mardi 11 février 2025

Cessons de parler d'enseignant-chercheur; parlons de professeur-chercheur

Enseignant ? Avant d'analyser la fonction, parlons du mot... qui est abominable ; et, le pire, c'est qu'on ne s'en aperçoit presque plus. Pourtant, prononçons "apprenant" ou "sachant", et l'on comprend bien qu'il faut s'indigner face aux mots "enseignant" ou "enseignant-chercheur". 

Comment est-on venu à supporter le mot "enseignant" ? Comment a-t-on oublié la juste indignation de cet écrivain français, qui, il y a seulement quelques décennies, dénonçait avec justesse les trois maux de la langue française : le pullulement des adverbes, les excès de passif et l'inflation du participe présent ? 

Je crains que la Pesante Administration n'ait hélas sévi, écrasant l'élégance en même temps que la pensée. Car la pensée va de pair avec la langue, comme le disaient justement Condillac ou Lavoisier, qui citait le premier : "Nous ne pensons qu'avec le secours des mots. L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite ", disait Condillac ; "Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage", ajoutait Lavoisier. 

Voilà pour la forme, mais le fond est plus grave. Par définition, un "enseignant" (décidément, le mot m'arrache la plume) enseigne. Enseigne ? Je ne discute pas ici l'étymologie du mot, mais j'observe seulement qu'il s'agit de faire connaître un savoir, de le transmettre. Comme si cela était possible ! Je déteste en réalité cette idée d'un étudiant qui serait une oie que l'on gave, au gré de... l'enseignant, et j'ai assez discuté le fait qu'enseigner est bien impossible, alors que la question est l'étude, pas l'enseignement. 

Notre siècle, par chance, commence à comprendre cela, avec des tas de dispositifs de style "classe inversée", par exemple. Et cela est bon, car si l'on jette aux orties cette idée d'enseignement au profit des idées d'études, nous sommes sur la bonne voie. Il restera à nommer différemment les personnes qui aident les étudiants à apprendre : pourquoi pas "tuteurs" ou "professeurs" ? En tout cas, pour trouver le bon mot, nous serons enfin mis devant la tâche de bien analyser cette fonction qui consister nos étudiants à se constituer du savoir, des compétences, des savoir-être... Et cela est bon.

1 commentaire:

  1. Je comprend votre indignation - toutefois je pourrais me positionner d'après une perspective considérant uniquement le fait qu'une personne X ("enseignant") dispose d'un savoir utile (disons "positif"), (et objectif). Une personne Y, l'élève, pourrait bénéficier à l'apprentissage de ce savoir.

    Dans cette perspective spécifique et considérant une forme absolue (et restreinte à cette perspective) - nous aurions donc une situation positive.

    Il subsiste un grand problème relatif à notre monde qui est l'auto-gratification, le gain malhonnête, le profit etc. Nous pouvons ramener toutes ces déviances potentielles au sein d'une appellation: "Le service de soi".

    Si nous nous arrêtons quelques minutes sur cette qualification, elle exprime une "polarité" (son opposé est "le service des autres") - et je trouve que quelque attitude dite négative que nous pouvons parfois observer, c'est réductible à ce terme - le "service de soi". L'aggressivité, le vol, la malhonnêteté, etc, produit - ou est le produit - d'une orientation tournée vers "le soi" (plutôt que vers l'autre) et correspond à l'entropie. Le service des autres tend au "foisonnement".

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