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vendredi 14 juin 2024

La question des opinions

Dans une revue que je connais, il y a une rubrique pour des articles d' "opinion", et je ne peux m'empêcher d'observer il peut y avoir là le meilleur et le pire.

Une opinion, c'est au fond une opinion... je dis cela en opposant les opinions aux idées, et en imaginant tout le cortège de valeurs implicites qui sont véhiculées par les opinions.

Un esprit acéré voudra sans doute toujours affermir ses opinions sur des analyses critiques, et les transformer en idées. Il ne manquera certainement pas l'occasion, ensuite, de faire état de ses analyses, afin de donner à ses idées une force qui dépasse le café du commerce, le vague sentiments.

A l'inverse, il y a ces opinions qui sont des injonctions, péremptoires, sans démonstration ni même sans monstration, de vagues idées dont on ne peut savoir (puisqu'il n'y a pas d'analyse critique) si elles sont justes au fausses. Des prétentions, des sentiments...

Pour certaines opinions, il faut observer qu'il y a des soubassements cachés ou inapparents : des valeurs, des idéologies. Et je crois que l'honnêteté veut absolument les faire apparaître, les expliciter, en montrer le lien avec les opinions proposées.

En réalité, ce que je déplore, ce sont les opinions paresseuses, les arguments d'autorité, et surtout l'absence d'analyse.
A contrario, ce que j'aime, ce sont des analyses fouillées, patiemment menées, argumentées...  c'est-à-dire en réalité des idées

Finalement, j'observe que la qualité des personnes signataires des opinions se reflète bien dans les textes qu'ils émettent. J'aurais honte de produire une opinion qui ne soit pas en réalité une analyse approfondie, qui ne discute pas chaque terme des idées que je propose et c'est à ce titre que je distingue les opinions et les idées : une idée est quelque chose d'établi sur des bases claires, à l'issue d'un raisonnement serré. Je sais qu'il existe des textes d'opinion émis de façon volontairement obscure, mais il s'agit là d'un type de communication que je cherche toujours à dénoncer, car il s'apparente à une tyrannie, ce que les Lumières n'admettent pas.

mercredi 15 mai 2024

A propos des Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France

Nous venons de tenir notre réunion du comité éditorial du journal scientifique, technologique et technique nommé Notes académiques de l'Académie d'Agriculture de France, et c'est l'occasion d'expliquer ce dont il s'agit. 

 

En 2016, l'Académie d'Agriculture de France a décidé de créer un journal scientifique, technologique et technique pour publier des articles dans les divers champs d'activités de l'Académie, à savoir alimentation, agriculture et environnement. Plus exactement, l'activité de l'Académie est représentée par ses sections qui comprennent tout aussi bien des sciences de la vie que de l'élevage, des agrofournitures, et cetera. 

Les manuscrits peuvent donc correspondre à des travaux dans le champ de ces dix sections. 

L'originalité, c'est que ce journal est au modèle diamant à savoir qu'il est libre et gratuit  : les auteurs ne payent pas et les articles sont mis gratuitement à la disposition des lecteurs, l'apport en industrie et en capitaux étant effectué par l'Académie d'agriculture de France, représentée par un groupe de travail qui a pour nom comité éditorial des notes académique. 

Ce comité éditorial, composé de personnalités scientifiques, technologique et techniques de plusieurs pays, se réunit régulièrement et échange beaucoup pour bien définir la revue et la faire fonctionner. Chaque  manuscrit que nous recevons est déposé dans un endroit protégé du site académiques à des fin d'antériorité, il est anonymisé et envoyé à un éditeur qui a pour charge d'assurer l'évaluation par les pairs : cela signifie en pratique qu'il envoie le manuscrit anonymisé à deux rapporteurs pour en demander une évaluation, une analyse critique, laquelle débouchera sur des conseils aux auteurs,  afin d'améliorer le texte jusqu'à ce qu'il soit publiable. 

Il y  a là un point important : les articles publiés doivent être de très grande qualité. C'est ainsi que depuis 2016, nous avons appris à publier les articles dans d'excellentes conditions, puis nous avons passé le cap de l'attribution des DOI, système de dénomination internationale des articles, et que nous continuons à améliorer nos circuits éditoriaux tout en promouvant l'idée que les scientifiques ont intérêt à publier dans une telle revue plutôt que dans des revues d'éditeurs privés dont les comportements ne sont pas toujours parfaitement éthiques. 

 

Les Notes académiques sont bien dans la ligne de l'activité souhaitée des sociétés savantes et des académies : il s'agit d'encourager les travaux scientifiques dans les champs de ces dernières. Cela passe à la fois par la publication de notes de recherche ou de points de vue, de perspectives, d'analyses d'articles ou d'ouvrages, etc. :  nous avons défini un ensemble de rubriques dans lesquels les manuscrits doivent s'insérer pour être publiés...  après  les nécessaires évaluations, ces échanges anonymes entre rapporteurs et auteurs qui permettent d'améliorer les textes. 

J'insiste sur ces échanges anonymes : il ne s'agit pas seulement de vérifier l'orthographe ou la grammaire, la correction des phrases, mais il s'agit aussi que les règles éthiques de la publication soient parfaitement respectées, notamment avec une insistance sur la justesse des références qui sont données, mais aussi sur la cohérence des arguments, sur la rigueur des méthodes, et cetera. 

Bref, la mise en œuvre de la double évaluation doublement anonyme est merveilleuse en cela qu'elle permet aux auteurs de dépasser leurs propres limites, d'apprendre, de s'améliorer. D'ailleurs, l'anonymat des évaluations permettent aussi aux jeunes chercheurs d'apprendre à rédiger des bons articles scientifiques sans avoir la honte de publier des textes imparfaits, qui resteraient à jamais comme des taches dans leur activité. 

Plus positivement, quelle fierté d'avoir un article publié dans les Notes académiques !

jeudi 23 septembre 2021

La rédaction scientifique s'apprend



Il y a quelques semaines, j'ai publié un article qui considère l'évolution de l'évaluation par les pairs, pour la publication scientifique, et je concluais notamment que les manuscrits doivent être publiés après que les auteurs les ont portés à une qualité publiable.

Le problème, c'est ce mot de "publiable", qui n'est pas clair, surtout  pour les plus jeunes, de sorte qu'il y a lieu d'être plus explicite.

À la réflexion, un article est publiable quand les pairs ont décrété qu'il était, et c'est donc une sorte de consensus fondée sur les pratiques professionnelles qui s'imposent.
D'où mon emphase sur les "règles de bonnes pratiques en science".

Par ailleurs, j'ai fait une liste des conditions précises qui s'imposent pour la préparation de bons articles scientifiques et, j'espère avoir été clair.

Tout cela étant dit, je viens d'être sollicité par une grande revue  de physique pour faire le rapport d'un manuscrit qui était soumis : il s'agissait d'un texte de physique, mais qui considérait largement des questions de chimie, et  je crois pouvoir dire que c'était exactement ma compétence.

Un beau matin, donc, j'ai pris le fichier du manuscrit, et j'ai ouvert un autre fichier à côté pour y noter d'abord mes remarques au fil de la lecture, ligne à ligne.

Mais, chemin faisant, j'ai vu apparaître ces adjectifs que je récuse, parce qu'ils doivent être  remplacés par la réponse à la question combien. J'ai vu des adverbes qui étaient... complètement... déplacés. Par exemple, les auteurs utilisaient le mot "évidemment" pour des idées la phrase qui n'avaient  rien d'évident. J'ai vu des fautes de structure de l'article ;  j'ai vu de l'imprécision, etc., de sorte que, après avoir passé beaucoup de temps à discuter mot à mot ce qui n'allait pas, je me suis arrêté, en me disant qu'il valait mieux demander aux auteurs de faire la suite du travail, à partir des règles que je pouvais leur donner.

Ce n'est pas à moi de pallier leurs insuffisances, et je perds mon temps à corriger tous les points un à un.

Oui, je sais que, dans le premier article que j'ai mentionné plus haut, je disais que nous devions être positifs et accepter les textes a priori à condition qu'ils soient publiables. Oui, je sais bien qu'il faut conseiller les auteurs des manuscrits pour qu'ils améliorent leurs textes, mais on ne va pas aller jusqu'à les border dans leur lit, n'est-ce pas ? Ce ne sont plus des enfants, et  il faut qu'ils apprennent la rédaction scientifique et, a minima, qu'ils appliquent les conseils que j'ai donnés.

Au fond, il y a derrière tout cela, il y a des question de compétences. De compétence, car la rédaction scientifique, cela s'apprend. Pour moi, je propose que l'on distribue très largement mon document donné ici : https://hervethis.blogspot.com/2021/09/le-temple-de-la-science-lever-un-coin.html.

vendredi 27 juillet 2018

A propos de revues prédatrices

L'annonce du fait que 5000 scientifiques allemands -dont certains parmi les meilleurs- ont publié dans des revues dites "prédatrices" mérite d'être commentée.

Les faits, d'abord :

1. jadis, les Académies étaient chargées de la publication des travaux scientifiques, et c'est à ce titre, par exemple, que l'Académie des sciences publiait les Comptes rendus de l'Académie des sciences, ou que l'Académie d'agriculture de France publiait les Comptes rendus de l'Académie d'agriculture.

2. jadis, les revues scientifiques étaient imprimées, sur du papier, donc, et cela coûtait cher, de sorte qu'il fallait  des abonnements par les bibliothèques (universitaires)

3. comme la place était comptée, il fallait limiter le nombre d'articles publiés, et c'est ainsi que l'Académie des sciences introduisit une règle pour limiter à un article par auteur et par semaine, quand Henri Poincaré, au summum de sa production, faisait un article par jour ! On visait la brièveté, pour des raisons de coût.

4. mais, depuis la dernière guerre mondiale, le nombre  de scientifiques a considérablement augmenté

5. et l'on a voulu évaluer ces personnes sur leur production ; comme souvent, on a jugé plus facile de juger la quantité que la qualité ; c'est plus "objectif", n'est-ce pas ?

6. mais les revues scientifiques, face à un afflux de texte, ont commencé  à refuser  les textes sous des prétextes variés,

7. ce qui a suscité la création de nouvelles revues, qui ont également été encombrées, et ainsi de suite

8. tandis que les scientifiques publiaient jusqu'au moindre résultat : ne le leur demandait-on pas ?

9. arriva le numérique, et la possibilité de ne plus avoir de papier : tout simple, donc, de créer une "revue"... de sorte que de petits malins proposèrent un nouveau  type de publication, dites "open", où les scientifiques payent pour voir leur article publié

10. et bien sûr, quand il est question d'argent, de la malhonnêteté peut s'introduire facilement : on imagine des revues peu rigoureuses, acceptant tous les articles pourvu qu'elles soient payées, et des scientifiques peu rigoureux, payant pour voir des articles médiocres publiés rapidement.



Nous en sommes là, et l'institution se rend bien compte que le système ne fonctionne plus bien.
Les éditeurs commerciaux sont sur la brèche, parce qu'ils sont concurrencés, mais, aussi, parce que leur avidité n'est plus justifiée : on n'a pas besoin d'eux pour faire l'édition des textes (qui était restée faite par les scientifiques) ni pour faire l'évaluation des manuscrits (qui était faites par des scientifiques). Depuis deux ou trois ans, c'est la fronde des institutions contre ces groupes d'édition, au point que les abonnements ne sont pas renouvelés.

Où allons-nous ? C'est le moment que les institutions (académies, centres de recherche scientifique, universités...) reprennent en main l'évaluation de la production scientifique, que l'on n'aurait jamais dû confier à des tiers. La chose est simple, puisqu'il suffit d'un secrétariat, pour épauler les comités scientifiques qui existent déjà dans lesdites institutions.

D'autre part, c'est peut-être le bon moment, aussi, pour que l 'on rénove les règles d'évaluation de la recherche scientifique, sans considérer le nombre, mais la qualité des travaux. L'évaluation ne peut être une simple comptabilité du nombre d'articles produits... car que veut-on juger, au juste ?
La question a sa réponse : les scientifiques visent des "découvertes", et cela se saurait si l'on faisait cela tous les jours. Bien sûr, des données peuvent être publiées (à condition d'être bien produites), mais on peut s'alerter que, ces dernières années, il ait fallu passer par des cours de communication scientifique pour avoir ses articles acceptés : c'est la preuve que l'on se préoccupait de la forme, et non du fond.

Revenons donc au fond.

vendredi 8 décembre 2017

Le bonheur du numérique, pour les publications scientifiques

Il était une fois des scientifiques qui voulaient partager leur émerveillement du monde avec des amis capables de recevoir ce sentiment de pur bonheur de l'abstraction. Ils leur écrivaient de longues lettres.

Mais quand ils avaient plusieurs amis, ils devaient recopier leurs lettres. Certes, on peut toujours changer à mesure que l'on copie, et produire du nouveau, affiner sa pensée, mais quand même, il apparut un besoin, de duplication.

L'imprimerie ayant été inventée, les scientifiques voulurent imprimer leurs textes, et ils recoururent à des imprimeurs, lesquels étaient plus ou moins éditeurs simultanément.

Puis des éditeurs comprirent qu'ils pouvaient gagner de l'argent en rendant le service de composer des recueils de publications, qu'ils vendaient aux institutions, bibliothèques universitaires, par exemple. Là, les auteurs consentirent à ne plus payer, en échange de la cession de leurs droits d'auteurs.

Puis apparut le numérique : cette fois, plus de papier, plus d'impression, et l'on n'a plus besoin des éditeurs, puisque le travail d'édition (du secrétariat, en réalité) pouvait être fait par les institutions scientifiques, tandis que, de toute façon, le travail d'édition (évaluation, échanges avec les auteurs) était fait par les "pairs", gratuitement.

C'est le modèle des revues "open" et "free", telles nos Notes Académiques de l'Académie d'Agriculture de France (N3AF).
L'indexation ? Elle se fait très bien, sans difficulté.

Publions dans les N3AF, ou toute autre revue du même type !




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)