Voici un extrait du Guide culinaire, et un commentaire qui montre pourquoi on aura raison de ne pas croire ce qui est écrit :
Cuisson du roux : Le temps de cuisson, étant subordonné à l'intensité du calorique employé, ne peut être fixé mathématiquement,
Le « calorique » est une notion scientifique périmée depuis au moins deux siècles. Et, d’autre part, il n’y a pas de subordination.
Enfin, il ne s’agit pas de mathématiques, mais simplement de calcul.
Il aurait fallu écrire ici : Le temps de cuisson dépendant de la puissance du chauffage, ne peut être fixé
mais il est toujours préférable de conduire la cuisson plutôt trop lentement que trop vite, parce que : sous l'influence d'une chaleur trop vive, les cellules contenant les principes actifs de la farine se racornissent et emprisonnent étroitement leur contenu,
La farine ne contient pas de « principes actifs », et, même en 1900, cette description était scientifiquement périmée. Il faut plutôt considérer que la farine est faite principalement de grains d’amidon (petits grains ronds faits de molécules de deux sortes -des polysaccharides-, qui sont l’amylose et l’amylopectine) et des protéines (essentiellement des gliadines et des protéines).
Les protéines peuvent être « pyrolysées » par une forte chaleur, d’où un brunissement. Mais les granules d’amidon sont très résistants, et, en tout cas, les auteurs n’ont aucune preuve de ce qu’ils imaginent (j’insiste : c’est une supposition assez anthropomorphique).
Quant à « emprisonner étroitement le contenu »… d’objets qui n’existent pas, c’est de la pure imagination.
s'opposant dès lors à son mélange ultérieur avec l'élément de mouillement et, de ce fait, détruisant l'équilibre de liaison de la sauce.
Ici, puisque ces « principes actifs » n’existent pas, la conclusion ne peut pas tenir. Il reste à savoir s’il est exact que de la farine fortement torréfiée peut ou non s’empeser ; on observe qu’il n’y a pas un « mélange », d’une part, et qu’il ne s’agit pas de « détruire » un « équilibre de liaison (quel charabia!), mais simplement d’assurer la liaison.
Il se produit, dans ce cas, un fait analogue à celui qui se constaterait sur des légumes secs traités à l'eau bouillante. Il faut qu'une chaleur modérée d'abord, puis régulièrement progressive; provoque la distension des parois des cellules, pour que l'amidon qu'elles contiennent gonfle et, sous l'influence de la chaleur, subisse un commencement de fermentation qui le transforme en dextrine, substance soluble et principal agent de liaison.
Là encore, l’écriture est prétentieuse (« régulièrement progressive ») et les idées proposées sont fausses. Par exemple, la chaleur ne provoque pas la « distension » des parois des cellules. Pour les légumes secs, il y a bien une parois végétale, mais la chaleur provoque sa dégradation (en dégradant les molécules de pectine qui lient les fibres de cellulose), comme un ciment qui s’effriterait. Et l’amidon ne gonflera pas : les grains d’amidon pourront, s’ils sont en présence d’eau, s’ « empeser », ce qui signifie qu’ils libéreront des molécules d’amylose, tandis que des molécules d’eau migreront dans leur intérieur, créant un « gel ».
En tout cas, il n’y aura certainement pas de fermentation : les micro-organismes qui savent fermenter les polysaccharides sont tués par la chaleur. Quand à la formation de « dextrine », j’aurais bien aimé que nos auteurs m’expliquent ce qu’ils pensent que c’est. Les dextrines sont définies par l'Union internationale de chimie et des applications de la chimie (IUPAC) de la façon suivante (https://goldbook.iupac.org/terms/view/D01656) : "Poly-α-d-glucosides of intermediate chain length derived from starch components (amylopectins) by the action of amylases (starch hydrolysing enzymes).[Des poly-α-d-glucosides de longueur intermédiaire dérivés des composés de l'amidon (amylopectines) par l'action des amylases (les enzymes qui hydrolysent l'amidon)]. Ils ne faut pas les confondre avec les "dextranes". On peut imaginer que ces composés sont également obtenus obtenus par chauffage de l'amidon ou par son hydrolyse acide.
En tout cas, ce ne sont pas les dextrines (des molécules) qui assurent la liaison, mais les grains d’amidon empesés.
Une fois cuit, le roux brun doit avoir une belle teinte noisette claire, et se trouver absolument lisse et sans grumeaux.
Oui, là, on revient à du macroscopique, technique, solide (mais on revient de loin).
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