lundi 3 février 2025

La Physiologie du goût a 200 ans : bon anniversaire !

Un ami me fait remarquer que cela fait 200 ans que fut publiée la Physiologie du goût par le merveilleux Jean-Anthelme Brillat-Savarin et que, comme si c'était pour célébrer cet anniversaire, l'Université de Copenhague me remet le prix Sonning ( https://via.ritzau.dk/pressemeddelelse/14235742/gastronomic-artist-is-awarded-the-sonning-prize-2025?publisherId=13561237&lang=da).

Je me suis déjà exprimé clairement dans la préface d'une réédition de la Physiologie du goût : Brillat-Savarin fut un extraordinaire écrivain. Il ne faut pas se tromper à la lecture du titre :  son livre n'est pas un traité de physiologie, de science, et bien plutôt l'acte quasi fondateur de la gastronomie, qu'il définissait comme "la connaissance raisonnée de tout ce qu'elle se rapporte à l'être humain en tant qu'il se nourrit". 

Je mets ici des guillemets, mais j'ai un peu tort car Brillat-Savarin parlait de "l'homme" plutôt que de "l'humain", ce qui était de son temps. 

Mais, surtout, je rappelle qu'il faut lire rien savoir avec des pincettes, comme je l'explique plus loin. En tout cas, retenons sa définition de la gastronomie, et observons que cette dernière ne se confond pas avec cuisine d'apparat, par exemple. Et c'est ainsi que je rigole doucement quand, passant devant des restaurants asiatiques, je vois inscrit "gastronomie chinoise" :  il n'y a aucune connaissance dans l'affaire mais seulement les éternels rouleaux de printemps, porc caramel, riz cantonais et boule coco.

Pour situer Brillat-Savarin, il faut évoquer Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière, qui, quelques années plus tôt, publia de merveilleux textes de "gastronomie" avant que le nom ne soit donné. Grimod de la Reynière était un écrivain, mais un de  ces écrivains qui se vouèrent à la bonne chère, tout comme Joseph Berchoux qui introduisit le mot "gastronomie" dans un de ses poèmes. Et parurent ainsi l'Almanach des gourmands, ou le Manuel des amphitryons à côté de réflexions sur le plaisir.

Brillat-Savarin, lui, colligea toute une série de connaissances, et fit un merveilleux bouquet de mille fleurs. L'apparence -je dis bien apparence seulement- scientifique du livre de Brillat-Savarin ne doit pas nous aveugler : il s'agit d'une œuvre de littérature et non pas une œuvre de physiologie, et non pas d'une œuvre de physique ou de chimie, et non pas une œuvre d'histoire ou de géographie... 

Brillat-Savarin a voulu mêler tout cela pour faire un tout solide, une fondation de la gastronomie. Il parle de tout :  de l'obésité, de la maigreur, de l'histoire ancienne de la cuisine, de repas célèbres, de recettes... Et son oeuvre s'apparente plutôt au mythe : les mythes fondateurs de la gastronomie au sens que j'ai évoqué précédemment : la connaissance raisonnée...

Mais n'oublions pas qu'un mythe, c'est un mythe, une légende... Certainement pas le récit d'histoires véridiques, et c'est ainsi qu'il faut prendre le texte de Brillat-Savarin. Il faut l'interpréter comme on doit interpréter les mythes.
L'attribution de la royauté d'Athènes à Thésée, qui aurait tué le Minotaure, doit s'interpréter : il faut chercher quelles relations Athènes voulait entretenir avec la Crète, par exemple. Ses exploits mythologiques  de Thésée ne sont que mythologiques et il faut être bien enfant pour croire qu'il a tué le Minotaure.
De même, les rois de France avaient beau se faire oindre à la basilique Saint-Rémy de Reims, il faut être un esprit bien faible pour croire que leur pouvoir est véritablement d'origine divine... 

Les mythes ? Ils expriment des idées dont nous devons nous méfier,  et que nous aurons toujours intérêt à interpréter. 

Même les passionnés de gastronomie, j'allais parler d'amoureux de gastronomie, même les passionnés de bonnes chère doivent prendre garde à leur aveuglement, à leur éblouissement selon les cas. 

Mais ne boudons pas notre plaisir et relisons régulièrement la Physiologie du goût comme on vient humer une fleur d'un bouquet, puis une autre ; reculons-nous pour admirer la composition, rapprochons-nous pour  mieux voir ; relisons d'une traite si nous avons une grande compulsion, feuilletons si nous avons l'âme plus vagabonde... 

Mais relisons Brillat-Savarin pour célébrer le 200e anniversaire de sa publication de la Physiologie du goût.
 
 

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