Ce matin, une passionnante question, qui m'était arrivée déjà par le passé, et à laquelle j'avais jusque là mal répondu... Mais nous avons maintenant en ligne des outils nouveaux pour mieux répondre :
Bonjour Monsieur This,
Fervent lecteur de votre blog et vos articles, je me permets de vous écrire car
j'aimerais acquérir les connaissances de base en physique et en chimie
pour ensuite pouvoir étudier la gastronomie moléculaire de manière plus
rigoureuse et exercer un regard critique sur ce que l'on peut lire dans
les livres au sujet de la cuisine, du vin, du café, etc., comme vous le
faites si bien.
Ainsi,
quels conseils donneriez-vous pour orienter cet apprentissage en
auto-didacte ? Faut-il s'astreindre à étudier les programmes scolaires
ou existe-t-il d'autres manuels abordant ces matières sous un autre
angle ? Est-il judicieux de se concentrer sur certaines branches
spécifiques de ces disciplines pour mieux comprendre la gastronomie
moléculaire ? Bien sûr, il ne s'agit pas de demander une méthode magique
qui ne nécessiterait pas de travail, mais quelques conseils pour
s'aiguiller dans ces matières qui peuvent effrayer les néophytes.
En espérant que je me sois exprimé clairement, je vous adresse mes sincères salutations.
Et voici ma réponse (provisoire : je cherche mieux)
Bonjour et merci de votre message.
Sachant que mon blog est lu, il va maintenant falloir que je réfléchisse bien avant de poser des mots ;-)
Votre question est à la fois intéressante et difficile.
Si
nous sommes bien d'accord que, quand vous dites "étudier la gastronomie
moléculaire", vous pensez à la science nommée "gastronomie moléculaire
(et physique"), sans la confondre avec la "cuisine moléculaire", alors
il y a une question qui s'approche de celle que l'on pourrait poser pour
les cours de physique ou de chimie au Collège ou au Lycée : on découvre
les résultats des sciences, plutôt que les sciences, et c'est pour
cette raison que l'introduction de l'histoire des sciences, il y a
quelques années, a été si essentielle, à savoir que, à reproduire des
études anciennes, et plus simples que celles d'aujourd'hui, l'on pouvait
mettre les élèves dans une activité de recherche scientifique, de
science en un mot.
Car la physique, la
chimie, sont des sciences, donc des activités de production de la
connaissance, et non des connaissances elles-mêmes.
Pour
la gastronomie moléculaire, il en va de même, d'où la question :
pensez-vous à apprendre la gastronomie moléculaire en tant que recherche
scientifique, ou voulez-vous découvrir ses résultats ?
Pour
la seconde option, je dois vous signaler que, précisément pour répondre
à cette question, nous avons publié un énorme Handbook of Molecular
Gastronomy (894 pages, 150 chapitres) qui visait non pas seulement des
scientifiques, mais aussi des cuisiniers.
Et,
d'autre part, mes "cours de gastronomie moléculaire et physique" du
Master international Food Innovation and Product Design sont en ligne
(ils mériteraient que je peaufine les documents, mais comme cela
correspond à énorme travail un peu facultatif, je fais cela
tranquillement... en privilégiant mes livres). Vous les trouverez ici,
dans la pièce jointe et ici :
https://seafile.agroparistech.fr/d/4e77fcbcaacc47788d28/Mais il y a aussi tout mes livres !
Cela étant, la gastronomie moléculaire et physique étant une discipline scientifique, elle tient sur deux pieds :
- l'expérience
- le calcul
Pour le second, j'ai produit le livre ci dessous, afin d'enseigner à bien faire.
Pour
l'expérience, il y a plein de choses, mais tout commence, dans la
méthode scientifique, par l'établissement d'un phénomène, et c'est cela
que nous faisons en public dans les séminaires de gastronomie
moléculaire, dont les comptes rendus sont ici :
Cela
dit, en revenant à vos questions, vous évoquez des "connaissances de
base", et là, effectivement, les programmes scolaires de physique et
chimie semblent s'imposer: il suffirait de prendre les manuels des
classes successives, et de les lire méthodiquement les uns à la suite
des autres, en n'oubliant pas les compétences mathématiques, notamment.
D'autres documents pour arriver à la même chose ? Je ne sais vraiment pas, mais, surtout, il y a lieu de penser en :
- connaissances
- compétences.
Votre
souci d'étudier la gastronomie moléculaire de manière plus rigoureuse
est louable, mais c'est la "lecture critique" qui pose un problème
difficile. En effet, dans nos cours de master, on voit souvent des
étudiants proposer une "hypothèse"... dont on ne peut établir l'inanité
ou la véracité que par le calcul.
Prenons
l'exemple du gonflement des soufflés. Si l'on nous dit que les soufflés
gonfleraient parce que les bulles d'air se dilatent à la chaleur, il y a
une "théorie", qui, en l'occurrence, se réduit à une hypothèse, une
proposition plausibles. Mais il faut utiliser l' "équation des gaz
parfaits" pour calculer que, pour cette théorie, le gonflement serait
limité à 30 %... ce qui est bien insuffisant pour expliquer le
phénomène. Et, de fait, les soufflés gonflent bien plus parce que le
vrai phénomène essentiel est l'évaporation de l'eau, ce que l'on calcule
facilement par ailleurs.
Bref, en science, être critique, c'est être quantitatif.
Et
il y a là tout un débat à propos de la vulgarisation vs science : dans
un billet de mes blogs, j'ai expliqué que, produisant la revue Pour la
Science, je m'étais fourvoyé pendant 20 ans en m'interdisant d'y faire
figurer des équations, ou des formules pour la chimie. Aujourd'hui, je
crois qu'il n'y a pas lieu d'être "démagogique", et qu'il vaut mieux
aider nos amis à décoder équations ou formules. Sur des points
particuliers, mais sans concession à cette rigueur que vous évoquez très
justement.
Et
je crois qu'il sera utile que je mette cet échange (anonymement) sur un
blog : cela me donnera la possibilité de le relire, et peut-être
d'améliorer encore ma réponse.
Mais, en tout cas, je suis à votre disposition pour des réponses complémentaires.
bien à cordialement
PS.
En vous proposant d'ajouter votre email sur la liste de distribution
des invitations aux séminaires de gastronomie moléculaire, ainsi que
d'envoi des comptes rendus. A noter que les séminaires peuvent se suivre
en visio. Si vous le souhaitez, donc, il suffit de faire la demande à
icmg@agroparistech.fr (c'est gratuit)
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