d'une méthode très codifiée, que nous nommerons, pour faire court, méthode scientifique, ou méthode quantitative. 

Les sciences de la nature seraient politiques ? Il y a le mot « politique », qui est ambigu, puisqu'il s'applique aussi bien aux activités au sein de la cité, du grec polis, la communauté humaine, ou s'il s'agit de diriger ladite cité. On comprend que, dans la critique faite à la technoscience, une notion de pouvoir est considérée… ou plutôt déconsidérée, car il est supposé que la moindre tête qui dépasse soit à couper, idée bien naïve pour mille raisons, et qui conduit à des utopies idiotes, et surtout réfutées par les faits : dans un groupe d'êtres humains, mêmes éclairés, il est plus efficace que quelques uns d'entre eux puissent orchestrer. Il y a de la place pour tous, on doit le respect à tous, mais il est bon d'éviter les cacophonies, et d'instituer des règles (oui, des règles!) pour que le fonctionnement collectif soit harmonieux. Oui, la science est politique, au sens de son inscription dans la cité : les scientifiques n'oublient pas qu'ils sont payés par les citoyens pour aller agrandir le royaume du connu. C'est à ce titre qu'ils ne font pas n'importe quoi, et qu'ils ont l'obligation d'être très « efficaces », au point que certains sont même malheureux quand ils ne font pas de découverte. J'ai discuté la chose mille fois et je n'y reviens pas : oui, les scientifiques sont des gens responsables, dont l'activité est parfaitement politique, au sens de sa place dans la communauté humaine. 

On observera, pour terminer sur ce point, que je fais une différence entre la science et les scientifiques. La science est une activité que font les scientifique, de sorte que ce n'est pas la science qui est politique, mais les scientifiques eux-mêmes, et je crois que toute discussion qui partirait de mots fautifs serait condamnée, minée, sapée. Faisons donc bien la différence, soyons un peu précis, même si l'exposition semble compliquer un peu : en réalité, c'est de la clarté pour tous. La science trouverait ce qu'elle cherche ? Ce ne serait pas de la science ! 

 

Mais passons à la deuxième moitié de la phrase : on ne trouverait que ce que l'on cherche ? Cette fois, l'erreur est flagrante. Il y a tout d'abord cet a priori qu'il suffit de chercher pour trouver. Un exemple s'impose, outré, avant d'arriver à une exemple moins évident. 

L'exemple outré, donc : si un ou une scientifique cherche une clé sous un lampadaire où il n'y a pas de clé, il aura beau chercher, mais il ne trouvera pas. Autrement dit, ce n'est pas parce que la science cherche qu'elle trouve... ce qu'elle cherche. L'exemple plus élaboré, maintenant, m'a été donné par un ami, dans une discussion récente, et l'on ne peut donc pas le repousser d'un revers de main aussi rapidement que le premier. C'est celui de la « recherche de gènes de l'homosexualité ». Il y aurait des individus qui chercheraient les gènes de l'homosexualité ? Pourquoi pas. D'une part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels individus, et, d'autre part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels gènes ? Pour la première question, on trouve de tout dans le monde des êtres humains. Pour la seconde question, c'est plus épineux, car, même sans que je prenne parti, je sais que le simple fait d'envisager la possibilité de l'existence de gènes de l'homosexualité est quelque chose de terrible, que certains reprocheront. J'insiste : je n'ai pas dit, pourtant, que je crois à cette existence, mais surtout, il y a deux réponses à donner à cette critique. La première, c'est que la science n'est pas la morale. Bien sûr, les scientifiques doivent, eux, se livrer à une activité moralement digne, mais il n'est pas indigne de poser des questions, et, d'ailleurs, les scientifiques ne font que cela... ce qui a toujours gêné beaucoup de nos concitoyens. Que l'on pense au système copernicien, qui s'opposait à la Bible en mettant la Terre autour du Soleil plutôt que l'inverse : à l'époque, c'était considéré comme terrible, alors que nous le supportons facilement aujourd'hui. Que l'on pense à la mécanique quantique, dont une interprétation entièrement probabiliste suscitait la fureur de certains, qui auraient voulu plus de déterminisme. Que l'on pense à la possibilité du clonage humain (je n'ai pas dit que j'y étais favorable), qui fait trembler aujourd'hui. 

Je maintiens qu'une activité scientifique de bon aloi doit pouvoir poser des questions, discuter ! Je ne dis pas que nous pouvons faire n'importe quelle recherche, mais je dis que la discussion est possible, sans quoi on tombe dans le dogmatisme le plus étriqué. Bref, continuons la discussion sur ces gènes prétendus de l'homosexualité, en supposant pour les besoins de la discussion que l'homosexualité existe, soit un "phénomène" suffisamment circonscrit pour pouvoir être étudié ; je ne sais pas s'il y a de tels gènes, je ne sais pas s'il n'y en a pas, mais, de toute façon, la science n'est pas là pour espérer les trouver ou espérer ne pas les trouver (on a compris que le mot "espérer" ne s'applique pas à la science, mais aux scientifiques). Surtout, pour bien comprendre pourquoi, sur cet exemple, il y a une confusion entre science et technologie, ou une méconnais

ssance de la science, c'est maintenant le moment de rappeler la méthode des sciences de la nature. On identifie d'abord un phénomène, puis on le quantifie ; on réunit les mesures en lois quantitatives, c'est-à-dire en équations, puis on cherche des mécanismes nouveaux, assortis de notions nouvelles, quantitativement compatibles avec les équations, et l'on cherche ensuite à réfuter ce groupe de mécanismes et de notions, cette "théorie", par des expériences toujours quantitatives. Revenons donc aux différentes étapes à propos de ces prétendus gènes de l'homosexualité. La première étape consiste donc à identifier un phénomène. Comme dit précédemment, ce phénomène doit exister, sans quoi on tombe la mauvaise scolastiques des anges sur les épingles. Les gènes ? Ce sont des objets biologiques apparus anciennement (il y a plusieurs décennies), et la connaissance de la biologie moléculaire montre que les choses se sont considérablement compliqué depuis, de sorte que le mot « gènes » semble déjà un peu hâtif. L'homosexualité, d'autre part ? De quoi s'agit-il ? Entre l'effleurement et la pénétration, il y a une gamme de comportements sexuels considérables, et, sans être spécialiste de la chose, je vois que la notion est bien trop large pour être explorée simplement, et je sais aussi que les comportements humains ont une relation extraordinairement compliquée avec les gènes. De sorte qu'un bon scientifique ne posera pas la question initiale, mais une question bien plus réduite.. au point que l'on a critiqué la science pour son réductionnisme (mais les critiques contre "la science" sont comme les aboiements des chiens : la caravane passe). Passons rapidement sur la mesure quantitative du phénomène exploré, dans ce cas particulier, et arrivons à la modélisation. Supposons que les mesures effectuées aient conduit à un groupe d'équations. La vraie science ne se limite pas à une telle caractérisation (sinon, ce n'est que de la mesure, pas de la science), et elle cherche des notions nouvelles. Il ne s'agit pas de rester sur le phénomène initial, mais de trouver des mécanismes nouveaux, des notions nouvelles, et cela est quelque chose d'imprévu. Je le répète : la science n'est pas la vérification ! Elle est la découverte de « montagnes » complètement imprévues… Oui, imprévues, sans quoi il n'y aurait pas de "découverte", et l'on n'aurait pas agrandi le royaume du savoir ! Autrement dit, si l'on part de l'exploration d'un phénomène, on ne sait absolument pas ce que l'on va découvrir, et, à la limite, on pourrait dire que le phénomène initial n'est qu'une excuse pour arriver à quelque chose de nouveau. Dans nombre de discussions à propos de la science, et notamment dans les discussions à propos de cette prétendue technoscience (qui n'existe pas, je le répète de façon lancinante), il y a cette confusion néfaste, qu'il faut dénoncer entre la science et la technologie. Quand je dis "confusion", je ne dis pas que la science se confond avec la technologie, mais bien plutôt que des individus ne sont pas capables de voir la différence. C'est une confusion terrible, pour nos choix collectifs, parce qu'elle mine également bien des discussions à propos des sciences de la nature. On sait qu'il y a une volonté industrielle, politique, etc., que la science « serve à quelque chose », mais Louis Pasteur, qui fut pourtant l'un des plus remarquables scientifiques capables de trouver des applications, avait bien dit que l'arbre n'est pas le fruit. La science n'est pas la technologie, et il n'y a pas ce que certains "science appliquée" en raison d'une réflexion insuffisante : il y a la science, et les applications de la science. "Science appliquée" est aussi chimérique que "carré rond", et l'on ne doit pas s'étonner de retrouver ce type d'erreur dans cette discussion, car, une fois de plus, elle est fondée sur une méconnaissance de ce qu'est la science. Oui, la science n'est pas la recherche de solutions, d'applications, et il faut dire avec beaucoup de force que c'est seulement la recherche de découvertes : il s'agit d'agrandir le royaume du connu. 

Et voilà pourquoi je peux maintenant conclure à propos de la seconde idée énoncée, selon laquelle on trouverait ce que l'on cherche : non, mille fois non ! Les scientifiques "ne trouvent jamais ce qu'ils cherchent", parce qu'ils n'ont pas cet espoir ce "trouver ce qu'ils cherchent". Au contraire, ils ne cherchent que ce dont ils n'ont pas idée ! Leur espoir, c'est de faire des découvertes, c'est-à-dire de trouver des choses dont ils n'ont pas idée a priori, et qui bouleverseront nos connaissances. Un bon exemple est la découverte de la théorie de la relativité, où l'on s'interrogeait simplement sur la notion d'inertie : comment l'état de mouvement d'un objet peut-il changer ? Qu'est-ce que le "mouvement" ? Il n'y avait absolument aucune idée d'application, et il a fallu des décennies avant que l'on ne trouve ces applications… qui sont partout maintenant : par exemple, la géolocalisation par satellites ! Autrement dit, c'est une grande ignorance de la nature de la science que cette phrase dont nous sommes partis. J'ajoute, pour bien faire comprendre ce qu'est la science, que cette dernière veut "réfuter" les théories : il s'agit principalement de montrer en quoi les théories que l'on a sont fausses (disons "insuffisantes"), afin de les améliorer. Autrement dit, une "vérification", au sens d'une confirmation, serait exactement l'inverse du travail scientifique ! Vive la connaissance ! 

Concluons, en discutant sur les explications que l'on peut donner de la science. Pendant longtemps, j'ai eu la stratégie de donner les arguments précédents (et d'autres) en les assortissant d'hésitations (feintes), de questionnements, afin que mes amis ne reçoivent pas ces arguments de façon péremptoire, ce qui les aurait conduit à les rejeter. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que ça suffit, et je crois qu'il est temps de dénoncer très vigoureusement, sans ménagement, les fantasmes, les lubies qui pénalisent notre bon fonctionnement collectif. Il faut combattre les idées fausses. Toutefois il ne faut pas être "défensif", mais bien plutôt très positif, enthousiastes, et c'est pourquoi je maintiens très énergétiquement l'idée suivante : les scientifiques sont politiquement très responsables ; il sont politiquement engagés, non pas dans la gestion des groupes humains, mais dans leur activité de recherche scientifique, et les découvertes, les vraies, sont toujours imprévues. Vive la connaissance !

samedi 25 mai 2024

Une idée dans un tiroir n'est pas une idée


On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée. Pourquoi ? 

Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres. Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs... 

Mais tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force. En sciences de la nature, cette phrase « une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : travailler, publier. Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits. Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature. 

Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable. Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu. 

Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas. Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées. Disons que ces idées n'existent pas. 

Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… mais qui, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait ! Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention. 

A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux. Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force. Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.

vendredi 24 mai 2024

La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets


« La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets » : cette phrase m'a été confiée par le musicien/acousticien/musicologue français Jean-Claude Risset, un des pionniers de la musique électroacoustique, à qui l'on doit, avec James Shepard, un escalier d'Esher musical. 

Commençons par expliquer ce qu'est cet escalier : comme dans les gravures de l'artiste néerlandais Maurits Esher, où un escalier semble monter à l'infini en raison d'effets de perspectives, les escaliers infinis musicaux sont des sons qui ne cessent de monter, ou qui ne cessent de descendre. On obtient cet effet en changeant la hauteur totale du son en même temps que l'on change sa composition en « harmoniques », mais c'est là un autre sujet que je vous invite à découvrir tout seul. 

Revenons donc à la phrase de Jean-Claude Risset : c'était une réponse à une question que je lui avais posée, à savoir comment devenir intelligent ? Je pars de l'hypothèse que l'intelligence, c'est d'abord du travail, mais pas du travail machinal ; non, du travail réfléchi. Je pars également de l'hypothèse selon laquelle nos études -et je ne parle pas du temps passé en classe, mais du temps passé à étudier- nous portent quand elles nous donnent des méthodes (et des notions), et je suppose de surcroît que chaque champ professionnel a sans doute des méthodes meilleures que d'autres. En physique, il faut des méthodes de physicien. En chimie, il faut des méthodes de chimiste. 

Et c'est ainsi que, depuis des années, je demande à tous ceux qui ont du succès dans leur profession, dans leur activité, dans leur travail, de me révéler leurs méthodes intimes. Généralement, nos amis sont partageurs, généreux même, et c'est ainsi que Jean-Claude Risset m'a confié cette phase que je trouve parfaitement juste. Au lieu de faire dix fois de suite la même chose très imparfaitement, il est sans doute bon d'essayer de faire immédiatement quelque chose de très bien. 

Cette idée rejoint celle que j'ai tirée de l'analyse du cahier de laboratoire du physicien français Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique en 1991 : ce cahier de laboratoire était si merveilleusement écrit, si étonnamment calligraphié, que je ne crois pas que je parviendrais à quelque chose d'aussi propre, même en m'appliquant (sauf à utiliser un ordinateur). Manifestement Pierre-Gilles ne faisait pas mille brouillons successifs, et il allait immédiatement à quelque chose de propre et de bien fait. 

D'ailleurs, prononcer le mot « brouillon » suffit pour montrer pourquoi sont usage est disqualifié, et pourquoi il serait sans doute bon que l'on évite d'en promouvoir l'emploi à l'école. Si l'objectif est de faire des brouillons nets, alors un cahier de notes suffit. A ce propos, il faut également discuter la question des cahiers de laboratoire, qui sont des cahiers où l'on consigne résultats et opérations, en sciences de la nature. J'ai rencontré des étudiants perfectionnistes, qui utilisaient un cahier de brouillon pendant leurs expériences au laboratoire et qui le recopiaient le soir sur le cahier de laboratoire officiel. C'est la preuve d'une solide conscience professionnelle… mais ce n'est pas une bonne pratique, car le cahier de laboratoire est un document officiel, qui atteste de la priorité des travaux, des résultats. Il ne doit pas sortir du laboratoire, et il doit être signé et contresigné chaque soir. De sorte que nos étudiants qui recopiaient chez eux le soir, le cahier de laboratoire à partir d'un cahier de brouillon faisaient plusieurs fautes d'un coup. 

Certains m'ont fait valoir que, pendant l'expérience, on n'a pas le temps de prendre des notes. Je crois que l'explication n'est pas bonne, parce que si l'on manque de temps, c'est que l'organisation de l'expérience est insuffisante, conduisant à des expériences dans la presse. Et puis, ne vaut-il pas mieux préparer l'expérience, c'est-à-dire l'anticiper en introduisant des blancs là où nous aurons des choses à noter, en prévoyant les différentes annotations que nous aurons à faire, voire en ménageant des espaces pour cet inattendu que nous cherchons toujours ? Il faut être une tête brûlée pour se lancer dans l'expérience sans réflexion, et et l'on ne parvient jamais a posteriori à rattraper un coup foiré. 

Ce qui ne signifie que l'on ne doive pas penser à nos travaux après coup ! Au contraire, cela vaut la peine, comme pour la naissance d'un enfant, d'avoir une longue préparation, une naissance que l'on cherche à faire aussi paisible que possible, et une longue maturation, ensuite, avec des développements supplémentaires. 

Décidément, je crois que cette phrase de Jean-Claude Risset que je discute ici mérite de figurer dans un document qui décrit les bonnes pratiques scientifiques, et c'est la raison pour laquelle je n'hésite pas, finalement, à mettre ce billet dans le blog correspondant.

"Produits végétaux" et cuisine de synthèse

 Je reçois le message suivant : 


Bonjour monsieur This,

Cela fait longtemps que je ne vous avais pas contacté avec mes questions naïve. J’espère que vous accepter toujours de répondre aux questions d’amateurs de cuisine, de chimie et de vos travaux.

Ma femme m’a “converti” ces derniers temps aux produits de substitution a la viande tels que steaks hachés végétaux, bacon ou saucisses végétales…
Je mange toujours de la viande (plus rarement mais aussi de meilleure qualité) mais j’ai adapté certaines recettes pour intégrer ces nouveaux aliments et parfois je trouve qu’on arrive à des résultats plaisants (je ne dis pas “meilleurs” hein).

Je ne peux pas m’empêcher de voir dans ses produits une route vers votre cuisine note à note mais je me demande ce que vous en pensez ? Acceptez-vous la filiation? Ou les objectifs vous semblent trop éloignés des votres ?
Je pense parfois avec envie à l’éventualité d’un projet dans lequel vous participeriez…
 
 
 Et ma réponse est la suivante. 

1. Répondre à des questions ? Bien volontiers, car je sais qu'elles sont souvent partagées, et que si je peux apporter des réponses, je me rends utile. 

2. "steaks hachés ou bacon végétaux" : attention, l'usage des mots de la viande pour des reproductions végétales est maintenant interdit par décret, et cela me semble parfaitement bien, car il faut de la loyauté dans les transactions à propos des produits alimentaires (notamment). Un steak, c'est un steak. Mais une galette végétale, ce n'est pas un steak. Et une expression comme "steak végétal" est aussi incongrue que "carré rond". 

3. les produits végétaux seraient-ils apparentés à la cuisine note à note ? Pour répondre, il faut reprendre la définition de la cuisine note à note, version artistique de la "cuisine de synthèse" : cuisiner avec des ingrédients qui sont des composés. 
Or souvent, les fabricants de produits végétaux ne font rien d'autre que de la cuisine, avec des produits végétaux. Certains s'approchent de la cuisine de synthèse, mais pas tous. Bref, c'est du cas par cas. 
Des exemples ? Imaginons que l'on parte de féverole, que l'on sépare l'amidon et les protéines, avant d'obtenir un résidu végétal (majoritairement des fibres) ; on peut effectivement composer une sorte de galette que l'on cuira comme un steak. Dans un tel cas, l'amidon est fait de seulement deux sortes de composés, à savoir des molécules d'amylose et des molécules d'amylopectine, tandis que les protéines sont... des protéines (de plusieurs sortes) ; pour les fibres, il y a des celluloses, des hémicelluloses, des pectines. Bref, ce n'est pas "purement" note à note, mais on n'en est pas loin.

4. un "projet" auquel je participerais ? Je participe à mille travaux (plutôt que projets) ;-). Mais je suppose que mon interlocuteur pense à un projet de construction d'aliments dont les ingrédients sont des produits végétaux... ce que j'ai fait souvent, bien que ma mission soit la recherche scientifique, bien plus utile à la collectivité que l'application, que d'autres peuvent faire.

jeudi 23 mai 2024

Tout ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait.


Là, on a encore l'impression que nos idées sont un peu éloignées du travail scientifique, mais je propose de considérer que le sens général des ces phrases qui sont affichées au mur de mon bureau nous importe peu, et que, au contraire, seul le sens relatif au travail scientifique est important. 

Nous faisons donc de la recherche scientifique, et nous considérons que tout ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait. 

A ces mots, je ne peux m'empêcher de penser aux innombrables stagiaires qui nous font l'honneur de venir apprendre dans notre groupe de gastronomie moléculaire. Il y a des questions simples, comme de savoir effectuer des tâches. 

Je prends souvent l'exemple de la pesée, parce que c'est une sorte de prototype, mais, pour changer, aujourd'hui, je vais considérer une analyse plus complexe (à peine), à savoir la mesure d'une température. Un individu actif à qui l'on demande de mesurer une température en lui tendant un thermomètre se contente généralement de plonger le thermomètre dans la solution à caractériser, à bien attendre que le niveau ne bouge plus, et à donner une valeur qu'il lit le plus précisément possible. Cette méthode est évidemment mauvaise, car qui nous garantit que le thermomètre est juste. Le fabricant ? On sait que le certificat de conformité peut être erroné. En science, puisque les mesures sont à la base de notre travail, il est impossible de bâtir des cathédrale sur du sable, et nous devons avoir une certitude, de sorte que le résultat de mesure s'assortit de précautions : étalonner le thermomètres, considérer le refroidissement au cours de la mesure… il y a mille efforts à faire avant d'arriver au résultat.

Il faut rénover les enseignements

 On l'ignore mais il y a encore de nombreuses universités de sciences et technologie des aliments où les étudiants de cuisinent pas. 

Comment devenir ingénieur dans l'industrie alimentaire si l'on ne sait pas faire cuire un œuf, préparer une mayonnaise, faire une tarte ????????

 Certes, les établissements dispensent des cours à propos du transfert thermique, de la rhéologie, de la biochimie des aliments... Mais quand même, nous ne devons pas oublier que finalement ces ingénieurs seront en charge de la production d'aliments, de véritables aliments et pas d'OVNI que ni eux ni leurs clients ne comprennent. 

Ces dernières décennies, sous l'impulsion de la gastronomie moléculaire, plusieurs universités ont décidé de remédier à la chose en s'associant à des écoles de cuisine, ce qui a le double intérêt de faire venir des théoriciens dans des institutions pratiques et de donner à ces jeunes théoriciens des bases solides sur lesquelles ils peuvent exercer leur talents. 

Bien sûr, il est hors de question d'exposer ces jeunes à des idées fausses comme il y en a trop souvent dans le monde culinaire, mais après tout, pourquoi de pas proposer aux jeunes théoriciens précisément d'être en position d'analyse quant au savoir pratique qu'on leur soumet ? Pourquoi ne pas les faire réfléchir sur des recettes qu'ils mettent en œuvre ses recettes dussent-ils les modifier après coup ? 

Bien sûr, il y a la question des professeurs, comme toujours, qui, eux-même, ne savent pas toujours cuisiner, qu'il s'agisse de professeurs théoriques voire de professeurs pratiques, formés parfois à une époque où il n'y avait pas de technologie dans l'enseignement culinaire. 

Sans compter que la rénovation de l'enseignement culinaire est loin d'être terminée : je rappelle qu'en 24 ans de séminaire mensuel expérimentaux, nous avons constaté que 87% des idées testées étaient fausses. Je rappelle aussi que les terminologies sont bien souvent fautives, l'enseignement culinaire pratique s'étant trop souvent fondé sur le guide culinaire, ouvrage écrit sans aucune référence et sans recherche historique suffisante. 

Bref il il y a un immense chantier devant nous et il est urgent de nous y lancer


Une stratégie pour expliquer

 J'ai dû m'expliquer à nouveau : quand on fait des pesées de précision, on ne doit pas peser un objet chaud. Il y a principalement deux approches pour expliquer cela  :
- lla première est de considérer le phénomène et d'arriver à la conséquence,
- la seconde explication, un peu plus longue, consiste à rapporter une erreur que j'avais faite afin de montrer qu'on a le droit de se tromper si l'on corrige. 

Ayant du temps, j'ai pu donner les deux explications mais qu'aurait-il fallu faire si j'avais été limité ? Je ne peux pas m'empêcher qu'il vaut mieux mettre de la chair sur les os pour faire une véritable personne :  il vaut toujours mieux raconter une histoire. Et pourtant cette idée s'oppose à ce goût pour les mécanismes que je connais et que je partage.
Bien sûr, le mieux est de raconter une histoire en incorporant des mécanismes



Comment donner un séminaire ?

 J'ai assisté hier un drôle de séminaire où l'intervenant enfilait des caractérisations de systèmes physiques qui avait tous en commun d'être "actifs" (il disait "intelligent", ce qui est bien abusif), ce qui signifie que l'on y avait placé des composés qui,  pour certains, absorbaient la lumière, pour d'autres avaient une action microbiologique, et cetera. 

Dans tous les cas, il s'agissait de disperser ses composés dans une matrice... mais  il n'était pas dit comment, pas plus que notre collègue ne décrivait  les méthodes pour mesurer les caractéristiques finales. 

Je comprends maintenant pourquoi je n'ai pas été complètement satisfait d'une telle présentation : il me manquait tous les détails essentiels de la construction des systèmes voire de la mesure de leur caractéristiques. 

Par exemple, on m'affichait une courbe de destruction de micro-organismes de certaines sortes mais on ne me disait pas comment avait eu lieu le contact entre le matériau et les micro-organismes cultivés. 

Finalement, et surtout, je n'ai pas eu le sentiment de devenir plus intelligent à la sortie de la longue litanie des caractérisation qui nous a été présentée, d'une part parce que je ne savais pas comment les résultats avaient été obtenu,  mais surtout parce que, on ne revenait pas à des mécanismes, la seule chose qui m'intéresse puisque c'est là la véritable question scientifique. 

On m'a donné un travail de technicien et pas un travail scientifique que j'attendais. De sorte que si je n'avais pas eu une vie intérieure riche, j'aurais perdu mon temps... à cela près que je comprends mieux comment mieux faire mes propres séminaires.

Comment calculer ?

Je viens d'avoir à nouveau l'occasion d'observer que (certains de) nos jeunes amis manquent moins de connaissances que de stratégie pour les mettre en œuvre. 

 Dans notre groupe de recherche, nous avons notamment les questions du jour à savoir que chaque jour, je pose une question qui doit conduire à faire un petit calcul. Souvent c'est un calcul d'ordre de grandeur,  mais, en tout cas, il n'y a rien de compliqué... sauf que précisément il faut une stratégie. 

Hier, la question du jour était de savoir à quelle vitesse vont les molécules d'eau dans de l'eau. 

Un de nos amis m'a demandé si on considérait un verre d'eau ou un kilogramme d'eau. Je ne sais pas pourquoi , mais j'ai le sentiment qu'il y avait là un manque de réflexion, car si on prend un kilogramme d'eau, un litre, et que par la pensée on isole le contenu d'un verre, c'est toujours de l'eau et environ à la même pression. Si l'on se représente les molécules, alors il y a peu de chance que l'on posera cette question. Sauf à imaginer donc des différences de pression en fonction de la profondeur. 

Là, je sais sais de façon certaine (notre discussion) que notre ami n'avait pas de représentation mentale de l'eau et que c'est ce qu'il a poussé à poser cette question qui n'a pas d'intérêt. 

Mais passons, et arrivons à la réponse qui m'a été donnée : "Les molécules d'eau sont rapides et d'autant plus rapides que l'eau est plus chaude". 

Ici, il y a évidemment une réponse si floues qu'elle n'est pas la réponse correcte, et le fait que notre ami ait su que la vitesse des molécules augmente avec la température aurait dû le conduire à imaginer une réponse en fonction de la température, une expression mathématique ou la lettre T puisse apparaître. 

Mais de même, l'observation de l'adjectif "rapide" aurait dû immédiatement conduire notre ami à la question "combien ?" qui est la seule qui nous intéresse puisque notre projet était de faire un calcul. 

Bref, notre ami ne savait pas répondre à la question et il a en quelque sorte fait semblant, oubliant que je suis d'une brutalité terrible et que je mets généralement le doigt où ça fait mal parce que c'est la seule façon d'arriver à des améliorations. 

La stratégie qu'il aurait fallu mettre en œuvre, c'est de considérer que le mouvement des molécules d'eau est un phénomène physique et que, comme tout phénomène physique,  il doit s'analyser à partir de l'énergie. 

D'ailleurs, puisqu'on considère des molécules qui bougent, et il y a lieu de considérer leur énergie cinétique, ce qui est enseigné dès le lycée. 

Ainsi guidé, notre ami a réussi à écrire l'expression de l'énergie cinétique, mais la deuxième idée est venue de la considération du fait que les molécules sont des objets très petits, qui relèvent donc de la mécanique statistique ou de la mécanique quantique. En l'occurrence, il aurait fallu penser que si les molécules d'eau étaient comme des boules de billard, alors leur énergie aurait été trois demi de kT, où k est  la constante de Boltzmann, et T la température absolue. 

Et là, le problème était résolu puisqu'on écrivait que cette énergie là est égale à l'énergie cinétique, une équation toute simple dont n'importe qui peut tirer l'expression de la vitesse puis, ensuite, introduire les valeurs pour obtenir un ordre de grandeur parfaitement admissible. 

Evidemment, il s'agit d'un ordre de grandeur mais peut-on croire que l'on cherchait autre chose ? Dans de l'eau, il y a des molécules plus lentes, d'autres plus rapides, mais il y a qu'une sorte de vitesse moyenne, plus exactement une "vitesse quadratique  moyenne", mais, là, on serait entré dans des détails un peu hors sujet. 

Bref, il faut toujours une stratégie  !



PS. Ces questions du jour sont discutées dans mon livre (en anglais) : 



C'est un grand moment

 
En 2016 le Centre international de gastronomie moléculaire et physique de l'INRAE et d'AgroParisTech a créé l'International journal of moléculaire en physical gastronomie

Un journal au modèle diamant, ce qui signifie que ni les auteurs ni les lecteurs ne payent, que les auteurs conservent la propriété de leur texte (licence CC by 4.0) et que les articles sont évalués en double anonymat. 

La revue est en ligne à l'adresse https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy/journal-of-molecular-and-physical-gastronomy  sur le site du Centre international de gastronomie moléculaire et physique :

https://icmpg.hub.inrae.fr/

Avec le temps, nous avons publié appris à publier des articles, ériger la structure totale, incluant des règles d'éthique, en rédigeant des instructions aux auteurs aussi claires que possible, et surtout, en constituant un comité éditorial international. 

La revue en ligne et dotée d'un ISSN électronique mais l'événement du jour, c'est l'attribution de doi à tous les articles, condition d'une inscription de la revue dans les bases de données internationales. 

Les DOI sont comme des plaques d'immatriculation à savoir qu'il s'agit d'identifiants inamovibles qui permettent à tout moment de retrouver des articles sans se perdre dans le détail des références. Ils se sont imposés depuis quelques années, avec l'avènement du numérique, et c'est donc un grand moment de reconnaissance pour la revue que nous puissions attribuer des DOI. 

C'est aussi évidemment une condition pour inciter les auteurs potentiels à soumettre des manuscrits.

 Signalons  à ce propos qu'il y a des rubriques variées dans le journal, à savoir tout aussi bien des notes de recherche que des cours, des recensions d'articles ou de livres, voire des recettes de cuisine un peu extraordinaires et en tout cas fondé sur l'emploi de sciences et de technologie moderne; il y a aussi des éditoriaux, des documents didactiques, d'utilisation de la gastronomie moléculaire pour l'enseignement à tous les niveaux, de l'école à l'université. 

Voir à ce propos : https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy/international-journal-of-molecular-and-physical-gastronomy/the-journal

 

Bref n'hésitez pas à soumettre des articles à icmg@agroparistech.fr

Les roux

 Un roux chauffé rapidement a-t-il le même goût qu'un roux chauffé lentement de la même couleur ? 

C'est là une des deux questions que nous avons explorées aujourd'hui, lors du séminaire de gastronomie moléculaire. 

Nous avons évidemment travaillé à ingrédients égaux, et nous avons donc comparé  un roux bruni au terme de 15 minutes  de cuisson avec un roux fait de la même préparation de beurre fondu et de farine mais cuit en seulement 4 minutes. 

La couleur était la même mais en bouche, on reconnaissait nettement la différence avec une sensation plus grasse du roux cuit lentement. 

D'autre part, nous avons comparé un roux cuit rapidement mais pas trop, conforme à des canons professionnels, à un  assemblage de beurre noisette et de farine torréfiée. Nous avons réussi à retrouver la même couleur mais nous avons surtout observé que la consistance était bien plus épaisse dans le cas de l'assemblage. Le goût a été préféré. 

Pour cette seconde expérience, nous voulions savoir si la différence de procédés mettait en œuvre des réactions qui auraient eu lieu dans le cas du roux classique et pas dans l'autre cas, entre des composés du beurre et des composés de la farine. Disons immédiatement que ce n'est pas cela qui est apparu en dégustation mais, à nouveau, répétons que le "roux assemblé" a été préféré !

mercredi 22 mai 2024

En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité.

 En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité.
Cette phrase est d'Abélard, ce philosophe du Moyen Âge qui eut bien des ennuis pour avoir trop aimé une jeune fille nommée Héloïse. 

On trouve ici une idée qui se rapproche de celle que j'ai discutée ailleurs, à savoir « Devons-nous croire au probable ? ». Oui, il y a la question du doute. Contrairement à ce que des philosophes pessimistes expriment, le doute n'est pas quelque chose de négatif, mais quelque chose de très positif, et c'est cela que j'aime dans cette phrase d'Abélard : il ne s'agit pas d'une philosophie négative, mais d'une philosophie très positive, au contraire. 

Douter, ce n'est pas refuser la connaissance, mais au contraire se mettre en recherche de sa validité. La phrase d'Abélard dit en réalité une position philosophique plutôt qu'un fait, mais j'aime beaucoup cette position. 

Évidemment la fin de la citation est un peu légère, un peu naïve : trouver la vérité ! Les épistémologues ont raison de critiquer ceux qui ont la naïveté de croire que la science conduit à la vérité : non, la science ne conduit pas à la vérité, mais seulement à des théories dont nous avons qu'elles sont insuffisantes et qui doivent être améliorées. 

Cela étant dit, il ne faut quand même pas aller jusqu'à dire que la science n'est rien, ce que font quelque épistémologistes détestables qui oublient, parce qu'ils veulent l'oublier (et c'est pour cela que je dis « détestables ») que les théories les plus élémentaires décrivent très bien les phénomènes. 

Considérons, par exemple, la loi d'Ohm, qui permet de calculer l'intensité du courant électrique qui parcourt un fil électrique aux bornes desquelles on applique une différence de potentiel électrique : cette loi élémentaire donc date d'environ un siècle, mais elle reste utilisée par les électriciens et électroniciens du monde entier parce qu'elle est « très bonne ». Imparfaite, certes, mais très bonne, au point qu'elle permet de construire les ordinateurs les plus puissants, de faire marcher les automobiles, les avions, les fusées… Oui, la loi d'Ohm est approximative, ce n'est pas la vérité, mais elle est quand même extraordinairement efficace, et décrit merveilleusement les phénomènes. 

La science moderne est dans un mouvement inouï, à savoir qu'on demande aujourd'hui des adéquations des théories aux phénomènes à des précisions considérables. Pour certaines « constantes de la nature », on connaît les valeurs à des dizaines décimales près. Autrement dit, oui, par principe, on ne peut pas trouver la vérité avec la science, mais on s'en approche sans cesse, sans cesse, sans cesse... et c'est précisément ce mouvement merveilleux, parce qu'il fait apparaître des notions, concepts, idées, méthodes que l'on n'avait pas auparavant, qui fait une partie de la fascination des sciences de la nature.

Je ne sais pas, mais je cherche


L’expérience montre qu'il y a des personnes dont les réponses sont négatives ou défensives. Elles ne répondent qu'un sec : « Je ne sais pas ». C'est comme si l'on avait donné un coup dans un édredo

n : il encaisse le choc, s'enfonce. Comme si l'on avait refermé une porte au nez de nos amis. Avec une telle réponse, il n'y a pas de discussion, et il y a l'aveu d'une faiblesse. Je propose évidemment quelque chose de beaucoup plus positif à savoir que je ne sais pas, mais que je cherche. Ce qui signifie aussi : je suis honnête et j'avoue que je ne sais pas, mais sans perdre une seconde, je me mets en quête de la réponse. 

Évidemment cette formule « Je ne sais pas mais je cherche » n'est qu'une sorte d'illustration d'une attitude générale, notamment pour les sciences de la nature. Ces dernières sont une activité difficile, et il sera prétentieux de dire que l'on sait, de sorte qu'il est bien plus juste de dire que nous ne savons pas, mais cette ignorance n'est pas une faute si elle est assortie d'une activité soutenue de recherche : je ne sais pas mais je cherche. 

Cette discussion vaut également pour les examens que passent nos étudiants. Bien souvent, dans un examen, on peut ne pas savoir, surtout quand la question ne teste pas des connaissances de cours, mais plutôt des compétences, qui font usage de ces connaissances de cours sans se résumer à elles.
Par exemple, supposons que l'on interroge un candidat sur l'abaissement du point de congélation de l'eau quand on y met un composé « antigel ». La « loi de Raoult » stipule que cet abaissement est proportionnel à la concentration du produit antigel divisé par sa masse molaire. Évidemment un candidat qui saurait cela aurait au moins le mérite de le savoir, mais ce serait mieux encore qu'il sache le démontrer, et un candidat qui ne le sait pas ne le sait pas, mais on peut espérer qu'il puisse le retrouver. L'examinateur est donc moins intéressé par la formule que par la démonstration. Là il faudrait sans doute considérer qu'il y a encore deux niveaux : savoir le démonter, ou avoir une idée de la démonstration. En l'occurrence, l'idée de la démonstration tient dans la reconnaissance du fait qu'à l'équilibre entre différentes phases, le potentiel chimique des diverses phases est égal, ce qui revient en fait à dire que l'énergie n'est pas plus élevée en un point particulier du système.
Qu'est-ce que le potentiel chimique ? Ce serait bien que le candidat sache dire que c'est l'énergie par quantité de matière, mais peu importe. Ce qui importe surtout, c'est qu'il soit dans une dynamique positive : il peut chercher, analyser à voix haute, soliloquer, montrer qu'il sait tirer un fil de connaissance à partir d'une pelote très enchevêtrée. Il cherche, analyse, mobilise ses connaissances à la recherche de celles qui sont les plus pertinentes. Je ne sais pas, mais je cherche.

mardi 21 mai 2024

Le 13e workshop de gastronomie moléculaire et physique vient de s'achever

Le 13e workshop de gastronomie moléculaire et physique vient de s'achever à Palaiseau. Il réunissait plus d'une cinquantaine de personnes de plus de 10 pays sur le thème Consistances et texture

Il était organisé par Roisin Burke, Alan Kelly, Christophe Lavelle et moi-même, dans le cadre des activités du Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-INRAE et sous le patronage de l'Académie d'Agriculture de France. 

Pendant 2 jours, les spécialistes des questions de consistances et de textures (notamment des rhéologistes) ont donc présenté leurs travaux récents sur le thème retenu, après qu'il avait été initialement bien expliqué par Paul Menut, de l'UMR Sayfood.
Plusieurs doctorants ont rapporté des résultats préliminaires et ont discuté des stratégies de leurs recherches. Des chercheurs ont présenté des travaux en cours, discuté des hypothèses scientifiques. 

Après ces deux jours d'intenses discussions, Reine Barbar et Roisin Burke ont organisé une session pour le projet européen Tradinnovation, des étudiants de Montpellier et de Kaslik présentant des résultats obtenus dans le cadre de ce programme. 

Finalement, nous avons discuté le développement de l'International journal of molecular and physical gastronomy,  et nous avons fait le point sur le prochain concours international de cuisine note à note. 

 

Nous avons terminé en décidant le programme du prochain workshop, en mai 2025 : la création d'aliments sains et durables, notamment par utilisation d'imprimantes alimentaires 3D, 4D, 5D, 6D

lundi 20 mai 2024

Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui nous dispensent de réfléchir.

 Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui nous dispensent de réfléchir.
Cette phrase est de Henri Poincaré, remarquable mathématicien français, venu de Nancy et qui eut un cousin qui devint président de la république. 

Mais un président de la république n'est rien : il y en a tous les cinq ans ; ils passent. Alors que le Poincaré mathématicien restera dans l'histoire de la pensée humaine pour toujours, tant il était extraordinaire, tant il fit progresser la connaissance, et les mathématiques en particulier. Un président de la république est un administrateur, remplaçable. Un mathématicien de génie comme Henri Poincaré est un individu irremplaçable, notamment parce que les mathématiques sont œuvres de création. 

Etre un des plus grands mathématiciens de tous les temps, cela est vraiment beaucoup. D'ailleurs, Henri Poincaré ne se contentait pas d'être un extraordinaire mathématicien ; il était aussi un très bon épistémologiste. Son livre La science et l’hypothèse est non seulement simple, limpide, mais aussi clairvoyant et d'une rare intelligence. En écrivant ces mots, je ne peux m'empêcher de penser que je devrais le relire un fois de plus, pour mettre plus de distance avec ce texte ancien (j'ai toujours peur des éblouissements), mais je dois avouer que chaque fois que j'ai fait l'exercice, j'ai trouvé bien peu à redire. Notamment, la phrase de Poincaré que je discute ici me semble très juste. Douter de tout : c'est une attitude commode et un peu bête ! Il est trop facile de réserver son jugement à tout bout de champ, et, un mouvement positif doit nous conduire parfois à dépasser les doutes. Mais je me reprends : à vrai dire, la critique que l'on pourrait faire à ce début de phrase est que le mot « doute » n'est pas bien défini. On a vu, dans un autre billet, que je distingue un doute mortifère, bête, et un doute positif, qui est en réalité une façon de chercher plus loin, positivement. Poincaré évoque seulement le premier des deux doutes, de sorte qu'on pourrait lui faire reproche de ne pas avoir distingué les deux doutes que j'évoque (on se rappelle que je cherche non pas à abattre les idoles, mais à trouver dans leurs discours ces idées fausses qui y sont quasi nécessairement). 

Tout croire c'est évidemment d'une naïveté navrante. Oui, c'est un fait que le monde nous soumet d'innombrables idées fausses qu'il faut évidemment savoir rejeter. Rejeter ? Dénoncer ? C'est là une idée politique que je laisse pour le moment. Mais il est vrai que tout croire est commode, paresseux. Et pour en arriver à la fin de la citation de Poincaré, oui, il s'agit bien de réfléchir. Il s'agit de prendre les idées, de les ruminer, de les discuter, d'en débattre, de les confronter, tout comme un orfèvre chercherait à savoir le titre d’un métal précieux. On pourrait dire d'ailleurs qu'il s'agit d’analyser, de décomposer pour mieux comprendre les parties, mais pas seulement pour voir les parties ; il s'agit aussi de voir les relations entre ces parties, c’est-à-dire de voir la structure intime. Finalement, partant de l'idée de Poincaré, je propose de distinguer deux mots et d'introduire le mot « analyse », dans l'affaire. Mais je ne veux pas oublier que Poincaré était un être exceptionnel, et si sa phrase peut être commentée, je propose que nous la gardions dans son idées générale, qui consiste à faire mieux.

dimanche 19 mai 2024

Ça y est le réflexe est pris.

 

Alors que je discutais de questions didactiques, j'ai été conduit à parler de mauvais professeurs que j'avais eus et dont le comportement m'indigne encore aujourd'hui... mais immédiatement, j'ai pris la précaution de dire qu'à côté de ces mauvais professeurs, il y avait eu tous les bons  professeurs, envers lesquels j'étais parfaitement reconnaissant, durablement.

Certes, il y a un peu d'exagération dans les deux cas... notamment parce que, en vérité, je n'écoute pas les professeurs et que je préfère faire mon chemin moi-même. Ce qui n'est d'ailleurs peut-être pas un bon exemple à donner. Mais c'est là une autre affaire.

Surtout, ce que je veux observer, c'est que, pour une fois,  j'ai été capable d'éviter une généralisation, et, d'autre part, que je me suis décollé de la boue pour regarder le ciel bleu.
C'est là le fruit d'un entraînement constant, mais salutaire : oui, à côté d'individus paresseux, autoritaires, insuffisants, que sais-je ?, il y a tous ceux qui s'efforcent de faire bien et que nous devons à la fois féliciter et encourager,  remercier aussi.

Encourager est, des trois mots, celui que je retiens  surtout, car même quand tout est bien, il y a possibilité de faire mieux, et j'appelle depuis longtemps de mes vœux des discussions didactiques, notamment pour l'enseignement supérieur.

J'écris cela alors que je sors de la rédaction d'un texte qui montre l'importance de l'évaluation par les pairs, et que je ne vois pas pourquoi le monde de ce qui est nommé enseignement devrait s'échapper à cette évaluation. Ou plus exactement, pourquoi ne monde ne pourrait pas bénéficier d'une telle évaluation, car je maintiens que l'évaluation par les pairs est un facteur d'amélioration. D'amélioration collective et d'amélioration personnelle. Cest un atout, et, là encore, j'écris ma reconnaissance à ceux qui acceptent de passer du temps sur mes manuscrits que je soumets à des revues scientifiques, sur mes idées, à tous ceux qui font  des propositions positives, afin de m'aider à améliorer mes écrits.

Bien sûr il y a des évaluateurs pénibles, méchants, etc. ...,  mais il y a tous les autres qui sont merveilleux et à qui j'exprime maintenant ma reconnaissance sincère.

samedi 18 mai 2024

Soyons attentifs : une chose à la fois

 
C'est assez merveilleux de voir combien, pour des tâches précises, on a intérêt à avoir toute son attention focalisée sur l'une de celle-ci en particulier. 

 

On enseigne aux étudiants à travailler en parallèle : il faut à la fois gagner sa vie,  apprendre les cours, faire les exercices, chercher un stage,  régler les questions administratives, avoir une vie sociale, etc. De sorte que, pour les aider, on leur apprend à faire des diagrammes de Gantt, des rétroplannings, et autres "bidules" de gestion du temps. 

Pourtant, imaginons que l'on ait disposé deux tâches partiellement ou totalement simultanées : il y a lieu de bien comprendre que l'on ne pourra pas les faire simultanément. Elles seront successives, dans un temps qui devra être divisé. Bref, il y avait le premier ordre, mais, une fois celui-ci réglé, il faut y regarder de plus près, passer au deuxième ordre, avant éventuellement de passer au troisième ordre. 

Et voici pourquoi (métaphoriquement) : alors que nous sommes lancés dans une grande série d'analyses par résonance magnétique nucléaire, il y a une foule de choses à faire et à penser : prendre les tubes sans les casser, y déposer un tube capillaire qui contient un échantillon de référence, conserver une trace écrite du numéro du tube que l'on a pris, ouvrir un nouveau fichier d'analyse, régler toute une série de paramètres, lancer l'analyse, retirer le tube capillaire en y prenant le plus grand soin car il est extrêmement précieux, laver ce dernier, stocker les échantillons déjà analysé, et cetera. 

On voit qu'il y a beaucoup de choses à faire simultanément et d'ordres différents : il faut penser à certaines choses, effectuer certains gestes... 

Pour les étapes critiques, il y a lieu d'être particulièrement prudent,  car les tubes capillaires sont très fragiles, par exemple et les tubes d'analyse sont coûteux. 

Bref il y a lieu de faire très attention à toute cette série de choses qu'il faut faire. mais le point est le suivant : si l'on pense à autre chose que ce que l'on fait, l'expérience nous montre que nous nous trompons et que nous ferions mieux de faire les choses les unes après les autres, proprement, correctement, soigneusement, lentement.

Le problème, c'est que la Terre ne s'arrête pas de tourner pendant nos analyses : il y a le téléphone qui sonne, un collègue qui vient poser une question, et cetera. 

Mais il est hors de question de nous détourner de détourner votre attention pendant la moindre seconde quand nous avons une tâche critique. Il faut faire cette dernière parfaitement sous peine de catastrophe. 

Eins no'm andra, comme on dit en alsacien

vendredi 17 mai 2024

Comment être un bon évaluateur

 
Ce matin, je dois assister à une soutenance publique d'étudiants et je m'interroge sur la manière de m'y prendre. 

Si je suis factuel, je relèverai des imperfections et l'appréciation sera finalement dévastatrices. 

Or, plus j'essaie de m'améliorer moi-même, et plus je suis capable de dépister des imperfections de mon propre travail... mais aussi dans le travail des autres. Et leur accumulation peut devenir exorbitante, rédhibitoire. 

Puis-je être charitable ? Encourageant ? Cela signifierait que je masquerais ma pensée et cela n'est guère supportable. 

Puis-je relativiser, et essayer de comparer ce qui me sera présenté à ce que je sais que les étudiants présentent en moyenne ? Je ne suis pas sûr que cela soit une bonne solution parce que à ce rythme, un étudiant médiocre dans un groupe médiocre se verra féliciter de qualités qu'il n'a pas. 

Bref, je m'interroge. 

La question est la même que celle que je me pose quand  je vais manger dans un bon restaurant : parce que je suis intéressé par ce qui est servi, je prends des photographies, je note les caractéristiques de ce qui m'est servi. Et, au-delà du "c'est bon", j'observe  un trait de sauce qui déborde, un taillage  involontairement imparfait, etc.,  et c'est ainsi que souvent, mes comptes rendus, pourtant factuels, restent incommunicables aux cuisiniers. 

J'ajoute que pour ce qui concerne ma propre cuisine, je suis parfaitement capable de faire le même exercice... et que je le fais sans cesse. 

Bref  être seulement factuel est souvent bien délicat, et il ne faut pas s'étonner que l'on ait fait voir la ciguë à Socrate, qui, pourtant, n'allait même pas jusqu'à cette analyse factuelle, mais se limitait à poser des questions à ses interlocuteurs, tel que ferait un évaluateur : afin de s'assurer que la personne qui lest évaluée s'est elle-même posée ces questions là. 


Des aliments "véritables" ?

 Aujourd'hui, lors de notre 13e workshop international de gastronomie moléculaire, quelqu'un a prononcé l'expression "véritables aliments" et cela m'a rappelé une conférence que j'avais faite à Édimbourg devant un public mêlé, avec des scientifiques et des cuisiniers : dans l'assistance, en face de moi sur la gauche, un chef avait réagi très violemment à ma présentation de la cuisine de synthèse, dont la version artistique a pour nom cuisine note à note. 

Ce chef s'était entêté à dire que tout cela, ce n'était pas de véritables aliments, de vrais aliments,  et quand je lui demandais ce qu'étaient de véritables aliments, il n'avait que de pauvres arguments, considérant environ, sans s'en rendre compte, qu'il définissait ainsi des aliments qu'il mangeait quand il était enfant. 

À ce compte, il n'y a guère de dialogue possible, car les aliments des uns  enfants ne sont pas les aliments des autres. D'ailleurs, vu la description qu'il me faisait de ses aliments d'enfance, je jugeait, moi,  que ces choses abominables n'étaient pas  de vrais aliments mais de bien pauvres choses... ce qui augmentait sa colère (dont je me moquais : on a le ridicule que l'on veut). 

Dépassons cette querelle un peu idiote et posons-nous véritablement la question : que sont de vrais aliments ? Un aliment, c'est un système physico-chimique qui s'inscrit dans une culture, qui nourrit le corps et l'esprit, et il est vrai que nous ne mangeons que ce que nous connaissons, l'être humain étant infligé d'un comportement de primate nommé néophobie alimentaire : nous reconnaissons comme comestible ce que nous avons appris à manger, notamment quand nous  étions enfants. Mais  notre alimentation  ne se réduit pas à cela car l'être humain est également équipé d'omnivorité, c'est-à-dire de la capacité de diversifier notre alimentation et de bénéficier de plus de diversité, surtout à des époques où la nourriture manquait parfois. 

Bref, nous sommes éduqués avec certains aliments, ceux que nous ont transmis notre famille, notre culture, notre environnement, et ceux qui se sont ajoutés grâce aux rencontres sociales, notamment. 

D'ailleurs il faut ajouter que nos aliments ne sont nos aliments traditionnels ne sont pas une garantie de sécurité, nombre d'aliments traditionnels ayant été montré toxiques. Ajoutons  que les individus qui mangent lesdits aliments traditionnels avérés toxiques ne sont pas prêts à les abandonner :  ils veulent "manger sain", comme ils disent, mais la tradition leur fait manger des choses qui, si elles étaient montrées de façon nouvelle, seraient absolument récusées.

 Bref, la notion de "vrai aliment" est une notion difficile et, dans ces cas-là, il y a toujours eu lieu non pas de chercher à mieux définir mais d'abord de savoir s'il y a une existence de la chose : de même qu'il n'existe pas des carrés ronds, de même qu'il n'existe pas de père Noël, il n'existe peut-être pas de "vrais aliments". 

En oubre,  un aliment c'est ce que l'être humain mange et l'être humain mange au fond ce qu'il veut, qu'il s'agisse de cuisine du Moyen-Âge, de la Renaissance, classique, de cuisine contemporaine, de cuisine française, de cuisine asiatique, et cetera. Dans cet éventail se trouve évidemment la cuisine moléculaire, mais aussi la cuisine note à note tout cela, c'est le corpus des aliments. Ils sont "vrais" dans la mesure où ils existent et rien de plus, rien de moins

jeudi 16 mai 2024

Quand il y a de la complexité...

Dans une série d'analyses par spectrométrie de résonance magnétique nucléaire (RMN), omettre une étape est un risque d'échec. 

Une telle phrase semble ésotérique, mais la question traitée est en réalité très générale, car les analyses par RMN (je rentre pas dans les détails d'une explication) imposent à l'opérateur d'effectuer des commandes, de suivre les effets de ces dernières sur un écran d'ordinateur, et, aussi, de gérer des échantillons, de laver des verreries, etc. 

Bref il y a toute une série très serrée de choses à faire et cela dans un cours laps de temps. 

Souvent, on est amené à enchaîner plusieurs analyses, il y a le risque de sauter une étape, de mal faire un geste... et tout est annihilé. 

Évidemment, nous avons trouvé un remède qui consiste à faire une sorte de check-list mais encore faut-il que, refusant la pression ambiante, nous suivions le protocole que nous avons nous-mêmes défini, car pour l'instant, nous n'avons pas encore résolu de cocher des cases (ce qui serait difficile, dans le cas particulier que je discute, vu la nécessaire adaptation aux circonstances changeantes des échantillons et des réactions de l'équipement d'analyse). 

On comprend en revanche que, pour la sécurité dans les avions, il faille un double ou un triple contrôle, et des check list mieux tenues. 

 Certes, pour nos acquisitions de résonance magnétique nucléaire, il n'y a pas mort d'homme si nous nous trompons, mais l'échec signifie une perte de temps, et, souvent, une perte d'argent, un risque expérimental augmenté. Bref, il faut éviter l'échec. 

C'est un exemple intéressant, parce que l'expérience prouve que malgré notre soin, malgré notre réflexion, l'enchaînement de plusieurs analyses conduit très souvent à des échecs. Parfois, nous corrigeons en cours de route, mais il n'en reste pas moins que "les bretelles rattrapent heureusement la ceinture qui a lâché". La répétition induit des automatismes, et c'est là une cause d'échec. 

A nous d'éviter la répétitions, par la réflexion ?

mercredi 15 mai 2024

A propos des Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France

Nous venons de tenir notre réunion du comité éditorial du journal scientifique, technologique et technique nommé Notes académiques de l'Académie d'Agriculture de France, et c'est l'occasion d'expliquer ce dont il s'agit. 

 

En 2016, l'Académie d'Agriculture de France a décidé de créer un journal scientifique, technologique et technique pour publier des articles dans les divers champs d'activités de l'Académie, à savoir alimentation, agriculture et environnement. Plus exactement, l'activité de l'Académie est représentée par ses sections qui comprennent tout aussi bien des sciences de la vie que de l'élevage, des agrofournitures, et cetera. 

Les manuscrits peuvent donc correspondre à des travaux dans le champ de ces dix sections. 

L'originalité, c'est que ce journal est au modèle diamant à savoir qu'il est libre et gratuit  : les auteurs ne payent pas et les articles sont mis gratuitement à la disposition des lecteurs, l'apport en industrie et en capitaux étant effectué par l'Académie d'agriculture de France, représentée par un groupe de travail qui a pour nom comité éditorial des notes académique. 

Ce comité éditorial, composé de personnalités scientifiques, technologique et techniques de plusieurs pays, se réunit régulièrement et échange beaucoup pour bien définir la revue et la faire fonctionner. Chaque  manuscrit que nous recevons est déposé dans un endroit protégé du site académiques à des fin d'antériorité, il est anonymisé et envoyé à un éditeur qui a pour charge d'assurer l'évaluation par les pairs : cela signifie en pratique qu'il envoie le manuscrit anonymisé à deux rapporteurs pour en demander une évaluation, une analyse critique, laquelle débouchera sur des conseils aux auteurs,  afin d'améliorer le texte jusqu'à ce qu'il soit publiable. 

Il y  a là un point important : les articles publiés doivent être de très grande qualité. C'est ainsi que depuis 2016, nous avons appris à publier les articles dans d'excellentes conditions, puis nous avons passé le cap de l'attribution des DOI, système de dénomination internationale des articles, et que nous continuons à améliorer nos circuits éditoriaux tout en promouvant l'idée que les scientifiques ont intérêt à publier dans une telle revue plutôt que dans des revues d'éditeurs privés dont les comportements ne sont pas toujours parfaitement éthiques. 

 

Les Notes académiques sont bien dans la ligne de l'activité souhaitée des sociétés savantes et des académies : il s'agit d'encourager les travaux scientifiques dans les champs de ces dernières. Cela passe à la fois par la publication de notes de recherche ou de points de vue, de perspectives, d'analyses d'articles ou d'ouvrages, etc. :  nous avons défini un ensemble de rubriques dans lesquels les manuscrits doivent s'insérer pour être publiés...  après  les nécessaires évaluations, ces échanges anonymes entre rapporteurs et auteurs qui permettent d'améliorer les textes. 

J'insiste sur ces échanges anonymes : il ne s'agit pas seulement de vérifier l'orthographe ou la grammaire, la correction des phrases, mais il s'agit aussi que les règles éthiques de la publication soient parfaitement respectées, notamment avec une insistance sur la justesse des références qui sont données, mais aussi sur la cohérence des arguments, sur la rigueur des méthodes, et cetera. 

Bref, la mise en œuvre de la double évaluation doublement anonyme est merveilleuse en cela qu'elle permet aux auteurs de dépasser leurs propres limites, d'apprendre, de s'améliorer. D'ailleurs, l'anonymat des évaluations permettent aussi aux jeunes chercheurs d'apprendre à rédiger des bons articles scientifiques sans avoir la honte de publier des textes imparfaits, qui resteraient à jamais comme des taches dans leur activité. 

Plus positivement, quelle fierté d'avoir un article publié dans les Notes académiques !

Les calculs nous sauvent toujours : que nul n'entre ici s'il n'est géomètre.

 
A la base de cette affaire, il y a les "calculs", que certains nommeraient "mathématiques" (mais ce serait confondre une activité un peu mécanique, bien qu'amusante, et une activité d'exploration de structures élaborées à partir des nombres. 

Oui, les calculs nous sauvent toujours, et notamment parce qu'ils nous évitent de fastidieuses expérimentations. 

L'idée est née, en réalité sous une forme un peu mystique, avec les philosophes grecs : la seconde partie de la proposition était écrite au fronton de cet espace nommé Académie, à Athènes, où se réunissaient le philosophe Platon et ses élèves. Pour les philosophes grecs, il y avait l'idée selon laquelle le monde est régi par les nombres et, de ce fait, il y avait l'idée qu'il fallait faire des mathématiques pour comprendre le monde. Par exemple, en musique, une corde qui vibre fait un son, mais une corde plus courte de moitié fait un son plus haut d'une octave, et les différentes notes de la gamme musicale dite pythagoricienne sont celles que l'on forme avec des cordes dont la longueur est une fraction simple (1/2, 2/3...) de la longueur initiale de la corde. Le fait que l'on obtienne des sons harmonieux ou pas avec certaines fractions avaient conduit les philosophes à croire à une harmonie mathématique du monde. 

Plus tard, il en alla de même pour les astronomes, qui croyaient à des rapports simples entre les astres. Encore au temps de Johannes Kepler, alors donc que l'on découvrait les lois du mouvement des planètes du Système solaire, on associait les distances entre les astres du Système solaire à des solides platoniciens tels que le cube, le tétraèdre, etc. Le nombre aurait régi le monde. Plus tard, quand la méthode scientifique s'introduisit dans la science moderne, il en est demeuré que les scientifiques ont foi dans cette hypothèse selon laquelle "le monde est écrit en langage mathématique" (des guillemets, parce qu'il s'agit d'une phrase de Galilée). Les nombres sont remplacés par des équations, mais l'idée de base demeure. 

Aujourd'hui, alors que la méthode scientifique fondée sur cette hypothèse ne cesse de conduire à plus de connaissance des mécanismes des phénomènes, on peut s'interroger : le monde est-il construit selon les nombres ? Ou bien est-ce notre capacité de manier les nombres qui nous permet de les mettre dans les phénomènes ? 

D'ailleurs, il faut hybrider la première hypothèse (le monde est écrit en langage mathématique) avec cette idée selon laquelle toute théorie est insuffisante, ce qui nous conduit à chercher des théories plus compliquées. On est passé du nombre à l'équation, puis à l'équation plus compliquée, et l'on ira à l'infini, parce que le monde n'est peut être pas construit "exactement" en langage mathématique.

 Cela dit dans notre activité, puisque nous cherchons des théories, c’est-à-dire des groupes d'équations, nous devons avoir des compétences mathématiques pour nous épargner des expériences très longues J'ai discuté jusque ici la fondation des sciences de la nature, mais il y a le petit quotidien, lequel va avec la quantification des phénomènes. Là, pour trouver les lois, il faut maîtriser suffisamment les mathématiques. Pour les mesures, analyses, idem : le nombre est partout, et nous avons besoin de mathématiques sans cesse.

lundi 13 mai 2024

Parents indignes !


On me signale le cas d'une mère qui se plaint que son fils de 21 ans ne sache pas faire cuire des spaghettis et lui demande comment cuire la partie des spaghettis qui se trouve à l'extérieur de la casserole.
On peut bien sûr se mettre du côté de la mère et déplorer qu'un individu de 21 ans en soit encore à poser une telle question, mais je propose plutôt d'identifier que la mère n'a pas fait son travail éducatif correctement si elle a laissé son enfant atteindre l'âge de 21 ans en se posant de telles questions.
On voit bien, derrière cela,  le schéma d'une mère qui a cuisiné toute sa vie pour sa famille, excluant en quelque sorte ses enfants de la cuisine au lieu de les faire participer. On voit une mère qui n'a pas pris le temps de permettre à ses enfants de s'émerveiller des mille phénomènes culinaires qui ont lieu lorsqu'on prépare les aliments. On voit une mère qui se met dans une position de victime alors qu'elle est coupable d'avoir confisqué de la culture. On voit une mère qui a conservé son petit pouvoir culinaire au lieu de le partager.

Bref je ne me joindrai pas au concert des déplorations mais surtout, je vais inviter tous les parents à faire participer les enfants aussi rapidement aux tâches domestiques. Mettons les baby relax sur le plan de travail pour que nos enfants voient nos gestes, voient les transformations extraordinaires qui ont lieu quand on cuisine. Parlons de ce qui est en jeu : la technique, l'art, la socialité. Ne confisquons pas le bonheur de la culture technique, artistique, sociale !
 

Ceux qui coupent la parole pour dire des choses moins intelligentes que ce qu'on va dire n'ont pas raison



Sortant d'une discussion avec un jeune homme qui me sollicite parce qu'il a besoin d'aide, je m'aperçois qu'il n'est pas capable d'attendre la fin de mes phrases et qu'il m'interrompt pour dire assertivement des choses qu'il croit que je pense et qui sont en réalité bien moins intelligentes que ce que je me prépare à dire.
Je crois que c'est vraiment une mauvaise stratégie : non seulement il n'a pas brillé, mais, pis, il est apparu à la fois prétention et pas malin.

Ce n'est pas la première fois que je rencontre un étudiant qui a un tel comportement, et je m'interroge : pourquoi certains de nos jeunes amis font-ils ainsi  ? Est-ce voulu ? Est-ce involontaire ? J'en sais certains qui ont une volonté de paraître intelligents, rapides ; j'en sais d'autres qui sont inquiets, dans un milieu familial ou universitaire qui met beaucoup de pression ; j'en sais de prétentieux ; et il y a sans doute d'autres sortes.

En tout cas,   je ne suis pas sûr que leur manière soit bonne, et j'espère que ce message leur parviendra... et qu'il sera entendu,  parce que je suis absolument convaincu que ce comportement leur nuit.

Il faut être clair !

 Relisant mon livre Précisions culinaires, je m'interroge à propos du style qui y est mis en oeuvre, car je vois dans ce texte déjà publié beaucoup d'énergie, beaucoup de vie ;  le texte nous bouscule, respire, s'agit... mais peut-être au détriment de la clarté.

 




Or c'est bien cela qui est l'essentiel :  la clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public. Bien sûr, dans ce livre en particulier, "j'annonce bien la couleur", mais, en disant cette dernière partie de phrase, je montre exactement les limites de mon écriture : "annoncer la couleur" est une expression imagée, mais qui me parle en réalité qu'à ceux qui la connaissent. D'ailleurs, la traduction automatique en ligne montre, par son médiocre résultat, combien cette expression peut être difficile à interpréter.
Qu'est-ce qu'annoncer la couleur ? Annoncer la couleur, cela  signifie dire à l'avance ce dont on va parler. Pourquoi ne pas le dire ainsi ? Oui utiliser l'expression "annoncer la couleur" donne de la vie, du relief, mais au détriment de la clarté.

Et c'est là un des petits symptômes du livre dont je parle. En réalité, je vois que ce livre est également un peu elliptique du point de vue culinaire, car mes analyses une fois faites sont posées mais pas expliquées. Le livre gagnerait à entrer un peu dans les détails de ce point de vue. Bien sûr, je pars de textes culinaire dont je fais l'exégèse. Mais en commençant s'est-il bien toujours ce dont il s'agit ? Pourquoi ne pas profiter de ce texte pour expliquer davantage ?

Jeudi et vendredi prochain

À  partir de mercredi après-midi, les participants du 13e International workshop on molecular and physical  gastronomy vont se réunir pour la 13e de ces rencontres. 

Le thème choisi est consistances et textures

 

C'est un fait que, pour la cuisine, la question des consistance et des textures est absolument essentielle mais il y a lieu d'expliquer la différence entre ces deux termes et cela sera fait en termes quantitatifs, formels, en début de réunion. 

 

Disons déjà la chose, en considérand une piscine plein d'eau. L'eau est un liquide qui a donc la consistance d'un liquide : il s'écoule, sa viscosité faible, et cetera. 

Si l'on plonge correctement dans la piscine, alors il n'y a pas de  bruit et l'eau s'écarte devant nous.
En revanche, si l'on fait un plat, alors qu'il y a un grand bruit et l'on perçoit comme un solide. 

Dans un cas comme dans l'autre, l'eau a sa consistance avec des molécules qui bougent d'une certaine façon, mais la texture est ce que nous en percevons selon notre interaction avec la matière. 

Il en va de même pour les aliments. Par exemple un morceau de chocolat sera fondant si on laisse si on le laisse fondre en bouche et il sera croquant si on le croque. De même pour une pâte feuilletée qui sera croustillante si on la mâche immédiatement mais qui s'amollira et perdra sa croustillance si l'on si on la consomme trop lentement. 

L'intelligence de l'artisan  et de l'artiste culinaire c'est de bien comprendre cela. Pour la gastronomie moléculaire, il y a lieu d'explorer ses phénomènes, de comprendre les consistances, et de comprendre les textures et c'est en se fondant sur des observations culinaires que nous analyserons les choses. 

 

Voilà pourquoi nos amis vont nous rejoindre à Palaiseau bientôt

 


Le prochain séminaire

Bonne nouvelle : le Lycée Guillaume Tirel, à Paris, qui accueille les séminaires de gastronomie moléculaire, et contribue ainsi à l'avancement de l'artisanat et de l'art culinaire (en raison des résultats expérimentaux que nous y produisons) peut nous recevoir le 22 mai, de 16 à 18 heures, en remplacement du 15, qui est la date de début du 13 e IWMPG (doc joint).


1. Le 22, nous explorerons les questions suivantes :
- les roux préparés à feu très doux diffèrent-ils des roux préparés à feu très fort (à couleur finale
égale) ?
- les roux à farine torréfiée et beurre noisette diffèrent-ils de roux classiques, à ingrédients
constants ?

2. Pour vous inscrire au colloque des 15-16 et 17 (libre, gratuit, sur inscription), sur le thème "Consistances et textures", il faut envoyer : Nom, Prénom, Affialiation, Adresse, Téléphone, Email.

A quoi bon des travaux pratiques, dans les enseignements scientifiques ?

 Faut-il des travaux pratiques ? 

La question des travaux pratiques est régulièrement discutée dans l'enseignement supérieur, car ces séances pédagogiques coûtent évidemment plus cher que des cours théoriques, où l'on se contente d'un tableau, naguère noir, aujourd'hui blanc. On ne manquera pas, à ce propos, de rappeler la disparition des "préparateurs", qui étaient des assistants des professeurs, chargés de préparer les expériences qui illustraient les cours : avec la disparition de ces derniers, les professeurs ont dû faire eux-mêmes les expérimentations... qui ont finalement entièrement disparu. 

Restent donc les travaux pratiques. Sont-ils bien nécessaires ? La question s'est posée il y a quelques années, quand certaines universités anglaises ont voulu les supprimer... et il a fallu que des lauréats du prix Nobel annoncent qu'ils rendraient leur diplôme en cas de suppression des travaux pratiques pour que les universités retirent leurs projets. Mais il y a eu un chantage, et non un vrai débat. 

La question mérite d'être posée, comme d'ailleurs toutes les questions "qui fâchent" : faut-il vraiment que les étudiants fassent des travaux pratiques ? On observera d'abord que la science expérimentale est... expérimentale ! Il faut des données expérimentales pour que, ultérieurement, des élaborations théoriques puissent s'ériger. 

On observera ensuite que les étudiants font des "stages", dont l'objectif officiel (voir le site du Ministère de la recherche) est la transformation de connaissances en compétences : on pourrait alors imaginer que les entreprises soient en charge de former les étudiants aux manipulations pratiques... à cela près que cette formation est une charge considérable (souvenons-nous du point de départ : le coût), qui mobilise des personnels, et que les entreprises seraient alors en droit non pas de rémunérer les stages, mais, au contraire, de revendiquer le versement de sommes au titre de la formation qu'elles dispensent. 

On observera que les étudiants qui nous arrivent en stage, au niveau du Master, ne savent souvent pas changer un plomb, scier, visser, percer, etc., les cours de technologies des collèges et des lycées ayant échoué à leur donner ces compétences (c'est un fait, pas une critique), sauf évidemment (peut-être) dans les filières technologiques. 

Enfin, on observera, par une métaphore juste et puissante, que l'on peut avoir reçu tous les conseils théoriques du monde, on ne jouera au tennis ou au violon qu'après un très long entraînement pratique. Que notre intelligence y trouve ou non son compte, c'est ainsi : nos mains doivent apprendre, et il n'est pas vrai que la tête soit toute puissante. 

Bref, il faut donc des séances de travaux pratiques. Sur la base de cette conclusion irrémédiable, nous pouvons maintenant chercher à organiser ces derniers, pour qu'ils soient efficaces, mais on observera, en reprenant l'exemple du tennis ou du violon, que le temps passé doit être considérable. Et on se souviendra que c'est en vertu de tels raisonnements que Louis Joseph Gay-Lussac, puis son élève Justus von Liebig, organisèrent des formations pour les étudiants en chimie. 

On n'oubliera pas que le grand Antoine Laurent de Lavoisier parvint à ses avancées scientifiques par une parfaite maîtrise de ses expérimentations : la "balance de Fortin" ou son aéromètre étaient des outils célèbres dans toute l'Europe scientifique, avant que Louis Joseph Gay-Lussac ou Jons Berzélius ne deviennent les plus grands chimistes de leur temps, leurs analyses étant également bien plus précises que celles de leurs contemporains. 

 

Mens sana in corpore sano.

La beauté des sciences de la nature

 Pourquoi les scientifiques se lèvent-ils le matin ? On pressent des réponses variées, mais c'est un fait que, pour beaucoup, il y a cette extraordinaire "beauté", qui a fait dire à certains, tel le mathématicien français Henri Poincaré, qu'il faut faire de la science en artiste. 

 

L'art, la beauté... De la beauté en science ? Où se trouverait-elle ?

Pour le comprendre, je propose de revenir à une hypothèse que j'avais émise lors de la préparation de mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique", hypothèse selon laquelle "ce qui est construit est beau". C'est un fait que notre esprit humain reconnaît des "formes", au sens de Platon, des "structures" : à partir d'étoiles désordonnées dans le ciel, nous "retrouvons" une casserole, un W... Nous voyons une construction où il n'y en pas pas, en réalité. # Pour la musique, il en va de même : une suite de notes très désorganisées nous paraîtra incohérente, "laide", alors qu'un enchaînement tel que do, do, do, ré, mi, ré, do, mi, ré, ré, do nous fera fondre de nostalgie (on a reconnu le début d'Au clair de la lune). Plus généralement, je propose de regarder ce qui se rapporte à nos perceptions sensorielles : souvent, la beauté est associée à la structure. Bien sûr, il y a des limites : l'odeur d'excrément est reconnaissable... mais pas "belle". Ou encore, un plat trop salé sera... trop salé. Mais conservons notre hypothèse, même assortie de limitations, pour ce qu'elle vaut : une hypothèse de travail. 

 

La beauté par le prisme de mon hypothèse

La science ? Pour y revenir ? C'est une activité intellectuelle, et non une stimulation sensorielle, mais, au fond, la perception des sensations ne vient-elle pas au cerveau, tout comme la compréhension des structures du monde ? Or les sciences de la nature font l'hypothèse que le monde est écrit en langage mathématique... ce qui est le royaume de la structure ! 

Par exemple, quand on énonce la "loi de Stefan", selon laquelle un corps rayonne de l'énergie (pensons au fer à cheval rougi) en proportion de la température absolue à la puissance quatrième, on voit une "structure" du monde. Pourquoi cette proportion ? Pourquoi cette puissance quatrième, et pas première, ou dixième, ou d'un ordre non entier ? Il y a quelque chose de fascinant à voir le monde se conformer à des lois simples, au lieu d'être parfaitement désordonné. Bien sûr, on sait que les théories sont toutes approximatives, et que la loi de Stefan n'est pas absolument exactes, mais quand même : pourquoi une correspondance si étroite entre le monde et la proportion de la puissance quatrième ? 

Le mystère, la beauté. Ce que nous avons vu avec le rayonnement des corps vaut pour tous les champs des sciences de la nature : l'adéquation remarquablement précise du monde aux lois mathématiques avec lesquelles les sciences de la nature décrivent le monde est une fascination constante. L'acte de foi selon lequel le monde est écrit en langage mathématique est en réalité la base de la beauté que nous voyons. Pour partager notre émerveillement, il faut donc bien montrer à nos amis cette adéquation. Pour le raisonnement qui conduit aux lois, ce sera pour plus tard.

samedi 11 mai 2024

Les molécules et les composés

Qu'est-ce qu'un composé ? Qu'est-ce qu'une molécule ? J'ai déjà donné la réponse (qui est donnée dans tous les cours de chimie), mais il faut que j'y revienne, parce que je m'aperçois que cela peut rendre service à tous ceux qui parlent du monde matériel, qu'il s'agisse de cuisine ou d'écologie, ou de droit, ou d'environnement. Évidemment, ceux qui ont suivi leurs cours de chimie, au collège et qui s'en souviennent, ne vont pas trouver du nouveau ici ; je m'adresse surtout à tous ceux pour qui la chimie est insuffisamment familière, et qui ont besoin ou envie d'avoir des idées claires. 

J'ajoute : 1. que je n'ai aucun mépris pour ceux qui ont besoin de ces explications : nous sommes tous ignorants d'idées, de notions que d'autres jugent "élémentaires" 2. que cette explication a fait l'objet d'un podcast sur le site AgroParisTech... et qu'elle a été largement plébiscitée, preuve que les scientifiques doivent ne pas croire que les connaissances scientifiques qu'ils ont sont connues, et que l'intérêt collectif est qu'ils fassent des efforts pour communiquer leurs connaissances à l'ensemble de la communauté. 

 

Avant deux anecdotes, des choses simples

 

 Je veux commencer par deux anecdotes, pour bien montrer combien le sujet est important... mais comme beaucoup de mes amis ignorent ce qu'est une molécule, je commence par un exemple. Prenons un verre d'eau, immobile, posé sur une table qui n'est pas agitée de vibration par le passage du métro, le vent, par exemple. Si regardions l'eau liquide à l'aide d'un microscope extrêmement puissant, nous verrions un grouillement d'objets tous identiques, très petits. Il n'y aurait pas de "couleur", et les formes seraient "floues" pour des raisons que je ne veux pas expliquer ici : 

<a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/eau-liquide-n-et-b-floutee.png" rel="attachment wp-att-1211"><img src="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/eau-liquide-n-et-b-floutee-300x167.png" alt="eau liquide n et b floutee" width="300" height="167" class="alignnone size-medium wp-image-1211" /></a> Là où l'on voit mal les choses, les travaux accumulés par les physico-chimistes depuis que les sciences de la nature ont commencé ont permis de "comprendre" une telle image, de sorte que, pour mieux expliquer, nous y mettons moins de flou et plus de couleur. Bref, nous savons que nous pouvons légitimement transformer une telle image en : <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/eau-liquide.png" rel="attachment wp-att-1212"><img src="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/eau-liquide-300x167.png" alt="eau liquide" width="300" height="167" class="alignnone size-medium wp-image-1212" /></a> Cette fois, on voit mieux une accumulation d'objets tous identiques : une boule rouge liée à deux boules grises. C'est ce que l'on nomme une "molécule". Comment est-elle constituée ? Les travaux des siècles passés ont conduit à comprendre qu'il s'agit d'un "atome" d'une matière particulière nommée oxygène, lié à deux atomes d'une autre matière nommée hydrogène. Atome ? C'est le nom qui a été donné à ces espèces de boules floues que nous pouvons voir. Matière ? Le fer est une matière, tout comme le cuivre, ou le carbone, ou ce soufre, poudre jaune que l'on voit sur les flancs de certains volcans... Ajoutons enfin que l'image floue que l'on verrait ne serait pas fixe : les objets que nous nommons molécules bougent en tous sens, dans l'eau liquide. Ils ne feraient que vibrer sur place si l'eau était gelée, et ils bougeraient bien plus vite que dans l'eau liquide si l'on faisait bouillir l'eau. Sans attendre, disons que l'eau est un "composé", fait donc de molécules toutes identiques. Des molécules d'eau. Quelle est la taille de ces molécules et combien y en a-t-il dans un verre ? D'abord, le nombre : environ dix millions de milliards de milliards. Là, je sais qu'un tel nombre n'est pas "compréhensible", parce qu'il n'est pas de ceux qui sont à notre portée. Il suffit donc de dire "vraiment beaucoup" ! La taille, ensuite ? Connaissant le nombre de molécules qu'il y a dans un verre d'eau, on divise le volume par le nombre de molécules et on la trouve : très très petite ! 

 

Une première anecdote

Tout cela étant dit, venons-en à la première anecdote. Il y a plusieurs années, j'ai été interrogé par une journaliste scientifique d'une grande chaine de télévision française à propos du "bouquet" du vin. Le bouquet : c'est l'odeur. La personne m'a demandé : "Est-il vrai que le vin contient 450 molécules aromatiques ?". En commençant, je n'ai pas corrigé "aromatiques" en "odorantes" (seuls les aromates qui libèrent des molécules aromatiques; or le vin n'est pas un aromate), parce qu'il y avait plus urgent : j'avais dépisté qu'il y avait une confusion entre molécule et composé. Mon interlocutrice -je m'en suis assuré lors d'une assez longue discussion- croyait que, dans une bouteille de vin, il y avait seulement 450 objets, petits, ces objets que les chimistes nomment molécules, qui auraient contribué à l'odeur. Cela n'est pas juste : en réalité, dans le vin, il y a environ 500 composés odorants, environ 500 sortes de molécules odorantes. Pour chaque sorte de molécules odorantes (pour chaque composé, donc), il y a des millions de milliards de molécules odorantes. 

Expliquons. Prenons des clous de girofle : ils ont donc une odeur de clou de girofle. Broyons-les et mettons-les avec de l'eau dans un récipient en verre, puis chauffons. De la vapeur s'échappe, avec une forte odeur de clou de girofle. Captons cette vapeur et refroidissons-la : nous récupérons de l'eau liquide, avec une sorte de liquide huileux qui flotte à la surface : c'est l'huile essentielle de clou de girofle. 

Cette huile essentielle est principalement faite d'un composé nommé "eugénol". Son odeur est très forte... au point que si nous en prenons une toute petite quantité, nous pouvons parfumer puissamment de l'eau, de l'huile de table. Imaginons que ce soit de l'eau, où nous mettons un peu d'huile essentielle : il en suffit donc un très petit volume pour parfumer l'eau, lui donner une odeur de clou de girofle. Combien ? Une goutte, c'est beaucoup trop. Pour bien faire, il faudrait prendre une très petite goutte d'eugénol pour un milliard de gouttes d'eau, soit environ un cube d'eau de un mètre de côté. Imaginons donc un tel cube d'eau avec l'eugénol dedans. Il y aurait donc un composé odorant dans l'eau... mais beaucoup de molécules d'eugénol, puisque la petite goutte introduite contient de l'ordre de dix milliards de milliards de molécules d'eugénol. C'est très peu par rapport au nombre de molécules d'eau... mais c'est beaucoup quand même. 

Imaginons maintenant que nous ajoutions au cube d'eau une très petite goutte d'un autre composé odorant, par exemple la vanilline (qui sent la vanille). On obtiendrait donc beaucoup de molécules d'eau, avec beaucoup moins de molécules d'eugénol et de molécules de vanilline. Cette fois, l'eau contiendrait deux composés... mais beaucoup de molécules de chaque composé. Et si l'on passe à du vin : c'est de l'eau, avec environ 500 composés odorants. Dans le très grand nombre de molécules d'eau, il y a des grands nombres de molécules odorantes de chaque sorte. La molécule, c'est le tout petit objet, et le composé, c'est la "sorte" de molécules. 

 

Une seconde anecdote

 

Notre amie journaliste confondait donc molécules et composé. Serait-ce parce que la presse serait "médiocre", comme on le dit trop souvent ? D'une part, je suis très opposé à cette idée, et, d'autre part, je vais montrer que la presse n'est pas en cause, en tant que presse, puisque d'autres groupes sociaux sont autant dans la confusion ou l'ignorance (on se souvent que mon emploi du mot "ignorance" est factuel, pas dénonciateur). D'une part, la presse n'est pas médiocre... parce que, parmi les journalistes, il y a des ignorants, mais aussi ceux qui savent ; il y a des malhonnêtes, et aussi les honnêtes ; il y a les tendancieux, mais aussi les autres. 

Bref, parler de "la presse", c'est honteux, car on met dans le même sac des personnes très différentes. Si j'aime le vin rouge, et mon ami le vin blanc, qu'aimons-nous "en moyenne" ? La question n'a pas de sens. S'il y a de bons journalistes et de mauvais, comment est la presse ? La question n'a pas de sens. Alors cessons de mettre malhonnêtement ou bêtement tout le monde dans un même sac, et passons à la suite. 

La suite, c'est la seconde anecdote (vraie, bien sûr) : je me souviens d'une conférence, dans une Faculté de droit (on m'avait expliqué que les juristes étaient les "princes de l'université" : quelle délicatesse et quelle modestie !), où, pendant une matinée, j'ai entendu des juristes discuter des "dangers" des composés et des molécules dans l'alimentation : dans le lait, dans l'environnement, dans les aliments... Quand mon tour d'intervenir est arrivé, il m'a pris l'idée de demander à mes amis juristes s'ils savaient la différence entre composé et molécule, et la réponse a été... un grand blanc. 

Oui, nos "princes de l'université" étaient parfaitement ignorants des objets sur lesquels ils voulaient légiférer ! Là, c'est véritablement honteux, et je me réjouis d'avoir fait préalablement le petit couplet précédent sur "la presse", pour ne pas me mettre en position de dénonciation des juristes en général. Disons que mes interlocuteurs de ce jour-là étaient des minables, et retenons seulement qu'il y a des gens qui prennent des décisions politiques sans savoir de quoi ils parlent. Ne devrions-nous pas nous assurer, avant d'accepter des lois, que les législateurs comprennent ce sur quoi ils légifèrent ? Ne devrions-nous pas faire une formation des députés aux faits chimiques ? Après tout, les "perturbateurs endocriniens", le glyphosate, les "pesticides", et ainsi de suite : ce sont des composés, non ? Faits de molécules, non ? Alors ils faut que nos élus comprennent clairement ce dont il s'agit avant de prendre des décisions ! 

 

Bref, il faut des explications. 

Arrivés à ce stade de mon très long billet, il faudrait que j'explique ce que sont des molécules et des composés... mais nous l'avons fait en introduction. Je ne propose d'y revenir que pour aller un peu plus loin. Plus généralement : En chimie, un corps pur, tout d'abord est une matière qui n'est faite que d'une seule espèce chimique, à la différence d'un mélange (homogène ou hétérogène) qui en comporte plusieurs. Un corps pur simple est un corps pur constitué d'un seul type d'atomes. Il peut être :
- élémentaire, quand ses atomes ne forment pas des molécules ; par exemple le fer (on note Fe) ;
- moléculaire, quand ses atomes sont liés en molécules par des liaisons chimiques ; par exemple, le dihydrogène(on note H2). Un corps pur composé, ce que l'on nomme "composé", est un corps pur constitué à partir d'atomes de natures différentes. Cette matière peut être sous la forme des molécules, de supermolécules, de complexes, de sels ioniques, etc. ; par exemple, l'eau, dont les molécules sont composées d'un atome d'oxygène et deux atomes d'hydrogène. Je le redis différemment. Une substance pure peut donc, selon les cas, correspondre à :
- un corps simple, c’est-à-dire constitué uniquement d’atomes d’un même élément - un corps composé, ou composé, c’est-à-dire constitué d’atomes, ou mieux de noyaux, de deux ou plusieurs éléments (chimiques) différents. Et voilà. Nous pouvons maintenant discuter sur des bases saines, n'est-ce pas ?