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mercredi 19 juin 2024

Assez, avec les discussions idéologiques de l'alimentation !

 
Alors que le week-end se termine, que j'ai senti des odeurs de barbecue dans tout le quartier, on m'interroge sur la toxicité des aliments que l'on me dit "ultra transformés".

Je réponds évidemment en envoyant un article que j'avais publié à ce sujet et qui analysait une publication récente, scientifique, bien évaluée, montrant que les aliments "ultra transformés" n'existent pas, que ce sont des chimères au même titre que des "carrés ronds" ou les "Père Noël".

Or, avant de caractériser un objet, il s'agit d'en démontrer l'existence et oui, on peut parler de "carré rond" (la preuve  : nous en parlons ici), mais cela ne prouve pas leur existence et on aura beau en parler pendant des années, les "carrés ronds" continueront de ne pas exister.

Le mot "ultra transformé" est un mot plein de pathos, ce qui n'a rien à voir avec la rigueur scientifique ou technologique. Il a été introduit par des chercheurs brésiliens que je n'aimerait pas avoir comme collègues (je veux de l'intelligence, de la bonté, de la droiture), qui, manifestement, avaient des comptes à rendre avec ce que certains nomment l'industrie alimentaire, mettant dans le même sac les coopératives qui produisent du lait ou de la farine et les fabricants d'aliments transformés que sont ces jambon, pizza, et cetera  présents dans les supermarchés.

Une certaine idéologie veut s'opposer une cuisine plus domestique ou artisanale à l'industrie alimentaire, et cette idéologie utilise des arguments déplorables à ce propos, confondant industrie et additif, confondant également les différentes sortes d'additifs... car on n'oubliera pas que des gélifiants sont des produits de natures bien différentes des conservateurs, par  exemple.

Mais surtout, s'il y a des questions de toxicité qui doivent être considérés, alors il y a lieu de les regarder honnêtement et par exemple, j'y reviens à propos du barbecue, il est utile de bien savoir que des viandes grillées au barbecue contiennent environ 2000 fois plus de benzopyrènes cancérogènes qu'il n'en est admis par la loi dans du saumon fumé vendu en supermarché.
D'ailleurs, dans le supermarché qui est près de mon domicile, le saumon fumé est produit par le poissonnier du supermarché, comme je le fais chez moi :  avec les saumons qu'il ne vend pas, il fait du saumon fumé. Je ne suis pas certain que cet homme, qui utilise des techniques bien loin des techniques industrielles mise en œuvre pour faire le saumon fumé, soit garant de moins de toxicité que l'industrie : dans son fumoir local, il n'a aucun moyen de doser les benzopyrènes de ses saumons, ni d'en limiter la quantité, contrairement à l'industrie qui elle, à l'obligation de le faire et de noter sur le paquet les quantités correspondantes,.

Plus généralement, en matière de toxicité alimentaire, il faut redire que la question est bien mal traitée, notamment par ce qui croient pouvoir dire que la tradition (laquelle) ou la "nature" serait des garants d'innocuité. Car les viandes cuites à la braise sont chargées de base de benzopyrènes cancérogènes. Et la ciguë est parfaitement naturelle et parfaitement toxique.

Bref, la question est généralement très mal traitée, et elle fait l'objet de nauséabondes discussions idéologiques, ce qui est pire, car on cache quelque chose dans le débat, on ment en réalité sur la base d'idées que l'on veut promouvoir.

vendredi 14 juin 2024

La question des opinions

Dans une revue que je connais, il y a une rubrique pour des articles d' "opinion", et je ne peux m'empêcher d'observer il peut y avoir là le meilleur et le pire.

Une opinion, c'est au fond une opinion... je dis cela en opposant les opinions aux idées, et en imaginant tout le cortège de valeurs implicites qui sont véhiculées par les opinions.

Un esprit acéré voudra sans doute toujours affermir ses opinions sur des analyses critiques, et les transformer en idées. Il ne manquera certainement pas l'occasion, ensuite, de faire état de ses analyses, afin de donner à ses idées une force qui dépasse le café du commerce, le vague sentiments.

A l'inverse, il y a ces opinions qui sont des injonctions, péremptoires, sans démonstration ni même sans monstration, de vagues idées dont on ne peut savoir (puisqu'il n'y a pas d'analyse critique) si elles sont justes au fausses. Des prétentions, des sentiments...

Pour certaines opinions, il faut observer qu'il y a des soubassements cachés ou inapparents : des valeurs, des idéologies. Et je crois que l'honnêteté veut absolument les faire apparaître, les expliciter, en montrer le lien avec les opinions proposées.

En réalité, ce que je déplore, ce sont les opinions paresseuses, les arguments d'autorité, et surtout l'absence d'analyse.
A contrario, ce que j'aime, ce sont des analyses fouillées, patiemment menées, argumentées...  c'est-à-dire en réalité des idées

Finalement, j'observe que la qualité des personnes signataires des opinions se reflète bien dans les textes qu'ils émettent. J'aurais honte de produire une opinion qui ne soit pas en réalité une analyse approfondie, qui ne discute pas chaque terme des idées que je propose et c'est à ce titre que je distingue les opinions et les idées : une idée est quelque chose d'établi sur des bases claires, à l'issue d'un raisonnement serré. Je sais qu'il existe des textes d'opinion émis de façon volontairement obscure, mais il s'agit là d'un type de communication que je cherche toujours à dénoncer, car il s'apparente à une tyrannie, ce que les Lumières n'admettent pas.

mercredi 9 février 2022

Le pouvoir des mots

Le pouvoir des mots est connu depuis longtemps,  et certains dialogues de Platon, déjà, montrent bien comment des malhonnêtes enflamment les foules. Pas de nouveautés sur le soleil : on continue de voir, dans les émissions de radio de télévision, des personnages qui s'intitulent hommes ou femmexs politiques, qui se font élire en abusant le peuple et qui mentent comme ils respirent. Ces gens sont une nuisance, et il faut sans relâche dénoncer leur incompétence et leurs mensonges.

Mais ce n'est pas une lamentation de plus à ce propos que je veux faire. Je veux surtout observer que jadis, fut mise au point technique d'analyse de la matière nommé "résonance magnétique nucléaire". Je passe pour l'instant sur la description de cette technique et j'arrive à son évolution, une dizaine d'années après sa découverte, quand fut introduite l'imagerie par résonance magnétique nucléaire  : cette fois, on pouvait analyser un tissu vivant, notamment parce que la technique montre l'eau plus ou moins liée, dans un échantillon. Initialement la technique d'imagerie était limitée à des objets de quelques centimètres de côté, mais, bientôt, on put l'utiliser comme outil de diagnostic dans les hôpitaux.
Hélas,  le public rechignait à se faire examiner les appareils : vous pensez bien, il y avait du "nucléaire" ! On  donc aussitôt rebaptisé  la technique "imagerie par résonance magnétique", et, mieux, on en a pris l'abragé IRM pour éviter de  faire apparaître la résonance et le magnétique.

C'est à ce stade qu'il convient d'expliquer la technique. Dans cette dernière, il n'est pas question de radioactivité,  et le mot "nucléaire" et simplement l'adjectif correspondant au mot "noyau".
Car  la technique étudie le comportement des noyaux des atomes. Hâtons-nous de le dire pour ceux qui l'ont oublié  : des atomes qui sont naturellement présents dans tous les échantillons de matière ! Ces noyaux se comportent comme de petits aimants, et un champ magnétique, c'est-à-dire l'influence d'un autre aimant, permet de les faire basculer, changer de direction.

Cela, c'est la base de la technique de résonance magnétique nucléaire. E il y a simplement résonance, parce que, comme pour une balançoire que l'on doit pousser au bon moment pour la faire bouger, il faut agir (avec un aimant) au bon moment pour obtenir un signal que l'on puisse détecter.

Bref, rien de radioactif, dans cette affaire, mais une fois de plus, l'ignorance a sévit.

Ma conclusion ? De l'Ecole, de l'Ecole, de l'Ecole !

dimanche 28 février 2021

La critique de la science, c'est souvent le refus infantile des faits, de l'idéologie



Dans le texte d'un gauchiste, je lis l'expression "démiurges scientistes", et je propose de voir cela comme un symptôme.
Mais commençons par savoir bien de quoi nous parlons, en faisant l'hypothèse (osée, quand on connaît l'auteur de la phrase) que celui qui a écrit savait le sens exact des mots qu'il utilisait. Un démiurge, tout d'abord, c'est une divinité qui donne forme à l'univers. On voit donc déjà que notre auteur critique les scientifiques avec un argument ad hominem un peu camouflé. Puis il mélange cette affaire avec le scientisme, à savoir l'attitude consistant à considérer que toute connaissance ne peut être atteinte que par les sciences, particulièrement les sciences physico-chimiques, et qui attend d'elles la solution des problèmes humains.
D'ailleurs, un peu plus loin, notre auteur parle d' "univers scientiste"... mais, au fait, qu'est-ce que cela ? On est encore dans l'insinuation. Et cela s'enchaîne avec "elle peut s'appuyer sur des études produites par des chaires universitaires, des laboratoires de recherche". Là, on a une attaque sournoise, en passant, des "chaires universitaires", comme si l'enseignement universitaire était toujours mandarinal.

J'ai omis de signaler que tout cela venait à charge contre des faits, avec, d'ailleurs, de surcroît, une confusion fréquente entre la science et la technologie.

Détestable critique, refus des faits, confusion des idées et des opinions... Notre homme a tout faux !

mercredi 5 février 2020

Ne pas tout confondre par ignorance ou par idéologie


Alors que le restaurant de Paul Bocuse vient de perdre sa troisième étoile, je vois un journaliste prendre la défense de ce restaurant et dire que là, enfin, on a de la vraie cuisine française et pas ces viandes standardisées cuites à basse température.
Je ne cherche pas ici à prendre parti pour ou contre la troisième étoile du restaurant où Paul Bocuse n'est plus, mais simplement de discuter cette idée selon laquelle le rôtissage ou d'autres cuissons de ce type (lesquelles ?) vaudraient mieux que la cuisson à basse température.

Et je tiens à signaler immédiatement que la critique faite aux cuissons basses température s'apparente en tous points au critiques que faisaient certains, au début du 20e siècle,  quand le gaz est arrivé à tous les étages et que l'on a cuit autrement que par du bois ou du charbon. D'ailleurs, ces critiques sont du même type que celles qui sont apparues quand on a introduit les mixers, avec lesquels on a fait des farces bien plus fines que par le passé, au tamis, en y passant des heures. Ou quand on a commencé à utiliser les feuilles de gélatine plutôt que le pied de veau. Ou encore quand on a produit des mousses au siphon, au lieu de passer de longs moments au fouet. Et ainsi de suite...
Dans tous ces cas, on ne peut s'empêcher de penser  à la crise des canuts à Lyon, ou aux Luddites, c'est-à-dire quand des techniques modernes ont mis des gens au chômage. Oui, dans chaque cas, il y a l'avènement de systèmes techniques modernes qui facilitent le travail, mais qui sont refusés pour des raisons en réalité idéologiques, politiques. Mon point de vue : si c'est le cas, disons le franchement, sans incriminer la technique pour ce qu'elle produit, mais pour ses conséquences.

Mais revenons à cette question de la basse température pour observer que les grands auteurs de cuisine du passé, en  France, n'avaient pas de mots assez élogieux pour le braisage, cette grande opération culinaire française classique, qui fait des viandes parfaitement tendres.
Le braisage se faisait dans une braisière, cendres dessus et dessous, et c'était en réalité de la cuisson à basse température,  sauf que l'on avait le plus grand mal à contrôler la cuisson et que l'on savait bien que le moindre coup de feu ruinait tout. Un coup de feu, cela signifie passer à plus haute température, et effectivement, c'est pour les éviter que la cuisson basse température a été introduite.




La cuisson  à basse température, il faut le répéter, c'est du braisage, et du braisage parfait en quelque sorte. 
De sorte que le journaliste dont il était question au début de ce billet n'a rien compris techniquement,  à moins qu'il ait tout mélangé volontairement, pour des raisons politiques ?
Dans toutes ces affaires,  il y a la question du mélange entre l'appréciation technique et l'idéologie. On comprend bien que certains individus puissent avoir peur de perdre une compétence unique, un savoir-faire, voire leur emploi. Cela est légitime, mais c'est une autre affaire que la question technique elle-même.
Bref, il y a soit un peu d'incompétence technique, sois un peu de malhonnêteté idéologique à faire la critique qui a été faite contre la cuisson à basse température.

D'autant que « la » cuisson à basse température n'existe pas : il y a mille cuissons à basse température, et les résultats sont tous différents. De même, la fraise n'existe pas :  il y a mille fraises différentes, aux goûts tous différents.
À propos de la cuisson basse température, on est donc dans une généralisation hâtive et déplacée,  et je retrouve une fois de plus, pour des raisons qu'il faut bien élucider, la vraie la grande querelle entre Aristote et Platon. Le Beau n'existe pas : il y a des beaux. Le Bon, idem. La Fraise, la Bonne Cuisson... Tout cela, c'est du fantasme, et le monde est bien plus beau que s'il y avait une voie unique.


Il y a mille belles cuissons, et c'est en le reconnaissant que nous ferons grandir l'Art culinaire.




vendredi 14 juin 2019

Méfions-nous !


Nous sommes bien d'accord que :
1.  l'expérience est intransmissible
2. il faut être très positif
3. critiquer un livre, c'est lui faire de la publicité, ce qui va à l'encontre du but visé.

Pour autant, surtout en ces temps d'écologisme idéologique, je m'en voudrais de ne pas tendre à mes amis quelques idées qu'ils pourront ruminer à leur guise.
Tout d'abord, je vous ai extrait d'un livre de Robert M. Pirsig, le Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes, cette phrase :

"J'en profite pour continuer à poursuivre [...] la rationalité, ce fantôme ennuyeux, complexe et classique de la structure interne".

Oui, le livre est un roman, une fiction, ce qui est commode pour l'auteur, qui pourra toujours dire qu'il n'a pas lui-même dit ce qui est dans la bouche d'un personnage inventé; mais quand même, le roman fait l'apologie de l'anti-rationalité, avec mille arguments qui sont dans le même sens que celui que je dénonce ici.
D'où ma question : à vous de vous déterminer sur cette idée ! Et j'élargis cela à Thoreau, dont le Walden (encore une fiction) a eu pour effet que des individus sont allés vivre dans les bois. Et je ne peux m'empêcher d'évoquer ici Rousseau, personnage que je déteste, parce que le trouve faux (alors que je trouve Diderot si merveilleux !)

Mais encore, à vous de vous faire votre idée ! Pour en revenir à Pirsig, on lit plus loin :
"Le véritable but de la méthode scientifique est de s'assurer qu'on ne s'imagine pas savoir ce qu'en fait on ignore".
Il confond science et analyse ! D'ailleurs, ce passage n'est pas le seul où la confusion est faite.
Décidément, je n'avais pas aimé ce livre, lors d'une première lecture, et je le déteste, lors d'une seconde lecture, parce que, en réalité, il fait partie de ces apologies d'idéologies que je crois très néfastes.

Mais, j'insiste, je vous invite à le lire pour que vous vous fassiez une idée, car je ne suis pas un gourou que l'on doive croire. Et vous m'en direz des nouvelles.


samedi 23 février 2019

Je voudrais bien déclarer mes "intérêts"... mais...

Discutons les questions qui fâchent, puisque j'appartiens au Parti de la Rationalité, de la Bonté et de la Droiture : les "intérêts".

Pour commencer, on observera que, selon les définitions proposées, les "intérêts" que les scientifiques peuvent avoir sont non seulement  financiers, mais concernent tout aussi bien la carrière, le pouvoir, l'idéologie.
Et il y a un conflit d'intérêts, selon Best practices in nutrition science to earn and keep the public's trust, Am J Clin Nutr, 2019, 109, 225-243 quand "une situation financière ou intellectuelle peut avoir une incidence sur la capacité d'un individu à aborder une question scientifique avec un esprit ouvert".

C'est donc une question bien difficile, où l'idéologie, la position politique, fait jeu égal avec les financements.

Souvent, dans les institutions publiques, les experts doivent déclarer des intérêts pour les cinq dernières années, et pourquoi pas ? Dans mon cas, il semble facile de faire la liste... à cela près qu'une telle liste est impossible à faire.

Commençons en effet par les intérêts financiers :
 

1. j'ai intérêt à travailler à l'Inra, parce que c'est là que je fais de la science
2. récemment, j'ai fait une conférence dans une fédération professionnelle... et une somme a été versée à une des académies auxquelles j'appartiens, parce que, précisément, je ne voulais pas toucher d'argent de cette fédération
3. j'interviens régulièrement, gratuitement, pour une fédération professionnelle (une autre) qui m'invite à déjeuner, avec des professionnels charmants et intelligents, où nous parlons de moyens pour faire avancer la profession
4. j'interviens régulièrement, toujours gratuitement, pour une troisième institution professionnelle, qui m'a offert deux foies gras à Noël
5. une société a payé mon laboratoire pour que des collègues viennent apprendre à mes côtés ; je n'ai pas touché un centime, mais mon laboratoire oui
6. les thèses qui se font dans mon groupe sont toutes des thèses CIFRE... parce que c'est le seul moyen de permettre aux doctorants de trouver rapidement du travail dans l'industrie
7. et j'en oublie plein, de ces premiers types.

Mais les intérêts idéologiques ?  

8. je suis clairement du Parti de la Raison des des Faits : je réclame que la politique se fonde sur des faits, et pas sur des mensonges, et je veux que nous fassions tout pour que nos suivants reçoivent une information juste, une formation intellectuelle de qualité...
9. je suis du Parti SIBF, qui a pour devise : "le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture"
10. mon coeur est certainement en Alsace
11... et suivants : et ainsi de suite

Pour le pouvoir, je suis plus libre : comment voudrais-je et pourrais-je diriger autrui puisque je peine  à me diriger moi-même ? Mais je m'étonne toujours que d'autres aient la Prétention Immense de vouloir diriger : sont-ils tellement mieux que moi, en ce qui les concerne.

Pour le "succès académique", là encore, c'est une question simple, puisque mon ambition est de faire de la bonne science, mais pas d'être reconnu pour cela. Quand je serai dans une tombe, cela aura belle allure d'avoir des prix ou des décorations ! Et j'ai assez dit partout que tout honneur qui m'est accordé est :
1. une charge, puisqu'il faut que je commence à le mériter
2. un moyen d'avoir de l'influence en vue de développer une certaine idée du monde, conformément au Parti SIBF, évoqué plus haut.


Alors on voit que la question financière... est bien peu de choses. D'ailleurs, j'aurais tendance à poser la question à toute personne qui m'interrogerait sur mes "intérêts" (la science, la raison, la rationalité...) : et vous, quels intérêts avez-vous ? et quel intérêts avez- vous à interroger autrui ?


lundi 11 février 2019

Ce que je n'ai pas réussi à faire

Oui, je crois avoir réussi mon coup, en ce que le public sait maintenant qu'il y a des molécules dans les aliments : cela fait partie des enseignements de l'école, d'une part, et les chefs qui passent à la télévision sont sensibilisés, d'autre part. Bien sûr, il y a encore des confusions entre "naturel" et "artificiel" ou "synthétique", mais on y arrivera, surtout si l'école nous y aide, et ce sera pour le bien de tous, c'est-à-dire de chacun et de la collectivité.

En revanche, je n'ai pas réussi à bien faire passer la différence entre la  chimie, qui est une science de la nature, et ses applications... que l'on retrouve trop souvent sous le nom indu, usurpé, de "industries chimiques". Non, il n'y a pas d'industries chimiques, parce qu'une industrie n'est pas une science. Il y a éventuellement des industries qui font usage de la chimie, mais on tomberait dans la faute du partitif en nommant cela "industries chimiques". Et cette confusion est néfaste pour tous, pour la chimie, d'une part, et pour les industries, donc le public qui peut y travailler. 


Pourquoi n'ai-je pas réussi ? 

Pour mille raisons, mais notamment parce que la communauté des chimistes n'a pas encore accepté l'idée que l'on doive nommer différemment la science chimique (la "chimie", donc) et ses applications. Pis encore, il y a eu des tentatives de rapprochement. Louables, certes, du  point de vue de la communauté des personnes intéressées par les transformations moléculaires, mais nuisibles, puisque cela entérinait la confusion.
C'est au point que moi-même ai longtemps hésité à nommer "chimie" notre science ou ses applications, ayant quand même compris que l'on ne pouvait pas donner le même nom à deux activités différentes, ce qui est la moindre des choses : un tournevis n'est pas un marteau, n'est-ce pas ?
Je réponds en passant à une remarque courante : oui, ce sont les mêmes molécules dans un laboratoire de recherche scientifique et dans une usine, mais l'intention fait toute la différence : l'étude d'un phénomène, ce n'est pas l'utilisation de ce phénomène. Il y a toute la différence du monde, et, comme je sais que beaucoup ne la comprenne pas, j'explique sur un exemple :
- quand je cuisine, je produis des aliments
- quand j'étudie la cuisine, je produis de la connaissance.
Si j'étudie, je ne fais pas d'aliment. Mais si je cuisine, je ne fais pas de connaissance.
Là, c'est clair ?

Bref, il y a lieu  lutter encore beaucoup contre des forces antagonistes ou des inerties. Les forces antagonistes ? Il y en a hélas beaucoup, entre ceux qui, par idéologie, refusent les avancées scientifiques, voyant encore là le mythe de Prométhée : pour eux, la chimie est une façon de donner le feu aux hommes, et cela peut faire des catastrophes (incendies, etc.). Il y a aussi ceux qui combattent le "capital" qui est personnifié en l'occurrence par l'industrie... qu'ils disent "chimique". Il y a ceux qui ignorent ce qu'est la chimie, et en ont peur. Il y a ceux qui voient dans la chimie la cause des pollutions, oubliant que c'est principalement la surpopulation mondiale qui est à l'origine de cela. Il y a ceux qui...

Tout cela s'apparente à un combat des vaillants guerriers réunis au Valhalla, dans la mythologie alsacienne, pour lutter contre les géants qui veulent détruire le monde créé par les dieux, libérant le loup géant qui tuera Wotan. Si l'on cesse de combattre, ce sera la fin, de sorte que, éternellement, nous devrons lutter. Lutter contre les peurs, lutter contre les malhonnêtetés intellectuelles, lutter contre les "méchants", les paresseux, les autoritaires, les escrocs, lutter contre la pensée magique, lutter contre les idéologies qui ne s'affichent pas.

Bref, luttons sans relâche contre le Ragnarok

mercredi 5 avril 2017

"Mensonges scientifiques" ? Impossible

Un collègue qui veut lutter contre les idéologies pourries qui détournent les faits (à propos de vaccination, de prétendus perturbateurs endocriniens, de pesticides, etc.) évoque, dans un message, des "mensonges scientifiques".

Des "mensonges scientifiques" ? Il ne suffit pas d'aligner des mots pour dire des choses justes. Je veux dire ici que les "mensonges scientifiques" n'existent pas, n'existeront jamais, ne peuvent pas exister. 


Partons de l'idée de Galilée qui préside à la création de la science de la nature moderne :

"Un bon moyen pour atteindre la vérité, c'est de préférer l'expérience à n'importe quel raisonnement, puisque nous sommes sûrs que lorsqu'un raisonnement est en désaccord avec l'expérience il contient une erreur, au moins sous une forme dissimulée. Il n'est pas possible, en effet, qu'une expérience sensible soit contraire à la vérité. Et c'est vraiment là un précepte qu'Aristote plaçait très haut et dont la force et la valeur dépassent de beaucoup celles qu'il faut accorder à l'autorité de n'importe quel homme au monde"
Galilée (1564-1642)

Tout est dit : la science de la nature se fonde sur des faits, des faits expérimentaux. Et la science moderne de la nature ne fait que reconnaître ces faits. Mieux même, elle caractérise quantitativement les phénomènes, et c'est la raison pour laquelle les adjectifs et adverbes sont interdits dans notre Groupe de gastronomie moléculaire : ils doivent obligatoirement être remplacés par la réponse à la question "combien?". Une montagne n'est ni petite ni grande ; elle mesure tant de mètres de hauteur. Le ciel n'est ni bleu ni gris : sa couleur est décrite par exemple par des paramètres L*, a* et b*.

Tout cela étant dit, un "mensonge scientifique" serait quoi ? Un mensonge de la science ? Impossible, puisque les sciences ne disent que les faits.


En réalité, je me fais un peu plus bête que je ne suis, car je sais bien que mon collègue voulait évoquer des contre-vérités propagées par des idéologues malhonnêtes, et qui s'opposent aux faits. Ce ne sont pas des "mensonges scientifiques", mais des mensonges idéologiques  : ne pas confondre !