Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 24 juin 2025
Pas d'adjectif subjectifs !
mardi 25 février 2025
Paraphrase contre plagiat
Je reçois d'un cabinet d' "aide à la rédaction scientifique" une proposition de service.
Pour montrer leurs compétences, ces gens envoient un texte où ils font la différence entre la paraphrase et le plagiat, et ils expliquent l'importance de citer éthiquement les auteurs des idées que l'on utilise pour rédiger un article scientifique.
Je m'étais fait un copier-coller pour lire au calme ce document, mais quand je l'ai regardé en détail, j'ai vu combien il était inutile.
Surtout, il ne discutait pas la véritable question, qui est d'utiliser des résultats expérimentaux, ou des concepts, ou des idées proposés par des collègues, en citant bien évidemment ces derniers puisque c'est la moindre des choses que de ne pas s'emparer des biens d'autrui.
Quoi que... Lorsque nous lisons un article, nous pouvons aussi nous rappeler que le monde est imparfait, et que ces résultats, concepts, méthodes, idées ne sont peut-être pas des auteurs de l'article que nous lisons, mais de collègues ayant publié cela antérieurement. Décidément, le cabinet d'aide à la rédaction a pris les choses bien légèrement.
Cela étant, ayant vérifié que les données que nous allons utiliser sont vraiment des auteurs de l'article que nous lisons, il y a la question : faut-il prendre une
phrase de l'article et la citer telle qu'elle est, assortie de la référence à l'article, ou bien faut-il plutôt éviter le "plagiat", et paraphraser en citant l'article d'où nous sortons les données paraphrasées ? J'ai bien peur que le cabinet d'aide à la rédaction n'ait à nouveau manqué le point important : quand on change les mots, on change les idées, les concepts, et :
- on risque de faire dire
aux collègues des choses qui n'ont jamais dit,
- on risque de donner des
idées fausses qui n'ont pas été établies par le travail expérimental qui est cité.
Personnellement, je crois préférable de reprendre les mêmes mots pour bien véhiculer les mêmes fait expérimentaux, les mêmes concepts, les mêmes idées théoriques que ce qui a été établi ou proposé.
Mais, surtout, si l'on n'est pas
capable de rédiger ses propres articles, est-on bien à même de publier des articles scientifiques, même en recourant à ces cabinets que je vois bien insuffisants ?
mercredi 4 décembre 2024
Préparer un projet ? Soyons clairs
Hier j'expertisais un projet pour une agence nationale de recherche et d'enseignement supérieur, et les défauts étaient clairs : je les indique ici afin d'aider mes amis à mieux préparer leurs propres projets pour l'avenir.
Pour financer une recherche pour un enseignement scientifique, on a besoin de soutien financier ou d'accréditation, ce qui s'accompagne de la préparation d'un document formel, structuré, qui est ensuite évalué par les agences nationales.
Dans ces "moules" fournis par les institutions, il y a évidemment une partie administrative facile à remplir, mais c'est la partie de description et d'analyse qui est plus intéressante.
Je dis "plus intéressante", et je veux dire "plus intéressante à préparer", car il y a lieu de poursuivre le travail scientifique jusque dans cette préparation, la probabilité qu'elle soit acceptée fut-elle faible. Au pire, si le cadre nous a permis de faire un peu de travail scientifique, alors ce n'est pas grave que le projet ne soit pas retenu, car au moins nous aurons progressé intellectuellement.
Hier, dans l'évaluation que j'ai faite, le défaut était manifeste, et son identification peut, je le répète, nous aider à mieux faire nous-même.
Tout d'abord, les auteurs maniaient la langue de bois, avec des phrases confuses, vagues, encombrées, pas claires, ce qui doit nous conduire à nous interroger sur la manière donc elles ont été rédigées : les auteurs ont-ils été négligents ? ou bien pensaient-ils mal ? ont-ils voulu brouiller les pistes ?
En tout cas, pour l'évaluation que j'ai faite hier, le résultat ne s'est pas fait attendre : chaque fois qu'une phrase était incompréhensible ou vague, je le disais, et j'essayais d'expliquer très clairement comment j'avais vu que la phrase était vague ou incompréhensible, voir "insensée" (ce qui signifie littéralement n'avoir pas de sens)
Je vois qu'une préparation de projet mal faite fait perdre son temps à tout le monde : aux évaluateurs... mais aussi aux soumetteur, dont le projet sera rejeté, et qui devront tout refaire.
Pourquoi ne pas avoir bien fait du premier coup ? Comment nos collègues ont-ils pu imaginer que leur proposition aurait des chances de succès ? Il y a une erreur d'appréciation que je ne comprends pas, mais, en tout cas, je vois clairement que, dans une évaluation le projet doit être bien clair, bien expliqué : il s'agit d'expliquer à son interlocuteur et non pas de brouiller les pistes.
Au fond, je vois dans le projet médiocre d'hier le même mauvais travail que dans les mauvais devoirs de certains mauvais étudiants, mais j'y vois surtout, a contrario, l'indication que nous avons intérêt à toujours faire bien.
Hervé This
INRAE-AgroParisTech International Centre for Molecular and Physical Gastronomy :
https://icmpg.hub.inrae.fr
Groupe de gastronomie moléculaire, Equipe GePro, UMR 0782 SayFood, AgroParisTech-Inrae
22 place de l’agronomie, 91120 Palaiseau
Tel : 01 89 10 11 79 ou 01 89 10 00 00 (standard)
Site, avec un liste d'activités à venir : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
Blog : https://hervethis.blogspot.com/
lundi 2 décembre 2024
Comment faire un document ?
Comment préparer un document ? En pensant constamment à son lecteur, en ne faisant que des choses qui ont du sens, en structurant pour que nos amis lecteurs s'y retrouve.
Faire un document, une note, un compte rendu, un article, un livre, etc. ? Je veux donner des indications générales et simples, dont je sais d'expérience qu'elles seront utiles.
Commençons donc par la forme, en observant que :
1. un document est destiné à un lecteur
2. nous devons tout faire pour aider ce dernier à bien recevoir les informations que nous voulons donner.
Il y a donc lieu d'être clair, explicite, simple... et de bien structurer le document pour que nos lecteurs puissent s'y retrouver dans l'ensemble du récit.
En corollaire, il est souvent utile de faire des paragraphes, et, mieux, de numéroter les paragraphes que nous faisons.
À ce propos, on devra savoir que les institutions de normalisation (Iso, Afnor...) préconisent de n'utiliser que des chiffres arabes avec des numéros (1, 2,3,4, etc.). Si l'on subdivise, alors on utilisera encore des chiffres arabes : 1.1, 1.2, 1.3... et ainsi de suite 1.1.1, 1.1.2, 1.1.3, etc.
Observons l'avantage par rapport à des I, A, 1, a : non seulement, il faut faire des efforts de traduction quand on lit V.C.2.b, mais, de surcroît, on s'interrogue : pourquoi des chiffres romains avec les chiffres arabes, pourquoi les lettres ? Bref, la méthode AFNOR est utile parce qu'elle permet immédiatement de se situer dans le récit, sans s'interroger sur les raisons parfois inexistantes du choix d'une autre structuration.
Il y a donc des titres des intertitres, et l'on comprend que les titres doivent apparaître en caractères plus fort que les intertitres.
Là, on rencontre encore des variations souvent aléatoire entre le titre en majuscules (on parle aussi de "capitales"), le titre en gras, le titre en italiques, le titre souligné, des titres de différents caractères, etc.
Aidons plutôt nos amis en étant systématiques, d'une part, et lisibles d'autre part : sachons que les italiques sont régis par le Code typographique (qui m'importe de mettre ce mot en italiques, d'ailleurs) ; sachons aussi que les italiques sont la traduction, version imprimée, du souligné que l'on utilise quand on écrit avec crayon et papier ; sachons aussi que les textes en majuscules sont difficilement lisibles.
Et concluons : tous nos titres seront avec une capitale initiale mais en lettres minuscules (aussi nommées bas de casse). Et si l'on a des titres et des intertitres, c'est plutôt sur la taille des lettres que l'on jouera, par ordre décroissant évidemment.
Nous savons généralement qu'il existe différentes sortes de types de lettres, qui sont nommées des "polices".
Or des études de vitesse et de confort de lecture ont établi que certains caractères sont plus visibles que d'autres, et, notamment, le Times romain est particulièrement lisible, qu'on l'aime ou non.
Bien sûr, on peut vouloir faire plus moderne avec un caractère comme l'Arial, mais en tout cas, la chose importante, c'est de choisir un caractère et de s'y tenir, sans quoi on conduira le lecteur à s'interroger sur la signification des changements de caractère... ce qui n'est pas l'objectif : nous devons l'aider, l'entourer au mieux pour qu'il se focalise sur le contenu que nous lui présentons.
Le texte ainsi rédigé doit être mis en page et, là encore, il y a lieu d'être simple, car nous ne sommes pas assez savants, pas assez artistes, pour être capables d'inventer des maquettes compliquées... qui seraient d'ailleurs hors sujet car difficiles à lire. Pensons plutôt que les lecteurs occidentaux lisent de gauche à droite et de haut en bas. Une telle observation semble une évidence, mais elle nous rappellera la règle : faire simple.
Pour la maquette, d'autre part, si nous regardons la page de loin, nous voyons un texte central et des marges. Restons-en à la règle la plus simple qui est "2 3 4 5" : ce sont les valeurs des blancs à gauche, en haut, à droite, en bas. Je n'explique pas la raison pour laquelle on utilise ces valeurs, mais quiconque ne la connaît pas devrait bien s'empêcher de changer de règle.
Reste à discuter la question des lignes de blanc entre les textes. Dans un texte qui court au long, il n'y a aucune raison de mettre une ligne de blanc entre deux paragraphes car cette ligne devrait avoir un sens que le lecteur risque de ne pas trouver, ce qui gênera sa lecture. En revanche, quand il y a un intertitre, on comprend que ce dernier se rapporte au texte qui le suit, de sorte que l'on pourra mettre deux lignes de blanc au-dessus de l'intertitre et une ligne de blanc en dessous. C'est les règles des "deux tiers un tiers".
Des couleurs ? Là encore elles doivent avoir un sens, et le bariolage fondé sur des choix idiosyncratiques est à exclure : comment nos lecteurs interpréteraient-ils nos idiosyncrasies? Répétons-le : il faut faire simple, il faut que tout ait un sens facilement accessible. Déroulons un tapis rouge à nos lecteurs.
mercredi 1 novembre 2023
J'ai oublié de vous signaler la parution de cet article
Oui, j'ai oublié de vous dire que vient de paraître l'article suivant :
J'y discute la question de la rédaction scientifique, et, plus précisément, l'emploi des adjectifs et des adverbes.
mercredi 22 septembre 2021
J'ai peur de ne pas être toujours assez clair
Pour la rédaction les rapports, des articles, etc., j'ai proposé à mes jeunes amis la méthode que j'ai nommée "1/3/9/27". J'en ai fait une présentation détaillée, où je dis notamment que cette méthode consiste à ne surtout pas se lancer dans la rédaction de l'introduction, d'en faire des pages des pages pour s'apercevoir ensuie que, alors qu'on n'est encore qu'au début, on a atteint la taille maximale du document que l'on doit rendre.
J'ai proposé, au contraire, de partir d'un état que je nomme "1", et qui se réduit à un titre. Puis on divise ce premier "document" en un document avec un seul niveau de détails, pour faire un nouveau document que je nomme "3", comme quand on fait une pâte feuilletée. Puis on développe chaque partie en quelques sous parties (que l'on ne rédige surtout pas !), afin d'obtenir un troisième document que l'on nomme "9". Et ainsi de suite : on divise les sous parties en sous sous parties, et l'on s'arrête quand le document a la taille voulue, méthode qui permet d'avoir quelque chose de structuré, d'une part, de la bonne longueur, d'autre part, avec un niveau de détail homogène.
Bien sûr, le nom 1-3-9-27 est impropre, parce que, parfois, il y a lieu de développer non pas en trois, mais en deux, ou en quatre, ou en cinq, selon les cas, mais je prend la peinde de l'expliquer dans le document de présentation de la méthode.
Or j'observe que je suis bien souvent mal compris, et de jeunes amis font tout à travers, en m'assurant avoir essayé de suivre mes conseils, ma méthode.
Pourquoi n'ont-ils pas compris ? Sont-ils idiots ? Suis-je obscur ?
À la relecture, je vois mal comment être plus clair que je viens de l'être, d'autant que je donne des exemples, dans mon document explicatif.
Serait-ce le nom de la méthode qui les induit en erreur ? Il est vrai que j'en ai vu qui venaient me demander comment faire pour diviser en 3 alors qu'ils avaient 4 parties. Je me suis relu et j'ai bien vu qu'il y avait marqué que quand il y avait 4 parties nécessaires, on faisait 4 parties.
Décidément, je ne comprends pas où est l'obscurité dans les explications, sauf peut-être avec ce nom qui effectivement est impropre.
Comment faudrait-il donc dire ? Méthode d'écriture par développements successifs ? Ou plutôt méthode d'écriture par développements en parallèle ? Surtout, le changement de nom sera-t-il suffisant pour me faire bien comprendre ?
vendredi 19 mars 2021
Une phrase une référence
Des amis me demandent une règle simple pour écrire des publications, et je crois qu'il faut commencer par le commencement qui tient dans cette formule : "Une phrase, une référence".
Cela signifie en réalité que tout ce que l'on écrit doit être justifié, et cette justification est soit donnée par un article scientifique publié antérieurement, soit par des travaux expérimentaux bien exposés... après avoir été rigoureusement menés.
Évidemment, dire cela est insuffisant, car cela sous-entend notamment que les publications scientifiques que l'on cite sont bonnes.
Et, à ce propos, je fais un clin d'œil en signalant qu'une publication scientifique est bonne... si elle même fait usage de cette idée "Une phrase, une référence", car je ne connais pas d'exemple du contraire, à savoir que je ne connais pas de bonne publication scientifique qui ne met pas en œuvre cette idée.
Les sciences de la nature se fondent sur les résultats bien établis, et ces résultats bien établis sont ceux qui ont été publiés, qui ont donc été passé au crible de rapporteurs, lesquels se sont assurés de la qualité du travail.
Bien sûr, comme dans toute entreprise humaine, il y a des cas où les auteurs ont été médiocres, où les rapporteurs ont été trop rapides, ou complaisants, où les éditeurs ont été laxistes, mais il y a aussi les auteurs soigneux, les rapporteurs attentifs, les éditeurs précis.
Pour les sciences de la nature, la question est surtout celle de l'objectif : à défaut d'atteindre la perfection, on peut viser, et en tout cas, ce que l'on avance dans une publication doit être juste, c'est-à-dire que l'on a vérifié soi-même ce que l'on dit, ou que l'on rapporte ce que quelqu'un d'autre a bien vérifié.
Hier encore, je voyais une publication mauvaise où l'auteur disais que le café est la boisson la plus consommée dans le monde. C'est évidemment faux, car la boisson la plus consommée, c'est l'eau !
Si l'auteur avait bien regardé les consommations, il n'aurait pas écrit une ânerie pareille.
Il y a donc lieu, quand on donne des références accompagnant chaque phrase de notre texte, de bien s'assurer de ce que l'on dit, et les références ne sont pas là seulement pour justifier ce que l'on dit, mais aussi pour donner des informations complémentaires qui établissent correctement ce que l'on dit.
Il y a donc une règle simple à s'appliquer, quand on rédige une publication : chaque phrase doit être assorti d'une bonne référence. On a le droit de faire des phrases non justifiées pour commencer une rédaction, mais finalement, elles devront toutes être assorties d'une référence, et je le répète, d'une bonne référence !
vendredi 11 octobre 2019
Des automatismes à avoir pour bien écrire en science
Oui, il y a quelques jours, j'avais produit une liste d'automatismes à avoir quand on écrit, et il y a eu de nombreux témoignages d'amitié après leur publiciation.
J'ai donc décidé de faire mieux, et voici :
samedi 22 décembre 2018
Comment rédiger la conclusion d'une thèse
Bien sûr, c'est un encouragement au vice, donc à ne pas faire. Mais de cette pensée médiocre, fondée toutefois sur une vision réaliste de l'humanité, on peut tirer une idée plus belle, et plus intelligente : puisque c'est un fait que les évaluateurs d'un rapport, ou d'une thèse, liront plutôt l'introduction et la conclusion, il faut surtout en tirer l'idée que la conclusion doit être parfaitement intelligente... comme le reste du texte.
M'étant débarrassé de ces boutades, je vais essayer d'être maintenant plus sérieux, en reprenant une analyse sérieuse de la question. Le document de doctorat est donc un texte qui vise à établir une thèse : la question doit être annoncée en introduction, puis les travaux effectués doivent progressivement établir l'idée annoncée. Vient la conclusion, qui peut, donc, ... conclure : dire que la thèse est établie.
Mais on sait que les démonstrations n'existent qu'en mathématiques, de sorte que, pour des sciences de la nature, il y a lieu de penser différemment, et de s'interroger sur le bien fondé de l'établissement de la thèse. Cette analyse rétrospective est évidemment l'occasion de prendre de la hauteur, et d'insuffler de l'intelligence dans toute cette discussion.
Bien sûr, il y a une question de rhétorique, puisque le document de doctorat est un texte, et, à ce titre, dans la monstration que l'on fait finalement, on aura intérêt à donner d'abord les arguments opposés à la thèse, avant de donner ceux qui sont en sa faveur, car il a été mesuré que l'être humain sera plus influencé par les derniers arguments donnés.
Mais on retombe là dans de la communication, de l'habillage, et l'on n'est plus dans le contenu. Le contenu, c'est aussi de ne pas penser que le document clot le débat, mais, surtout, montrer qu'il l'ouvre. Et ainsi que cette partie mériterait toujours d'être intitulée "Conclusions et perspectives" : s'il est bon de montrer que l'on a fait du chemin, il est sans doute encore mieux de montrer que l'on est arrivé à une étape où de multiples choix apparaissent... et de discuter les stratégies pour la poursuite du chemin.
Tout cela étant dit, il y a évidemment des questions de style, et c'est un style particulier que je montre quand je propose, dans la conclusion, la possibilité de considérer tout résultat comme un cas particulier de cas généraux qu'il faut maintenant inventer.
Tout cela étant dit, je n'ai fait qu'effleurer un sujet difficile... et, puisque j'ai commencé par une boutade de rhétoricien superficiel, je termine de la même façon en signalant que la conclusion doit rendre le travail mémorable, et qu'il y a une façon d'y parvenir, à savoir de placer, dans la conclusion, une "phrase magique" : une phrase que l'on cherche longtemps, et qui résonnera en chacun, une phrase qui sera une perche tendue que tous prendront, une phrase si intelligente qu'elle semblera l'étoile du berger dans la nuit qui n'a pas encore cédé la place au jour.
dimanche 9 décembre 2018
Conseils pour la rédaction d’un manuscrit de thèse : comment citer les mauvais articles 2/N
Dès l'introduction, la moindre phrase doit être validée, et elle ne peut l'être, à ce stade, que par référence à d'autres auteurs, qui l'ont validée expérimentalement. Puis, quand on analyse l'état de l'art, c'est évidemment le moment où les références à d'autres sont constantes. Là encore, une phrase, une ou plusieurs références.
Les Matériels & méthodes ? Les méthodes doivent être validées, ce qui impose de justifier nos choix. Les matériels ? De même.
Puis, lors des interprétations, lors des "discussions", il faut comparer ce qui est obtenu expérimentalement à ce que d'autres ont obtenu.
Bref, on cite sans cesse d'autres auteurs, et c'est d'ailleurs bon signe, parce que cela prouve (rappelons que nous sommes de ceux qui ont de bonnes pratiques et qui, de ce fait, ne citent que des articles qu'ils ont lus!) que l'on a beaucoup lu, donc beaucoup appris, ce qui est un des objectifs des travaux de thèse.
{{Oui mais}}
Oui, mais on garde en mémoire l'idée qui motive la citation d'une publication : on veut établir un fait. De sorte que les articles cités doivent être bons !
Comment, tous les articles publiés ne sont-ils pas bons ? Après tout, ils ont été évalués par des pairs, n'est-ce pas ? Oui, mais.... Oui, mais je sais, pour avoir être souvent rapporteurs, dans de grandes revues internationales, que ces dernières publient des manuscrits pour lesquels j'ai soulevé des objections factuelles désastreuses ! Je sais, pour faire soigneusement ma bibliographie, qu'une proportion notable de publications sont mauvaises. Je me suis exprimé ailleurs, de sorte que je ne vais pas y revenir ici, mais je propose que nous nous contentions de l'idée selon laquelle beaucoup de publications sont mauvaises.
Ne pas les citer ? C'est s'exposer à ce l'on nous reproche justement de ne pas les avoir vues (et lues).
Les citer ? Donner leurs informations sans les critiquer, c'est devenir aussi mauvais qu'elles. Les critiquer ? il y a façon et façon de le faire, mais, en tout cas, il n'est pas interdit de signaler qu'une expérience n'a pas été répétée, ou bien qu'un temps de relaxation était trop court pour que l'on obtienne une donnée quantitative admissible, ou bien qu'une règle de bonne pratique n'a pas été appliquée : de la sorte, on ne "critique" pas, mais le fait d'être factuel est peut-être encore plus dévastateur.
En tout cas, il y a ce fait que le travail bibliographique vise non seulement faire le tour complet des publications, mais aussi à faire leur évaluation, avec notamment des confrontations et des synthèses.
La question la plus ennuyeuse, à propos des mauvaises publications, c'est de savoir quoi en faire. Imaginons une information transmise par une telle publication, fut-elle une information plausible. Pouvons-nous vraiment la reprendre pour nos raisonnements, sachant qu'il y a une probabilité qu'elle soit fausse ? C'est imprudent, risqué. Un de mes amis a vraiment raison de dire que "donnée mal acquise ne profite à personne" ! Les mauvaises publications sont une plaies, et les scientifiques paresseux sont bien plus nuisibles que de simples édredons. Ils n'ont qu'un mérite, que je trouve par analogie avec les philosophes qui nous proposent de tester notre bonne humeur avec de petites contrariétés : les mauvais articles sont des exercices de vigilance, et ils nous conduisent à approfondir nos recherches bibliographiques pour aller détruire les idées qu'ils propagent. Ce faisant, nous tomberons bien, un jour ou l'autre, sur des articles merveilleux !
vendredi 7 décembre 2018
Commençons donc avec la question des légendes des figures.
Les légendes ? Il est courant d'y voir un court titre, la discussion de l'image étant reléguée dans le texte, pas toujours proche de l'image... ce qui ne facilite donc pas la lecture.
Comment comprendre l'image ? Il faut une explication. Reléguer celle ci loin de la figure est une mauvaise solution... et c'est précisément pour avoir l'explication des images que l'on fait des légendes !
Conclusion : la légende doit dire ce que l'on doit voir. Et elle doit le dire pour tout autre que l'auteur, le doctorant qui sait bien, lui, pourquoi l'image est intéressante. Nous, les lecteurs, qui ne sont pas spécialistes de la chose, n'en avons aucune idée. Et si nous en avions idée, cela prouverait que l'image est inutile, puisqu'elle n'apporterait pas d'information nouvelle.
Considérons un cas précis : un graphique tel celui ci :
Il y a mille choses à dire, en se limitant à "décrire" ce que l'on voit... et cela est utile, car toute caractéristique du diagramme méritera d'être interprétée, ensuite, dans le texte.
Commençons par la description : bien sûr, il est question de temps et de masse de composée, mais quelle est l'expérience effectuée, pendant laquelle la masse de glucose a varié (ou pas) ? D'autre part, pourquoi ce pointillé à 20 min, et cette droite à 80 min ? Et puis pourquoi cette droite pointillée à 0,04 g ? Il y a des données de mesure, représentées par des croix, mais si l'on suppose que l'auteur a suivi les règles de bonnes pratiques, les incertitudes ou l'écart-type des trois répétitions est-il plus petit ou plus grand que les croix rouges ? Et puis, comment les données de mesures se répartissent-elles ? Bref, on a besoin d'apprendre à lire.
Puis, une fois que l'on comprend l'image, soit le milieu scientifique y reconnaît de l'ancien, de l'établi, une confirmation, donc ; soit on y voit du nouveau, ce qui permettra de justifier ses apports personnes ou de se mettre sur la piste d'interprétations originales... et cela pourra venir avec de plus longs développements dans le corps du texte.
On voit que l'on est loin d'un simple titre !
Un dernier mot, sur un autre plan : ainsi définie, la légende qui se contente de décrire ne semble pas être le meilleur moyen de montrer de l'intelligence, ce qui est quand même l'objectif de chaque phrase que l'on pose dans le manuscrit de thèse... de sorte qu'il y a une réflexion à avoir pour ne pas faire quelque chose de "plat". Oui, dans une simple légende, il faut beaucoup d'étincelles, et cela ne s'obtient qu'au prix de beaucoup de travail. Mon motto : le génie est le fruit du labeur.
mercredi 13 décembre 2017
Pour un rapport
1. l'introduction sert à dire ce que l'on va voir, et pourquoi
2. la table des matières doit avoir une logique explicitée
3. quand on change de partie, la dernière phrase du paragraphe avant l'intertitre doit expliquer pourquoi on passe à la partie suivante (logique du texte), puis la première phrase du paragraphe qui commence doit annoncer ce que l'on va y trouver
4. l'intertitre dont il est question au point 3 doit être séparé du paragraphe qui le précède par un espace supérieur à l'espace qui sépare l'intertitre et le paragraphe suivant, auquel l'intertitre se rapporte (une bonne règle simple : 2/3 et 1/3, en pratique deux lignes de blanc pour une ligne de blanc)
5. jamais d'adjectif ni d'adverbe : il faut la réponse à la question "combien"
Bien sûr, ce n'est qu'une toute partie des règles à appliquer... mais mes amis se reporteront, pour en avoir plus, à nos "Comment faire".
Et, j'y pense, quand le texte est terminé, il faudra appliquer les "automatismes à avoir", que voici :
Quelques fautes fréquentes mais faciles à corriger (utiliser la fonction rechercher remplacer de l'ordinateur) :
# Un infinitif ou un participe présent doivent avoir le même sujet que celui de la principale. Chercher les "ant" et les "er"
# chercher les "rendre" plus adjectif : "rendre possible" = "permettre" : recherche systématique de "rend"
# remplacer "semble probable" par "est probable" (pléonasme)
# De même, « faire obstacle », c’est « gêner » ; etc
# "il semble qu'il fasse" = "il semble faire" : recherche systématique de "il semble" ; plus généralement, les il impersonnels poussent à la faute.
# éviter les adverbes, c’est le commencement du style : recherche systématique de "ment", et suppression des adverbes inutiles
# Pas de "mais" ni de conjonction de coordination (et, ou , car ...) en début de phrase : rechercher les .Mais, .Car, .Et, .Ou et les ", et", ", ou"
# Attention à l’inflation des "très" ; on peut généralement les éliminer
# Attention à "impliquer" (contamination de « to imply »)
# « Sophistiqué » signifie « frelaté », pas « complexe » ni « évolué »
# « Brutalement » n'est pas « brusquement »
# Attention à "véritable" (« véritable révolution » !)
# Attention à « influer » sur et « influencer »
# Attention aux anglicismes : les plus fréquents sont : « se baser sur », « des douzaines »,
# Remplacer « par contre » par « en revanche »
# « réaliser » n'est pas « comprendre »
# Remplacer « contrôler » par « commander » ou « déterminer » (contrôler, c’est faire une vérification)
# attention aux usage exagérés de « permettre »
# « compléter » n'est pas « achever »
# Rechercher « suggérer » : normalement, la suggestion, c’est l’hypnose
# Rechercher « affecter »
# Rechercher « processus » : un processus n’est une réaction, ni une série de réactions
# Rechercher « développer » au sens de « mettre au point » ; idem pour « développement »
# Rechercher induire
# Attention à la distinction entre « technologie » et « technique » (et « science »)
# Remplacer systématiquement (ou presque) les "a pu" montrer, observer, etc. par « a montré, observé, etc »
# Rechercher emmener/emporter
# Rechercher le verbe pouvoir et chercher à l'éliminer
# "Après que" est suivi de l'indicatif
# Ne pas chercher la rallonge : "dans lequel" peut souvent devenir "où".
# on ne dit pas "débute" mais "commence" (sauf au théatre)
# on ne dit pas "en dessous de ", mais "au-dessous de" ;
# on dit plutôt "chaque fois" que "à chaque fois" ;
# éviter "au niveau de" et faire attention au mot « niveau »
# quand on rencontre "entre eux", "entre elles", vérifier que c'est utile ; de même, « les uns des autres », « les uns aux autres », etc. sont souvent inutiles
# « ceci » annonce alors que « cela » se rapporte à ce qui a déjà été énoncé (le plus souvent, on peut se débarrasser de ces mots faibles)
# "en fait" est rarement utile
# un point suivi de "en effet" peut être avantageusement remplacé par deux points
# « plus petit » est « inférieur », « plus grand » est « supérieur »
# « très inférieur » est fautif (« bien inférieur ») ; de même pour « très supérieur » ;
# « être différent » donne « différer » ;
# second (pour deux possibilités seulement) et deuxième pour plus de deux
# Examiner si les "simples", "compliqués", "facile" sont indispensables.
# Souvent remplacer « appelé » par « nommé »
# Les verbes présenter et constituer peuvent souvent être remplacés par être ou avoir
# Attention : "plus important" doit signifier qu'il y a une importance plus grande ; souvent on doit le remplacer par supérieur
Ce ne sont là que des fautes statistiquement courantes. Bien d'autre sont signalées dans les Difficultés de la langue française, qu'il n'est pas inutile de (re)lire.
Plus généralement, celui qui écrit devrait avoir quatre outils : un ordinateur équipé d’un traitement de texte avec correction orthographique, un dictionnaire (pour le vocabulaire, les Difficultés de la langue française (pour la grammaire), le Gradus (pour la rhétorique)
lundi 28 août 2017
Une bonne pratique : éviter les adjectifs et les adverbes.
Parmi les bonnes pratiques il y en a de compliquées et il y en a de simples. L'une des plus simples tient dans cette phrase : se méfier des adjectifs et des adverbes, voire les éradiquer. On se prépare à dire "de nombreuses l'étude", et l'on s'arrête : combien ? On se prépare à dire "important" : important ? On se prépare à dire "grand", "petit", etc., et cela vaut la peine de s'arrêter : grand par rapport à quoi, petit par rapport à quoi ?
La science, ce n'est pas du baratin, ce n'est pas de la "communication", au sens le plus bas. Il s'agit, pour commencer, d'avoir une caractérisation quantitative des phénomènes que l'on étudie. Ce que ne donnent pas les adjectifs, et encore moins les adverbes. "Important", c'est nul, mais "très important" !
Je propose comme une bonne pratique d'expurger de nos articles tous les mots qui ne sont que des chevilles, à commencer par les adjectifs et les adverbes. J'invite tous les auteurs de manuscrits scientifiques à éradiquer adjectifs et adverbes, tous les rapporteurs à pourchasser ces derniers.
Plus généralement, ce sont les imprécisions qui sont à bannir. Par exemple, cette expression minable "De tout temps l'homme..." : de tout temps, vraiment ? même quand l'espèce humain n'existait pas ? on voit que, là encore, on parle pour ne rien dire, puisque l'on n'apporte aucune information avec cette expression. Et puis, les généralisations sont... généralement bien dangereuses, et le grand (;-)) Michael Faraday le disait bien, parmi ses six conseils : ne pas généraliser hâtivement.
Positivement, n'oublions pas que la science commence par des caractérisations quantitatives des phénomènes qu'elle explore !