samedi 26 août 2017

Des bonnes pratiques : utiliser des méthodes officielles.


Pour exposer l'idée contenue dans le titre de ce billet, je propose de partir d'un épisode récent de notre laboratoire. Nous devions doser le dioxyde de soufre dans des vins diversement traités. Une étude bibliographique extrêmement rapide avait montré qu'une méthode, nommée méthode de Ripper, était communément employée, et il m'avait semblé, vu la simplicité du travail proposé, que ces dosages pourraient faire l'objet de stages d'étudiants. Le bilan ? Il y a eu quatre étudiants venus au laboratoire pour des périodes comprises entre un et deux mois, mais je suis désolé d'observer que le résultat total était nul.
Je ne me plains pas des étudiants, à qui je ne demande pas de produire des résultats, mais seulement d'apprendre. Or ils ont beaucoup appris, si j'en juge la liste des connaissances et des compétences qu'ils ont adjointes à leur rapport de stage, lequel a fait surtout état de travaux exploratoires. En revanche, il était intéressant d'observer que, pour des raisons que je dois encore analyser, ils s'étaient arrêtés, dans leur recherche bibliographique, à des « travaux pratiques », parfois universitaires, de qualité très variable. Or un vrai dosage, ce n'est pas une séance de travaux pratiques : les réactifs sont à préparer soi-même, dans toute leur complexité, et, surtout, les méthodes utilisées doivent être officielles et validées !

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Ayant moi-même fait, après eux, une véritable recherche bibliographique, dépassant notamment les feuilles de travaux pratiques que l'on trouve dans les premières pages de Google (en français), je suis finalement arrivé, en passant par Google scholar et en cherchant en anglais, à des publications qui effectuaient ce type de dosages, et qui m'ont conduit très rapidement à des méthodes officielles. Il y en avait en français et en anglais, soit par l'AOAC (l'association américaine des chimistes analyticiens), pour les États-Unis, soit par l'OIV, l'Office international de la vigne et du vin. Dans les deux cas, les documents sont en anglais, et ils présentent des méthodes validées.
Validées : cela a imposé des études méthodologiques longues, inter-laboratoires, qui ont conduit à des protocoles finalement assez simples, et très bien documentés, qu'il s'agissait de mettre en œuvre. On observe que ces méthodes validées sont l’équivalent des méthodes de bonne pratique des société savantes médicales. Quand un médecin prescrit un médicament, il n'a pas à inventer n'importe quel traitement, mais doit se conformer  à des règles professionnelles qui stipulent quel médicament doit être utilisé dans quelles conditions, et pour quelles affections. C'est à la fois une aide et un confort. Une aide, car cela signifie qu'un groupe de collègues s'est réuni pour produire un résultat synthétique, qui est validé, efficace. Un confort, parce que s'il y a le moindre accident, en raison d'un effet secondaire, d'une sensibilité particulière d'un patient, etc., alors le praticien est couvert devant la loi, ayant suivi la bonne pratique préconisée par la société savante. C'est sur elle que pèse la responsabilité de la proposition thérapeutique, parce que le praticien, suivant les bonnes pratiques, a fait du mieux que pouvait la pratique médicale, avec les connaissances du jour. On le voit, la charge est donc essentiellement sur la communauté professionnelle, laquelle doit sans cesse surveiller les progrès des connaissances pour produire les meilleures règles possibles.
Pour en revenir à notre dosage, il y avait donc des méthodes officielles, et il était hors de question de se raccrocher à n'importe quelle séance de travaux pratiques affichée par n'importe qui sur internet. Ayant finalement à faire des dosages moi-même, j'ai donc utilisé une méthode officielle, et, à l'usage, je me suis aperçu qu'il y avait beaucoup d'intelligence dans la méthode proposée. Par exemple, contrairement aux protocoles des travaux pratiques que nos étudiants avaient dégoté, il était proposé d'ajouter du chlorure de sodium à une solution d'amidon qui était utilisée pour produire un changement de couleur. Pourquoi ce chlorure de sodium ? Parce que sa présence évite la « rétrogradation de l'amylose, qui aurait prévenu la réaction avec le di-iode éventuel. Evidemment le protocole officiel proposait de chauffer l'amidon, car, ce qu’ignoraient nos jeunes amis qui n’avaient pas assez creusé leurs recherches bibliograhiques, l’amidon se trouve sous la forme de grains insolubles dans l'eau, et il faut chauffer pour que l'amylose soit libéré et qu'il puisse ensuite réagir efficacement avec le di-iode.
Et d'ailleurs, pourquoi le di-iode teinte-t-il l'amidon en bleu ou en noir ? Là, il y a évidemment lieu de s'interroger et de faire des recherches bibliographiques complémentaires, car cela semble une règle absolue de la science que de ne pas supporter de faire quelque chose qu'on ne comprend pas. J'aurais mauvais grâce à critiquer les étudiants qui sont venus en stage dans notre laboratoire de ne pas avoir fait cette recherche, car je me souviens avoir été membre d'un jury de recrutement de maître de conférence en chimie des sucres dans une grande université parisienne, et, ayant posé cette question du changement de couleur de l'amidon avec le di-iode, je n'avais  reçu aucune  réponse d'aucun des candidats (à vrai dire, ce n'est pas exact : il y a eu un candidat qui a répondu n'importe quoi avec aplomb, espérant me bluffer, alors que j'ai la réponse depuis longtemps ; inutile de dire que j'ai renvoyé publiquement ce malhonnête dans ses seize mètres).
A propos de la solution de di-iode, il y avait cet autre petit mystère, que l'on dissout le di-iode dans une solution d'iodure de potassium. Le niveau zéro de l'étudiant, c'est de ne pas chercher à savoir pourquoi on utilise cet iodure de potassium et de ne pas l'utiliser. Le niveau supérieur, c'est de ne pas poser la question, mais d'utiliser l'iodure de potassium prescrit. Mais on peut viser mieux, et se poser la question. Ou, encore mieux : se poser la question, réfléchir et calculer, avant de confronter son résultat à une étude bibliographique. On trouve finalement que le di-iode n'est pas soluble dans l'eau, et c'est par la formation d'un fait de trois atomes d'iode qu'il peut se solubiliser, ce qui impose la présence d'ions iodure. Quel bonheur que de découvrir toutes ces particularités des transformations moléculaires !
Et puis, il y a une foule de détails, telle la concentration particulière de di-iode qu'il faut utiliser. Pourquoi cette concentration particulière ? A l'usage, il est apparu qu’une solution dix fois plus diluée montrait moins les changements de couleur que l'on visait, alors qu'une solution plus concentrée faisait perdre en sensibilité. J'en passe, parce qu'i y aune foule de détails expérimentaux, qui avaient fait en réalité l'objet de discussions préalables, par les sociétés savants, qui avaient abouti à un protocole validé. Il y a donc lieu de commencer par des protocoles validés avant de tester tout et n'importe quoi pour n'arriver à rien.

vendredi 25 août 2017

Les réponses du jour

Aujourd'hui, il a fallu répondre en anglais... mais je sais que Google translate ou autres font de bonnes traductions.


Bref, voici :



# About molecular gastronomy
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# Today, questions that deserve an answer :
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# I'm a science student from Barcelona and I'm working on a project that consists on discover which parameters are involved in the development of a sferification. The problem is that although I have seen all of your blogs and interviews about molecular cuisine and molecular gastronomy I have some questions that I would like to ask you.
#
# Firstly, I would like to know the differences between the science of ingredients and the science of culinary processes because even after searching information on the Net it is not clear to me at all.
# Secondly, I wish you could tell me more about the history (origin) about molecular cuisine and its name.
# Thirdly, I want to know your response about what is/are the reasons why you and Mr. Kurtis created a science called molecular gastronomy and why do you think people would have to increase their interest, in particular, on science investigations like yours?. What are the reasons why you are motivated on following your studies about molecular gastronomy?.
# Finally, what councils do you have for a future scientist?
#
# I know you probably are a very busy person but it would be so magnificent to receive an answer of someone of renown as you.
#
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# Yes, such a message deserves an long answer... and it's also a way of being clearer.
# I take the various points one by one :
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# 1. spherification: indeed, when it is recognized that this is simply jeffication, then it is easier to study... and there are many scientific articles about that, the most interesting being those where the jefficication is even triggered by a monovalent ion such as sodium, whereas the simplistic theory says that divalent calcium ions have to make bridges with alginate molecules.
#
# 2.  the differences between the science of ingredients and the science of culinary processes ? Simply read carefully what is written.
# On one hand, the science of food ingredients is the investigation of all plant and animal tissues (primarily) that are used as food ingredients. For example, how much  beta caroten is there in the various parts of the roots of Dauca carota L.? Or how many different compounds of the family of betalains are there (there was a very good recent paper about that) ? Etc.
# On the other hand, the science of culinary processes is... the science and culinary processes : here, one focuses on culinary processes, and the details of food ingredients have (almost) no importance. By the way, one should be very clear about the word "science", because there is so much confusion about science and technology. Sciences of nature, such as molecular gastronomy, are sciences, which means that the question is to look for the mechanisms of phenomena : why does a steak turns brown when grilled? why does a soufflé expand? why is water trapped in a gel? The goal is to produce knowledge, and the method is :
# - identify a phenomenon
# - characterize it
# - group the data into laws (equations)
# - look for mechanisms quantitatively compatible with the laws in order to produce a theory
# - try to refute the theory by looking for theoretical deductions from the theory, and make experiments for testing such deductions.
# On the other hand, the technology question is different: you use some scientific knowledge in order to improve processes.
# And here is an (apparent) paradox and the source of much confusion (by weak minds): even if molecular gastronomy is focused on phenomena occurring during culinary processes, it is a scientific activity, and not technology. Of course, there are many innovations flowing from the understanding of culinary processes, and from molecular gastronomy, but science is science, and technology is technology (sometimes called engineering).
#
# 3. the history about molecular cuisine ?
# First let's observe that you speak of "molecular cuisine", and not "molecular cooking", and not of molecular gastronomy
# - molecular gastronomy is a scientific activity, introduced in 1988 (the name, because the activity began earlier)
# - molecular cooking is defined as a modern way of cooking, technically speaking: I promoted it with no name since 1980, and I gave the name in 1999 only, because of much confusion about what chefs do and what scientists do. More precisely, I invented this name in front of a French TV, at a meeting in Paris with the Innicon project, where chefs from Europe where coming to get some technology results (the würtz, the geoffroy, etc. taught to Heston Blumenthal, Alberto Adria, and others). Later, I proposed a difference between molecular cooking (the technique) and molecular cuisine (the style based on the introduction of new techniques)
#
# 4. why Nicholas and I created the scientific discipline that we called molecular gastronomyl? Because we are scientists ! Indeed, the goal of science is to make discoveries, by studying phenomena... and we were sure that because nobody was interested in cooking, at that time, there were many phenomena that were not studied, hence the possibility of make many discoveries !


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#
# 5. why the interest in food increased? There are probably many reasons, but certainly the fact that well being increased in many countries contributed: instead of having barely enough food, people had enough, and could improve. Moreover, science is a key element for innovation, as I teach to the Erasmus Mundus Plus master students of our program "Food Innovation and Product Design"
#
# 6. why I am daily -all days of the year- at the lab, doing scientific research? Because science is the great pride of the human mind! Because it is fascinating to observe that "the word is written in mathematical language"! Because knowledge is a way to promote tolerance, international cooperation.  Because science goes along with education: one school more, one prison less!
#
# 7. which advices for a future scientists? Maths, maths, and maths! Epistemology, and focusing. Someone who knows is someone who learned. We need seconds for learning so many things, methods, values, information, notions, concepts!
# Ars longa,
# vita brevis,
# occasio praeceps,
# experimentum periculosum,
# iudicium difficile


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# But this quotation is not positive enough, and I prefer publishing here my own list:
#
# Quelques idées pour aider à se supporter quand on se voit dans un miroir
#
# Mer isch was mer mocht
# Hervé This, adapté d'un proverbe alsacien
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# IL FAUT S’AMUSER A FAIRE DES CHOSES PASSIONNANTES
# H. This
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# Nous sommes ce que nous faisons : quel est ton agenda ?
# H. This
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# Une colonne vertébrale !
# H. This
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# Tout fait d'expérience gagne à être considéré comme l'émanation de généralités que nous devons inventer (abstraire et généraliser)
# H. This
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# Quels sont les mécanismes ?
# La science en général
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# Les mathématiques nous sauvent toujours : « que nul ne séjourne ici s’il n’est
# géomètre »
# Platon
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# Ne pas oublier de donner du bonheur.
# H. This
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# Tu fais quelque chose ? Quelle est ta méthode ? Fais le, et, en plus, fais-en la théorisation.
# H. This
#
# Surtout ne pas manquer le moindre symptôme
# H. This
#
# Je ne sais pas, mais je cherche !
# H. This
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# De quoi s’agit-il ?
# Henri Cartier-Bresson
#
# Puisque tout est toujours perfectible, que vais-je améliorer aujourd’hui ?
# H. This
#
# « Dois-je croire au probable ? ».
# H. This ?
# A rapprocher de :« En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité ».
# Abélard
# Et de :
# "Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir".
# Poincaré
#
# Combien ?
# La science en général
#
# D’r Schaffe het sussi Wurzel un Frucht
# Proverbe alsacien
#
# Ni dieu ni maître
# La devise des anarchistes
#
# Tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait
# ?
# La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets !
# Jean Claude Risset
#
# Se mettre un pas en arrière de soi même?
#
# Le summum de l’intelligence, c’est la bonté
# (et la droiture)
# Jorge Borgès
#
# Regarder avec les yeux de l’esprit
# H. This
#
# Vérifier ce que l’on nous dit
# Ne pas généraliser hâtivement
# Ayez des collaborations
# Y penser toujours
# Entretenez des correspondances
# Avoir toujours sur vous un calepin pour noter les idées
#
# Ne pas participer à des controverses
# Michael Faraday et Isaac Watts
#
# Penser avec humour des sujets sérieux (un sourire de la pensée)
# H. This
#
# « Comme chimiste, je passai cette oeuvre à la cornue ; il n'en resta que ceci : »
# ; se dissoudre dans, infuser, macérer, décoction, cristalliser, distiller, sublimer, purifier, alambiquer
# Jean-Anthelme Brillat-Savarin
#
# « Et c’est ainsi que la chimie est belle »
# H. This d’après Alexandre Vialatte
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# Morgen Stund het Gold a Mund
# Proverbe alsacien
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# Y penser toujours
# Louis Pasteur
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# Ne pas confondre les faits et les interprétations
# Elémentaire
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# Quand les lois sont mauvaises, il faut les changer
# H. This
#
# Ne pas faire de lois qui punissent les bons élèves, et ne pas faire des lois pour punir les mauvais si on ne les applique pas.
# Un conseil de H. This aux prétentieux qui font des lois
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# Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant
# Cicéron
#
# Dieu vomit les tièdes
# La Bible
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# Il n’est pas vrai que « La tête guide la main », ce qui est prétendu par une
# poutre du Musée du compagnonnage, à Tours : la tête et la main sont
# indissociables
# H. This
#
# Les calculs !!!!
# Tous les scientifiques dignes de ce nom
#
# Tout changer à chaque instant (vers du mieux !)
# H. This
#
# Chercher des cercles vertueux
# H. This
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# Comme le poète, le chimiste et le physicien doivent maîtriser les métaphores
# H. This
#
# Le moi est haïssable
# Blaise Pascal
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# Quels mécanismes ?
# La science en général
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# N’oublions pas que nos études (scientifiques) doivent être JOVIALES
# Hervé This
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# L’enthousiasme est une maladie qui se gagne
# Voltaire
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# Clarifions (Mehr Licht)
# Goethe
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# Tu viens avec une question, mais quelle est la réponse (utilise la méthode du soliloque)
# H. This
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# Pardon, je suis insuffisant, mais je me soigne
# H. This
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# Comment faire d’un petit mal un grand bien ?
# H. This
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# Le diable est caché derrière chaque geste expérimental, et derrière chaque calcul
# H. This
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# Les questions sont des promesses de réponse (faut-il tenir ces promesses). Vive les questions étincelles
# H. This
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# La méditation est si douce et l’expérience si fatigante que je ne suis point étonné que celui qui pense soit rarement celui qui expérimente
# Diderot
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# Comment pourrais-je gouverner autruy, moi qui ne me gouverne pas moi- même
# François Rabelais
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# Prouvons le mouvement en marchant !
# Hervé This
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# Comment passer du bon au très bon ? Comment donner à nos travaux un supplément d’esprit ?
# Hervé This
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# Il faut des TABLEAUX : les cases vides sont une invitation à les remplir, donc à travailler!
# Hervé This
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# Quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris.
# Marcel Fétyzon
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# Il n'est pas nécessaire d'être lugubre pour être sérieux (le paraître n'est pas l'être).
# H. This
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# Si le résultat d'une expérience est ce que l'on attendait, on a fait une mesure. Sinon on a fait une découverte.
# Franck Westheimer
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# Il faut tendre avec efforts vers la perfection sans y prétendre.
# Michel-Eugène Chevreul
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# Tu vois une régularité du monde ? Il devient urgent de s'interroger sur sa cause.
# H. This
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# Une idée dans un tiroir n'est pas une idée
# H. This
#
#

jeudi 24 août 2017

Les enseignants des Hautes Etudes de la Gastronomie

Chers Amis
Dans la série des "grands enseignants" des Hautes Etudes du Goût, voici

Bruno Laurioux

Bruno Laurioux


Ancien élève de l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud, agrégé d’histoire, Bruno Laurioux a enseigné comme maître de conférences aux universités de Paris VIII, Vincennes – Saint-Denis puis Paris I, Panthéon-Sorbonne, avant d’être élu, en 2005, comme professeur d’histoire médiévale à l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. De 2004 à 2010, il a été chargé de conférences à l’École Pratique des Hautes Études, section des sciences philologiques et historiques. De 2006 à 2010, il a occupé les fonctions de directeur scientifique adjoint puis de directeur scientifique au département des sciences humaines et sociales du CNRS.



Bruno Laurioux est aujourd'hui professeur d'histoire du Moyen Âge et d'histoire de l'alimentation à l'Université François-Rabelais de Tours.



Il est également président de l'Institut Européen d'Histoire et des Cultures de l'Alimentation (IEHCA).


Bruno Laurioux a publié et dirigé de nombreux travaux de recherche qui font de lui l'un des grands spécialistes de l'alimentation au Moyen Âge.


Liste complète ici: http://lea.univ-tours.fr/membres/publications-de-bruno-laurioux-1-3-519334.kjsp?RH=1345644849786

Une observation passionnante

On discute à l'infini des dangers de la chimie, et l'on confond souvent les dangers et les risques. Oui, l'acide sulfurique est dangereux, et il est vrai que cela peut faire des catastrophes quand on met de l'eau dedans (surtout, ne faites pas l'expérience !), tout comme il est vrai que cela fait des catastrophes quand on met de l'eau sur de l'huile bouillante enflammée (surtout, ne faites pas l'expérience !). Dans le premier cas, chimique, l'eau fait avec l'acide sulfurique concentré une réaction qui dégage beaucoup de chaleur, provoque une ébullition qui provoque des projections d'acide sulfurique concentré ; dans le second cas, culinaire, l'eau tombe au fond de la casserole, parce qu'elle est plus dense que l'huile, mais, chauffée par l'huile bouillante, elle s'évapore, et provoque une explosion qui projette de l'huile enflammée partout.
On pourrait multiplier les exemples, pour montrer que la question n'est pas le danger, mais le risque : courir avec un couteau la pointe en l'air, traverser la route, conduire un jour de grands départs, etc. Le danger est dans le moindre de nos actes, et il importe de minimiser les risques. Par exemple, je ne risque pas de me tuer à l'atterrissage si je ne fais pas d'ULM, et le risque de me noyer dans ma baignoire est moindre que si je suis en solitaire au milieu de l'Atlantique.
D'où les consignes de sécurité que l'on donne dans les laboratoires de chimie. Le port des blouses, des gants, des lunettes... Il y a tout un apprentissage... mais je sais que certains débutants voient mal l'intérêt de toutes ces contraintes. N'en fait-on pas un peu trop ?

Non ! 

Aujourd'hui, je viens de trouver, un peu par hasard, une merveilleuse démonstration de la nécessité de faire très attention, lors des expérimentations. Il s'agissait d'un classique  dosage du dioxyde de soufre par une solution de di-iode (je passe sur les détails expérimentaux) : dans une burette, il y avait donc la solution de di-diode, et les gouttes tombaient une à une dans un erlenmeyer (un flacon de forme conique, resserré sur le haut) où était le vin à doser. La burette était bien placée, le plus bas possible pour que les gouttes de solution de di-iode ne tombent pas de haut, et le vin à doser était agité le plus doucement possible par un agitateur magnétique.
Enfin, il faut que je signale que l'erlenmeyer était placé sur un papier blanc, conformément à la méthode officielle que j'utilisais, car cela permettait de mieux voir le changement de couleur, au moment (à la goutte près) où la solution de dosage de di-iode avait fini de consommer tout le dioxyde de soufre du fin.





En cours de dosage, alors, donc, que je manipulais avec beaucoup de précaution, j'ai soudain vu le papier blanc de teinter de noir en quatre endroits : quatre toutes petites taches de di-iode, alors que rien d'anormal n'était arrivé.

Oui, quatre petites taches, qui, grâce à la couleur de la solution de di-iode, m'ont montré que, malgré les précautions, il y a des projections, dans uner telle expérience.

En l'occurrence, il n'y a pas de risque, parce que je portais des gants, des lunettes et une blouse, et aussi parce que les réactifs utilisés n'étaient pas très dangereux, mais c'était surtout une mise en évidence : avec des produits bien plus dangereux, la possibilité de telles projections existe aussi, et, là, il faut absolument être protégé.

 J'y pense : et si, au lieu de faire la morale à nos étudiants, nous leur faisions répéter cette expérience, afin qu'ils voient d'eux-mêmes qu'il y a des projections ? Ainsi convaincus du bien-fondé des règles de sécurité, ils auraient certainement à coeur de les appliquer !

samedi 19 août 2017

Inédit

Souvent, la presse est marchande de peur : la pharmacie serait dangereuse, la médecine classique, les pesticides, les plastiques, les ondes, que sais-je ?

Mais là, c'est inédit : je vois une chaîne d'information qui relaye des mises en garde contre les marchands d'orviétan. Le chapeau de l'article est :

ÉTUDE SANTÉ - Les patients qui choisissent de recourir aux seuls remèdes alternatifs pour soigner des cancers fréquents ont jusqu'à cinq fois plus de risque de mourir que ceux qui optent pour des traitements classiques. Explications. 

Et le lien : http://www.lci.fr/sante/cancer-homeopathie-phytotherapie-naturopathie-attention-aux-medecines-alternatives-2061747.html

 Je ne résiste pas au plaisir de vous donner le premier paragraphe :


Le recours aux médecines alternatives, du type homéopathie, phytothérapie ou naturopathie, doit être surveillé. Les malades qui utilisent les seuls remèdes alternatifs pour soigner des cancers fréquents ont jusqu'à cinq fois plus de risque de mourir que ceux qui optent pour des traitements classiques, selon des chercheurs. Cette différence dans le risque de décès cinq ans après le diagnostic "a été la plus élevée pour le cancer du sein et du colon", a déclaré à l'AFP l'auteur principal de l'étude, Skyler Johnson de l'Université de Yale.

Et pour l'étude :

Use of Alternative Medicine for Cancer and Its Impact on Survival

JNCI: Journal of the National Cancer Institute, Volume 110, Issue 1, 1 January 2018, djx145, https://doi.org/10.1093/jnci/djx145



Champagne ! 

jeudi 17 août 2017

Aux Hautes Etudes du Goût : Pierre Combris

J'ai un peu de tard dans ma présentation des enseignants de l'Institut des Hautes Etudes du Goût, de la Gastronomie et des Arts de la Table. En revanche, c'est un grand plaisir de présenter mon collègue Pierre Combris :



Pierre Combris est économiste et directeur de recherche honoraire à l'INRA.


Il a dirigé, depuis 1996, le laboratoire de recherche sur la consommation qui étudie l'économie et les pratiques alimentaires ainsi que les mécanismes de choix des consommateurs.
Ses recherches personnelles ont porté sur l'évolution de la consommation alimentaire en France des années 1950 à nos jours et sur les infléchissements des préférences des consommateurs.


Il s'est également intéressé aux processus de choix en fonction des caractéristiques des aliments et de l'information dont dispose les consommateurs.


Il est membre du conseil d'administration de l'Institut Français pour la Nutrition et est expert auprès du Fonds Français pour l'Alimentation et la Santé.

mardi 8 août 2017

Bonnes pratique : être à la hauteur de ses dires

Au terme de cette série de billets inspirés par le Responsible Science de l'Académie américaine des sciences, je m'aperçois que je n'aimerais pas être du groupe qui a produit ce document : à ne voir que le crime, que la fange, la boue, on ne peut manquer de la voir partout.
Tiens, aujourd'hui, je trouve dans ce document :

Misrepresenting speculations as fact or releasing preliminary research results, especially in the public media, without providing sufficient data to allow peers to judge the validity of the results or to reproduce the experiments

Ce qui signifie en français : "Faire croire que des spéculations sont avérées, ou publier des résultats de recherche préliminaires, notamment dans les média à l'attention du public général, sans fournir assez de données aux pair pour que ceux-ci puissent juger de la validité des résultats ou reproduire les expériences". Cela dit, il est vrai que le désir d'être encensé conduit certains à des comportements étranges, et je ne peux manquer de me souvenir de notre deuxième colloques international de gastronomie moléculaire, où plusieurs des participants initiaux étaient devenus des vedettes... dont le comportement avait changé ; la présence de journalistes dans nos débats les conduisait à se comporter en vedettes, au lieu d'être en position de discuter de questions scientifiques. Ah, ce fatal ego ! Il fallut interdire la participation de la presse à partir des troisièmes rencontres. 

Mais levons le nez de la boue, et regardons le ciel, car il est bleu ! Oublions la publication pour le bonheur de la production scientifique, et, soudain, tout change : comment, alors, irions-nous trop vite à confondre des spéculations et des faits ? Nous savons bien que le diable est caché dans le moindre détail expérimental, dans le moindre calcul, et nous n'avons en réalité pas besoin des pairs pour évaluer nos travaux, puisque nous en sommes les premiers censeurs, les premiers rapporteurs. L'explorateur, dans la jungle, n'a pas besoin de public, pour savoir s'il avance ou non, et il sait que c'est à la sueur de la machette qu'il peut se frayer un chemin ; il sait combien de route il parcourt, et il sait que son cheminement est lent.

Oui, décidément, la vertu est sa propre récompense, et nos avancées scientifiques sont ce qu'elles sont : du pur bonheur quand nous faisons le travail soigneusement !