lundi 18 septembre 2017

L'invention du jour

Ce matin, une idée nouvelle, alors que je discutais pour des étudiants de mastère mon invention ancienne des "oeufs d'anti-cent ans", qui sont les "opposés chimiques" des oeufs de cent ans asiatiques.
Dans les oeufs d'anti-cent ans, on fait coaguler par un acide, au lieu de le faire par une base.

Mais on se souvient que les viandes et les poissons sont des solutions de protéines. On connaît les ceviche, le poisson à la tahitienne, où un acide fait coaguler ces chairs. Mais une base ? Pourquoi ne pas faire coaguler de la chair (lamelles) en la trempant dans une solution d'hydroxyde de sodium, ou dans de la lessive de cendres (puisque l'on a alors de la potasse) ?
D'accord, on aura un goût savonneux, mais on pourra ultérieurement le combattre à l'aide de jus de citron.


vendredi 15 septembre 2017

A propos de bonnes pratiques : L'écueil du cloisonnement, l'écueil de la dispersion



Dans la communauté scientifique, il y a des positions différentes, et l'une d'elle est particulièrement épineuse : la direction de thèses. Ici, je propose de discuter un tout petit aspect de cette charge.

Mais commençons par dire tout d'abord, et très énergiquement, que les doctorants ne sont pas étudiants, mais de jeunes scientifiques. Même si la thèse d'état ancienne, qui pouvait durer jusqu'à 15 ans, a été remodelée, réduite à trois seulement, il n'en reste pas moins que, de façon tout à fait réglementaire, les doctorants sont de jeunes scientifiques. Bien sûr, ils ont le droit d'étudier, comme n'importe qui, fut-il Michel Eugène Chevreul, président de l'Académie des sciences, et plus que centenaire. Bien sûr, on leur accorde une carte d'étudiant afin de leur faciliter l'existence, eu égard à leur salaire parfois modeste. Mais ils ont les droits et les devoirs des scientifiques, parce que ce sont de jeunes scientifiques. Ils sont responsables de leur propre production, ce qui justifie que leur directeur de thèse, qui n'est, lui, pas responsable de cette production, puisse figurer dans le jury de thèse, sans être juge et partie. Le directeur de thèse est là pour encadrer la thèse, dès la définition du sujet, par les moyens qu'il donne, que ces moyens soient matériels ou intellectuels, par l'enthousiasme contagieux qu'il distribue…
Mais cette position de direction de thèse, un peu décrite par les écoles doctorales ou par le ministère, notamment dans des « contrats d'encadrement de thèse », que s'engagent à accepter le directeur de thèse et le doctorant, met les directeur de thèse dans dans une position qui doit être intelligente. Le directeur de thèse n'est donc pas responsable du travail effectué, mais il ne peut guère échapper à un engagement de contribuer à aider le doctorant, matériellement et intellectuellement. L'aide matérielle est en réalité la plus simple à fournir : au fond, il s'agit de trouver des équipements que l'on a souvent déjà dans le laboratoire, du temps expérimental, des espaces de laboratoire, de bureau, des financements pour les consommables.
Mais c'est ici la question du soutien intellectuel qui me préoccupe, et plus particulièrement l'exemple que le directeur de thèse est censé donner. Bien sûr, le directeur de thèse devra montrer combien les bonnes pratiques sont importantes, combien le recours à des méthodes officielles ou validées s'imposent, combien les validations sont essentielles. Mais il n'y a pas que le travail local qui compte, il y a aussi l'ouverture au monde. La vie scientifique, c'est aussi être capable de partager, de s'entraider, afin d'arriver plus efficacement à agrandir le territoire du connu. Là, le réseau est essentiel, et c'est évidemment une bonne pratique que de se constituer un grand répertoire d'amis, c'est-à-dire de personnes qui partagent la passion pour la recherche de la connaissance.
Le directeur de thèse doit donc faire sortir le doctorant du laboratoire. Ce dernier doit apprendre à questionner les experts, qu'ils le fassent par une recherche bibliographique ou en allant dans des conférences, mais au-delà de ces sorties très codifiées et assez rares, il y a aussi toutes les interactions, plus faciles, qui se font par téléphone, par whatsap, par skype… Les doctorants doivent apprendre à joindre un futur ami par ces divers moyens, et cela passe par des règles simples, telles que ne pas croire que l'on atteindre une personne si on l'appelle une fois seulement ; ne pas croire qu'un correspondant répondra à un email, alors que, surtout si c'est un bon expert, il est harcelé par des emails ; ne pas croire qu'un message sur un répondeur suffira à susciter un rappel, car les scientifiques chevronnées manquent de secondes. Les doctorants devront apprendre à laisser plusieurs message, à passer par des secrétariats...
Bref, le directeur doit enseigner aux doctorants à sortir du laboratoire. Beaucoup.
Cet effet centrifuge a un avantage immense, qui est de ne pas laisser le doctorant avec les connaissances insuffisantes du laboratoire où il fait sa recherche. Cette bonne pratique des directeurs de thèse permet aux doctorants de voir des techniques, des méthodes, des idées, des théories, qu'ils n'auraient pas vues en restant au laboratoire. Et puis, il y a l'intérêt de se constituer un réseau, de s'insérer socialement dans le milieu scientifique.
Mais il faut de la mesure, car un doctorant qui serait sans cesse sorti du laboratoire n'y serait donc pas, de sorte que son travail de recherche en pâtirait. Il y a donc un juste équilibre à trouver entre le confinement et la dispersion, et c'est une des missions importantes du directeur de thèse que d'être capables de jeter une regard bienveillant sur l'activité des doctorants pour leur faire reconnaître un éventuel déséquilibre de ce point de vue.
Évidemment cela impose que les directeurs de recherche soient eux mêmes capables d'analyser leur propre activité, mais… au fait, pourquoi les directeurs de thèse ne demanderaient-ils pas à des amis d'avoir un regards sur leur propre activité, afin de commenter cet équilibre ?

Les principes actifs ne sont pas tout !


Avec l'affaire du Levothyrox, je vois clairement qu'il y a une erreur à croire que les médicaments se réduisent à des principes actifs.






Commençons toutefois par ces derniers. Il est vrai que notre organisme regorge de « récepteurs », comme de petites serrures pour lesquelles il existe des molécules agissant comme des clés. Par exemple, nous avons la bouche, le palais, la langue faits de cellules, qui, pour certaines, portent à leur surface des récepteurs que peuvent « activer » les molécules de sucre, ce qui engendre l'émission d'un message vers le cerveau, qui reconnaît alors un goût sucré.

C'est aussi le cas des tissus de l'intérieur de l'organisme, vers lesquels le sang apportent des hormones, molécules circulantes qui ont une action biologique. Par exemple, le sucre est un « perturbateur endocrinien », puisqu'il conduit à des modifications des concentrations en cette hormone qu'est l'insuline.

Mais ne nous égarons pas, et revenons aux principes actifs de la pharmacie : ce sont donc des composés qui ont une action sur l'organisme. Et c'est la raison pour laquelle on en fait des médicaments. Hâtons-nous d'ajouter que ces composés bioactifs sont… bioactifs ! Ce ne sont pas des bonbons que l'on peut consommer négligemment, car s'ils ont une action bénéfique qui justifie qu'on les emploie, ils ont aussi des effets secondaires ! En effet, il est très courant qu'un composé qui a une action favorable en agissant sur un tissu (la thyroïde, par exemple) puisse avoir une action différente, éventuellement défavorable en agissant sur un autre tissu. Cela s'est vu avec une gravité particulière pour des composés antitumoraux, qui ont une action anti-proliférative, bénéfique donc, sur le tissu mammaire, mais qui ont une action néfaste sur les ovaires.

Bref, les médicaments ne sont pas des jouets, les principes actifs sont actifs. On doit les employer à bon escient, et il faut absolument des connaissances approfondies pour le faire. Réservons cela à des médecins bien formés, qui jugent non seulement de l'affection particulière que l'on veut traiter… mais aussi de tout l'état sanitaire des patients, car il peut y avoir des interactions médicamenteuses, d’autre part, et jusqu'à des  interactions avec l'alimentation !
Par exemple, le monoglutamate de sodium n'est pas dangereux pour quelqu'un en bonne santé, mais il interfère avec des médicaments tonicardiaques, supprimant leur effet. Par exemple le pamplemousse est connu pour interagir avec quelques médicaments. Il ne s'agit pas d'une réduction de leur efficacité, mais d'une augmentation de la fréquence et de la gravité de leurs effets indésirables.  Les médicaments concernés restent en nombre limité. Il s’agit notamment de certains médicaments contre le cholestérol, ou d’immunosuppresseurs, ou encore d'antiarythmiques, d'antidépresseurs, d'anticancéreux.

Et, pour terminer sur cette question des principes actifs, on ne doit pas s'étonner que la pharmacie cherche ses principes actifs dans les poisons ou venins : ce sont généralement des composés qui sont actifs… qui sont actifs. Et la dose fait tout ! Par exemple, alors qu'il serait très dangereux de consommer des infusions de digitale, où le composé nommé digitaline pourrait éventuellement être en très grande quantité, il devient plus sûr de prendre des médicaments à base de ce même composé nommé digitaline, la pharmacie ayant identifié les moyens de produire un médicament utile. Il y a une question de dose, donc, et les pharmaciens savent parfaitement, depuis très longtemps, que c'est la dose qui fait le poison.


D'où la question de la galénique

D'où la question de la « galénique », c'est-à-dire de la forme sous laquelle on administre un médicament. Bien sûr, il y a la qualité du « confort » qui est importante : c'est plus agréable de boire un verre d'eau pétillante et sucrée que d'avoir une injection par une seringue ! Mais la pharmacie ne choisit pas toujours. Et, notamment il faut considérer la dose de principe actif au cours du temps.
Souvenons-nous que la dose du principe actif ne doit pas dépasser un seuil, mais, d'autre part, nous voudrions ne pas être obligés de prendre des médicaments sans arrêt : la formulation doit arriver à ce tour de force de libérer le principe actif lentement, afin que, dégradé pendant qu'il est libéré, sa concentration dans l'organisme reste limité.  Mieux encore, les interactions des principes actifs avec les excipients sont toutes différentes, parce que les composés et les excipients ont des constitutions moléculaires variées. C'est donc très difficile que de bien formuler les médicaments, ce qui est l'activité nommé « galénique ».




La question des génériques

Et cela nous permet d'arriver maintenant à la question des médicaments génériques. Oui, après un certain nombre d'années, les brevets des principes actifs tombent dans le domaine public, et des sociétés peuvent produire les principes actifs éventuellement moins chers que les sociétés qui ont passé des décennies à découvrir ces principes actifs, et qui ont fixé le prix de vente initial en tenant compte du financement des recherches nécessaires. Mais ces sociétés qui fabriquent des génériques n'ont pas pour autant la formule galénique qui permet à ces principes actifs d'agir comme ils le doivent ! Or nous avons vu que cela est essentiel !

Il n'est donc pas étonnant que les génériques ne soient pas toujours égaux aux médicaments initiaux, et l'affaire du Lévothyrox, où il n'est pas question de générique, mais de changement de forme galénique, vient nous le rappeler.

N'oublions pas la galénique ! 


 

jeudi 14 septembre 2017

le 20 octobre, une journée en hommage à Bernard This

Et voici en figure l'annonce :

Le public aurait peur de manger : ah bon ?



On me signale que le public aurait peur de manger. De fait, la presse bruit de telles idées (fantasmes?), une partie d'entre elle ne cessant de répéter (litanie, parce que les faits sont trop peu avérés ?) que les aliments seraient contaminés ou que l'on aurait peur des aliments en raison des risques sanitaires qu'ils feraient courir

Progressivement je me suis équipé d'une sorte de petit radar qui me fait dépister rapidement les généralisations abusives. Dire que le public a peur de son alimentation, qu'est-ce à dire vraiment ? Tout le public ? Certainement pas ! Une partie du public ? Combien ? Quelle proportion ?
En réalité, il y a de la malhonnêteté, ou de la naïveté, ou de l'ignorance, ou de la désinvolture, ou de la légèreté, à publier que le public aurait peur de son alimentation. Quant à publier que les aliments seraient contaminés, voilà donc une deuxième généralisation. Quels aliments ? Et puis, que signifie « contaminés » ?

Avec nos outils d'analyse moderne, nous pouvons détecter quelques molécules de n'importe quel composé dans n'importe quel échantillon d'aliment venant de n'importe où sur le Globe. Ces aliments sont-ils « contaminés » pour autant ? Cette question va évidemment avec la question suivante : la teneur en composés toxiques que l'on dépiste est-elle plus ou moins grande que par le passé ? Et puis, tant qu'on y est, il faut quand même savoir que tous les composés sont toxiques à des degrés divers, raison pour laquelle il n'y a pas d'aliments sains, mais des alimentations saines, avec une règle simple qu'il faut manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément. Dans cette règle, il y a le « modéré » qui est tout, parce que c'est un adjectif, qui doit s'assortir immédiatement de la réponse à la question « Combien ? ».
Pour certains composés, telle l'eau, « modéré », cela signifie plusieurs kilogrammes. Pour d'autres composés, cela signifie bien moins, et, en général, on donne une indication de la toxicité avec un paramètre qui est le « DL50 », à savoir la dose à partir de laquelle la moitié d'un groupe de rats est tué. Cette dose s'exprime évidemment en masse par kilogramme de poids corporel, et plus les composés sont toxiques, plus cette valeur est faible. Ce qui est intéressant, c'est que des composés très toxiques, telle l'amanitoïdine des amanites phalloïdes, sont présents dans des aliments que nous jugeons admissibles, telle la girolle pour le composé précédemment nommé.


On voit donc que le « modéré » est quelque chose d'essentiel, mais on voit surtout que ce genre de discussions n'apparaît que très rarement dans les informations publiées. D'ailleurs, une partie (la mauvaise, évidemment) de la presse a souvent un bel aveuglement quand il s'agit de toxicité des aliments. Par exemple, pour la récente affaire des œufs, beaucoup de journalistes ont oublié de signaler qu'il s’agissait d'une question touchant principalement les œufs bio. Pourquoi cet oubli ? Parce que cela n'aurait pas été dans le sens du poil des lecteurs ? Je n'oublie pas que la presse doit vendre ses publications. Dans cette affaire, on a oublié de parler des risques réels, auquel cas on aurait pas dit grand chose, vu qu'on était bien au-dessous des seuils de toxicité, surtout quand les œufs entraient dans des produits transformés.
Mais mes amis auront observé que je ne parle pas de « la presse », mais d'une « partie de la presse » : on n'oubliera pas que s’il y a des journalistes sans vergogne, qui n'hésitent pas à vendre de la peur, au point que les instances professionnelles savent bien que la peur se vend mieux, ce qui est même enseigné dans les écoles de journalisme, il y a aussi des journalistes responsables, droits, intelligents. Ce qui pose la question à la fois de la confiance à accorder à des informations diffusées publiquement, et de la réglementation éventuelle de la diffusion des informations. Il n'y a pas aujourd'hui de permis de publier comme il y a des permis de conduire. N'importe qui peut dire ou écrire n'importe quoi, au nom de la sacro-sainte liberté de la presse. Cette même presse qui voudrait de la régulation sur les aliments refuse évidemment d'en avoir pour elle-même. Deux poids deux mesures.

Faut-il se faire du sang d'encre à propos de tout cela ? Je ne crois pas, car, d'une part, les enquêtes récentes montrent que le politique et la presse ne sont pas crus. Il y a seulement des langues et des plumes qui s'agitent, souvent en vue de gagner du pouvoir dans un cas, de vendre dans l'autre. Mais, d'autre part, il y a aussi le fait que le public, c'est-à-dire nous tous, ne cessons de boire (de l'alcool), de fumer, de manger des viandes (mal) cuites au barbecue, de manger du chocolat (gras plus sucre), de faire des excès, de faire insuffisamment d'exercice…
Le mieux que j'ai vu, de ce point de vue, c'est peut-être des connaissances qui fumaient des cigarettes bio ! Je n'ai jamais réussi à savoir si ces personnes étaient imbéciles, incultes ou malhonnêtes. Oui, malhonnête, car se donner des raisons pour justifier un comportement personnel que l'on sait mauvais est une forme de malhonnêteté. Mais je penche plutôt pour l'inculture, car je sais aujourd'hui que les mots « molécules », « composés », « toxicité », n'ont aucun sens, sauf inventé pour certains, de sorte que le maniement de ces mots par ces personnes est seulement une ignorance, ignorance qui conduit ces personnes à mettre sur le même plan des discours complètement fallacieux et des informations justes. Nos pauvres amis sont bien démunis pour vivre dans ce grand monde.



Mais je m'en voudrais de terminer sur cette note pessimiste, et je veux dire que je vois aussi beaucoup d'enfants qui ont soif d'apprendre, de connaître, d'étudier... C'est à nous de permettre à ces enfants d'être mieux que leurs parents, du point de vue de la connaissance, mais aussi de la morale, du jugement, de la raison, de la culture…

Il y a beaucoup à faire, et c'est là une entreprise merveilleuse qui commence à la naissance et ne s'achève jamais. Nos systèmes culturels doivent sans relâche accompagner nos amis à tous les stades de leur vie.


mardi 12 septembre 2017

Oeufs contaminés, par ma collègue Brugère-Picoux

Je suis heureux de soumettre à mes amis ce texte qui émane de Jeanne Brugère-Picoux :

"Œufs contaminés par du fipronil : une fraude scandaleuse mais sans risque
avéré pour le consommateur
 

L’annonce d’une contamination des œufs par le fipronil a beaucoup surpris la filière avicole puisque l’utilisation de ce produit était interdite sur tout animal (ou ses produits) pouvant être destiné à une consommation humaine. 

Le fipronil est utilisé couramment comme insecticide chez les animaux de compagnie mais aussi comme produit biocide destiné à lutter contre les fourmis ou les cafards. L’utilisation frauduleuse de cet antiparasitaire était d’autant plus scandaleuse qu’il concernait un produit «bio» à base de plantes destiné à lutter contre les poux rouges dans les élevages de poules pondeuses ! Ainsi, contrairement aux affirmations de quelques écologistes ou organisations de protection animale, les élevages biologiques n’étaient pas les plus protégés par cette fraude.
 

Chronologie d’une fraude scandaleuse

La contamination des œufs néerlandais et belges daterait de novembre 2016 selon le ministre belge de l’agriculture Denis Ducarme. Cependant la première
notification de résultats non conformes pour le fipronil (taux de résidu dépassant la limite maximale de résidu ou LMR fixée en Europe à 0,005 mg/kg) date du 2 juin  2017 en Belgique. L’alerte avait été donnée à la suite d’un autocontrôle réalisé par une casserie à  l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca),  l’équivalent belge de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en France. Ces œufs provenaient d'une  exploitation de poules pondeuses en Belgique. Cette détection fortuite conduit  l’Afsca à bloquer la production de l’exploitation en cause dès le lendemain et la  saisie des ovoproduits provenant de l’élevage, puis à leur destruction mi-juin. 

Très rapidement un traitement contre les poux rouges avec le «Dega-16» est suspecté, ce produit néerlandais, à base de menthol et d’eucalyptus, étant distribué par la société «ChickFriend» dont les deux fondateurs font maintenant l'objet d'une enquête criminelle. Jusqu’à la fin du mois de juillet, les contrôles effectués en Belgique confirment la présence du fipronil dans les œufs sans que pour autant les autres pays européens en soient officiellement informés.
C’est seulement à partir du 4 août 2017 que le scandale est connu de tous avec
l’annonce de millions d’œufs retirés des rayons dans les supermarchés néerlandais  et allemands. Le syndicat néerlandais des éleveurs de volailles compte alors
«plusieurs millions d’euros de pertes». Progressivement, la traçabilité des
ovoproduits permet de découvrir l’extension de la contamination dans  17 autres  pays européens, dont la France ainsi qu’à Hong Kong. Plusieurs élevages  néerlandais sont bloqués, les œufs sont détruits ainsi que les poules pondeuses.
En France, on a découvert progressivement que plusieurs établissements étaient  concernés par des importations néerlandaises. Au 24 août 2017, on a pu ainsi  identifier 14 établissements de transformation d’œufs ou d’ovoproduits, 2  centres de conditionnement d’œufs et 40 grossistes et les premières analyses réalisées ont permis de retrouver des produits contaminés (cf. encart ci-joint). Près de 45 tonnes d’ovoproduits pouvant être contaminés ont été ainsi importés en France. Des œufs en coquille contaminés ont été aussi importés. Il s’agissait de 196 000 œufs en provenance de Belgique qui ont été mis sur le marché entre le 16 avril et le 2 mai equi ont été consommés. Un deuxième lot (environ 48000 œufs), venant des Pays-Bas, portant le code 0 NL4365101(il s’agissait donc d’œufs «bio »), ont été mis envente entre le 19 et le 28 juillet chez LEADER PRICE qui a procédé au retrait des œufs encore en rayon dès qu’il a eu connaissance d’un risque de contamination (Paradoxalement, on peut remarquer que les œufs «bio» vendus par ce distributeuravaient été classés premiers au test réalisé par le journal «Que Choisir» paru le 28 août 2017, l’un des critères du test étant l’absence de contaminants comme la dioxine  ou des produits vétérinaires sans spécifier lesquels).
 

Le fipronil est «modérément  toxique»

Dès 2004, le fipronil utilisé pour l’enrobage des semis (sous le nom de REGENT)  avait été suspecté d’être responsable d’une hausse de mortalité chez les abeilles  françaises. Il fut alors interdit en France mais les rapports ultérieurs (dont celui de l’EFSA, l’agence européenne de sécurité alimentaire en 2013) n’ont jamais pu  démontrer formellement cette toxicité pour les abeilles. Mais la controverse existe et il a fallu attendre 2014 pour que cette interdiction concerne aussi les autres pays européens pour plusieurs produits végétaux destinés à l’alimentation animale ou  attractifs pour les abeilles.
En grande quantité, le fipronil est considéré comme «modérément toxique» pour  l’Homme par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’Anses l’a confirmé  dans son rapport du 10 août 2017.
Les cas d’intoxication connus chez l’Homme (d’origine accidentelle ou volontaire) n’ont pas permis d’observer les effets neurotoxiques signalés chez les animaux de laboratoire lors des essais de toxicité ou une mortalité mais tout au plus des troubles digestifs de gravité moyenne.
En tenant compte de la dose de fipronil la plus importante ayant été détectée dans un œuf contaminé (soit 1,2 mg/kg), l’Anses a calculé combien d’œufs pouvaient être  consommés par jour pour que l’exposition reste inférieure à la dose de référence aiguë (ou acute reference dose, ARfD). Il s’agit d’un œuf ou de 10 œufs par jour  pour un enfant ou un adulte respectivement. Ces doses peuvent être multipliées par 10 puisque des doses équivalentes à 10 ARfD n’ont pas permis d’observer un effet chez l’Homme, y compris chez l’enfant (soit, par exemple, près de 100 œufs fortement contaminés pour un adulte par jour). En ce qui concerne la viande, la concentration maximale retrouvée dans le muscle des poules a été de 0,175 mg/kg de muscle soit une consommation journalière de plusieurs kilogrammes de viande pour dépasser l’ARfD.
En ce qui concerne le risque lié à un effet cumulatif, il n’existe pas de données
permettant d’évoquer un tel risque pour les produits ayant été mis sur le marché en France. D’ailleurs, les analyses en cours sur tous les produits suspects d’avoir été contaminés et leur saisie si les traces de fipronil dépassent la LMR permettront de rassurer le consommateur.
Si le consommateur peut regretter que l’on n’ait pas eu  immédiatement la liste de ces produits suspects, on peut aussi parfaitement  comprendre que le Ministère de l’agriculture attende les résultats des analyses pour  fournir cette liste ne concernant que les produits où la LMR est dépassée pour les  retirer définitivement du marché, puisqu’il s’agit d’une fraude et non d’un risque
d’intoxication.
Seules les enquêtes en cours des circuits commerciaux des œufs et des ovoproduits, voire du produit «bio»frauduleux pourront démontrer l’importance de cette contamination en Europe et peut-être dans d’autres pays puis Hong Kong a été également touché. Il faut surtout espérer que la fraude n’aura eu lieu que dans la société néerlandaise ChickFriend incriminée et que le fipronil n’aura pas été utilisé dans d’autres circuits destinés à lutter contre les poux rouges, ectoparasites hématophages tant redoutés dans les élevages de pondeuses ou que d’autres produits interdits auront été utilisés. Cette dernière question se pose d’autant plus que la société ChickFriend est aussi incriminée depuis le 24 août 2017 pour avoir aussi distribué illégalement un autre produit comportant un insecticide, l’amitraze interdit dans les élevages de volailles, même pendant le vide sanitaire des bâtiments. Les enquêtes en cours permettront de connaître l’importance de ce  nouveau risque de contamination dans les élevages avicoles en France.
En conclusion, ce problème des œufs contaminés au fipronil est un problème
essentiellement économique et non sanitaire pour la filière œuf et pour l’Europe et  on ne connaît pas encore les conséquences économiques et judiciaires de ce
scandale. Cela n’est pas sans nous rappeler la contamination frauduleuse des
aliments destinés aux volailles par de la dioxine en Belgique il y a plusieurs années.
A l’époque le consommateur refusait de manger du poulet alors que la filière dinde, non boycottée, avait reçu les mêmes aliments contaminés...
 

Fipronil : liste des produits retirés de la vente en France 

(http://agriculture.gouv.fr/fipronil-liste-des-produits-retires-de-la-vente-en-france
consulté le 28 août 2017)


Conformément à ses engagements, le ministère de l’Agriculture a publié une
première liste des produits commercialisés en France où des œufs contaminés ont  été utilisés. Il s’agit de produits d’origine belge ou néerlandaise détectés soit dans  le cadre d’un autocontrôle réalisé par les professionnels ayant reçu des œufs ou des  ovoproduits suspects, soit dans le cadre d’un plan national de contrôles officiels
conduit par les services d’inspection des directions départementales en charge de la  protection des populations. Ces produits ont été retirés du marché puisqu’il s’agit  d’une fraude mais sans danger pour le consommateur. Ces produits n’ont pas été
rappelés car aucun n’a présenté une concentration de fibronil supérieure à la dose  de référence aiguë (ARfD). Le ministère préviendra par un communiqué de presse  si un dépassement de l’ARfD est observé.
La première liste publiée le 18 août correspondait à des gaufres fabriquées aux
Pays-Bas (17 produits). Cette liste a été complétée le 24 août. Elle comportait des aliments préparés avec des ovoproduits néerlandais pour la fabrication de pâtes en  France mais aussi des produits d’origine belge : frangipane, muffins, brownies, pommes dauphines.
Une enquête est également en cours dans les élevages pour s’assurer de l’absence d’usage du fipronil en France.


Notes : 
European Food Safety Authority, 2014. Reasoned opinion on the modification of maximum  residue levels (MRLs) for fipronil following the withdrawal of the authorised uses on kale and head cabbage. EFSA Journal 2014;12(1):3543, 37 
pp. doi:10.2903/j.efsa.2014.3543

Cette  ARfD est la quantité maximale de substance active, exprimée en mg/kg poids  corporel/jour, qui peut être ingérée par le consommateur pendant une courte période, c'est à dire  au cours d'un repas ou d'une journée, dans la nourriture ou l'eau de boisson, sans effet néfaste  pour sa santé
 

 La LMR pour le fipronil a été déterminée pour aussi prévenir les risques induits par la  consommation chronique de cette substance.
 

 A la différence du fipronil, l’emploi de l’amitraze est autorisé dans certains élevages d’animaux de production comme, par exemple, les bovins.