Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 11 octobre 2025
Derrière l'image : des molécules dans l'air.
Nous sommes bien d'accord que, pour donner une idée de molécules dans l'air, il faudrait présenter un volume dans lequel se trouveraient des molécules.
Mais on peut aussi imaginer de prendre une photo dans le plan de deux molécules voisines et voici ce que l'on observerait.
Comme toujours avec les images, il y a lieu d'être prudent, d'interpréter, car les molécules de l'air sont de différents types : diazote, dioxygène, dioxyde de carbone...
Mais nous voulons donner ici une idée générale, un ordre de grandeur et l'on considérera donc que l'air est fait de molécule de diazote.
Évidemment, les molécules diazote ne sont pas de petites haltères, mais au premier ordre encore, il y a peut-être lieu de se limiter à la représentation donnée ici, voire réduire les molécules à un point seulement puisque l'on verra le résultat plus tard.
La question est : quelle distance sépare deux molécules de diazote dans l'air ?
On considère évidemment de l'air à la température ambiante, dans des conditions normales de pression. Bref on ne tourne pas autour du pot : on regarde l'air devant soi et l'on se demande quelle est la distance entre deux molécules d'air quitte à raffiner ensuite.
À ce stade, il doit y avoir une démarche mise en œuvre car on imagine bien que puisque les molécules d'air bougent tous sens dans le vide -j'insiste : dans le vide-, alors il y en a qui sont proches et d'autres qui sont plus éloignées.
Certes, mais pour faire un calcul d'ordre de grandeur, nous irons d'abord considérer une moyenne. Mieux encore, nous nous résoudrons pour le calcul à placer les molécules au centre d'un réseau cubique, dont nous cherchons la longueur de la maille. Avec cette démarche, il devient très facile de calculer la distance entre deux molécules d'air et plusieurs solutions sont possibles selon les lois physiques dont on se souvient.
Par exemple, si l'on a en tête la loi des gaz parfaits, alors on pourra écrire que le produit de la pression par le volume est égal au nombre de moles par une constante R et par la température absolue. Il est facile, en fixant un volume, par exemple d'un mètre cube, de calculer le nombre de moles, donc le nombre de molécules.
D'autres, qui se souviendront qu'une mole d'un composé fait un volume de gaz de 22,4 litres auront un autre point de départ pour leur calcul, mais en réalité ce sera le même.
Bref, selon ce que nous avons retenu de nos études élémentaires à l'université, nous aurons des possibilités qui nous conduiront ensuite à diviser le volume du gaz par le nombre de molécules (qui sera égal au nombre de moles multiplié par le nombre d'Avogadro).
Puis, ayant le volume associé à une molécule, on cherchera le côté du cube correspondant.
Et c'est ainsi qu'on s'aperçoit que la distance entre deux molécules dans l'air et d'environ 200 fois le diamètre d'une molécule de diazote : l'air est donc c'est essentiellement de vide, d'où la représentation pas si fausse de la figure initiale.
mercredi 12 mars 2025
Méthode et stratégie
Depuis plusieurs années, j'utilise le mot stratégie pour la planification de mes travaux scientifiques, et je le discute dans le contexte de la recherche scientifique : je m'interroge sur la manière de pratiquer efficacement, intelligemment, ma recherche.
Je ne me souviens pas pourquoi j'utilise ce terme à connotation militaire, sauf peut-être que j'avais été intéressé par le passé par la différence entre stratégie et tactique.
Toutefois la connotation militaire me paraît aujourd'hui déplacée je me
propose de revenir au mot "méthode" : un mot qui a ses lettres de
noblesse puisqu'il y a eu un fameux discours de René
Descartes, à son propos. Un mot dont l'étymologie est parfaitement juste, puisqu'il s'agit de choisir un chemin.
Partons donc pour méthode, mais comment ferions-nous maintenant la distinction entre stratégie et tactique ? Commençons par observer que la méthode est une planification, et que c'est ensuite qu'il faudra la mettre en oeuvre.
La tactique est l'"Art d'utiliser les meilleurs moyens pour atteindre un certain objectif; ensemble de ces moyens. " Le mot est emprunté au grec taktikos : « qui concerne l'arrangement, spécialement l'organisation ou l'alignement d'une troupe; propre ou habile à faire manœuvrer des troupes, habile tacticien ».
Encore une connotation militaire, au fait, que voulons-nous dire vraiment ? La métaphore -fut-elle militaire- n'est pas une réponse à la question, et il va falloir chercher un peu !
mercredi 5 février 2025
Stratégie scientifique
Cela fait des décennies que je ne cesse de poser cette question : comment faire des découvertes ?
La question est évidemment essentielle, en science, et, pragmatique, j'ai fait une collection d'idées stratégiques, pour avancer dans la réponse.
Voici ce que j'ai à ce jour :
(1) Transforming adjectives and adverbs into quantitative parameters (introduction of new concepts);
(2) Looking for the mechanisms of phenomena;
(3) Focusing on oddities, contradictions, discrepancies and ''symptoms'';
(4) Designing ''microscopes'';
(5) Making science from a technical question;
(6) Refuting a theory;
(7) Solving a problem;
(8) Assuming that any fact, result, observation, phenomenon should be considered as a particular example of general categories that we have to invent;
(9) Looking behind the â ordinary: this means not accepting what was accepted;
(10) Making the contrary of what was always proposed;
(11) Looking deeply enough to what an experiment can reveal, and work deep enough to see the impact.
(12) It is good to see the tree but one should also see the forest.
Which ones are missing ?
On voit que c'est en anglais... mais la communication scientifique se fait dans cette langue. Je ne détaille pas... mais cela est fait dans un article que l'on trouve en ligne : http://www.chemistryireland.org/docs/news/Irish-Chemical-News-2017-Issue-5.pdf N'hésitez pas à me communiquer des idées supplémentaires !
dimanche 7 juillet 2024
Tout fait d'expérience, tout résultat de calcul, gagne à être considéré comme un cas particulier de cas généraux que nous devons inventer
Tu sais quelque chose ? Quelle est ta méthode ? Fais-le, et, en plus, fais-en la théorisation. Le titre de ce billet est affiché sur les murs de notre laboratoire. Pourquoi ?
Pour répondre, il convient d'abord d'évoquer les documents que nous nommons les « Comment faire ?», et qui sont une façon d’améliorer la qualité de nos recherches. Il convient également d'évoquer la méthode que nous mettons en œuvre pour notre travail scientifique. Tout est fondé sur l'observation selon laquelle un travail doit avoir un objectif, lequel détermine une stratégie, une méthode, un chemin.
Une métaphore s'impose. Etant à Paris, si nous ne savons pas que nous voulons aller à Colmar, nous n'arriverons jamais à Colmar, mais nous risquons d'arriver à Rennes, ou à Bordeaux. Il faut donc que l'objectif soit parfaitement clair pour que nous ayons une chance de l'atteindre. L'objectif étant clair, c'est-à-dire Colmar étant décidé comme notre destination, alors nous pouvons chercher un type de chemin, c'est-à-dire la voie ferrée, la voie des airs, la route… Cela, c'est la stratégie, la "méthode", du mot grec methodon, qui signifie le chemin.
Une fois le chemin déterminé, alors il devient possible de déterminer les différentes étapes dudit chemin, et cela est la tactique, l’analyse détaillée des étapes qui nous conduiront à l'objectif.
En sciences de la nature il en va de même, à savoir qu'il faut que notre objectif soit clair pour que le chemin puisse être défini. Bien sûr, l'objectif général des sciences de la nature est de faire des découvertes, mais il y a aussi les différentes étapes de cette recherche, qui sont l'identification des phénomènes, leur caractérisation quantitative, la réunion des caractérisations quantitatives en lois synthétiques (des équations), la recherche de mécanismes par induction, à partir de ces lois, la recherche de prévisions théoriques qui découlent des théories proposées, le test expérimental de ces conséquences, et ainsi de suite. Pour toutes ces opérations, il y a des sous-objectifs, des sous-tâches. Pour chacune, modeste ou pas, il y a lieu de bien identifier l'objectif correspondant et, donc, de déterminer la méthode, le chemin qui y conduit.
Par exemple, peser : cela semble élémentaire, mais nous verrons que, au contraire, il y a lieu d'y passer du temps. Peser semble simple, puisqu'il s'agit « seulement » de déterminer la masse d'un objet avec une balance. Toutefois une balance est nécessairement imparfaite ; elle vibre, elle est « bruitée », de sorte que la valeur cherchée est en réalité inaccessible. Si l'on se représente les valeurs que l'on peut obtenir par la balance, de précision limitée, on a des graduations sur une règle. De sorte que l'on ne pourra jamais trouver la valeur vraie de la masse pesée, car la probabilité que cette valeur corresponde exactement à une graduation est mathématiquement nulle.
Autrement dit on cherche une valeur sans avoir la moindre chance de l'atteindre, de sorte qu'il faut mieux savoir d'emblée que l'on cherche moins la masse exacte qu'une valeur approchée. Du coup, la méthode peut changer, et le chemin aussi. Dans un tel cas, pour l’utilisation d'une balance, il y a de nombreuses choses à savoir. Par exemple, qu'il faut mettre la balance bien d'aplomb grâce au niveau à bulles dont elle est équipée. Il faut aussi contrôler la balance à l'aide d'un étalon que l'on conserve au laboratoire, la tarer correctement, etc.
Nos documents intitulés « Comment faire » sont précisément des descriptions de tout ce que nous devons faire pour avoir une chance d'obtenir un résultat admissible. Ces documents concernent la totalité des actions que nous faisons, et c'est une des règles de notre groupe de recherche que de proposer à chacun de ne jamais se mettre en chemin sans avoir réfléchi à la stratégie et à la tactique.
C'est cela que j'entendais par « théorisation », et il est remarquable d'observer que chaque acte intellectuel ou manuel mérite un « Comment faire », une réflexion théorique. Par exemple, quand nous présentons un poster : comment bien faire ? Par exemple quand nous préparons une solution : comment bien faire ? Par exemple quand nous encadrons un stagiaire, comment bien faire ? Pour chaque tâche, un document intitulé « Comment faire ? » s'impose. Mieux encore, ces documents méritent d'être le résultat d'un travail collectif, progressif, à savoir que la proposition d'un membre de l'équipe peut être améliorée par d'autres, ce qui conduit à une proposition améliorée, qui sera encore améliorée par d'autres, et ainsi de suite à l'infini : car tout ce qui est humain est imparfait, de sorte que si nous ne sommes pas paresseux, nous avons une sorte d’obligation morale d'améliorer.
jeudi 23 mai 2024
Comment calculer ?
Je viens d'avoir à nouveau l'occasion d'observer que (certains de) nos jeunes amis manquent moins de connaissances que de stratégie pour les mettre en œuvre.
Dans notre groupe de recherche, nous avons notamment les questions du jour à savoir que chaque jour, je pose une question qui doit conduire à faire un petit calcul. Souvent c'est un calcul d'ordre de grandeur, mais, en tout cas, il n'y a rien de compliqué... sauf que précisément il faut une stratégie.
Hier, la question du jour était de savoir à quelle vitesse vont les molécules d'eau dans de l'eau.
Un de nos amis m'a demandé si on considérait un verre d'eau ou un kilogramme d'eau. Je ne sais pas pourquoi , mais j'ai le sentiment qu'il y avait là un manque de réflexion, car si on prend un kilogramme d'eau, un litre, et que par la pensée on isole le contenu d'un verre, c'est toujours de l'eau et environ à la même pression. Si l'on se représente les molécules, alors il y a peu de chance que l'on posera cette question. Sauf à imaginer donc des différences de pression en fonction de la profondeur.
Là, je sais sais de façon certaine (notre discussion) que notre ami n'avait pas de représentation mentale de l'eau et que c'est ce qu'il a poussé à poser cette question qui n'a pas d'intérêt.
Mais passons, et arrivons à la réponse qui m'a été donnée : "Les molécules d'eau sont rapides et d'autant plus rapides que l'eau est plus chaude".
Ici, il y a évidemment une réponse si floues qu'elle n'est pas la réponse correcte, et le fait que notre ami ait su que la vitesse des molécules augmente avec la température aurait dû le conduire à imaginer une réponse en fonction de la température, une expression mathématique ou la lettre T puisse apparaître.
Mais de même, l'observation de l'adjectif "rapide" aurait dû immédiatement conduire notre ami à la question "combien ?" qui est la seule qui nous intéresse puisque notre projet était de faire un calcul.
Bref, notre ami ne savait pas répondre à la question et il a en quelque sorte fait semblant, oubliant que je suis d'une brutalité terrible et que je mets généralement le doigt où ça fait mal parce que c'est la seule façon d'arriver à des améliorations.
La stratégie qu'il aurait fallu mettre en œuvre, c'est de considérer que le mouvement des molécules d'eau est un phénomène physique et que, comme tout phénomène physique, il doit s'analyser à partir de l'énergie.
D'ailleurs, puisqu'on considère des molécules qui bougent, et il y a lieu de considérer leur énergie cinétique, ce qui est enseigné dès le lycée.
Ainsi guidé, notre ami a réussi à écrire l'expression de l'énergie cinétique, mais la deuxième idée est venue de la considération du fait que les molécules sont des objets très petits, qui relèvent donc de la mécanique statistique ou de la mécanique quantique. En l'occurrence, il aurait fallu penser que si les molécules d'eau étaient comme des boules de billard, alors leur énergie aurait été trois demi de kT, où k est la constante de Boltzmann, et T la température absolue.
Et là, le problème était résolu puisqu'on écrivait que cette énergie là est égale à l'énergie cinétique, une équation toute simple dont n'importe qui peut tirer l'expression de la vitesse puis, ensuite, introduire les valeurs pour obtenir un ordre de grandeur parfaitement admissible.
Evidemment, il s'agit d'un ordre de grandeur mais peut-on croire que l'on cherchait autre chose ? Dans de l'eau, il y a des molécules plus lentes, d'autres plus rapides, mais il y a qu'une sorte de vitesse moyenne, plus exactement une "vitesse quadratique moyenne", mais, là, on serait entré dans des détails un peu hors sujet.
Bref, il faut toujours une stratégie !
PS. Ces questions du jour sont discutées dans mon livre (en anglais) :
vendredi 22 avril 2022
Passer un concours par entretien
Dans un jury de concours, je vois des discours très stéréotypées et très convenus.
Cela me pousse à comprendre, et à partager mon analyse, en vue d'aider celles et ceux qui ont de telles épreuves à passer.
Disons tout d'abord que tous ne seront pas pris : un concours, ce n'est pas un examen.
De sorte que le jury a la difficile tâche de sélectionner des "têtes qui dépassent".
Autrement dit, si les discours de tous les candidats sont les mêmes (je suis très bien, je suis très très bien), ce n'est pas un discours qui puisse avoir des chances de succès.
Bref, il faut qu'une tête dépasse... mais sans prétention ! Après tout, la modestie est une qualité, non ? Et la prétention... Je déteste personnellement cela, en observant que quand on travaille plus qu'on a de prétentions, on est travailleur, mais quand on a plus de prétentions que de travail, on est prétentieux.
Et puis, au fond, je ne suis pas intéressé par des tas de qualités, mais par du contenu : on postule pour devenir ingénieur ? Parlons alors du travail de l'ingénieur, mais pas en termes baratineurs. Au fond, c'est quoi, "ingénieur" ? Et en quoi est-ce différent de "techniciens" ? De "technologues" ? De "scientifique" ?
Puis, on voudrait montrer que l'on peut légitimement briguer l'entrée dans une école d'ingénieur : savons-nous bien ce qui s'enseigne dans l'école à laquelle nous postulons ? savons-nous bien ce qui nous sera enseigné (pas en gros, non, en détail) ? savons-nous bien en quoi ces notions seront utiles pour notre métier ?
Voilà, au minimum, ce que le jury veut entendre, concrètement. Et puisque les concours d'entrée dans les écoles d'ingénieurs incluent des mathématiques, de la physique, de la chimie, de la biologie, etc., n'est-ce pas ce qu'un candidat devrait d'abord discuter ?
L'idée me frappe soudain par son évidence.
D'ailleurs, quel est le véritable travail d'un ingénieur ? Là, encore, un discours méthodique, systématique, précis, s'impose, n'est-ce pas ?
Et je peux assurer que de tels discours font dépasser la tête ! Mieux que des effets de manche qui ne trompent personne. Verba volant...
jeudi 21 avril 2022
Une méthode professionnelle ? Ce n'est pas du baratin au café du commerce
Une méthode professionnelle, ce n'est pas un baratin tel qu'on le tient au bistrot !
Dans un jury de concours, un de mes collègues demande à un candidat quelle est sa méthode pour chercher de l'information, et nous entendons un discours très long qui nous dit finalement que, parmi les professeurs de cet étudiant, il y en a un qui est très bien et que l'on peut interroger pour obtenir de l'information.
Je résume ici ce qui a fait l'objet d'un (trop) long développement, en beaucoup de phrases qui n'ont pas convaincu (d'accord, nous sommes bêtes, mais pas au point de ne pas comprendre une réponse) et qui, en réalité, sont un peu rédhibitoires, en ce sens qu'elles voulaient nous "bourrer le mou".
Mais qu'importe, je prends surtout cette anecdote comme une occasion d'expliquer à des jeunes amis qu'une méthode professionnelle (la recherche d'informations professionnellement utiles) n'est pas une sorte de vague sentiment, et certainement pas la consultation d'une personne isolée, puisque même si cette personne est merveilleuse, elle est humaine, donc insuffisante.
La recherche d'informations se fait au minimum par croisement de plusieurs informations.
Mais il y a aussi la question du niveau d'information voulu, et c'est ainsi que, dans mes cours de Master, je m'élève périodiquement contre des dessins de vulgarisation que l'on nous propose : un cours de Master, ce n'est pas une histoire qu'on raconte aux enfants à la veillée.
En science et la technologie, il y a l'équation, le quantitatif, et c'est un minimum professionnel que la description soit en ces termes.
Un conte, c'est bon pour des enfants que l'on endort, mais ce n'est pas professionnel, parce que ce n'est pas réfutable, pas quantitatif.
Et puis, qui nous prouve que ces informations soient justes, que les descriptions données soient légitimes ?
Seule la question quantitative permet de trancher, de sorte que l'on peut déjà conclure que la recherche d'informations passe nécessairement par l'obtention d'informations quantitatives, croisées les unes aux autres, avec un objectif initialement bien fixé.
Oui, un objectif bien fixé : une question précise, une analyse terminologique de la question pour qu'elle soit bien posés et qu'elle puisse être bien explorée.
Mais, ensuite, un ensemble de sources qui ne se résume pas paresseusement à une seule.
Bref il y a une méthodologie de la recherche d'informations, qui mérite mieux qu'un paresseux "Je vais demander à un gentil professeur".
J'ajoute que l'objectif de ce billet n'est pas de dénoncer la paille dans l'oeil de candidats, mais, au contraire, de rendre service aux futurs candidats... en évitant la poutre qui pourrait venir dans notre œil à nous.
mercredi 20 avril 2022
Pour un entretien, lors d'un concours, il faut des démonstrations, pas des prétentions !
Comment aider nos jeunes amis à passer un entretien, dans un concours ? Voilà la question que je me propose d'explorer, en analysant les fautes les plus fréquentes. Non pas pour enfoncer ceux et celles qui les ont faites, mais plutôt en vue d'aider les prochains candidats à faire bien.
Là, dans un jury de concours, je vois des étudiants qui se succèdent avec, à la bouche, les mots de manager, recherche, créativité, curiosité, innovation, et ainsi de suite.
Bien sûr, je n'ai rien contre ces mots, mais je propose d'analyser que la quasi totalité des étudiants nous ont tenu ce langage et que, de l'autre côté de la barrière, on sait bien que, derrière les mots convenus, il y a des personnalités différentes.
D'autre part, nos amis devraient quand même savoir que, par des questions qui dépassent un discours convenu, on constatera rapidement que des prétentions ne sont parfois... que des prétentions. Il ne faut pas prendre les membres des jurys pour des imbéciles : après tout, leur rôle est d'entendre et de comparer des discours, non ?
De sorte que se pose, pour un candidat, la question d'une stratégie, afin de ne pas être un numéro de plus qui prononce les mêmes mots convenus, prétentieux, avec des justifications parfois bien faibles : après tout, ne sommes-nous pas ce que nous faisons ?
Bref, il y a une question de stratégie. Et celle-ci doit se fonder sur une analyse... qui commence pas imaginer que tous les candidats vont évidemment dire qu'ils sont merveilleux. Au minimum, on pourra faire observer cela au jury, en vue de montrer pourquoi on est ce que l'on est soi-même, à savoir pas absolument merveilleux... mais pas si mal. Ne croyez vous pas que, membre d'un jury, vous préféreriez quelqu'un d'un peu modeste (mais compétent) ?
Dans le jury qui m'a accueillir, plusieurs étudiants avaient commencé par faire une classe préparatoire à un concours pour les écoles d'ingénieurs et ont ensuite fait une autre voie. N'est-ce pas le minium d'être clair avec le jury, et de bien dire pourquoi on n'a pas poursuivi ? A-t-on raté les concours ? Et si l'on préfère la "pratique", comme l'ont dit certains, n'est-ce pas l'indication que la théorie d'une école d'inténieur n'est pas faite pour eux ?
Là encore, il est de bonne stratégie de bien s'expliquer, concrètement.
Puis, puisqu'il est question d'une école d'ingénieurs, ne faut-il pas a minima savoir bien ce qu'est un ingénieur ?
Pour beaucoup de nos amis, il y a une confusion entre "cadre", "manager", "ingénieur"... mais qu'est-ce au juste que la technique ? la technologie ? l'ingéniérie ?
Et là, disons rapidement que l'on n'attend pas une réponse qui commence par "pour moi, c'est"... car une telle réponse ne fait qu'établir qu'il n'y a pas eu de travail, de recherche à ce propos, mais seulement un vague sentiment... qui est en réalité rédhibitoire.
Ce n'est pas le lieu ici de critiquer les candidats que nous avons reçus, car le rôle d'un évaluateur, c'est d'être bienfaisant, de mettre en confiance... mais sans se faire bourrer le mou. Au fond, la question pour nos amis était moins de nous convaincre qu'ils était créatifs, innovants, et cetera, que de démontrer des capacités d'ingénieur, ce qui passe par une compréhension des systèmes, en termes quantitatifs. Science et technologie ne sont pas des discours poétiques, mais de vrai compétences théoriques, qui dépassent l'"animation" d'une équipe. Un de mes collègues a parlé justement de l'"autorité de l'ingénieur"... et il y avait là une vraie question : c'est quoi, l'"autorité" d'un "ingénieur", et en quoi l'ingénieur s'impose-t-il pour une équipe technique ?
J'espèce que cette analyse sera utile à d'autres candidats, dans le futur !
mercredi 24 mars 2021
La recherche scientifique ? Il faut aimer l'incertain, l'inconnu, s'en réjouir et ne pas seulement le supporter ; s'en délecter !
Il y a un certain temps, un étudiant en stage dans notre groupe de gastronomie moléculaire s'est mis à pleurer quand je lui ai dit que nous ne savions pas ce que nous cherchons.
Il faut que j'explique que la recherche scientifique a pour objectif la découverte. Évidemment, si nous savions par avance ce que sont ces découvertes que nous cherchons à faire, il n'y aurait pas de découvertes puisque ces objets ou ces théories serait connus par avance.
Il nous faut donc explorer des phénomènes avec une méthode que j'ai exposée de nombreuses fois dans d'autres billets, dans l'espoir que nos expérimentations nous conduiront par induction à des théories nouvelles, ou qu'elles fassent apparaître des objets qui étaient alors inconnus.
Des exemples ? Je prends deux seulement.
Tout d'abord, il y a un peu plus d'un siècle, les physiciens ont observé que les phénomènes aux très petites tailles étaient mieux décrites quand on admettait que les grandeurs mesurées étaient quantifiées, à savoir qu'au lieu de varier continument, elles ne variaient que par petits sauts. Cela engendra la "physique quantique.
D'autre part, bien plus récemment, des chimistes ont découvert que, quand on tirait du scotch posé sur un morceau de charbon, alors on détachait un plan d'atomes de carbone organisés en nid d'abeille, ce qui a été nommé le graphène. Sa découverte a donné d'ailleurs lieu à l'attribution du prix Nobel de chimie.
Personne n'imaginait que l'on fasse l'une ou l'autre découverte, au point même que, pour la première, elle choquait le physicien (Max Planck) qui la fit !
Donc je reviens à ma question de la découverte, qui est et qui restera imprévue, imprévisible. J'ai dit ailleurs qu'il n'y avait pas de stratégie simple pour la découverte et que en conséquence, c'est en creusant des champs avec acharnement, avec soin, avec intuition, avec énergie que l'on avait quelque chance de pouvoir faire des découvertes ou d'inventer des théories.
En tout cas, ce n'est certainement pas en restant immobile que l'on y arrivera : il faut être actif, très actif, attentif car comme le disait très justement Louis Pasteur « la science sourit aux esprits préparé : » oui, il faut être attentif, sur le qui-vive et traquer tout ce qui n'est pas conforme à nos idées initiales.
J'en arrive maintenant à notre discussion principale : nous ne savons pas ce que nous cherchons puisque nous voulons faire des découvertes. L'étudiant que j'évoquais initialement s'est mis à pleurer parce que intellectuellement, cela lui était insupportable.
Depuis, cet étudiant a fait une belle carrière... mais pas dans la recherche scientifique, parce qu'il n'était pas à sa place là.
Certains collègues, aussi, ne me semblent pas à leur place : ceux qui considèrent que la position du scientifique est difficile, psychologiquement stressante.
A contrario, sont parfaitement à leur place celles et ceux qui jubilent de ne pas savoir, qui sont parfaitement heureux de devoir découvrir, ceux qui se délectent de cette "promenade dans l'inconnu". Gardons la comparaison avec l'exploration d'une forêt, à partir de la lisière. Sont faits pour la recherche scientifiques ceux qui aiment découvrir une sente, un arbre nouveau, une fleur nouvelle, qui aiment défricher une clairière, voir le bleu du ciel à travers les frondaisons.
vendredi 18 octobre 2019
Les Français auraient-ils peur de manger ? Pas sûr !
Pourquoi les Français ont-ils peur de leur alimentation ?
Avant de poser la question, il faudrait quand même être certain de ce que l'on cherche à expliquer ; il faut d'abord établir les faits, sans quoi nous risquons de trouver une réponse à une question qui ne se pose pas !
Les Français ont-ils peur de leur alimentation ? Il y a là l'éternelle faute de Platon que combattit Aristote, et que j'expose toujours en rappelant que le goût de la fraise n'existe pas et qu'il y a plutôt les goûts des fraises. Pour ce qui nous concerne ici, il n'y a pas les Français, mais des Français : certains ont peur de leur alimentation, mais combien véritablement ? Certains n'ont pas peur de leur alimentation, et certains ne se posent pas la question d'avoir peur ou non.
Or nous ne devons pas nous-mêmes susciter des craintes, en répétant croire que les Français ont peur de leur alimentation : ce serait de la pyromanie !
Cependant il y a ce fait que nous-même arrivons parfois à penser que les Français pourraient avoir peur de leur alimentation, parce que nous sommes exposés à l'activisme de certains, ce que je préfère nommer du fanatisme. Il y a en effet des personnes qui, pour mille raisons, sont fanatiques, combattent maladivement des moulins... J'en connais, par exemple, qui, ayant eu une grave maladie, cherchent activement à épauler les traitements médicaux qu'on leur donne, et focalisent leur action sur l'alimentation, parce qu'ils supposent que c'est cette alimentation qui est responsable de leur maladie. Ils s'activent alors pour rectifier ce qu'ils croient être des erreurs alimentaires, non seulement pour eux, mais pour l'ensemble de la société, confondant d'ailleurs souvent le danger et le risque.
Mais ne serait-il pas aberrant que des politiques soient tentés de les suivre dans toutes leurs lubies ? Ne serait-il pas aberrant que ces élus (pour autant, ils n'ont pas plus de savoir que leurs électeurs), appliquant bêtement le principe de précaution, en viennent à proposer de tuer tous les crocodiles sous prétexte que ces derniers sont dangereux ? En plein cœur de Paris, le risque d'être mangé par un crocodile est quand même extrêmement faible !
De toute façon, la stratégie qui qui consiste à vouloir répondre à toutes les craintes les unes après les autres est impossible à tenir, car les craintes individuelles sont en nombre infini. Pire, l'expérience montre que la rectification est impossible, de sorte que combattre les peurs est inutile. Je propose donc de ne jamais aller frontalement à l'encontre de ceux qui ont peur, et au contraire, de distribuer des fait justes, de proposer un cadre cohérent, où ces faits s'insèrent, de donner des idées principales avant de se perdre dans les détails...
vendredi 19 avril 2019
La répétition des expériences ?
Une répétition, cela peut être, en musique ou pour le théâtre, une première production de la pièce... et l'on voit mal pourquoi on ne pourrait conserver cette acception pour les sciences de la nature. Mais, tant que l'usage n'est pas là, il y a lieu de penser que c'est une deuxième expérience analogue à la première. Analogue ou identique ? On observera tout d'abord, avec Héraclite, que l'eau qui coule n'est jamais la même ("tu ne te baigneras jamais dans le même fleuve"). C'est donc une reproduction éventuelle à l'analogue, et jamais à l'identique. Ce qui peut paraître une fioriture terminologique est en réalité essentiel, car je vois des collègues plus jeunes vouloir faire la même chose plusieurs fois de suite, ou bien en parallèle. C'est évidemment mieux que s'ils ne faisaient qu'une seule mesure, notamment parce que cela donne des confirmations et une information sur la dispersion des résultats de mesure. Mais pourquoi se priver de possibilité d'améliorer un protocole ? Pourquoi serions-nous condamnés à répéter une expérience un peu médiocre, non que l'on ait mal fait, mais plutôt qu'il est bien difficile d'arriver immédiatement un protocole idéal, parfait.
Ne vaut-il pas mieux tirer des enseignements d'une première expérience pour chercher, dans une nouvelle expérience, à obtenir le même résultat, mais mieux ? Il y a des discussions interminables entre les partisans des deux manières, certains disant qu'il faut reproduire toutes choses égales par ailleurs, et il est vrai que si l'on veut une mesure de la dispersion des résultats d'un protocole particulier, c'est ce protocole, et pas un autre, qui doit être mis en oeuvre plusieurs fois de suite.
Mais, dans notre discussion, je crois que la question est surtout celle de l'objectif : que voulons-nous ? que cherchons-nous à obtenir. La réponse est : le résultat le meilleur possible. Et c'est pour cette raison que je suis partisan de faire les expériences successivement, en améliorant -si possible- chaque fois. Bien sûr, il ne faudra pas ensuite prétendre que l'on aura fait trois fois la même chose, mais pourquoi ne pas dire simplement que nous avons cherché à améliorer, et interpréter les résultats en fonction ?
Retrouver l'ensemble des textes sur les bonnes pratiques en science sur :
http://www2.agroparistech.fr/A-propos-de-la-repetition-des-experiences.html
samedi 16 juin 2018
Douter de tout : est-ce une stratégie scientifique ?
Alors que je diffuse une liste d'idées stratégiques, pour la recherche scientifique, et que j'invite mes amis à me communiquer d'autres idées que je n'avais pas, en vue de constituer une collection que nous transmettront à nos collègues, je reçois une proposition qui consiste à douter de tout.
Cette proposition me fait inévitablement penser à cette phrase du grand mathématicien français Henri Poincaré : « Douter de tout et tout croire sont deux solution également commodes qui l'une et l'autre dispensent de réfléchir » (Poincaré. 1902. La Science et l'Hypothèse, Champs-Flammarion, 1968, p24). En réalité, la question que je me pose est de savoir si cette idée relève de la stratégie ou de la tactique, c'est-à-dire du cheminement général du scientifique ou bien plutôt d'une démarche plus particulière, plus localisée, du chemin général ou d'une étape sur ce chemin.
Douter, lors du travail scientifique : il peut s'agir du doute que l'on a face à un résultat particulier, à une mesure, à une expérimentation. Cela, c'est le pas, l'étape, et pas le chemin tout entier, puisque celui-ci consiste en :
- identifier un phénomène
- le caractériser quantitativement
- grouper les données en lois (équations)
- induire des mécanismes à partir de l'ensemble des lois (théorie)
- cette théorie étant sue a priori insuffisante, chercher une prévision testable expérimentalement
- tester expérimentalement la prévision théorique en vue de réfuter la théorie
Douterait-on des théories ? Non, car on sait ces dernières fausses ; disons « insuffisantes ».
Oui, il faut rappeler que nos théories, modèles réduits (à quelques équations) de la réalité ne sont que des approximations, donc fausses en toute rigueur. Ce qui conduit à admettre qu'on n'en doute pas… puisqu'on les sait fausses !
Oui, pour le premier cas, il y a lieu de douter, pour chercher des validations, et cela est effectivement une bonne pratique, comme je l'indique sur le blog que je constitue lentement (http://www2.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html), mais pour le premier cas, il n'y a aucun doute, mais bien plutôt une certitude que nos théories sont insuffisantes !
mercredi 4 avril 2018
Quelle stratégie ?
En effet, je ne suis plus assez naïf pour croire que ce sondage soit venu sans intention, et je propose de bien interroger les circonstances, parce que nous risquons d'avoir des surprises : le monde de la communication est plein d'ambitieux, de malhonnêtes, d'idéologues... qui cherchent à nous influencer dans une direction qui les arrange.
Et, n'ayant pas les réponses à ces questions, je refuse absolument de discuter avec mon ami : ne cherchons pas à savoir la couleur des carrés ronds... puisque ces objets n'existent pas.
Pour autant, je suis heureux de discuter avec mon ami, intelligent et soucieux du bien collectif, parce que cette discussion me permettra de mieux de voir la tache aveugle de mes yeux... moi qui ne voit rien qu'un militantisme actif, même si je l'hybride avec des réflexions stratégiques. Oui, j'ai décidé d'être un "hussard de la connaissance", parce que je suis convaincu (une idée, pas une opinion molle) que c'est la clé des Lumières.
Et, en matière de stratégie de communication, en vue d'introduire plus de loyauté et de rationalité dans les débats publics, tout me ramène à un débat, sur une grande chaîne de télévision nationale, contre un "biologiste" (disons plus justement qu'il discutait de questions d'histoire naturelle) malhonnête, lequel vendait ses livres en même temps que l'idée des pouces verts, l'homéopathie, la mémoire de l'eau...
J'ai compris ce jour là que je n'avais qu'une possibilité : pour montrer quelque chose d'aussi chatoyant que mon opposant foireux (malhonnête), je devais montrer de l'expérience, encore de l'expérience, et toujours de l'expérience, d'où le style de mes conférences (en général), d'où le style de mes cours...
Et ces expériences doivent être les plus amusantes de la chimie... même quand elles n'ont rien à voir avec le sujet traité : c'est de la crédibilité que l'on gagne en montrait de véritables faits : Jean de la Fontaine disait "Si Peau d'Âne m'était conté, j'y prendrais un plaisir extrême"... et il est vrai qu'amuser mes interlocuteurs permet de gagner du crédit, d'établir les faits (expérimentaux)... et de faire passer des messages rationalistes supplémentaires. Cela, plus beaucoup de gentillesse (le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture), beaucoup d'énergie, cela fera mon compte.
Un détail, d'ailleurs : en écrivant "rationaliste", je viens d'hésiter... parce que cela serait très mal ? Au contraire, c'est essentiel, car c'est seulement ainsi que l'on fera advenir ces Lumières qui permettent de lutter contre les tyrannies et les malhonnêtetés.
Soyons des Hussards de la connaissance !
jeudi 8 février 2018
La question de la stratégie scientifique : merci de contribuer !
Nous sommes je crois bien d'accord : le but des scientifiques est de faire des découvertes. Et, malgré les déclarations anarchistes et provocatrices de l'épistémologue Paul Feyerabend (Contre la méthode, Le seuil, 1979), les scientifiques ne font pas les choses au hasard, et ils ont des "méthodes", souvent rationnellement fondées sur la compréhension de la méthode des sciences de la nature, méthode qui innclut les étapes suivantes :
1. identification d'un phénomène
2. caractérisation quantitative de ce dernier
3. réunion des résultats de mesure en lois synthétiques
4. production de théories, par induction de mécanismes quantitativement fondés sur les lois
5. recherche de conséquences théoriques testables des théories
6. tests expérimentaux de ces conséquences théoriques
On le voit : le mouvement ainsi décrit est déjà une méthode.
Mais il y a mieux, car :
1. le ou la scientifique peut se situer à tout moment de ce grand mouvement
2. des idées stratégiques plus générales peuvent aider dans les divers mouvements élémentaires.
Ici, on rapporte le résultat de discussions personnelles avec nombre de scientifiques réputés. Les méthodes de découvertes sont données... mais non pas à des fins normatives, comme le craignait Feyerabend (il y a des gens qui ont toujours peur), mais, bien plutôt, comme des invitations positives à avancer d'un bon pas sur le chemin de la découverte
(1) Transforming adjectives and adverbs into quantitative parameters (introduction of new concepts);
2) Looking for the mechanisms of phenomena;
(3) Focusing on oddities, contradictions, discrepancies¦ and ''symptoms'';
(4) Designing new observational tools;
(5) Making science from a technical question;
(6) Refuting a theory;
(7) Solving a problem;
(8) Assuming that any fact, result, observation, phenomenonon should be considered as a particular example of general categories that we have to invent;
(9) Looking behind the ordinary: this means not accepting what was accepted;
(10) Making the contrary of what was always proposed;
(11) Looking deeply enough to what an experiment can reveal, and work deep enough to see the impact.
(12) C'est bien de voir l'arbre, mais il faut aussi voir la forêt (JM Lehn)
Surtout, cette liste est en constitution : si vous avez connaissances d'autres possibilités, merci de me les envoyer, afin que nous ayons un corpus à transmettre aux jeunes scientifiques et à nous-mêmes :
icmg@agroparistech.fr
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
vendredi 9 juin 2017
Paradoxes
Un autre paradoxe célèbre par le même Zénon est celui et Achille et de la tortue, qui s'apparente au premier. Mais évidemment, on prouve le mouvement en marchant.
Il y a des paradoxes de nombreux types, et celui de Zénon diffère du célèbre « Je mens ». Cette fois, il ne s'agit plus de mouvement, mais de logique, car si je mens, alors je dis la vérité quand je dis « je mens » ; mais si je dis la vérité, alors je mens, dont ce que je dis est faux, et ainsi de suite à l'infini.
Ici il ne s'agit pas de faire une typologie des paradoxes, mais plutôt d'en évoquer un célèbre, associé à un remarquable texte de Denis Diderot. Ce texte, et ce paradoxe, c'est le Paradoxe sur le comédien. Diderot était très intéressé par le théâtre (je m'aperçois que je ne sais pas pourquoi), pour lequel il écrivit plusieurs pièces, et il n'avait pas manqué de s'interroger sur le jeu des comédiens.
La question était de savoir si l'on est un bon comédien quand on ressent des passions l'on exprime, ou, au contraire, s'il est préférable de rester de marbre, intérieurement, afin d'avoir toute sa tête pour mieux en exprimer les passions. Comme dans tous les textes de Diderot, Le Paradoxe sur le Comédien est vivant, coloré, chatoyant, et l'on imagine bien comment un tel esprit parlant des paradoxes ait pu faire un texte remarquable. Pas un texte très long, mais simplement de longueur appropriée à la question qui était discutée. Un long article, en quelque sorte, parce que cela suffisait.
Évidemment, dans ce texte de Diderot, il y a bien plus que la description succincte que je viens de donner, mais c'est en tout cas la substance qui motive le présent document, à savoir surtout qu'un raisonnement sain ne parvient pas véritablement à trancher certaines questions épineuses. Je connais mal le théâtre, mieux la musique, pour laquelle la question de Diderot se pose de la même façon : j'ai vu des musiciens qui ressentaient les passions et cherchaient à les exprimer, et d'autres, qui, de marbre, s'efforçaient de faire sentir les passions inscrites dans la musique.
Tout ce long préambule évoque des questions artistiques, et non des questions scientifiques, qui m'intéressent davantage. Je prends la précaution de dire que je ne vois pas de véritable lien entre les sciences de la nature et l'art, sauf à reconnaître trivialement qu'il s'agit de deux activités de culture. Je ne propose pas que l'on transpose le Paradoxe du comédien aux sciences de la nature (quoique...).
Ce Paradoxe du comédien est seulement un texte dont il m'a semblé que le paradoxe de la stratégie scientifique se rapprochait d'un point de vue littéraire, une sorte de type intellectuel, qu'il convenait d'évoquer, d'une part pour des raisons de fond, mais, aussi, pour des raisons de forme, sans compter que c'était l'occasion de signaler à des amis plus jeunes l'existence du merveilleux texte de Diderot.
mardi 11 août 2015
Un témoignage terrible
A l'époque, j'avais été invité sur une grande chaîne nationale de télévision, pour discuter des "dangers de la chimie". Les journalistes, que je connaissais, m'avaient averti : il s'agirait d'un débat qui m'opposerait à des personnes très remontées contre la chimie. Allons, pourquoi pas : puisque je n'ai rien à gagner dans l'affaire, j'accepte le plus souvent de rendre service à la collectivité en disant des faits justes, contre les idéologues et les malhonnêtes de tous poils.
D'autant que, en l'occurrence, dire "la dioxine" est un non sens chimique : les dioxines sont des composés de plusieurs types, et seulement certains membres de cette famille de composés sont toxiques (à une dose qu'il faut préciser). De surcroît, les poulets qui faisaient alors l'actualité (pourquoi, d'ailleurs ?) avaient été contaminés par des dioxines provenant d'usines d'incinération (comme quand nous faisons brûler un tas d'herbes au fond du jardin), et non d'usines chimiques.
Bref, je me retrouvais sur le plateau d'enregistrement, face à un groupe d'individus étranges, très remontés contre cette chimie qui n'était pas en cause. Et, en cours d'émission, j'ai compris que le public qui nous regardait voyait en réalité :
- un groupe d'individus un peu originaux, qui faisaient miroiter des choses étranges et fausses (les pouces qui auraient été verts en vertus de dons tombés du ciel, l'influence -prétendue bien sûr- de la musique sur la croissance des plantes, d'étranges manipulations de l'eau de pluie, lors de la pleine lune, qui auraient fait croître à des tailles inouïe les fleurs qu'on aurait arrosées avec, la mémoire de l'eau, de sais-je...), avec un aplomb terrible, jouant malhonnêtement de l'argument d'autorité, par exemple, et ne citant des sources que très inaccessibles, ce qui doit bien sûr faire penser à ce beau dicton "A beau mentir qui vient de loin" ;
- un groupe de scientifiques, dont j'étais, qui essayait désespérément d'expliquer des faits expérimentaux avérés, testés, mesurés... mais qui manquaient de temps (à la télévision, on a le temps de sujet-verbe-complément) pour donner les rudiments scientifiques nécessaires à la compréhension des faits expérimentaux, ces faits réels, tangibles, vérifiables par tous, dont la science ne cesse de partir.
Bref, le public se trouvait en face de deux discours aussi incompréhensibles l'un que l'autre, mais nos adversaires tenaient un discours chatoyant, tandis que les scientifiques tenaient un discours rigoureux... et barbant. Devinez quel choix le public aurait dû faire ?
En réalité, ce jour-là, il a sans doute majoritairement choisi le camp des sciences... parce que le journaliste qui animait les débats était un ami, qui avait voulu me faire "gagner". A quoi cela tient-il !
En revanche, je n'ai jamais oublié la leçon : il est bien inutile de dire des faits justes en étant incompréhensibles et barbant, d'autant que les sciences ont mille attraits, en ce qu'elle se fondent sur les faits expérimentaux ! Cela va du soleil, clarté blanche, qui devient rouge au couchant, au blanc d'oeuf, jaune quand il est cru, qui blanchit quand on le fouette, en passant par le fait que l'huile et l'eau ne se mélangent pas, sauf quand on y ajoute du savon...
Les sciences ne sont qu'étonnement ! Et il n'est pas nécessaire de mentir pour les faire paraître belles.
Expliquer les équations ? Cela viendra après, et non pas dans une émission de télévision.
Quant aux débats, il serait naïf d'oublier qu'il ne s'agit pas de dire le vrai, mais de débattre, et cela fait des millénaires que l'on sait que c'est le plus beau parleur qui gagne généralement. Le fond et la forme...
Et si la science décidait de soigner les deux, afin d'aider nos communautés à prendre les bonnes décisions ?
vendredi 31 juillet 2015
La stratégie d'une rénovation
L'art culinaire mérite de grandir : tout le monde en convient, sauf peut-être quelques réactionnaires dont je propose que nous ne nous embarrassions pas. Comment nous y prendre, afin de hâter une évolution nécessaire ?
Oui, comment introduire cette "cuisine note à note" qui sera nécessairement celle de demain, à côté des cuisines déjà présentes, cuisine moléculaire comprise ?
Une première stratégie est celle de Parmentier : réserver au roi (en apparence) ce que l'on souhaite que le peuple veuille. Bien sûr, il n'y a plus de rois, en France, mais le succès de publications telles que Closer, Paris Match et d'autres montre bien le goût d'une partie importante de notre communauté pour les "têtes couronnées", qu'elles soient d'un sang prétendument différent (bleu), ou qu'il s'agisse de vedettes des arts, des lettres... voire des sport.
Une autre possibilité consiste à changer les programmes scolaires : la rénovation n'en sera que plus durable, puisqu'elle atteindra l'ensemble de la population, et que l'Ecole reçoit chaque année un million d'enfants en France... mais elle mettra du temps à s'imposer.
Troisième possibilité, que je propose de discuter aujourd'hui : bien expliquer que la nouveauté proposée est dans la droite ligne d'évolutions qui n'ont pas cessé d'avoir lieu. Dire que les grands anciens ont eux-même introduit de l'innovation, bousculé les traditions, amoindrir la nouveauté, arrondir les angles, en quelque sorte.
Est-ce un bon choix ? On gomme la nouveauté, de sorte que nos interlocuteurs risquent de moins la percevoir, et, surtout, ils risquent de penser que, s'il n'y a pas de nouveauté, pourquoi changer quoi que ce soit. Inversement, de cette façon, on acclimate gentiment la nouveauté qui, sinon, serait refusée par tous ceux qui ont peur.
Alors, que faire ? Je propose de penser qu'il n'y a pas lieu d'avoir une action unique, mais toutes les actions à la fois, et pour des publics variés. C'est beaucoup plus de travail, mais peut-être aussi beaucoup plus d'efficacité. Alors...