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jeudi 20 juin 2024

La "qualité générale" : la notion existe-t-elle ?

 Ne pas généraliser hâtivement, disait Michael Faraday


En relisant des devoirs d'étudiants je trouve une expression intéressante : la "qualité générale des pâtes à choux",  et là,  je m'interroge sur cette "qualité", car tel chou croustillant plaira à untel alors que quelqu'un d'autre préférera un produit plus tendre. Cela pour la consistance, mais on pourrait en dire autant pour la couleur et je ne sais pas ce qu'est la "qualité générale", sauf peut-être l'appréciation que j'en ai et qui change selon les jours, selon les heures, selon le temps qu'il fait...

Je vois surtout que, de la même façon qu'une théorie est ou non scientifique selon qu'elle est ou non réfutable expérimentalement, certaines notions n'existent que si elles sont "mesurables". En l'occurrence, cette "qualité générale" est difficilement mesurable ou sans intérêt.
Imaginons que l'on fasse une mesure d'appréciation en proposant à des dégustateurs une échelle : certes, on obtiendrait un nombre, mais ce nombre est-il significatif ? L'obtiendrait-on par la même expérience sur les mêmes jurés à un autre moment  ? Et le groupe de juré est-il représentatif ? De quoi ?
Imaginons que ce groupe déclare aimer le vin rouge et que j'aime personnellement le vin blanc ; peut-on dire que le vin rouge est meilleur que le blanc ? Non, on peut dire simplement que ce groupe de personnes là, ce groupe particulier préférait le vin rouge. D'ailleurs, le vin rouge est une notion bien vague, car il y a toute la différence possible en train vin rouge qui a connu beaucoup de soleil et un vin rouge qui n'en a pas connu, sans parler des différences de cépage, de conditions de culture, de récolte, de production du vin... et même de bouteilles...
Bref j'ai souri en voyant parler de qualité générale des petits choux.

mardi 1 août 2023

Je ne suis pas bon à... Non : ce n'est pas une question de don, mais de travail !


La semaine dernière, j'ai proposé à un  groupe d'étudiants de Master de se noter eux-mêmes, ou, plus exactement, de proposer leur évaluation, pour une unité d'enseignement de la gastronomie moléculaire. 

N'est-ce pas un bon exercice que d''apprendre à mieux apprécier comment les autres (l'institution, les collègues, etc.) vous apprécient ? Et une façon d'apprendre à mieux appréhender les règles de la vie en société ? 

En tout cas, au lieu d'apparaître comme un "salaud de patron" face aux "gentils ouvriers", au lieu de pérenniser cette lutte des classes qui plombe les rapports entre enseignants et étudiants, je crois bon de brouiller un peu les rôles : de mettre chacun en face de ses responsabilités, sans trop de mauvaise foi. 

Les règles avaient été annoncées clairement : on avait dit qu'une présentation orale sur un thème du choix des étudiants serait fortement critiquée, mais pas évaluée, et que l'on évaluerait ensuite une seconde présentation orale du même sujet, en donnant du temps pour travailler à l'amélioration. 

 

Une (bonne) étudiante me dit ce matin : "je ne suis pas bonne en présentation orale". Et je lui réponds évidemment que cette réponse n'est pas admissible. Si elle n'est pas bonne, c'est principalement parce qu'elle n'a pas travaillé la chose. 

Ce qui me conduit aussitôt à répéter la merveilleuse histoire (vraie) du merveilleux Michael Faraday, qui, nommé directeur de la Royal Institution of London, DUT se mettre à faire des conférences, les Friday Evening Lectures, afin de financer l'institution. Faraday se mit à analyser la question, et il a consigné ses analyses dans un texte merveilleux. Il considère tout : le maintien, les intonations, la nature du discours, l'appui des expériences, la construction de la salle... Tout  ! 

Et c'est ainsi que, ayant travaillé à devenir bon conférencier, Faraday attira les foules pendant des décennies. 

 

Bref, quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a travaillé, et qui a donc appris, n'est-ce pas ?

jeudi 1 décembre 2022

 Le contenu du livre de Jane Marcet, qui inspira Michael Faraday

 Le contenu du livre de Jane Marcet, qui inspira Michael Faraday


1
CONVERSATIONS ON CHEMISTRY
IN WHICH THE ELEMENTS OF THAT SCIENCE ARE FAMILIARLY EXPLAINED AND ILLUSTRATED
BY EXPERIMENTS; IN TWO VOLUMES.
VOL. I: ON SIMPLE BODIES
BY JANE MARCET
Contents of the First Volume on Simple Bodies
CONVERSATION I.
On the General Principles of Chemistry..............................................................................
Connection between Chemistry and Natural Philosophy.
Improved State of modem Chemistry.
Its Use in the Arts.
The general Objects of Chemistry.
Definition of Elementary Bodies.
Definition of Decomposition.
Integrant and Constituent Particles.
Distinction between Simple and Compound Bodies.
Classification of Simple Bodies.
Of Chemical Affinity, or Attraction of Composition.
Examples of Composition and Decomposition.
CONVERSATION II.
On Light and Heat...........................................................................................................................
Light and Heat capable of being separated.
Dr. Herschel’s Experiments.
Phosphorescence.
Of Caloric.
Its two Modifications.
Free Caloric.
Of the three different States of Bodies, solid, fluid, and aeriform.
Dilatation of Solid Bodies.
Pyrometer.
Dilatation of Fluids.
Thermometer.
Dilatation of Elastic Fluids.
Air Thermometer.
........1
........27
2
Equal Diffusion of Caloric.
Cold a negative Quality.
Professor Prevost's Theory of the Radiation of Heat.
Professor Pictet's Experiments on the Reflection of Heat.
Mr. Leslie’s Experiments on the Radiation of Heat.
CONVERSATION III.
Continuation of the Subject..........................................................................................................
Of the difierent Power of Bodies to conduct Heat.
Attempt to account for this Power.
Count Rumford's Opinion respecting the non-conducting Power of Fluids.
Phenomena of Boiling.
Of Solution in general.
Solvent Power of Water.
Difference between Solution and Mixture.
Solvent Power of Caloric— Of Clouds, Rain.
Dr. Wlls' Theory of Dew, Evaporation, &c.
Influence of Atmospherical Pressure on Evaporation.
Ignition.
CONVERSATION IV.
On Combined Caloric, Comprehending Specific and Latent Heat..........................................
Of Specific Heat.
Of the different Capacities of Bodies for Heat.
Specific Heat, not perceptible by the Senses.
How to be ascertained.
Of latent Heat.
Distinction between Latent and Specific Heat.
Phenomena attending the Melting of Ice and the Formation of Vapour.
Phenomena attending the Formation of Ice, and the Condensation of Elastic Fluids.
Instances of Condensation, and consequent Disengagement of Heat, produced by
Mixtures, by the slaking of Lime.
General Remarks on Latent Heat.
Explanation of the Phenomena of Ether boiling, and Water freezing, at the same
Temperature.
Of the Production of Cold by Evaporation.
Calorimeter.
Meteorological Remarks.
........67
......118
3
CONVERSATION V.
On the Steam-Engine......................................................................................................................
Origin of the Steam-Engine.
Marquis of Worcester's Invention.
Savary and Newcomen's Engine.
Watt's Double Steam-Engine described.
Wolff's Engine.
Advantages derived from the Steam-Engine.
CONVERSATION VI.
On the Chemical Agencies of Electricity......................................................................................
Electricity, positive and negative.
Galvani's Discoveries.
Galvanism.
Voltaic Battery.
Electrical Machine.
Theory of Voltaic Excitement.
Its Influence on the Magnetic Needle.
CONVERSATION VII.
On Oxygen and Nitrogen...............................................................................................................
The Atmosphere composed of Oxygen and Nitrogen in the State of Gas.
Definition of Gas.
Mr. Faraday's Experiments on the Liquefaction and Solidification of Gases.
Oxygen essential to Combustion and Respiration.
Decomposition of the Atmosphere by Combustion.
Nitrogen Gas obtained by this Process.
Of Oxygenation in general.
Of the Oxidation of Metals.
Oxygen Gas obtained from Oxide of Manganese.
Description of a Water-bath for collecting and preserving Gases.
Combustion of Iron Wire in Oxygen Gas.
Fixed and volatile Products of Combustion.
Patent Lamps.
Decomposition of the Atmosphere.
......152
......175
......190
4
CONVERSATION VIII.
On Hydrogen....................................................................................................................................
Of Hydrogen.
Of the Formation of Water by the Combustion of Hydrogen.
Of the Decomposition of Water.
Detonation of Hydrogen Gas.
Description of Lavoisier's Apparatus for the Formation of Water.
Hydrogen Gas essential to the Production of Flame.
Musical Tones produced by the Combustion of Hydrogen Gas within a Glass Tube.
Combustion of Candles explained.
Gas Lights.
Detonation of Hydrogen in Soap Bubbles.
Air Balloons.
Meteorological Phenomena ascribed to Hydrogen Gas.
Miner's Lamp.
CONVERSATION IX.
On Sulpher and Phosphorus..........................................................................................................
Natural History of Sulphur.
Sublimation.
Alembic.
Combustion of Sulphur in Atmospheric Air.
Of Acidification in general.
Nomenclature of the Acids.
Combustion of Sulphur in Oxygen Gas.
Sulphuric Acid.
Sulphurous Acid.
Decomposition of Sulphur.
Sulphuretted Hydrogen Gras.
Harrowgate, or Hydro-Sulphuretted Waters.
Phosphorus.
Decomposition of Phosphorus.
History of its Discovery.
Its Combustion in Oxygen Gas.
Phosphoric Acid.
Phosphorous Acid.
Eudiometer.
Combination of Phosphorus with Sulphur.
......219
......257
5
Phosphoretted Hydrogen Gas.
Nomenclature of Binary Compounds.
Phosphoret of Lime burning under Water.
CONVERSATION X.
On Carbon........................................................................................................................................
Method of obtaining pure Charcoal.
Method of making common Charcoal.
Pure Carbon not to be obtained by Art.
Diamond.
Properties of Carbon.
Combustion of Carbon.
Production of Carbonic Acid Gas.
Carbon susceptible of only one Degree of Acidification.
Gaseous Oxide of Carbon.
Of Seltzer Water, and other Mineral Waters.
Effervescence.
Decomposition of Water by Carbon.
Mr. Bunsen's Experiments to produce Light at a cheap Rate.
Carburet of Iron.
Oils.
Vegetable Acids.
Of the Power of Carbon to revive Metals.
CONVERSATION XI.
On Metals.........................................................................................................................................
Natural History of Metals.
Of Roasting, Smelting, &c.
Oxidation of Metals by the Atmosphere.
Change of Colours produced by different Degrees of Oxidation.
Combustion of Metals.
Perfect Metals burnt by Electricity only.
Some Metals revived by Carbon and other Combustibles.
Perfect Metals revived by Heat alone.
Of the Oxidation of certain Metals by the Decomposition of Water.
Power of Acids to promote this Effect.
Oxidation of Metals by Acids.
Metallic Neutral Salts.
......281
......308
6
Previous Oxidation of the Metal requisite.
Crystallisation.
Solution distinguished from Dissolution.
Five Metals susceptible of Acidification.
Meteoric Stones.
Alloys, Soldering, Plating, Gilding, new Mode by Electricity.
Of Arsenic, and of the caustic Effects of Oxygen.
Of Verdigris, Sympathetic Ink, &c.
Of the new Metals discovered by Sir H. Davy, by means of Electricity.



vendredi 29 avril 2022

Entretenir une correspondance

Parmi les six règles que le chimiste et physicien anglais Michael Faraday s'imposait depuis tout jeune, il y avait celle-ci  : entretenir une correspondance.
Pourquoi le fait d'avoir une correspondance permet-il de devenir un excellent scientifique ? Bien sûr, il y a manière et manière d'avoir une correspondance, et de vagues messages, par email, sms ou autre  ne nous feront guère grandir.

Mais il y a aussi des façon intelligentes de faire et, évidemment, c'est ce que fit Faraday : il avait compris que cette règle visait à élaborer un discours de qualité.

Il y a mille raisons pour lesquelles cela est utile, des raisons le fond et des raisons de communication.

Pour les raisons de fond, on doit évoquer à ce propos l'introduction du Traité élémentaire de chimie par lequel Antoine de Lavoisier réforma la chimie et engendra  la chimie moderne :  dans le tout début de son livre, il cite Condillac en faisant observer que la pensée, c'est les mots.

Et c'est d'ailleurs ce qui était un des objectifs de Faraday  : entretenir une correspondance pour être en position d'explorer les mots, c'est-à-dire les pensées.

Il écrivait à son ami Abott... alors que celui-ci vivait à quelques centaines de mètres... et grâce à cette correspondance d'ailleurs, nous avons des traces du développement de la pensée de ce scientifique extraordinaire que fut Faraday.

Il apprit, en écrivant de façon "élevée", la précision dans les termes, qui épaula sa précision dans les manipulations.

Plus tard, d'ailleurs, quand il enseigna à tes frères et soeur, il insista sur ce point essentiel qui consiste à ne pas passer trop vite sur les mots qu'on ne comprend pas, mais, au contraire, à les examiner, à l'aide d'un dictionnaire, à les recopier, à recopier leur définition, à apprendre ces mots les uns à la suite des autre.

C'est ainsi que l'on communique bien, par oral ou par écrit, mais c'est aussi ainsi que l'on calcule bien, car le calcul est une façon abrégé d'écrire.

C'est aussi par les mots justes que l'on pense bien comme l'avait justement fait observer Lavoisier, et et c'est pour cette raison que ce conseil aida tant notre jeune Faraday, dont on ne doit pas oublier qu'il venait d'une famille extrêmement pauvre.

Faisons notre miel de son conseil : entretenons des correspondances !

mercredi 11 mars 2020

De l'importance du geste


Aujourd'hui, je rapproche la question du chlore de celle de la crème chantilly. Oui le chlore ne se mange pas, contrairement à la crème chantilly, mais ces deux produits suscitent le même type d'observations, comme nous le verrons.

Commençons par la crème chantilly dont la confection n'a jamais été traditionnelle dans ma famille. Ce fut une de ces petites victoires personnelles que d'arriver à faire ma première crème chantilly. Pourtant, rien de plus simple : on prend la crème, on la fouette, et elle monte en chantilly ; disons en crème fouettée, qui devient de la crème chantilly quand on ajoute du sucre. Bien sûr, quand il fait chaud, il vaut mieux avoir refroidi la crème et le récipient, avoir éventuellement ajouté des glaçons. Mais en règle générale, c'est tout simple. D'ailleurs, si je me répète, je ne parviens pas à ajouter grand chose à ce que j'ai déjà dit. Voyons : on prend une jatte (s'il fait chaud, on refroidit cette dernière) ; on y met de la crème, si possible fleurette;  on fouette, et après un temps compris entre 22 secondes et plusieurs minutes, on voit que les bulles ont une taille  qui diminue et, surtout, que la consistance change. C'est tout : quand on fouette de la crème, on a de la crème fouettée, et si l'on sucre, on obtient de la crème chantilly.
Qu'ajouter ? Que si l'on a pas de crème fleurette, mais seulement la crème épaisse, alors on ajoute un peu de lait à la crème épaisse, mais pas trop sans quoi la préparation reste liquide même si l'on fouette longtemps.
Bref, malgré mes contorsions intellectuelles, je ne parviens pas à rendre les choses compliquées :  rien de plus simple que de fouetter  de la crème pour faire de la crème fouettée, qui devient de la crème chantilly si on l'a sucré, ce qui contribue d'ailleurs un peu plus de fermeté.

J'ajoute maintenant un point supplémentaire : je me souviens qu'il y a quelques années, le directeur commercial d'une grosse société alimentaire m'avait téléphoné pour me dire que mon livre Révélations gastronomiques, qui contenait les prescriptions pour obtenir une crème fouettée, n'était pas complètement suffisant, puisque, malgré la lecture attentive du livre, il n'avait pas réussi à faire une crème fouettée. Il était amical et nous décidâmes que j'irai chez lui pour dîner et lui montrer comment faire cette crème chantilly. Ensemble, nous avons donc pris une jatte, déposé de la crème dedans et je lui ai proposé de fouetter devant moi. Au bout d'un moment,  alors qu'il avait obtenu une crème bien fouettée, il continuait à fouetter, de sorte que je lui ai fait observer qu'il fallait s’arrêter, puis qu'il avait le résultat qu'il escomptait. Et c'est alors qu'il m'a demandé  : "Parce que c'est ça,  la crème chantilly ?"  Oui, il croyait qu'il devait obtenir la consistance des crèmes chantilly en bombe, qui sont bien différentes des véritables crèmes chantilly. En réalité,  il ne savait pas voir  qu'il avait obtenu le résultat visé, mais il savait faire la crème chantilly.





J'en viens maintenant à la question du chlore : c'est un gaz vert, toxique, qui fut étudié par les chimistes du 18e siècle, et liquéfié pour là pour la première fois par Michael Faraday. Je parle du chlore parce que je viens de retrouver dans une biographie de Faraday tout une discussion sur l'instruction, et notamment le fait que tous les livres du monde, avec toutes les descriptions qu'il faut, ne sauraient remplacer le fait de voir un jour du chlore véritablement.
C'est donc la même question que pour la crème fouettée  : on sait la chose, mais, tant qu'on ne l'a pas vue, il nous manque quelque chose. Cela nous rapproche d'une discussion préalable à propos des travaux pratiques, dans les études scientifiques, et le fait que ces séances pratiques sont en réalité indispensables, même pour des personnes qui comprennent parfaitement. Tant qu'on a pas appris à garder le capuchon d'une bouteille entre la paume de la main et les derniers doigts, tandis que les  autres doigts  servent à  verser, tant qu'on n'a pas pris l'habitude de ne jamais rien poser sur le premier carreau d'une paillasse, tant qu'on n'a pas appris à ne pas se toucher le visage avec les gants, tant que...  Et bien, on ne sait pas le faire ! D'ailleurs, il en va de même pour la bicyclette, nager, monter à cheval, jouer de la musique : il faut de la pratique, et aucune théorie n'est suffisante.
Bref, je suis dans les traces de Faraday : il ne suffit pas de savoir tous les beaux principes, et il faut expérimenter !

vendredi 6 juillet 2018

Qu'est-ce qu'un journal de bord ?

Il y a de ces mots ou expressions que nos interlocuteurs comprennent sans comprendre, et je viens de m'assurer que mes jeunes amis ignorent ce qu'est un "journal de bord"... parce qu'ils n'ont jamais fait de bateau ! Ce n'est pas une critique que je fais... mais une obligation que je me donne de l'expliquer le plus clairement possible... parce que cela peut avoir des conséquences sur leur travail technologique ou scientifique, par exemple.

Commençons par nous remettre à  l'époque pas si lointaine où l'on n'avait pas de GPS, pas de Waze, pas de Google Map. Et, plus encore, entrons sur un bateau à  voiles.
Nous sommes à  Benodet, et nous voulons gagner  les îles Scilly (les "Sorlingues", si bien décrites par ce merveilleux livre qu'est Rôle de plaisance, de Perret). Il se peut que nous soyons dans la configuration suivante :


Pour un voillier, c'est bien ennuyeux, parce que si le vent pousse, il est donc bien impossible de "remonter au vent", sauf à "tirer des bords", c'est-à-dire faire des zigzags, comme cela :

 

Mais imaginons qu'il y ait des cailloux, sur le chemins : 


Là, une telle route est très risquée, car comment sait-on qu'on est cent mètres plus à droite ou à gauche ? Décidément, il vaut peut-être mieux faire une route différente :


Bon, nous sommes prêts, partons dans la direction que nous avons tracée sur la carte... mais il faut savoir quand virer de bord, pour ne pas tomber dans les cailloux. Ce que l'on fait, alors, c'est que, sur le "journal de bord", on consigne l'heure de départ, et l'on utilise un appareil nommé un "loch" pour mesurer la vitesse. Puis, en utilisant le fait que la distance est égale au  produit du temps par la vitesse, on calcule l'heure à  laquelle on doit changer de bord.
Mais, évidemment, imaginons que le vent faiblisse, à  un moment donné, il faudra absolument consider l'heure à  laquelle c'est arrivé, et la vitesse que l'on fait alors, afin de suivre le déplacement du bateau sur la carte.

C'est cela, un journal de bord : un document où sont consignées toutes les indications relatives à  la marche du bateau, afin d'arriver sain et sauf à  bon port.

Pourquoi dois-je discuter cela ? Parce que, en recherche scientifique, on a quasiment la même question, et que tout ce que nous faisons doit être consigné. Même nos erreurs, même nos hésitations !
Je ne crois pas inutile de renvoyer mes amis vers le Diary du physicochimiste Michael Faraday :


C'est son "cahier de laboratoire", et plus d'un d'entre nous devrait prendre exemple : on voit que c'est d'une remarquable clarté. Ce qui me fait penser au cahier de laboratoire de Pierre Gilles de Gennes, qui, de même, était quasiment calligraphié. La pensée n'est pas rapide, et la seule chose qui importe est le résultat final, qui doit être parfait.

Ici, j'ai parlé de science, mais, au fond, puisque je veux que la plupart de mes jeunes amis aillent dans l'industrie, afin de mettre leurs compétences présentes et futures au service d'une augmentation de la "richesse nationale", je veux conclure en disant que je ne vois pas de raison pour laquelle cette excellence que je discute ici ne soit pas également présente dans l'industrie.

jeudi 10 mai 2018

Il faut tendre avec effort à l'infaillibilité sans y prétendre



Je citais naguère, jusqu'en exergue d'un de mes livres, la devise du chimiste Michel-Eugène Chevreul : "Il faut tendre avec effort vers la perfection sans y prétendre". J'aimais cette idée d'un travail qui n'a pas de prétention, mais qui veut seulement - au fond, comme les séances d'amélioration de l'esprit de Michael Faraday- un petit mieux de la pensée. Et puis, j'aimais aussi cette idée qu'un travail acharné vient à bout de tout... ce qui est humain, sachant par ailleurs que la perfection n'est pas de ce monde, de sorte que l'on aurait été dans l'erreur de penser que l'on puisse atteindre la perfection. D'ailleurs, qui dit que l'imperfection n'est pas une caractéristique de la beauté ?


Tout cela était bien... mais je trouve, dans le livre Chevreul, un savant des couleurs, que cette devise que j'attribuais à Chevreul est prise à Malebranche, avec une variante : "On doit tendre avec effort à l'infaillabilité sans y prétendre".

J'y suis allé voir de plus près, et j'ai trouvé, dans Nicolas Malebranche (La Recherche de la Vérité, Livre Premier : Des Sens. https://fr.wikisource.org/wiki/De_la_recherche_de_la_v%C3%A9rit%C3%A9/Livre_I) :
"S’il est donc vrai que l’erreur soit l’origine de la misère des hommes, il est bien juste que les hommes fassent effort pour s’en délivrer. Certainement leur effort ne sera point inutile et sans récompense, quoiqu’il n’ait pas tout l’effet qu’ils pourraient souhaiter. Si les hommes ne deviennent pas infaillibles, ils se tromperont beaucoup moins, et s’ils ne se délivrent pas entièrement de leurs maux ils en éviteront au moins quelques-uns. On ne doit pas en cette vie espérer une entière félicité, parce qu’ici-bas on ne doit pas prétendre à l’infaillibilité ; mais on doit travailler sans cesse à ne se point tromper, puisqu’on souhaite sans cesse de se délivrer de ses misères. En un mot, comme on désire avec ardeur un bonheur sans l’espérer, on doit tendre avec effort à l’infaillibilité sans y prétendre.
"Il ne faut pas s’imaginer qu’il y ait beaucoup à souffrir dans la recherche de la vérité ; il ne faut que se rendre attentif aux idées claires que chacun trouve en soi-même, et suivre exactement quelques règles que nous donnerons dans la suite. L’exactitude de l’esprit n’a presque rien de pénible ; ce n’est point une servitude comme l’imagination la représente ; et si nous y trouvons d’abord quelque difficulté, nous en recevons bientôt des satisfactions qui nous récompensent abondamment de nos peines ; car enfin il n’y a qu’elle qui produise la lumière et qui nous découvre la vérité."

Il est donc question ici d'infaillibilité, et non de perfection. C'est bien plus intéressant, car l'infaillibilité est accessible ; disons plus accessible que la perfection. Mais nos efforts, dit Malebranche, ne doivent pas nous rendre présomptueux, prétentieux...
D'ailleurs, il n'est pas anodin que cette discussion soit d'un prêtre, et qu'il soit en réalité question non pas de sciences de la nature, mais sans doute bien plus de position théologique ou morale.


mardi 12 décembre 2017

Arriver ? Pas de paroles ; du marbre !


Y arriver

Alors qu'un jeune collègue me dit vouloir « arriver », et qu'il se démène effectivement de façon sociale (relations…) pour obtenir un poste qu'il brigue, alors qu'une jeune collègue qui vise d'entrer dans une école d'ingénieur prépare un entretien, je ne peux m'empêcher de repenser au jeune Michael Faraday, qui était animé d'une passion pour la science, alors qu'il n'était encore qu'apprenti relieur, et fils d'un très pauvre forgeron, si pauvre même qu'il n'avait, à l'âge de onze ans, qu'un morceau de pain pour se nourrir certaines semaines.
Comment arriver jusqu'à ces temples du savoir dont rêvait Faraday ? Comment approcher ces savants qui frayaient avec la noblesse la plus élevée d'Angleterre quand on est si loin? Si l'on utilisait des terminologies un peu galvaudées, on parlerait de volonté d'ascension sociale, mais ce serait un peu inexact, puisque, dans le cas de Faraday au moins, il s'agit moins d'obtenir une position sociale que d'être enfin en position de faire un travail que l'on aime.

Nos jeunes amis doivent méditer les deux idées suivantes.

D'une part, mes amis qui travaillent dans le recrutement de personnel m'ont assez dit que, face à de nombreux candidats, il veulent avoir des preuves que les postulants ont déjà fait quelque chose de remarquable, d'extraordinaire (au sens de « qui n'est pas ordinaire »). Qu'importe que ce soit de la danse, de la collection de trains électriques, du piano, de la plomberie… Il faut avoir fait preuve d'une ténacité, d'un travail, d'une application qui ont inmanquablement conduit au succès. Et j'ai bien dit « preuve » : il ne s'agit pas simplement de prétendre que l'on connaît les trains, que l'on danse merveilleusement ; il faut en avoir des preuves concrètes, tels qu'un prix de conservatoire, une réalisation pratique de plomberie exceptionnelle qui s'apparente aux chefs d'oeuvres des compagnon… Pas une première étoile de ski ou une présentation de danse dans un centre culturel de village.

D'autre part, l'histoire de Faraday est éclairante. Alor qu'il était apprenti relieur, un client de la boutique de son patron avait appris que ce jeune homme refaisait les expériences de chimie décrites dans le livre de vulgarisation d'une certaine Madame Marcet. Car il est exact que Faraday, pendant ses temps libres, en plus d'une moralité extraordinaire (au point qu'il allait tous les mercredis soir, après son travail, à des réunions d'amélioration de l'esprit, ce qu'il pouvait prouver), refaisait les expériences de chimie, et c'est parce qu'il était littéralement extraordinaire (vous trouvez cela ordinaire, de refaire des expériences de chimie sur son temps libre ?) que cela s'est su et qu'un client de la libriarie lui a donné des entrées pour les conférences d'Humphry Davy, qui était, à l'époque, la coqueluche de Londres, faisant des conférences extrèmement courues, à la Royal Institution of London, dont il était le directeur.
Le jeune Faraday assista à la conférence, mais pas comme une oie que l'on gave : il prit des notes abondantes, puis de retour, il mit ses notes au propres, refit les expériences, en consignant par écrit les résultats dans un gros mémoire qu'il relia : du marbre, pas des paroles !
Quelque temps lpus tard, alors que s'achevait l'apprentissage de Faraday et que ce dernier se lamentait de devoir devenir imprimeur, le préparateur de Davy fut arrêté après un accident de laboratoire, et Davy chercha un remplaçant. Faraday était connu pour faire des expériences, de sorte que Davy le fit venir, et voyant le mémoire relié, il n'hésita pas à le prendre aussitôt avec lui.
Puis comme Faraday était très bon (ne s'était-il pas entraîné à l'être ?), il n'y eut plus qu'à lui trouver un poste permanent, et c'est ainsi que, de fil en aiguille, Faraday devint un des plus grands physico-chimistes de tous les temps.

Je ne suis pas Faraday moi-même, hélas, mais mon histoire est une autre démontration de ce que j'ai proposé ci desssus.
D'une part, j'ai été embauché dans l'édition scientifique alors que la profession dégraissait, touchée par une crise : mais il est vrai que j'avais fait une double formation scientifique et littéraire (concours, diplômes).
D'autre part, quand j'ai commencé la gastronomie moléculaire, je l'ai commencée seul, dans mon laboratoire personnel, à la maison, et c'est parce que mes travaux ont été connus dans le monde scientifique que l'on m'a demandé des les présenter dans des séminaires, et que tout s'est enchaîné. Je me souviens que, enfant, les professeurs me disaient « This, vous n'avez pas d'ambition ». Et c'était vrai : je n'ai jamais eu d'autre ambition que de faire ce qui m'amusait… et que je fais !

La morale est claire : il ne s'agit pas de vouloir ; il ne faut pas prétendre, mais il faut démontrer.
Si l'on brique un poste d'ingénieur, par exemple, mon consiel est invariable: au lieu d'être un postulant parmi des centaines pour un poste, je crois bien préférable de préparer un projet d'ingénieur (écrit, volumineux) pour le poste que l'on vise. Ce projet ne sera peut être jamais réalisé, mais je suis absolument certain que la personne qui le recevra ne pourra pas s'empêcher de considérer qu'il y a là une motivation supérieure à celle de tous les autres candidats, qui se présentent seulement avec un CV et une lettre de motivation convenue, et, dans certains cas, de lettres de recommandation qui ne valent en réalité qualiment rien. Je peux en témoigner : pour ce qui concerne les recrutements que je fais, je ne crois absolument pas aux lettres de recommandation provenant de collègues que je ne connais pas personnellement, et je sais décoder les lettres de recommandations de convenance.
De toute façon, aucune recommandation ne vaudra une démonstration. La question est donc d'être en mesure de démontrer que l'on fera très bien pour la position que l'on vise.
A ce mot « fera », je rappelle que certaines langues n'ont pas de futur, parce qu'il est bien impossible de savoir de quoi demain sera fait : il y a quelque décennies seulement, en France, on ne disait pas « j'irai demain au marché », mais « Si dieu le veut, je peux aller demain au marché ». D'autre part, je vous invite à lire le texte merveilleux que le jeune Mirabeau, le frère du vicomte, fit à propos des serments.

En attendant, il nous reste à nous appliquer pour devenir capable, pour avoir des compétences inédites, démontrables, qui serviront le projet que nous visons. Si nous visons un travail artistique, nous devons avoir des preuves que nous avons des compétences artistique. Si nous visons un travail scientifique, nous devons avoir des preuves que nous avons effectivement des compétences scientiifiques, expérimentales et calculatoires.



jeudi 16 février 2017

Pour un jeune ami que je ne connais pas

Ce matin, je reçois un message me disant "Si tu ne peux pas venir à la réception, un de tes fervents admirateurs va être très déçu, il espérait échanger avec toi ! Peut-être as tu un truc à la "Mélenchon" pour te dédoubler ?".

Oui, j'ai un truc, mais pas un truc à la Mélanchon ; un truc à la Hervé This, et qui consiste précisément à discuter d'abord la question de l'admiration. Ce sera ma première façon d'interagir avec mon ami que je ne connais pas.

L'admiration, donc ? Le seul dictionnaire qui vaille, le Trésor de la langue française informatisé, nous dit : "Sentiment complexe d'étonnement, le plus souvent mêlé de plaisir exalté et d'approbation devant ce qui est estimé supérieurement beau, bon ou grand."
On voit que je ne mérite pas d'admirateur, ou, du moins, que mes éventuels admirateurs se trompent en m'estimant "supérieurement beau, bon ou grand". Ce n'est pas de la fausse modestie, mais du réalisme. Je me lamente de ne pas savoir assez bien calculer, de ne pas être assez méthodique, pas assez précis, trop hâtif, pas assez concentré... Jusqu'en classe de Mathématiques spéciales, les professeurs marquaient sur mon bulletin "Peut mieux faire". Oui, peut mieux faire.

Cette question de l'admiration ne se pose pas à moi pour la première fois : lors d'une mission à l'étranger, le doyen d'une grande université avait un discours élogieux, prononçant le mot "fierté". Fierté ? Je ne suis fier de rien, et j'ai seulement envie de faire beaucoup (ou, plutôt, je ne cesse de faire... car l'envie n'est rien sans la réalisation, n'est-ce pas ?). Car c'est l'étendue de mes insuffisances qui m'atterre. A l'époque, j'avais fait l'observation au doyen élogieux, et il m'avait répondu qu'il était important de montrer à la fois une personne et son travail, afin de montrer aux suivants qu'il était humain d'arriver à des réalisations qui paraissent notables.

Convaincant ? Pas sûr. Je préfère reprendre l'analyse de cette difficile question... avec mes propres "admirations".
Enfant, j'ai été ébloui par Antoine Laurent de Lavoisier. Mais ébloui au point que je suis tombé dans le panneau de quelques unes de ses erreurs ; et progressivement, j'ai découvert certaines de ses faiblesses humaines... au point qu'une analyse récente d'un de ses articles a été jugé "cruel" par des historiens des sciences (H. This, N3AF, https://www.academie-agriculture.fr/publications/les-academiciens-ecrivent/n3af/n3af-2016-8-methodological-advances-scientific).
Puis, plus tard, j'ai trouvé Michael Faraday très remarquable. Là, la personne humaine  était effectivement remarquable, parce que Faraday fut un autodidacte sauvé par quelques principes intellectuels à propager absolument.
J'ai la chance d'avoir ou d'avoir eu quelques amis merveilleux, ce que je nomme de "belles personnes"... Ce sont toutes des personnes qui sont passionnées de leur travail, qui ne se posent pas la question de la réputation, mais de l'action effectuée ou à effectuer. Ai-je pour elles de l'admiration ? Je ne crois pas : de l'amitié, certainement, et de la reconnaissance de faire ce que font de belles personnes, à savoir nous surprendre à chaque instant par des idées neuves.
Quelques peintres ? Je passe rapidement devant, car je suis un imbécile. Quelques musiciens remarquables ? Alors je préfère jouer de la musique, dans l'espoir d'une amélioration. Pas grande place pour l'admiration, chez moi ; pas le temps !

Cela étant, à quoi bon admirer ? On ne refera jamais l'histoire, et je préfère que mes amis occupent mieux leur temps qu'avec l'admiration : pourquoi n'utiliseraient-ils pas plutôt ce temps contemplatif pour faire grandir ou entretenir dans leur coeur des brasiers qui les conduiront à faire demain mieux qu'ils n'ont fait hier ? 
Certainement la fréquentation de certains permet d'en retirer quelque chose, et j'espère tendre à mes amis de la méthodologie. Si je peux être crédité de quelque chose, c'est peut-être seulement de cela : dans mes cours de Master, par exemple pour le Master Erasmus Mundus Plus "Food Innovation and Product Design" (https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=FIPDESMOLECULARGASTR&curdirpath=/docs%20HTHIS), je ne cesse de discuter la question de la méthode. Et toujours en améliorant (obsessionnellement?) ce qui a déjà été fait !

Bref, l'admiration m'est un sentiment d'autant plus étranger que je suis dans l'action, et pas dans la contemplation. Mais, surtout, à quoi bon ?
En revanche, je suis très soucieux d'avoir beaucoup d' "amis", c'est-à-dire de personnes qui partagent le goût de la connaissance, qui dénichent pour moi des pépites de connaissance, qui m'aident à grandir. J'espère vivement que  mon ami inconnu "échangera" librement avec moi : je réponds à tous les emails.

jeudi 18 août 2016

Les six conseils de Michael Faraday

Vérifier ce que l'on nous dit.
Ne pas généraliser activement.
Avoir des collaboration.
Entretenir des correspondances.
Avoir tout sur soi un soin calepin pour noter les idées
Ne pas participer à des controverses.
Voilà les six conseils que le physicien anglais Michael Faraday avait trouvé dans un traité d'amélioration de l'esprit du clergyman Isaac Watson. Ces six conseils furent essentiels, pour lui, dont le père était mort quand il était encore jeune.

On n'a pas assez dit l'importance des groupes de réflexion, et je ne suis pas sûr que tous les élèves, dans les écoles, connaissent l'existence de ces groupes. Voilà pourquoi, parmi mille autre raison, l'histoire de Michael Faraday est importante. Le mercredi soir, ce jeune apprenti relieur qu'était Faraday rejoignait un groupe de personnes du même âge que lui, dans la City, à Londres, et ils discutaient de divers sujets, un peu comme cela se fait dans les loges maçonniques. Chacun devait travailler un thème et l' exposer aux autres, qui en discutaient la qualité, l'intérêt et la pertinence...
Personnellement, j'ai eu la chance de voir mes parents faire de même, le soir, après le travail, après le dîner, partir en ville retrouver des collègues devenus des amis pour discuter de leur métier, mais non plus dans la pratique de ce dernier  ; plutôt dans son analyse. C'est ce qui fait toute la  différence entre la technique et la technologie, entre  le technicien et le technologue.
À l'époque de Faraday, la science était en vogue, parce qu'elle était encore accessible à n'importe qui dans sa pratique. C'était la grande mode de l'étude de l'électricité, pour laquelle il suffit d'une boussole, pour détecter un champ magnétique, d'une pomme de terre et de deux fils métalliques pour faire une pile... Et c'est ainsi que Faraday, ayant entre les mains le livre The improvement of the  mind, en tira des règles de vie qu'il s'appliqua toute la vie. L'histoire de Faraday montre comment l'application de ces règles fut à l'origine de son immense succès. 

1. Ne pas généraliser hâtivement :  c'est  bien là une règle essentielle en sciences, où, certes, il faut voir la généralité à partir de cas particulier, ce qui se nomme induction, mais où il faut prendre garde à ne pas prendre ses  désirs pour des réalités. La nature a ses voies, qui ne sont pas celles de nos désirs. La science  explore les phénomènes, et elle ne confond pas ces derniers avec nos idées sur le monde. Cela fait toute la différence entre la science et la pensée magique, exposée dans d'autres billets. Oui, il faut généraliser, mais non, il ne faut pas généraliser hâtivement. En sciences, il faut des répétitions,  des expériences, des répétitions des mesures, des répétitions des observations, l'accumulation d'un très grand nombre de données pour finalement arriver à quelques conclusions,  qui permettront de bâtir des théories.

2. Avoir toujours sur soi un calepin pour noter les idées :  cette fois, il y a un conseil absolument essentiel. Dans cette proposition, l'objectif semble de noter les idées. Mais pourquoi noter les idées ?  Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les idées sont fugaces, et il arrive bien souvent qu'une idée qui n'est pas notée disparaisse. C'est vraiment dommage si cette idée est bonne, si l'on s'est échiné à la trouver. D'autre part, nous devons avoir l'esprit libre pour penser, et une difficulté que j'analyse chez certains étudiants, c'est que leur vie est pleine de complexités (familiales, sentimentales, financières...), ce qui les  gêne pour manier les idées qui sont au centre de leur travail. Quand les parents divorcent, quand on n'a pas assez d'argent pour payer le loyer, quand on a des problèmes de coeur…, comment avoir l'esprit libre pour penser ? Il se trouve que le simple fait de noter les choses permet à la fois de s'en vider la tête et de les avoir ensuite sous les yeux à volonté. Aristote, le grand Aristote, disait que l'écriture était la mort de la pensée, et je ne suis pas d'accord avec cette proposition, car sa généralité est excessive. Bien sûr, écrire et penser sont deux choses différentes, mais précisément poser par écrit est une bonne façon de conserver les idées pour plus tard. Il y a la question de la production de la pensée, et celle de sa conservation.  De surcroît, écrire les idées impose de les formuler,  et, là, on doit penser au mathématicien Henri Poincaré, qui a clairement expliqué que sa difficulté n'était pas de produire des nouveautés mathématiques, mais de trouver les mots pour décrire ces nouveautés qui étaient spontanément nées en lui.
On retrouve avec une telle déclaration le grand débat agité par Condillac et Lavoisier sur les rapports entre la science le langage, avec cette idée selon laquelle on ne peut pas améliorer les sciences sans perfectionner le langage et vice versa. On le voit, les grands anciens se sont préoccupés de cette question des mots, car il est bien vrai que nos  théories scientifiques s'expriment en équations c'est-à-dire in fine en mots,  puisque ce fut l'apport de penseurs comme Descartes et Leibnitz que de forger  un langage plus facilement manipulable que les mots du langage naturel ; mais un langage quand même. Ce fut d'ailleurs la grande question de la création de la chimie moderne avec Lavoisier que de savoir les relations entre les dénominations et  les objets de la chimie, question qui fut reprise avec brio par le chimiste français Auguste Laurent quelques décennies plus tard.

3. Ne pas participer à des controverses : dans la mesure ou la science n'est que proposition de théories et évocation de mécanismes, on comprend qu'il puisse y avoir des théories concurrentes, des mécanismes différents pour décrire le même phénomène. Et l'on comprend que certains individus qui sont dans l'acte de création puissent parfois avoir une fierté (on aurait pu dire ego) qui déborde un peu. Après tout certains ont besoin de s'affirmer avant de pouvoir affirmer, prétendre,  proposer des idées. Le monde scientifique, fait de créateurs comme le monde artistique, est composé de beaucoup d'individus à l'ego  puissant. Il faut faire avec, mais il est vrai que la rencontre de deux théories concurrentes risque de tourner à la controverse. Pourtant, les belles  personnes qui se préoccupent avant tout d'étendre le royaume du connu, plutôt que de s'affirmer personnellement, n'ont pas de raison de participer aux controverses. Si le but est véritablement de trouver les mécanismes des phénomènes, alors il vaut bien mieux considérer avec intérêt des  théories concurrentes avant de trancher abruptement et de se faire des ennemis. Nous avons beaucoup trop besoin d'amis, et surtout d'amis merveilleux (pléonasme ?) pour en perdre quelques uns en route. Nous avons besoin de discuter avec nos amis, d'analyser les propositions, d'en peser les intérêts et les failles, en vue de trouver finalement celles qui s'imposeront, parce qu'elles conduiront à des meilleures descriptions du monde. On doit  se rappeler avant tout que voilà l’objectif : ne pas s'affirmer, mais plutôt identifier les mécanismes des phénomènes, mieux comprendre le monde. De là l'idée de Faraday : ne pas participer à des controverses, mêmes si l'on participe à des discussions scientifiques. Mieux encore, nous devrions être capables de préférer être réfuté à voir nos théories s'imposer si elles sont par trop insuffisantes.
Pour ce qui est de Faraday, il avait résolu la question en travaillant seul ou avec un technicien qui l'aidait. Mais  il n'allait guère dans les cercles scientifiques après avoir été nommé directeur de la Royal Institution. Certes il assistait à toutes les conférences du vendredi qu'il avait initiées, mais il invitait les collègues à les faire. Là, il ne discutait pas de théories opposées, mais il voyait des expériences et les choses de façon plus détachée. Et puis il y avait les faits… car les expériences montraient les faits. C'était sa façon, parfaitement respectable, et qui allait avec cette phrase.

4. Avoir des collaborations. Là Faraday a retenu cette idée, mais il l'a peu mise en pratique. En réalité, il a peu collaboré. Sa timidité, sa gentillesse, ou peut-être sa sagesse l'ont éloigné des collaborations, et il travaillait dans le calme, se parlant à lui même, notant ses idées dans ses carnets, pouvant passer des jours dans son laboratoire, tout entier consacré à sa recherche, sans un mot. Pour autant, on peut aussi également  imaginer l'inverse : des travaux d'équipe. Cela est aujourd'hui très à la mode : le mot "collaboratif" est partout, peut-être trop.
Dans bien des travaux de science moderne, nous avons besoin de collaborations, ou nous pensons en avoir besoin. Nous en avons besoin, par exemple, pour la détection du boson de Higgs  ou des ondes gravitationnelles. Mais il y a toute une place où ces collaborations ne sont pas nécessaires. Bien sûr, les scientifiques confirmés ont un devoir de transmission (ce qui n'est pas une « collaboration »), à savoir que, ayant bénéficié d'une formation par de plus anciens, nous avons le devoir de former de plus jeunes, ou, disons le mieux, d'aider de plus jeunes à se former, car pourquoi penserons nous que notre modèle est bon ? Surtout, dans cette discussion, je propose de ne pas perdre de vue l'idée qu'il existe divers sports : individuels comme la gymnastique, ou collectifs comme le rugby. Il y a des individus qui se sentent mieux à jouer au rugby, et d'autres à faire de la gymnastique. Les divers sports nécessitent différentes capacités, et il n'y a pas de raison pour laquelle nous devrions tous faire du rugby, ou tous faire de la gymnastique. Après tout, des Faraday, Einstein, Planck, ont été très individualistes, et je ne vois pas en quoi on pourrait leur reprocher,  vu les résultats admirables qu'ils ont obtenus.  Donc, avoir des collaborations, pourquoi pas, mais cela n'est pas une obligation,et, j'y reviens, Faraday donnait ce conseil sans se l'appliquer à lui-même.

5. Vérifier ce que l'on  nous dit : là,  Faraday donne  encore une règle générale de vie, mais  je ne peux m'empêcher de la prendre dans le cadre scientifique, ce qu'il fit également. Pour la gastronomie moléculaire, il a  été essentiel, au début, de savoir résister aux arguments d'autorité, et ne pas accepter des idées qui n'étaient pas testées. Le monde  de la cuisine est plein d'idées fausses qui se sont propagées avec les siècles. Il a été très important, en de nombreuses circonstances,  d'apprendre à tester les idées avant d'en chercher des interprétations. Parfois, nous avons été heureusement surpris de voir que des idées qui semblaient fausses étaient en réalité justes, mais nous avons aussi vu de nombreux cas où des idées qui semblaient justes, ou simplement plausibles,  était très fausses. Tout cela, c'est le groupe des "précisions culinaires", ces ajouts techniques à ce que j'ai nommé des définitions. Il y a des précisions culinaires de toutes sortes, et, avec les années, j'ai bien appris à ne jamais chercher  d'interprétations à des phénomènes qui n'avaient pas été avérés préalablement grâce à  des expérimentations, car que je me mords encore les doigts de cette expérience que j'avais faite en 1992 et qui consistait à emporter une bouteille de diazote gazeux jusqu'en haut d'une montagne où nous avions un colloque, afin de voir pourquoi les blancs  d’œufs montés en neige et redescendus ne remontaient pas. J'avais cru, à cette idée qui m'avait  été donnée par des chefs triplement étoilés, et j’avais fait  l'expérience de battre des blancs neiges sous diazote, de les laisser  redescendre, et de les battre à nouveau ensuite. Il étaient remonté, de sorte que j'avais hâtivement conclu que c'était l'oxygène qui étais responsable du fait que des  blancs de battus en neige et redescendus ne remontent pas. Pourtant, de retour au laboratoire, au calme, j'ai simplement battus  des blancs, je les ai laissé redescendre, et ils ont parfaitement remonté, de  sorte que tous les ennuis associés au transport d'une grosse bouteille de diazote en haut d'une montagne auraient été évités si le phénomène avait été d'abord testé simplement. Avec les années, j'ai vu se multiplier les réfutations des idées écrites par des chefs étoilés, et aujourd'hui je sais combien la phrase de Michael Faraday est juste.

 6. Entretenir des correspondances : on retrouve ici la discussion sur  l'emploi des mots, et le petit calepin que l'on a sur soi pour noter les idées. Les correspondances sont un autre moyen d'exprimer clairement les choses, et cela peut être une aide que de s'adresser à autrui, au lieu de se parler à soi même en prenant pour acquis des choses qui ne sont pas assurées. Mais ce n'est pas le seul intérêt des correspondances. Les échanges scientifiques sont aussi une façon de partager le bonheur de la recherche scientifique, de se convaincre quotidiennement que la recherche scientifique est quelque chose de merveilleux, d'avoir des amis à qui l'on peut parler de ce bonheur, ce qui l'augmente encore, et d'avoir parfois un regard critique sur nos propres travaux.
Dans mon cas, j'ai toujours considéré comme important d'avoir quelqu'un qui me donne des coups de pieds aux fesses. Pendant longtemps, ce fut Nicholas Kurti, puis quand il est mort, Georges Bram, chimiste de l'Université d'Orsay, avait accepté de jouer ce rôle. C'est un rôle amical, évidement, puisqu'il faut l'attention d'un ami qui observe nos travaux avec bienveillance, qui y passe du temps. Bien sûr, avec les années, j'ai appris à me donner à moi-même des coups de pied aux  fesses. Reste que la correspondance, c'est aussi un moyen de dire les choses de formuler des concepts, d'expliciter les notions, de décrire les méthodes.

samedi 18 juillet 2015

Le calepin de Faraday

Je me suis un peu calmé pour ce qui concerne Michael Faraday : naguère, je ne
cessais de montrer combien ce physico-chimiste avait été merveilleux, mais,
l'ayant dit beaucoup, je n'ai pas voulu rabâcher, et je suis passé à d'autres
admirations : Lavoisier, Diderot... Pourtant je ne renie pas ce que j'ai dit :
Faraday était un personnage extraordinaire, et cela d'autant plus qu'il perdit
son père à l'âge de 11 ans et que sa famille était si pauvre qu'il n'avait
qu'une miche de pain à manger pour toute la semaine. Il fut recueilli par un
libraire éditeur (un émigré français), qui lui enseigna le métier de relieur, et
il finit directeur de la Royal Institution of London, un des plus grands
physico-chimistes de tous les temps.
Faraday -a-t-il dit lui-même- s'est construit grâce à livre d' '"amélioration de
l'esprit", qui conseillait d'avoir toujours sur soi un petit calepin pour noter
les idées. De nombreux scientifiques de renom ont eu un tel calepin : je sais de
source sûre que cela fut important pour le physicien hongro-américain Leo
Szilard, et que cela est un "socle" important pour l'historien Emmanuel Leroy
Ladurie, ou le physiologiste Pierre Corvol. Dans ce dernier cas, j'ai recueilli
de la bouche même de l'intéressé (merci de m'avoir confié ce secret) qu'il
s'agissait d'apprendre chaque jour quelque chose, et d'y noter des "curiosités".
Mais tout ce qui précède n'est qu'une introduction : il m'est venu l'idée que,
en sciences de la nature, les questions sont essentielles, précieuses... et
c'est cela que je veux proposer : nous pourrions avoir un "carnet de questions".
Etrange billet que celui-ci, donc : l'introduction est plus longue que le corps
du billet... mais en réalité, tout était presque dans le titre. En tout cas,
pour ce qui me concerne, je viens de créer un fichier que j'intitule "carnet de
questions et de curiosités".

dimanche 7 juillet 2013

De l'émerveillement partagé pour un homme extraordinaire : Michael Faraday.



Cela fait bien longtemps que je n'ai pas eu l'occasion de dire mon émerveillement pour le physico-chimiste extraordinaire que fut Michael Faraday. Tout le monde ne connaît pas son histoire exemplaire, de sorte qu'il n'est pas inutile que je la raconte une fois de plus. Evidemment, dans un billet, je ne vais pas entrer dans les détails, mais donner seulement les grandes lignes. 
 
Michael Faraday était le fils d'un maréchal-ferrant pauvre et son épouse, qui durent quitter les campagnes anglaises pour aller à Londres, faute de travail. Là, la vie n'était guère meilleure, et le père de Faraday mourut alors que l'enfant était encore jeune. C'était la misère : Faraday a raconté plus tard que, certaines semaines, il n'avait qu'un morceau de pain à manger pour toute la semaine. 
Faraday eut la chance d'être embauché comme saute ruisseau, c'est-à-dire livreur de journaux, par un émigré français qui tenait une librairie. Il eut aussi la chance -athée ou non, il faut le reconnaître- d'être dans un environnement religieux, ses parents appartenant à une secte nommée les « Sandemaniens », qui croyaient dans la littéralité de la Bible
Oui, ce fut une chance, parce que cet environnement le conduisit à avoir entre les mains le livre du clergyman nommé Isaac Watts, qui donnait une série de conseils pratiques. Faraday, sans père, suivit les conseils de ce livre à la lettre, à savoir : avoir des collaboration, ne pas généraliser hâtivement, vérifier ce que l'on nous dit, prendre des notes, entretenir des correspondances...
 Tout cela sortait du livre intitulé L'amélioration de l'esprit, et c'est ainsi, de fil en aiguille, que Faraday fut embauché comme apprenti relieur, qu'il occupa ses temps libres à s'améliorer l'esprit et à faire diverse des expériences en chimie... parce qu'il avait eu cette autre chance, conséquence de la première (mais la chance sourit aux esprits préparés), d'avoir entre les mains un livre intitulé Conversations chimiques d'une dénommée Mme Marcet, qui fit une oeuvre de vulgarisation extraordinaire.


Je passe la suite, mais tout s'enchaîne, et finalement, Faraday devint l'un des plus grands physico-chimistes de tous les temps. Quel destin extraordinaire !









samedi 6 juillet 2013

La communication... partout ?



Quand nous meublons notre appartement, c'est pour nous que nous le faisons : ce n'est pas tous les jours que l'on reçoit des amis, et les tableaux aux murs, les couleurs de ces derniers, les matières des sols... Tout cela vise à nous rendre la vie heureuse, parce que nous le percevons quand nous sommes chez nous. Autrement dit, meubler un appartement, c'est organiser une communication avec nous-même. 
 
De même, les livres que nous choisissons, les activités intellectuelles que nous avons, les conversations que nous menons, également, laissent des traces dans notre esprit, des souvenirs. 
Autrement dit, nos activités intellectuelles sont une façon de nous parler à nous-même. Nous nous "meublons" l'esprit. Cela a des conséquences : de même qu'une "croûte" sur les murs nous inflige la vision d'une horreur, augmentant notre inconfort, la contemplation de certaines émissions de la lucarne à décerveler nous abime l'esprit, nous salit... Il y a donc une responsabilité morale à bien choisir nos "consommations" (livres, émissions de radio ou autres, sites internet, journaux...) afin de nous élever l'esprit : souvenons-nous de Michael Faraday, l'un des plus grands physico-chimistes de tous les temps, qui allait le mercredi soir à son "club d'amélioration de l'esprit" (en plus du temple, mais c'est là une toute autre affaire, pour une autre fois). 
Tiens, tant qu'à me faire des ennemis : et si je signalais que le dernier numéro de la revue Pour la Science publie un article sur les arènes ? Aujourd'hui, il y a les stades. Hier comme aujourd'hui, le Prince donne au peuple (pour le calmer) du pain et des jeux. Voulons-nous vraiment tomber dans ce piège millénaire ?

 Mais la morale est ennuyeuse, et Aristophane semble du meilleur côté de la vie que Sophocle. Et puis, à quel titre pourrais-je me permettre d'ennuyer mes concitoyens, alors que ma vertu n'est certainement pas à la hauteur? 
Passons, donc, et revenons à la "communication", puisque c'est de cela dont ce billet discute. 
Nous "parlons" aux autres, et nous parlons à nous-mêmes. Une question, de ce fait : la communication serait-elle donc la totalité de la vie ? Y a-t-il autre chose que des actes de communication ?

samedi 10 décembre 2011

Tout cas particulier...

"Tout résultat experimental particulier doit être considéré comme la projection de cas généraux que nous devons inventer" : cet énoncé qui a surgi lors d'une discussion que j'avais avec Jean-Marie Lehn trouve un écho dans le livre de John Tyndall, qui succéda à Faraday à la Royal Institution (Faraday as a discoverer, Ed Apollo) :

"When an experimental result was obtained by Faraday, it was instantly enlarged by his imagination. I am acquainted with no mind whose power and suddenness of expansion at the touchh of new physical truth could be ranked with his. Sometimes I have compared the action of his experiments on his mind to that of highly combustible matter thrown into a furnace; every fresh entry of fact was accompanied by the immediate development of light and heat. The light, which was intellectual, enabled him to see far beyond the boundaries of the fact itself, and the heat which was emotional, urged him to the conquest of this newly revealed domain. But though the force of his imagination was enormous, he bridled it like a mighty rider, and never permitted his intellectu to be overthrown. In virtue of the expansive power which his vivid imagination conferred upon him, he rose from the smallest beginnings to the greatest ends. "